Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 27 novembre 2017

Migrants. Français. Solidarité

Ils ont fui la guerre et la misère
Ils sont d’ailleurs, mais ils sont ici, pour rester ici.

Au péril de leur vie, ils ont traversé des déserts.
De soif, de faim, ils ont souffert.
Et ils ont marché et encore marché,
Traqués, enfermés, refoulés, arnaqués.
Ils sont tombés, parfois, mais toujours se sont relevés
Car ils n’aspirent qu’à bien vivre, ici, dans la dignité.

Alors, ils n’ont pas hésité,
sur des coquilles de noix à être embarqués.
Et au péril de leur vie, certains ont sauvé leurs compagnons d’infortune, tombés en mer,
Ceux qui ne savaient pas nager
Et ces enfants qui, sous leurs yeux, se noyaient.

Ils ont traversé le désert et la mer
De faim, de soif, ils ont souffert
Ils sont venus du Soudan, du Tchad, d’Erythrée, de Guinée… et d’ailleurs
Et ils ont erré, ont été dispersés, se sont retrouvés
De l’Italie à Paris, de Calais à Paris
Et puis ils ont abouti, ici, à Echenoz-la-Méline et Navenne
Et toujours, ce qui les anime, cette soif de justice, de dignité et d’égalité
Les détermine à exiger le droit d’asile ici, pour rester ici.

Avec eux, nous ne supportons plus
L’Afrique sans fric, exploitée, pillée, ravagée
par le néo-colonialisme des prédateurs et manipulateurs,
ces sanguinaires, ces dictateurs qui sèment le désespoir et la misère.

Avec eux, nous ne supportons plus
Cette Europe forteresse qui veut les rejeter,
Ces gouvernants, ces marchands d’armes, ces marchands de la mort
Ces cyniques, ces oligarques qui, dans les paradis fiscaux, planquent l’or
Et répandent le ferment de la division et de l’inégalité.
                                                                       
Avec eux, nous voulons vivre dans l’égalité
Avec les mêmes droits pour tous, ici
Et l’extension de la démocratie réelle ici et ailleurs,
Démocratie débarrassée des financiers, ploutocrates, bancocrates et autres bureaucrates.

Ils ont traversé les déserts et la mer
Ils ont marché et encore marché
Ils sont parfois tombés et toujours se sont relevés
Avec nous tous, fils plus ou moins lointains de migrants,
Exilés d’hier et d’aujourd’hui
Nous sommes, avec eux, l’humanité de demain
De la xénophobie, du racisme, débarrassée,
Pour l’irrésistible montée de l’émancipation sociale.

Migrants, Français, Solidarité sociale


Gérard Deneux,
Président des Amis de l’émancipation Sociale,
Le 15 novembre 2017 



Pour un vrai droit d’asile en France et en Europe
En finir avec le règlement Dublin

Manifestation mercredi 29 novembre 2017
Place de la République à Vesoul (14h30)

à l’appel du Collectif d’Aide et de Soutien des Migrants 70



Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté
 vous invitent à une soirée-débat

Vendredi 1er décembre 2017 
 BELFORT -  Maison du Peuple (salle 327) à 20h
Alstom,
Dernière liquidation de l’industrie française ? 
Projection du documentaire
« Guerre fantôme, la vente d’Alstom à General Electric »
Suivie d’un débat en présence de
Alexandre Leraître – coréalisateur du film avec David Gendreau
Jean-Michel Quatrepoint – journaliste, auteur de « Alstom, scandale d’Etat »
Gérard Deneux – président des Amis de l’Emancipation Sociale
Baptiste Petitjean – directeur de la fondation Res Publica
avec le soutien de la CGT
  
On a assisté à l’absorption d’Alstom Energie par l’étatsunien General Electric suite, pour partie, aux pressions de la justice américaine. Les promesses de création de 1000 emplois n’ont pas été tenues. On a assisté à l’introduction de Bouygues au capital restant d’Alstom, le rapace français encaissant 1,8 milliard en dividendes, espère revendre aujourd’hui ses actions à hauteur de 4 milliards. Car le démantèlement continue : Siemens, majoritaire en capital, est en voie d’absorber entièrement Alstom Transport. Pillage du savoir-faire accumulé des travailleurs avant de possibles délocalisations. Processus de dépeçage de cet empire industriel français, c’est ce que nous décrivent Alexandre Leraître et  Jean-Michel Quatrepoint : un véritable scandale d’Etat dans lequel Sarkozy, Hollande puis Macron ont été plus ou moins complices. Venez en débattre. Alstom c’est notre affaire à tous. Mobilisons-nous.           Entrée gratuite - Contact AES/AMD : aesfc@orange.fr     03.84.30.35.73    

    

dimanche 5 novembre 2017

Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, les Créatures et France Nature Environnement 90, dans le cadre du festival Alimenterre
  vous invitent au ciné-débat

Mercredi 15 novembre 2017
à 20h30  au Bar Atteint, 25 rue de la Savoureuse à BELFORT

Hold up sur la banane
un film de François Cardona
suivi d’un débat

Fruit le plus consommé au monde (environ 900 milliards de bananes chaque année), la banane attise les convoitises des financiers au point où elle s’est transformée en fond de placement à très haut rendement. Si sa culture fait vivre des millions de personnes, les conditions de travail pratiquées sont proches de l’esclavage. La banane, un fruit sain recommandé par tous les diététiciens ? Sauf qu’elle est gavée aux pesticides toxiques. Que va privilégier le consommateur : banane dollar, banane française de Guadeloupe et de Martinique ou banane bio-équitable ?  Ce film enquête sur les coulisses d’une guerre commerciale impitoyable entre multinationales et ouvre le débat sur le commerce équitable.

               Accueil à partir de 19h. Il est possible de manger sur place à 19h15 (10€ à 12€),
réservation au Bar Atteint : 09.83.91.84.99. Le bar est ouvert toute la soirée.
Contact : aesfc@orange.fr     03.84.30.35.73   http://www.les-creatures.org/







Le trou noir


C’est le rôle de la crise financière
Les agents au service du bien monétaire
La misère des peuples, ils n’en ont rien à faire
Tous ces traités éphémères
C’est un poison populaire
C’est un venin pour la terre
Ce virus va nous coûter cher
C’est une crise meurtrière
Une tempête incendiaire
Qui fait fondre la pierre
C’est une culture de l’enfer
Ils nous aveuglent dans l’éphémère
Ils nous entraînent à ne rien faire
Ils travaillent à nous distraire
C’est une politique volontaire
Une organisation militaire
Ce sont des kamikazes suicidaires 

Hassen





Ci-dessous l'édito du n° 38 de PES

Le « sang impur », la gangrène et la colère

Le 23 octobre dernier, Al Sissi, le Pinochet égyptien, était reçu en grande pompe à l’Elysée avec toute sa cohorte de ministres affairistes. Vis-à-vis de ce despote en treillis qui a transformé le printemps arabe de ce pays en tombeau des droits de l’Homme, il n’était pas question pour le petit Jupiter de lui « donner des leçons, hors contexte ».

Sûr que la répression sanglante des Frères Musulmans, soutenus par les princes du Qatar mais honnis par les amis d’Al Sissi pétro-monarques d’Arabie Saoudite, a provoqué l’émergence de djihadistes-terroristes, confortant ainsi l’idée consensuelle qu’il faut abreuver les sables du Sinaï et du désert libyen du « sang impur ». Pas si sûr qu’il faille armer ce dictateur pour qu’il intervienne dans le chaos libyen, provoqué notamment par Sarko. Aider l’ex-kadhafiste, le colonel Haftar, contre son adversaire imposé par ladite communauté internationale, c’est ajouter la guerre à la guerre. Ce qui est certain, en revanche, pour l’industrie de la mort, c’est que plus il y a de guerres et de répressions, plus elle est prospère.

Et qu’importe ce « hors contexte », ces 14 000 tués lors des manifestations, ces 60 000 prisonniers politiques, syndicalistes, associatifs, journalistes, homosexuels. Qu’importe qu’ils soient torturés avant d’être condamnés à mort (500 peines prononcées, 81 exécutées). Ce n’est que du « sang impur » pour les gradés et les juges égyptiens ! Macron s’est réjoui de serrer les mains ensanglantées d’Al Sissi, lui assurant les moyens de massacrer et de tuer encore plus. C’est qu’il en va du rang de la France, 4ème exportateur d’armes dans le monde. Les promesses de livraisons doivent être tenues : 6 milliards d’euros de porte-hélicoptères, d’avions Rafale, de missiles et autres munitions, ça fait le bonheur de Dassault, Safran, Thales, Nexter… et des emplois : 200 000 salariés, plus que dans l’industrie automobile ! Jean-Yves Le Drian, l’excellent VRP socialo, est le symbole de la continuité assurée. De Balladur en passant par Chirac, Sarko, Hollande, avec Macron, la gangrène peut prospérer : commissions, rétro-commissions occultes et autres corruptions riment toujours avec le sang versé. Et qu’importe les alliés et ennemis d’hier et d’aujourd’hui. Des Exocet pour couler des navires anglais aux Malouines, livrés au dictateur argentin, les mêmes aux mains de Saddam Hussein contre les mollahs iraniens, toute l’armada guerrière pour l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, pour bombarder au Yémen civils, écoles et hôpitaux…

Qu’importe la colère des ONG des droits de l’Homme. Pour les cyniques qui nous gouvernent, ce ne sont là que glapissements « hors contexte ». Qu’importe ceux qui souffrent et croient encore aux promesses hollandaises puis macroniennes comme en Guyane (plan d’urgence de 1 milliard et assurance de 2 milliards supplémentaires  pour que la Guyane décolle), puisqu’ils ne comprennent rien à la « pensée complexe » : Macron ne peut pas être, « en même temps » le « père Noël » des soudards et celui des gueux.

Assurément, ces derniers doivent se « sortir d’une relation perverse » (sic) avec les sommets élyséens pour faire surgir par le bas des mouvements anti-guerre et de transformation sociale qui balaieront toutes ces putrides relations.    

GD  le 27.10.2017

Les expressions en italique et entre guillemets sont extraites des propos récents de Macron lors de la visite d’Al Sissi et en Guyane
 Catalogne : la crise !

Sur fond de défaisance de l’Europe néolibérale, avec sa spécificité historique particulière (Brexit, montée des nationalistes et de l’extrême droite), la volonté d’autonomie voire d’indépendance de la Catalogne fait partie de ce processus. Evidemment, bien des ambiguïtés et des contradictions persistent. En tout état de cause, le compromis entre la droite extrême et le Parti socialiste au sortir du franquisme est mis à l’épreuve depuis la crise de 2007-2008, l’occupation des places et l’émergence de Podemos en Espagne, cette « nation de nations ». Par ailleurs, les plus indépendantistes catalans sont majoritairement des néolibéraux. Toutefois, à l’évidence, ce mouvement autonomiste déstabilise l’Espagne et l’Union européenne. Reste aux forces progressistes de s’immiscer dans cette brèche. DP


Avertissement

L’objectif de cet article n’est pas de vous emmener dans les arcanes des tractations politiciennes en Catalogne et en Espagne concernant le référendum du 1er octobre dernier et de ses prolongements, mais de vous faire découvrir cette région à travers quelques rappels géographiques, historiques et culturels et de montrer que la Catalogne est une région réellement différente du reste de l’Espagne.
La volonté d’indépendance des Catalans est  loin d’être le désir des gens riches ne voulant pas payer pour les pauvres (comme le présentent souvent les médias). Ce sont des gens qui se sentent culturellement et économiquement opprimés par un Etat central.

Quelques rappels géographiques

La Catalogne est une province autonome d’Espagne, située au Nord-Est, qui représente en superficie les 2/3 de la Bourgogne-Franche-Comté, mais qui possède beaucoup plus d’atouts naturels que cette dernière : 500 kms de rivages méditerranéens (pêche, commerce, tourisme…), une grande variété de paysages : plaines au Sud,  montagnes au Nord (point culminant : 3 100m). Cette configuration géographique (zones montagneuses qui séparent la Catalogne du reste de l’Espagne) fait dire aux Catalans qu’ils sont assis dos à dos avec les Espagnols et explique, en partie, pourquoi le dialogue a toujours été difficile entre eux. Cela explique également le développement de la langue catalane car les relations avec leurs voisins aragonais étaient quasi nulles. Il est à noter aussi un climat particulièrement clément qui en a fait de tout temps une région prospère et très facile à vivre. L’expression «  région bénie des Dieux » lui convient parfaitement.

Quelques rappels économiques

Actuellement la Catalogne compte 7,5 millions d’habitants (Bourgogne-Franche-Comté (BFC) : 3 millions). Son PIB est d’environ 210 milliards d’euros (BFC : 60 milliards). Les Catalans représentent 17% de la population espagnole et plus de 20% de son PIB. Ces chiffres traduisent un dynamisme économique sans commune mesure avec la Bourgogne-Franche-Comté et le reste de l’Espagne. Les régions les plus industrialisées se trouvent au Sud (Girone, Barcelone, Tarragone) le Nord étant plus rural.
La Catalogne est la région d’Espagne au PIB le plus élevé car la plus peuplée mais, en comparant les PIB par habitant, elle ne se classe que 4ème derrière le Pays Basque, la Navarre, la région de Madrid. Les Catalans disent avec justesse que leur région est la plus riche mais pas leurs habitants. De plus, la région a subi très fortement  la crise de 2008 : en effet en 2010, 31%  des expulsions locatives ont eu lieu en Catalogne  alors qu’elle ne représente que 17% de la population espagnole.

Elle a une autonomie fiscale partielle ; elle gère 50% des impôts prélevés sur son territoire et verse le reste à Madrid. Les indépendantistes catalans affirment que 16 000 millions d’euros ne reviennent pas en Catalogne, ce qui représente quasiment les 10% de déficit de leur budget (à noter que le Pays Basque et la Navarre gèrent, eux, 100% de leurs impôts). C’est une région très dynamique, à fort potentiel, mais en crise et endettée. Beaucoup de Catalans considèrent qu’ils sont endettés car ils aident financièrement des gens plus riches qu’eux. On peut comprendre que cela puisse provoquer régulièrement des éruptions d’urticaires indépendantistes, d’autant que cet argent sert à financer la guardia civil qui a réprimé violemment les Catalans lors du référendum du 1er octobre notamment.

Quelques rappels historiques

Ce désir récurrent d’indépendance se comprend d’autant mieux quand on en connait les 2 périodes fondatrices.

La 1° période  va de 998 à 1714, période qui fut l’âge d’or de la Catalogne, décrite ainsi dans «  L’histoire de la Catalogne » de JS Callico (Bible des indépendantistes) : « la Catalogne à cette époque fut une nation dotée d’un Etat propre qui a joué un rôle de 1er plan en Europe. Elle subit à la fin de cette époque de nombreuses attaques jusqu’à sa destruction le 11 septembre 1714 ». En effet, elle rayonna intellectuellement et économiquement sur le Sud de la France (le Roussillon et Perpignan furent catalans jusqu’en 1659), sur les Baléares, la région de Valence, la Sicile, la Sardaigne, le Sud de l’Italie, une partie de la Grèce et sur de nombreux ports méditerranéens (1). Pendant cette période, elle avait des institutions « progressistes » : embryon de Parlement « les Corts », absence de roi choisi par Dieu mais les Comtes « choisis » par le Peuple. Même quand la Catalogne s’allia avec le Royaume d’Aragon, puis celui de Castille, elle conserva toujours ses propres institutions. Son affaiblissement conjugué aux appétits territoriaux franco-castillans trouva son épilogue le 11  septembre 1714, le jour de la reddition de Barcelone. La  Catalogne, en tant qu’Etat, disparut ce jour-là mais le souvenir de cette période faste reste ancré dans les mémoires  car le 11 septembre (la Diada) est le jour de la fête nationale catalane. A noter que la fête nationale espagnole, fête de l’hispanisation, est boycottée en Catalogne et appelée fête du génocide. Les Catalans ne tiennent absolument  pas à être associés à l’image impérialiste et guerrière de l’Espagne des conquistadors. A noter également que le roi qui, ce 11 septembre fit massacré les Barcelonais puis installa un régime militaire d’une grande cruauté s’appelait Philippe V ; son lointain successeur s’appelle Philippe VI et prétend donner des leçons de morale après le référendum d’octobre 2017.

La 2° période fondatrice du « catalanisme » commence en 1931, plutôt bien, puisqu’après la victoire des forces progressistes de gauche aux élections municipales, la dictature de Primo de Rivera prit fin, le roi quitta l’Espagne, la 2ème République s’installa et la Catalogne obtint un statut d’autonomie partielle. La Generalitat fut dotée d’un Parlement, d’un Gouvernement et put gérer de façon autonome l’éducation, la police intérieure, les services sociaux… sur son territoire, environ 50 % des impôts. Mais en 1936, Franco décida que l’expérience progressiste avait assez duré et, après son putsch manqué, engagea l’Espagne dans une guerre civile.

La Catalogne fut alors au 1er rang de la lutte contre les fascistes puisqu’en 1937 s’y trouvaient le gouvernement catalan, le gouvernement basque en exil et le gouvernement de la république. Ce dernier, réfugié à Barcelone n’hésita pas à supprimer le statut d’autonomie de la Catalogne (les Catalans ont beaucoup apprécié !). On sait ce qu’il advint de la République et, en 1939, Franco déploya beaucoup d’énergie à châtier ceux qui lui avaient résisté, donc, en 1ère ligne, les Catalans (5000 fusillés, 50 000 emprisonnés) et, comme en 1714, un grand classique, l’interdiction de parler catalan. Cette mesure fut un peu délicate à mettre en place dans les zones rurales où les gens ne connaissaient que le catalan. Ce régime dura jusqu’à la mort de Franco en 1975 et en 1978 l’Espagne se dota d’institutions « démocratiques » qui permirent à la Catalogne de récupérer son statut de semi autonomie. Cela put paraître la fin heureuse d’une période dramatique mais la Catalogne ne récupéra qu’un statut d’autonomie partielle, très loin du souvenir de la Catalogne d’avant 1714. La monarchie subsista, et surtout, les acteurs de la dictature (armée, police, église) n’eurent aucun compte à rendre et se diluèrent dans les institutions « démocratiques ». Ceci évita, certes de raviver les blessures passées, mais les Catalans, qui pouvaient croiser dans les rues les tortionnaires de leurs parents, eurent beaucoup de difficultés à accepter cette situation…

L’Espagne mit alors toute son énergie à rattraper son retard économique, pris sous Franco, avec, pour les Catalans, dans un coin de leurs mémoires, le souvenir de l’âge d’or du Moyen-âge, de la répression de 1914, de la guerre civile, du franquisme et de la transition « démocratique » au goût amer.

Situation actuelle

L’Espagne et la Catalogne avancèrent à grands pas (entrée dans la CEE en 1985), jeux olympiques à Barcelone, Exposition Universelle à Séville en 1992, entrée dans la zone euro…

En 2005, profitant de la présence socialiste au gouvernement central (JL Zapatero,) la Generalitat, avec à sa tête Arthur Mas, un autonomiste modéré de droite, engagea les discussions pour obtenir un statut d’autonomie totale, le même que celui du Pays Basque et de la Navarre. Ils trouvèrent un accord et en 2010, le chemin vers plus d’autonomie paraissait sans embûche.

Quand, soudain, entra en jeu le Parti Populaire (PP) et son chef Mariano Rajoy qui, pour ne pas offrir un succès à son ennemi politique socialiste, introduisit un recours au Tribunal Constitutionnel espagnol (de fait, l’annexe du PP) qui annula l’accord parce qu’il faisait référence à la notion de « nation » catalane. Cette injustice fit revenir à la surface toutes les violences, les humiliations exercées par Madrid au cours de l’histoire. La réaction des Catalans fut immédiate : « puisque Madrid refuse l’autonomie, on prendra l’indépendance » ; en 2015 ils élirent donc un Parlement Régional avec une majorité indépendantiste dont la feuille de route était claire : référendum d’autodétermination en 2017 et proclamation de l’indépendance si le OUI l’emporte. Mais le résultat de cette élection posa un problème : les partis indépendantistes obtinrent la majorité des sièges (72 sur 135) mais avec seulement 47,8 % des voix, décalage dû au scrutin par circonscription qui surreprésente les zones rurales indépendantistes, au détriment des villes qui se composent de nombreux Espagnols venus y travailler. Les anti-indépendantistes ne se privèrent donc pas de clamer haut et fort que 52,2 % des Catalans étaient contre l’indépendance. Les indépendantistes, quant à eux, clamèrent haut et fort qu’ils respectaient les institutions et l’élection d’un parlement indépendantiste.

Pour ajouter à la confusion, le gouvernement catalan, avec à sa tête Carles Puigdemont, indépendantiste de la 1ère heure, préféré à Arthur Mas, corrompu et indépendantiste rallié, tint ses engagements électoraux (chose très inhabituelle) et convoqua le référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017. Ce référendum fut jugé inconstitutionnel par le gouvernement central, avec à sa tête un certain Mariano Rajoy ( !). Les indépendantistes font remarquer alors, avec justesse, qu’une Constitution peut se modifier et que cet acte aurait été plus pertinent que d’envoyer la guardia civil matraquer les gens qui voulaient seulement voter. Cette attitude intransigeante de Rajoy, du PP, des socialistes, de Ciudadanos a incité beaucoup de Catalans à aller voter oui au référendum, plus pour protester contre cet autoritarisme stupide que pour obtenir l’indépendance.

La majorité des Catalans se sent d’abord catalane avant de se sentir espagnole. Cette majorité souhaite que la Catalogne soit reconnue comme nation, qu’elle se gouverne, mais souhaite que cela se fasse pacifiquement, sans rupture violente avec Madrid, dans le cadre de l’Europe, chose actuellement impossible. L’attitude de l’Europe et de Madrid pousse la Catalogne vers une indépendance de rupture qui, elle, n’est pas majoritaire en Catalogne.

Je pense que le rendez-vous avec l’indépendance a été raté cette fois-ci mais que celle-ci est à long terme inéluctable car historiquement justifiée. Les Catalans ont franchi une nouvelle marche vers leur émancipation mais celle-ci n’était pas la dernière. La présence à Madrid d’un gouvernement progressiste (Podemos) pourrait offrir  une nouvelle  opportunité à l’accession à l’indépendance.

Paroles de Catalans

« Nous voulons l’indépendance surtout parce que Madrid ne la veut pas » 

« La première décision d’un gouvernement catalan indépendant sera d’ériger une statue à Marino Rajoy car il a donné à beaucoup de Catalans l’envie d’être indépendants »

« La Catalogne et l’Espagne, c’est un couple dans lequel le mari (Espagne) bat sa femme (Catalogne) et qui, quand celle-ci s’en va, crie au scandale car elle rompt l’unité du couple »

« La situation normale de la Catalogne c’est être indépendante, toute autre situation est anormale ».

Jean-Louis Lamboley, le 25.10.2017 
A suivre : prochain numéro « l’évolution de la situation politique, économique et sociale, depuis le référendum ».

(1)    On pourrait la comparer dans une certaine mesure à la principauté de Venise, championne du capitalisme marchand qui s’est développé à cette époque (NDLR)




Encart 1
La jeunesse catalane

Depuis 1978, des générations de Catalans étudient l’histoire de la Catalogne, et, qui plus est, en catalan. Contrairement aux générations précédentes, ils n’ignorent rien de l’âge d’or du Moyen-Âge, des répressions qu’a subies la Catalogne au cours de l’histoire de la part de l’Espagne. Aucun élève n’ignore ce que représente le 11 septembre 1714.
Arrivés à  l’âge  de voter, les jeunes sont, dans leur grande majorité, autonomistes ou indépendantistes, mais sont également très pro-européens. Pour eux, c’est un moyen de s’ouvrir sur le monde (programme Erasmus, voyages…) ce que n’ont pas connu leurs parents. Mais ces jeunes ne veulent pas d’une indépendance de rupture avec Madrid ni d’une indépendance qui les ferait quitter l’Europe. Cela reflète bien aussi le dilemme du peuple catalan. Ils veulent se séparer de Madrid mais rester en bons termes, mais Madrid ne le veut pas.


Encart 2
Le Parlement catalan

Il se compose de 135 députés.
 La majorité indépendantiste en compte 72, répartis entre
-          Ensemble pour le oui (62 sièges) : groupement de différents partis (Convergence Démocratique, Gauche Républicaine, Démocrates, Mouvements de Gauche), d’accord sur l’accession à l’indépendance mais en désaccord sur beaucoup d’autres points,
-         et la Candidature d’Unité Populaire (CUP) (10 sièges) : parti anticapitaliste, anti-européen, féministe, libertaire…)  Les voix de la CUP sont donc nécessaires pour obtenir la majorité (68).
La minorité anti-indépendantiste est composée de
-          Cuidadanos (Centre 25 sièges), Parti Socialiste Catalan (16), Parti Populaire (droite et droite-extrême (11), Et  Catalogne, Oui c’est possible (11) 

Les acteurs catalans :
Carles Puigdemont : Président de la Catalogne, indépendantiste de la 1ère heure, maire de Gérone (le fief du mouvement indépendantiste). Professeur de catalan ancien et journaliste. Il a été imposé par la CUP.
Arthur Mas : ancien président, autonomiste devenu indépendantiste après 2010, et l’échec des négociations, a mené la campagne victorieuse de 2015, et paraissait devoir retrouver sa place, mais la CUP le jugeant (à juste titre peu fiable) a refusé de voter pour lui, « imposant » ainsi C. Puigdemont. Beaucoup d’observateurs avisés de la vie politique catalane estiment que c’est lui qui « tire les ficelles » du jeu politique. Inculpé par Madrid pour avoir organisé une consultation en 2014.
Carme Forcadell : présidente du Parlement, professeur de littérature catalane, inculpée par Madrid pour avoir fait voter l’organisation du référendum.
Ada Colau : maire de Barcelone, vient du mouvement social, fondatrice de la PAH (plateforme des victimes du crédit hypothécaire), proche de Podemos, favorable à un référendum d’autodétermination légal ; elle a tout de même fourni des bureaux de vote pour le référendum « illégal ». Elle représente, à mon avis, l’avenir du mouvement indépendantiste, qui tentera de négocier avec Madrid.

Les acteurs espagnols :
Mariano Rajoy : Chef du gouvernement espagnol, membre du Parti Populaire, parti de droite qui a « recyclé » pas mal de franquistes….expliquant pourquoi il n’y a pas l’équivalent du FN en Espagne. Il gouverne sans majorité absolue, avec l’aide d’une partie des Socialistes et des Ciudadanos, qui s’abstiennent lors des votes. Psychorigide, intransigeant : les Catalans disent de lui qu’il ne sait dire que NON en catalan. Il est empêtré dans de multiples affaires de corruption. A côté de lui Sarkozy parait un enfant de chœur. Sa présence comme chef du gouvernement (sans majorité absolue !) empêche toute solution négociée de la « crise catalane ».
Felipe VI : Roi d’Espagne, descendant de Louis XIV et de Felipe V qui a mis fin à l’Indépendance de la Catalogne en 1714. Les Catalans avaient mis quelques espoirs dans ce roi jeune, qui paraissait moins rigide que ses prédécesseurs (il a épousé une journaliste divorcée) mais son discours du 3 octobre 2017 l’a complètement discrédité auprès d’eux (leçons de morale sans aucune critique des violences policières du 1° octobre)


Dans l’attente de(s) la prochaine(s) crise(s) ?

La crise financière de 2007-2008 s’est muée en crise d’endettement des Etats qui, elle-même, porte désormais atteinte à l’homogénéité des castes régnantes dans différents pays. L’Union européenne, avec le Brexit et la montée des mouvements nationalistes et d’extrême droite, en est affectée. Au-delà de la concurrence fiscale et sociale qui dresse les Etats les uns contre les autres, force est de constater que peu de leçons ont été tirées de « l’exubérante » domination de la finance. Pire, les quelques règles émises pour la contenir sont en passe d’être démantelées. Revenir sur ce qui s’est passé pendant cette période critique permet de pointer, qu’aujourd’hui, c’est pire qu’hier. Des bulles financières sont prêtes à éclater dans un contexte où les marges des différents gouvernements sont de plus en plus restreintes. En outre, nombre d’entre eux mettent en place des politiques qui renforcent encore les risques potentiels, tout en développant, comme en France, des illusions propagandistes qui sont autant d’impostures idéologiques.

Peu de leçons, pour ne pas dire aucune, n’ont été tirées de la crise

Un rappel tout d’abord. C’est l’excès de titrisation, autrement dit de camouflage de la spéculation financière immobilière aux USA avec la complicité des banques privées du monde entier ou presque, qui est à l’origine de cette crise. Les banques ont en effet formé des paquets de crédits en mixant des subprimes avec des crédits de meilleure qualité, puis en les découpant selon le pari de rendements plus élevés. Les établissements financiers s’en sont gavés. Les agences de notation, engoncées dans des conflits d’intérêts juteux, n’ont pas hésité à tromper les gogos en attribuant des « triple A » à des crédits à risques. Quand la fête à l’arnaque prit fin, lorsque les ménages étatsuniens, achetant leur résidence à crédit alors qu’ils n’étaient guère solvables, furent expulsés de leurs logements, et que les banques rachetant leurs biens pour les revendre ne trouvèrent plus de clients, la bulle immobilière éclata et se propagea à l’ensemble des pays capitalistes centraux. Et Sarko d’avouer (1) : « certains patrons de la finance se croyaient à la tête d’entreprises plus puissantes que les Etats mais c’est aux Etats qu’ils ont demandé de l’argent pour éviter l’effondrement du système bancaire et avec lui de l’économie mondiale ». La solution trouvée fut d’injecter du capital fictif (2) pour renflouer celui devenu fictif ! En effet, les banques ne disposaient pas de capitaux propres en face des crédits distribués, elles n’osaient plus se prêter entre elles (crise dite interbancaire) quand d’autres s‘effondraient ou étaient nationalisées ou encore étaient rachetées à vil prix.. Ce fut le cas, notamment, de nombreuses banques britanniques et de Dexia (sauvetage pour 6,4 milliards d’euros supportés par la France et la Belgique). Au total, l’Etat fédéral US a injecté 245 000 milliards de dollars pour consolider les banques. Quant aux amendes versées pour filouterie, elles se chiffrent à 200 milliards. En 2016, leurs profits, après suppression d’emplois et sortie d’actifs douteux dans des banques dites de défaisance (banques pourries qui les accumulent dans l’attente de les revendre…), se portent à merveille : 91 milliards. Les Etats de l’Union Européenne ont soutenu le secteur financier de 2008 à 2011 à hauteur de 1 600 milliards d’euros.

La dette des Etats s’est donc envolée. Et les banques centrales sont venues à leur secours en … rachetant leurs dettes, du moins celles des Etats les plus riches (pas la Grèce, ni l’Espagne...), en espérant les revendre sur le marché de l’occasion, dit marché secondaire (voir plus loin). Ce capital fictif circulant, il faudra bien qu’il se réalise. La solution trouvée fut bien évidemment l’austérité, la baisse des salaires directs et indirects (retraites, prestations sociales), la vente d’actifs (privatisations). En outre, l’injection de liquidités (toujours du capital fictif), par les banques centrales, a mécaniquement baissé le loyer de l’argent (les intérêts) qui ne trouvaient pas à s’investir réellement. Les Etats en furent quelque peu soulagés (taux d’intérêts plus faibles) d’autant que la BCE notamment s’acharnait à interdire aux banques privées de déposer leurs excès de liquidités dans sa caisse, en leur imposant des taux négatifs dans l’espoir que lesdites banques investissent dans l’économie réelle. Ce ne fut guère le cas… Et donc, de se retourner vers les Etats et de glapir comme Jean-Claude Trichet(3) : « Le risque est que les gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités notamment en soutien de l’investissement et de lutte contre les inégalités ». Que n’avait-il dit, lui, le maître de l’orthodoxie libérale, du marché roi s’autorégulant,  en promouvant un interventionnisme dirigiste à des Etats qui s’acharnent à rembourser leurs créanciers privés (France : stock de 2 100 milliards de dettes) tout en soulignant les risques politiques de l’austérité…

Certes, quelques freins à l’exubérance de la finance ont été installés. Ainsi, aux USA, depuis 2011, les courtiers de prêts résidentiels ne peuvent plus être rémunérés en fonction des taux pratiqués (usure). Certes, les banques ont été mises dans l’obligation (insuffisante) de disposer de fonds propres. Certes des stress-tests (bien timides) ont été mis en œuvre pour évaluer la résistance des banques en cas de « choc de grande ampleur », prétextant que la prochaine fois ce ne devrait plus être le contribuable ou le salarié qui paie la facture… Mais il n’y a pas eu de véritable séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires. L’argent des ménages est toujours utilisé principalement à des fins spéculatives… Bref, la finance rentière n’a pas été « euthanasiée » (pour citer Keynes) et le FMI, qui n’a rien vu venir, de faire son mea culpa tardivement : il plaide désormais pour une « croissance inclusive », remet en cause les effets prétendument bénéfiques de la libéralisation financière et la capacité des marchés à s’autoréguler, voire la priorité de la réduction des déficits budgétaires, après avoir étranglé la Grèce avec la BCE et les ministres des finances de l’UE (la fameuse Troïka mortifère). Et pourtant, ce ne furent pas les alertes qui manquèrent dans le concert soporifique des économistes libéraux : Maurice Allais (1999) « L’économie mondiale repose sur une pyramide de dettes ». C’est une « menace d’effondrement général ». En 2000, Robert Shciller dénonce « l’exubérance irrationnelle de la finance ». En 2006, Paul Jorion publie « Vers la crise du capitalisme américain » (ed. la Découverte) et la même année Nouriel Roubini (docteur en économie), en pleine conférence du FMI, déclare « la bulle immobilière va éclater ». On lui rit au nez, on le surnomme Dr Déprime ou Dr Catastrophe… Bref, nombre d’économistes dits hétérodoxes ne furent pas entendus.

Et maintenant, c’est pire qu’avant

Les banques privées dans leur ensemble, après fusion et absorption, sont toujours plus grosses, la finance toujours plus insatiable. Les Etats sont toujours au chevet de celles qui sont avariées, pour les sauver, et nombre de banquiers se sont reconvertis dans la finance de l’ombre, opaque et non réglementée. Les inégalités deviennent « abyssales » : 8 personnes disposent d’un patrimoine équivalent à la « richesse » de la moitié de l’humanité la moins riche. Telle est la conséquence des politiques d’austérité, de privatisations, d’uberisation et de la logique dite de compétitivité, du moins disant social, fiscal et environnemental.

Malgré les révélations fournies par des journalistes d’investigation (Panama Papers), les paradis fiscaux disposent toujours de filiales des banques privées, des grandes entreprises et de fonds financiers. Seuls les particuliers semblent poursuivis pour rapatrier leurs fonds qui échappaient à l’impôt. La baisse du pouvoir d’achat provoque le recours encore plus intense au crédit. L’endettement des ménages dans nombre de pays devient problématique. Enfin, les quelques freins à la spéculation sont en train de sauter, «la prochaine crise peut intervenir n’importe quand et n’importe où » « tant les facteurs de fragilité sont nombreux » (Paul Jorion) et notamment :

o   Les faibles digues mises en place vont sauter : Trump veut revenir sur la loi Dodd-Frank votée en 2010 qui restreint, en partie, l’octroi inconsidéré de crédits aux banques. Il entend également supprimer la règle Volcker qui interdit aux banques de spéculer pour leur propre compte et ne plus les soumettre aux stress-tests. La Commission européenne et le Parlement cherchent à relancer la titrisation dite « simple, transparente et standard ». L’oligarchie financière organise un intense lobbying à cet effet. Elle est insatiable, toujours animée par la croyance dans le dieu Marché dont l’oracle se résume à cette équation : politique anti-inflationniste pour ne pas rogner la rente (les dividendes) + marché du travail flexible (exploitation du travail renforcée) + ouverture des marchés (disparition des normes et des droits de douanes =  équilibre des prix + taux de chômage nécessaire – NAIRU - (7%).
o   La finance de l’ombre : « En 10 ans, les pratiques des banques ont changé, des pans entiers de leurs activités ont basculé dans les fonds spéculatifs » (Aurélien Borde, cabinet Conseil SA Partners-New York). Le Shadow Banking est peut-être le candidat le plus « sérieux » à la prochaine crise : ce sont d’anciens banquiers, pour la plupart, qui ont ouvert des fonds dits d’investissement et autres start-up de la finance. Les milliardaires aux rémunérations stratosphériques ne sont soumis à aucune régulation. Le poids des sommes dont ils disposent est considérable (92 000 milliards de dollars), elles représentent les 2/3 de la gestion dite d’actifs (assurance, fonds de pension) soit 150 % du PIB mondial !
o   L’effet levier ou le rachat par endettement. Il permet de mettre la main sur les entreprises en difficulté. Après les avoir renflouées artificiellement (compression d’effectifs), elles sont démantelées et revendues. Il en va de même pour la valorisation artificielle des actions.
o   Les algorithmes. Les traders sont de plus en plus remplacés par des modes de calcul informatiques qui procèdent automatiquement, à des fins spéculatives, à des ordres d’achat et de vente. Ce courtage à haute fréquence à la microseconde est porteur de « flash crash » soudains et incontrôlables.
o   Le spectre du krach boursier hante Wall Street (4). Les promesses de Trump ont fait souffler un vent d’euphorie à la Bourse. Dopée déjà par un dollar faible, la spéculation bat son plein. L’indice Dow Jones (équivalent du CAC 40 en France), après une baisse relative en 2008, connaît une hausse vertigineuse. La crise, connais pas. De 2596 points en 1987, il a été multiplié par presque 9 (29 157 points en novembre 2017).

« Tant que je gagne je joue » et si je perds on me renfloue, telle semble être la devise des flibustiers de la finance, d’autant que l’ère de l’argent facile pourrait connaître une fin. La FED a réduit ses rachats de dettes publiques et… privées et s’apprête à tenter de revendre les titres pourris qu’elle a accumulés pendant la crise. La BCE s’apprête à suivre le même chemin.

Les maillons faibles qui peuvent céder

Il ne s’agit pas ci-après d’une analyse des différents pays pouvant être les premiers affectés par la crise mais plutôt d’une illustration de la gravité de la situation qui caractérise certains d’entre eux et non des moindres.

Aux USA, la dette des ménages est de 12 730 milliards de dollars, soit 50 milliards de plus qu’en 2008, lors de la faillite de Lehmann Brother. Plus de 17% des consommateurs sont susceptibles de faire défaut, face à leurs dettes. Il ne s’agit plus seulement de crédits immobiliers mais surtout de cartes de crédit multiples, de prêts automobiles et de prêts étudiants ; ces derniers ont doublé en 10 ans (1 300 milliards de dollars). Précisons que les frais universitaires ont augmenté de plus de 106 % de 1987 à 2010 et depuis… ça continue.

L’Italie tente toujours de sauver Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca. Elle vient d’injecter à cet effet 17 milliards d’euros, le 25 juin ; quelques mois plus tôt, c’est la plus vieille banque du monde gangrenée par des créances douteuses (Montei dei Paschi di Siena) qui a été renflouée. La dette de l’Etat équivaut à 130 % du PIB. L’Italie c’est 10 fois la Grèce, c’est un pays divisé entre le Nord industriel et le Sud rural beaucoup plus pauvre,  qui « absorbe » dans des conditions lamentables une part considérable (avec la Grèce) des migrants et ce, en l’absence de véritable solidarité européenne. Alors, maillon faible de l'Europe ?

La Chine. Elle est dopée à l’hyper-endettement (257% du PIB). Des pans entiers de l’économie connaissent une surcapacité de production mais elle dispose d’un épais surplus d’épargne. Toutefois, comme le Japon, elle ne dépend pas de créanciers étrangers. La classe régnante qui se confond avec la classe dominante (PCC – parti du Capitalisme d’Etat chinois !) veille au grain : lutte contre l’évasion des capitaux chinois, contre la corruption, et en définitive, pour l’essentiel, c’est l’Etat qui prête à l’Etat, ce qui minimise les risques ; toutefois, à terme, la stagnation guette, d’où la volonté d’actionner l’impérialisme économique et de damer le pion aux Etats-Unis. Les conflits à venir pourraient bien être d’ordre politique, voire guerrier (Corée du nord/domination asiatique voire mondiale). En fait le risque de crise est partout, y compris dans des pays fragiles (Chypre, Irlande) ou dans les pays du sud, comme l’Argentine, dont l’Etat paie des intérêts d’emprunts au taux moyen de 7,9%.

Et Macron dans tout ça ? (5)

L’ancien banquier d’affaires, cette créature issue du hollandisme, est aujourd’hui, le président de l’oligarchie. Il est le produit de l’avortement de l’alternance gauche-droite. Donc, ni de droite, ni de gauche. Sous les oripeaux de l’efficacité et de la modernité, il se propose d’intensifier les politiques qui ont échoué depuis 30 ans, soit la « défiscalisation déboutonnée du capital, combinée à la démolition des protections juridiques du travail ». Il est l’homme de la crise économique qui s’annonce, il se veut le meilleur élève de l’aveuglement général de la classe régnante.

La défiscalisation du capital s’accélère : les actions, obligations des grandes fortunes (ISF) ne seront plus ponctionnées. L’impôt sur les revenus du capital, sera désormais forfaitaire (flat tax) ce qui génèrera un manque à gagner de 4,5 milliards d’euros pour l’Etat. Raison invoquée : « On n’a pas suffisamment de capitaux pour financer la croissance de nos entreprises ». Ainsi, les plus de 3 milliards, au titre de l’ISF, seraient libérés pour l’investissement ! Vaste blague : l’écrasante majorité de ces actions et obligations qui étaient ponctionnées, est issue du marché secondaire. Ce sont donc des actions qui ont déjà été émises et ont été rachetées à des fins spéculatives. La défiscalisation constitue par conséquent une pure aubaine. Au mieux, analyse Frédéric Lordon, sur les plus de 3 milliards « libérés » de l’ISF, 9 millions iront vers les entreprises font les rendements sont les plus lucratifs ; elles sont d’ailleurs de moins en moins nombreuses. Il s’agit, de fait, d’un mouvement général : en 2014, 12,5 milliards ont été injectés dans la production, on en est à 10 milliards en 2015. Quant à la vente et à l’achat d’actions entre financiers, sans rien produire, elles représentent 3 300 milliards ( !).

Autres boniments propagandistes : pourquoi y a-t-il du chômage ? Parce que « les salariés sont trop protégés », ce sont des « fainéants », des « tricheurs », des « égoïstes » qui protègent leur statut. Ainsi, les incrustés dans l’emploi, les chômeurs non « flexibles », de victimes deviennent coupables. Les solutions : précariser davantage les salariés, recourir aux temps partiels contraints, aux jobs à 2€ de l’heure et contrôler les chômeurs, tout en baissant leurs indemnités ou en raccourcissant le temps d’indemnisation. Efficace ? La baisse du salaire direct et indirect, ce fameux « coût du travail », va-t-elle relancer la croissance ? L’OCDE reconnaît que ça n’a aucun effet sur la baisse du chômage. Et les macroniens et autres néo-libéraux de prétendre que « faciliter les licenciements, faciliterait les embauches ». Et le conseil d’analyse économique de rétorquer qu’ «il n’y a pas de corrélations démontrées entre le niveau de protection de l’emploi et le chômage ». Alors ? Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, chien de garde du macronisme, a vendu la mèche pédagogique de la pensée dite complexe de son maître : l’essentiel est de « savoir si les Français sont effectivement convaincus que mieux vaut des travailleurs pauvres que des chômeurs bien indemnisés ». Autrement dit, l’exploitation renforcée des travailleurs ne peut que renforcer le capitalisme actionnarial, rien ne compte que les dividendes ! Le hic c’est que la compression des salaires censure les projets d’investissement non rentables à court terme et réduit dans le même temps les carnets de commande. Bref, la « pensée complexe » n’est qu’une « colossale imposture idéologique ». Le pari pour le coup irrationnel de Macron est cette fuite en avant verbale dans l’Europe fédérale qui protégerait, alors même que son moteur est la concurrence tous azimuts y compris dans le moins-disant fiscal et social. En jouant dans la cour des grands, il pourrait reprendre à son compte ce rêve ubuesque de Sarko : « C’est le G 20 qui devrait être chargé de la politique économique et financière mondiale… et en décidant à la majorité et non à l’unanimité ». Vieux rêve de gouvernance mondiale des classes régnantes tout aussi divisées que les classes dominantes qu’elles servent, où l’orgie libérale se conjugue avec l’anorexie démocratique. Au-delà des contradictions qui minent le système, entre capitaux concurrents, entre capitalisme financier et capitalisme industriel et commercial, et au-delà de l’impossible synthèse que tentent les classes régnantes vis-à-vis des classes dominantes, surgissent les conséquences délétères des politiques menées. Outre la surexploitation programmée par la finance débridée, il y a comme son apparent contraire, la montée des nationalismes xénophobes, les guerres, les migrations et le délabrement de l’écosystème.

« Au 19ème siècle, se débarrasser du capitalisme était une question de justice sociale, c’est aujourd’hui une question de survie » (Paul Jorion). Malgré la réalité qu’ils vivent, la prise de conscience des salariés, et d’abord de ceux qui n’ont rien à perdre que leurs chaînes, retarde sur les défis qu’il faut affronter.

Gérard Deneux le 24.10.2017        

(1)   Interview de Sarkozy, le Monde du 5 juillet 2017
(2)   Le capital est dit fictif lorsqu’il ne se réalise pas dans les cycles de production. De fait, il ponctionne indirectement du capital industriel et commercial dans la répartition de la plus-value (profit) afin de se réaliser dans la vente des produits.
(3)   Président de la BCE de 2003 à 2011
(4)   Le Monde du 20 octobre 2017
(5)   Les arguments qui suivent sont empruntés à l’article de Frédéric Lordon « Le service de la classe » du 3.10.2017 - blog du Monde Diplomatique

Sources : le Monde (série du 4 au 8 juillet sur la crise 2007-2017), blog du Monde Diplomatique, la pompe à phynance
Pour en savoir plus, lire  Se débarrasser du capitalisme est une question de survie de Paul Jorion –ed. Fayard



Sauf une exception, les rapaces de la crise de 2008 vivent des jours tranquilles

Dick FULD. PDG de Lehmann Brother, « l’homme le plus haï d’Amérique ». Après la faillite de la banque, il a empoché 500 millions de dollars. Il a fondé, en 2016, la société de gestion de fortune Matrix Partners

Angelo MOZILO. PDG de sociétés de prêts hypothécaires, pionnier des subprimes, il évite la prison contre une amende de 67,5 millions de dollars. A 79 ans, père peinard, il vit dans sa luxueuse résidence à Santa Barbara (Californie)

Kathleen CORBET. PDG de l’agence de notation Standard and Poor’s, de 2004 à 2007. Elle accorde des « triple A » aux produits toxiques. Accusée d’avoir trompé les « investisseurs », son agence est condamnée à une amende de 1,5 milliards de dollars. Reconvertie, à 57 ans, dans différents CA, elle a créé son propre fonds spéculatif.

Jimmy CAYNE. PDG de Bear Stearns, banque d’affaires gangrenée par les subprimes. Faillite. Rachetée par la Banque JP Morgan pour 2 dollars l’action, qui en valait 130 en octobre 2007. Cayne, surnommé « le pire PDG de tous les temps » bénéficie d’une retraite paisible ; à 83 ans, il s’adonne à son passe-temps favori, le golf.

John PAULSON fonde un fonds spéculatif en 1994 (Paulson et Cie), parie sur l’effondrement des subprimes, empoche 3,7 milliards de dollars. Soutient Trump dont il est l’un des plus proches conseillers.

Fred GOLDWIN. Ancien patron de la Royal Bank of Scotland, 1er établissement bancaire au monde au cœur de la faillite, nationalisé à 72%. A 56 ans, coule des jours paisibles, entouré de ses luxueuses voitures de collection   

Adam APPLEGARTH.  PDG de Northern Rock, banque britannique au Coeur de la faillite bancaire. Faillite. Aujourd’hui, conseiller du fonds spéculatif US Pine Brook

Andy HORNBY. Dirigeant de Halifax Bank of Scotland, sauvée par l’Etat en 2008. Aujourd’hui, dirige une société de paris, britannique

Sean FITZPATRICK. 69 ans. Ancien patron d’Anglo Irish Bank. Faillite. A raflé dans la caisse des dizaines de millions d’euros. Lors de son procès a été blanchi… faute de preuves…

Bernie MADOFF. Ancien patron du Nasdaq (équivalent du CAC 40). Dirigeant un fonds spéculatif de 6,5 milliards de dollars, proposait des rendements mirobolants (pyramide de Ponzi) à de très riches milliardaires qui ne lui pardonnèrent pas d’être un escroc de haut vol. Seul condamné à … 150 ans de prison. A 79 ans, derrière les barreaux, il distille des conseils lucratifs à ses codétenus ( !)