Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 25 avril 2019


Les Amis de l’Emancipation Sociale
 et les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté
vous invitent à la conférence-débat

Jeudi 2 mai 2019
 (18h/21h) au Bar Atteint 25 rue de la Savoureuse à BELFORT

Europe : en sortir, y rester ?
Quelles perspectives ?

en présence de Christophe Ventura
Journaliste, co-auteur du livre La Gauche à l’épreuve de l’UE

Aucune perspective politique de « gauche de transformation » n’est possible en Europe, sans s’affranchir du carcan que constitue la construction européenne actuelle. La crise grecque a montré l’UE telle qu’elle est : une institution au service des détenteurs de capitaux, des entreprises transnationales et des banques, une construction autoritaire, adversaire de la souveraineté des peuples. Alors, sortie, réforme, rupture partielle, crise permanente ? Plutôt que d’asséner des slogans, Christophe Ventura décrira chacune de ces perspectives, les conditions nécessaires à leur réalisation, les difficultés, voire les impossibilités, pour refuser cet ordre juridique qu’est l’Europe du néolibéralisme. Venez en débattre.

   Contact : aesfc@orange.fr  03.84.30.35.73. Un apéro/plateau est proposé par le Bar Atteint (8 ou 10€), à l’issue de la soirée. Merci de réserver au 09.83.91.82.95.




lundi 1 avril 2019


Nous avons lu  :  Une histoire populaire de la France
De la guerre de cent ans à nos jours

C’est l’Histoire revisitée et vue par en bas. Y est souligné le rôle des peuples dans les grands évènements. Cet ouvrage novateur nous fait revivre, depuis la fin du Moyen-Age, les guerres, l’affirmation de l’Etat, les révoltes et les révolutions, les mutations économiques comme les crises, l’esclavage tout comme les migrations. Il analyse, sous un regard dégagé de la pensée dominante, les questions sociales et nationales : « Ceux d’en bas ont joué un rôle majeur dans les bouleversements de notre histoire », écrit l’auteur, historien du mouvement ouvrier, de l’immigration et de la question nationale en France. Avant même l’éclosion des Gilets Jaunes sur la scène publique, il clôt ainsi son livre (paru début du dernier trimestre 2018) : « Le développement des luttes populaires… demeure le moyen de plus réaliste pour contrer les injustices et les inégalités sociales ».
A lire sans délai par tous ceux qui pensent que l’Histoire à accomplir ne réside pas dans la succession d’élections formatées mais bien dans les rapports sociaux, tout particulièrement dans la capacité des démunis, dominés et exploités, à bouleverser ce qui apparaît à première vue comme immuable. Gérard Noiriel, Agone, 2018, 28€


Dans le cadre du festival Diversité, organisé par la MJC Centre-Image de Montbéliard,
les Amis de l’Emancipation Sociale et les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, Uniscité
vous invitent au ciné-débat

Vendredi 12 avril 2019 (18h/21h)
au Bar Atteint 25 rue de la Savoureuse à Belfort

Derniers jours à Shibati
Documentaire d’Hendrick Dusollier

Suivi d’un débat animé par les AES et Uniscité

Dans l’immense ville de Chongqing, devenue en 10 ans la plus grande agglomération au monde (une trentaine de fois Paris et sa région), Hendrick Dusollier nous fait vivre avec émotion le quotidien de quelques habitants qui assistent au démantèlement de leur quartier. Le virage tumultueux de la Chine contemporaine et la modernisation galopante de la Chine ne fait pas que des heureux. Venez en débattre. 

Contact : aesfc@orange.fr  03.84.30.35.73. Un apéro/plateau est proposé par le Bar Atteint (8 ou 10€), à l’issue de la soirée. Merci de réserver au 09.83.91.82.95.

















Le pacte

Certains  hommes ne travaillent pas
Ils ne bougent même pas le petit doigt
Pourtant ces  hommes rêvent d’or et de fortune
Qu’ils amassent au creux de la lune
Ils nous font croire que nous pouvons en avoir autant
Mais, en réalité, ils ne nous offrent que du vent
Nous sommes victimes de la politique du dormant
Ils nous gardent au fond du trou
Pour rester dans le grand flou
Les loups son très peu dans la nature
Mais en nombre au sommet de l’Etat
Ils s’en prennent toujours aux malades
Aux faibles, femmes et enfants
Ils développent un monde de brutes
En cristallisant toutes nos défenses
Par des discours bordés par la romance
Qui cachent les tableaux de la violence
Les poètes ne sont pas là pour faire la chouette
Sinon ils deviennent des tapettes
Les gouvernements son calés sur les canaux de l’indifférence
Ils sont suspendus à ces guerres qui ne laissent aucune chance
Pour eux seul compte le chemin de la fortune qui s’appuie sur la souffrance
De répandre la mort ils s’en balancent
Comme de l’an quarante
Seuls comptent l’or et la richesse et leur confort dans l’abondance

Hassen



Les espoirs du peuple d’Algérie
 (éditorial de PES n° 52)

Tous les commentateurs et partisans de l’ordre et de la stabilité prétendaient que le peuple algérien n’avait pas la capacité de se mobiliser après la « décennie noire » (1991-2000) le laissant traumatisé : disparitions, massacres de la population civile organisées à la fois par les groupes terroristes se réclamant de l’islam et par l’armée et ses services de sécurité, infiltrant pour les manipuler, les groupes armés.

Et pourtant, n’en pouvant plus de ce système dictatorial et opaque qui leur est imposé, les Algériens ont saisi opportunément la décision loufoque du grabataire Bouteflika de se représenter à l’élection présidentielle. Du jamais vu depuis l’indépendance de 1962. Depuis le 22 février, chaque vendredi, jour de week-end, ils descendent dans les rues par centaines de milliers, toutes classes d’âge confondues et de plus en plus nombreux. Pour l’heure, face à ce raz-de-marée, les forces répressives et leurs commanditaires, tétanisés, furent contraints d’adapter une attitude conciliante tout en préservant les lieux de pouvoir. Après s’être tu, l’aphasique et impotent Boutef fit savoir que, suite à sa réélection (son mandat se termine le 22 avril), il convoquerait une conférence nationale puis se retirerait pour qu’en réalité rien ne change. Pas dupes, les Algériens ont intensifié leurs mobilisations : c’est la caste au pouvoir dans ses différentes composantes qui est visée. « Qu’ils dégagent tous », « on ne lâche rien », « la désobéissance de chacun est un devoir national ».

Les 4 pôles du pouvoir semblent se diviser, ces « voleurs du peuple » qui, jusqu’ici, ont tout fait pour sauvegarder leurs intérêts. Rivaux mais d’accord pour préserver la « stabilité », la cohabitation de l’état-major de l’armée, les services dits de sécurité, la présidence et ses conseillers et, dernier venus, tous les affairistes proches du frère du président Saïd Bouteflika. Tous ces clans à la fortune bien étoffée cherchent à gagner du temps.   

Puis, après avoir traité les manifestants « d’égarés », « manipulés », le général Ahmed Gaïd Salah leur a décerné un brevet de « civisme inégalé ». Ce fidèle de Boutef, l’abandonnant, entend sortir de la crise afin que « le système se succède à lui-même ». Son injonction à la Cour constitutionnelle, acquise au régime, de déclarer « l’état d’empêchement » du mort-vivant ne peut faire illusion. Mustapha Bouchachi, président de la Ligue des Droits de l’Homme l’assure : « Les Algériens n’accepteront pas cette solution », la transition pilotée par l’armée. Il s’agit d’éviter un vide institutionnel qui pourrait fracturer l’Etat. En préconisant un intérim sous la houlette du président du Conseil de la nation (Sénat), puis de réunir les deux chambres afin qu’elles ratifient à la majorité des 2/3 la décision de la Cour Constitutionnelle et, ensuite, 3 mois après d’organiser des élections présidentielles pour désigner un nouveau chef des clans, cette « maffia au pouvoir », condamnée par les manifestants, espère se perpétuer.

Mais, c’est bien tout le système de prédation, fondé sur le partage et l’accaparement de la rente pétrolière et sur le capitalisme de connivence oligarchique, qui provoque la colère du peuple.

Sans pouvoir disposer, pour le moment, de forces politiques enracinées en son sein et porteuses d’un projet de transformation sociale, le peuple peut-il s’opposer à la solution dramatique d’un coup d’Etat à l’égyptienne ? Peut-il repousser les récupérations islamistes qui font polémique et les tentatives du RCD, ce parti allié du pouvoir, de se présenter comme seul recours ? Sûr que le peuple apprend très vite dans l’action. Il sait que ce régime a pillé (il n’y aurait plus d’argent dans les caisses) les ressources du pays ; il connaît l’ampleur des inégalités, la réalité de la pauvreté ; il sait que la crise économique qui se profile et la crise politique dans laquelle est enfermé le pouvoir, lui suggèrent d’intensifier son action. Tout est possible.

Solidaires, quoiqu’il advienne, nous devons soutenir le peuple algérien. Ses aspirations confisquées peu après l’indépendance, cette histoire de la mainmise de l’armée, et des péripéties dramatiques qui ont suivi, nous incite à mieux saisir ses tourments pour faire preuve d’un internationalisme éclairé. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.

GD, le 29.03.2019



Dans le cadre du Festival Diversité, organisé par la MJC Centre-Image du Pays de Montbéliard, les Amis de l’Emancipation Sociale et le Comté d’Aide et de Défense des Migrants de Haute-Saône  vous invitent au ciné-débat

Jeudi 4 avril 2019 à VESOUL
au cinéma Majestic – 20h (tarifs habituels)
Santiago-Italie
de Nanni Moretti

Après le coup d’Etat militaire de Pinochet en septembre 1973, l’ambassade d’Italie à Santiago a ouvert ses portes pour protéger de la répression des centaines de demandeurs d’asile. Nanni Moretti, avec des témoignages, raconte cette période dramatique pour les Chiliens et pour la démocratie, au cours de laquelle de nombreuses vies ont pu être sauvées grâce à quelques diplomates italiens. On souhaiterait que les administrations gouvernementales italiennes aujourd’hui aient le même élan de solidarité vis-à-vis des exilés qui traversent la Méditerranée, fuyant la guerre et la misère.  Un débat suivra la projection du film animé par les AES et le CADM. Venez nombreux.

En partenariat avec les Amis du cinéma de Vesoul, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, l’association des Italiens 70 et le Comité de soutien aux peuples d’Amérique latine
                                                                                                                       



Euratom. Usine à gaz

La Communauté Européenne de l’Energie Atomique, dite EURATOM, a été instituée par un traité signé en 1957 par les six pays membres de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier 5CECA). Sa mission est très claire : promouvoir le développement de l’industrie nucléaire en Europe.

Histoire de l’EURATOM

Institué pour renforcer la recherche, faciliter les investissements, diffuser les connaissances techniques, veiller à l’approvisionnement en minerais et combustibles nucléaires, assurer de larges débouchés à l’industrie nucléaire, EURATOM a, toutefois, dû limiter ses ambitions en raison du caractère sensible du secteur. Ses réalisations se limitent à la construction de 4 centres de recherche en Allemagne à Karlsruhe, en Belgique à Mol, au Pays-Bas à Petten et en Italie à Ispra et 5 centrales nucléaires en Franche à Chooz, en Allemagne à Juliers près de Dusseldorf et, surtout, en Italie à Garigliano, Latina, Trino et au financement de programmes tels l’organisation du développement énergique coréen.

A la suite de la nationalisation du canal de Suez par Nasser, en 1956, l’Assemblée européenne proposa d’étendre les fonctions de la CECA afin de couvrir les ressources énergétiques. Jean Monet, président de la CECA souhaita la création d’une communauté séparée de l’énergie nucléaire. Louis Armand, à la tête d’une étude pour l’énergie nucléaire civile en Europe, conclut à la solution du développement nucléaire qui semblait nécessaire au vu de l’épuisement des ressources en charbon et de la dépendance au pétrole. Les Etats du Benelux et de l’Allemagne de l’ouest voulaient la création d’un marché commun global. La France refusa pour des raisons protectionnistes et Jean Monnet établit un compromis en proposant la création de deux communautés Euratom et la CEE. Pour réduire les coûts, les exécutifs de la CECA et d’EURATOM fusionnèrent en 1965 avec la CEE et prirent le nom de Communautés Européennes (CE), tout en restant distinctes les unes des autres.  Les CE forment l’un des trois piliers définis par le traité de Maastricht qui créa l’Union Européenne en 1992. Depuis, l’EURATOM reste une personnalité juridique distincte.

Marc Chapuis (source : wikipedia)

Pour en finir avec un régime d’exception

60 ans après sa création, le traité EURATOM continue d’exister en dehors de l’Union Européenne. Maintenir un tel passe-droit au profit de l’énergie nucléaire est aussi anachronique qu’anormal.

Alors qu’EURATOM est chargé de développer en Europe des industries nucléaires puissantes, c’est ce traité qui définit les normes de protection contre les dangers de la radioactivité. Le conflit d’intérêt est criant, au détriment de la protection des populations. EURATOM constitue également un obstacle majeur au développement des énergies renouvelables en drainant un volume considérable d’aides financières. Il faut préparer la résiliation du traité instituant EURATOM.

Un traité pro-nucléaire et obsolète
Le Traité EURATOM a été bâti sur l’idée que l’énergie nucléaire allait apporter la prospérité : le nucléaire devait être sûr, propre et bon marché. C’était déjà contestable à l’époque : 1957 est en effet l’année de l’accident de Windscale, en Angleterre, et de la catastrophe de Mayak, en URSS. Ce n’est plus acceptable en 2018, après Tchernobyl et Fukushima, après les centaines de millions de tonnes de déchets radioactifs légués aux générations futures.

Un piège tragique pour notre santé
Les normes de protection de la population et des travailleurs contre les dangers de la radioactivité sont établies dans le cadre d’Euratom alors que sa mission fondamentale est de développer l’industrie nucléaire ! A cause de ce conflit d’intérêt majeur, les arbitrages entre intérêts économiques et sanitaires se sont faits, et continuent de se faire, au détriment de notre santé.

Un risque majeur pour notre environnement
En fonctionnement normal, on a déjà les déchets radioactifs, les rejets radioactifs, chimiques et thermiques dans l’atmosphère, les cours d’eaux et les océans, le recyclage des métaux et gravats contaminés à l’insu des consommateurs. En cas d’accident nucléaire majeur, la vie de chaque citoyen européen serait affectée, des millions de citoyens pourraient tout perdre, des centaines de milliers de kilomètres carrés deviendraient inhabitables et impropres à toute culture.

Un traité antidémocratique
Euratom déroge au fonctionnement normal de l’UE. Le Parlement européen n’a qu’un rôle consultatif, pour ne pas dire figuratif, alors que les décisions prises sont essentielles pour le devenir de l’environnement et la santé de tous. L’initiative citoyenne européenne qui permet à 1 million de citoyens d’appeler la Commission européenne à légiférer, ne s’applique pas à EURATOM et donc au nucléaire. De plus, des décisions vitales pour notre avenir sont basées sur le travail d’experts anonymes qui ne rendent compte à personne, y compris quand leur travail est truffé d’erreurs.    

La CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité) et l’association RECH (Réaction en chaîne  humaine), décembre 2018
 


Aéroports de Paris… toujours plus de privatisations

Le roitelet de l’Elysée souhaite être le bon élève des puissants qui l’ont aidé à se hisser sur le trône, à savoir Henry Hermand, le millionnaire qui s’est chargé de financer sa vie privée, Xavier Niel, cet ancien proxénète devenu milliardaire (7ème fortune française) détenteur de nombreux médias et Bernard Arnault, 1ère fortune de France, propriétaire du groupe de luxe LVMH, doté d’un patrimoine de 70 milliards d’euros (1).

Il y a, en même temps, des poules aux œufs d’or publiques à brader et des satisfecit à recevoir de la part des eurocrates qui veillent à la réduction des déficits publics au moyen de privatisations et d’austérité budgétaire. Dès lors, faire rentrer dans les caisses de l’Etat, 19 milliards d’euros en vendant les participations de l’Etat d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie, serait un coup de maître qui satisferait à la fois Bruxelles et, par des arrangements particuliers, ses « amis » les plus cupides.

Au demeurant, ce n’est pas simple… de vendre notamment Aéroports de Paris (ADP), cette infrastructure stratégique qui gère 22 aéroports dans le monde, même pour une concession… de 70 ans. Il s’agirait de vendre la part de l’Etat, 50.6 % du capital, et de récupérer ainsi 8 à 10 milliards estimés. Seraient à la manœuvre les conseillers des banques Rothschild et Lazard. Reste que cette infrastructure a rapporté à l’Etat 173 millions en 2018 en dividendes, ce qui, à l’horizon des 70 ans, correspondrait, toutes choses étant égales par ailleurs, à plus de 12 milliards. Non seulement, le Sénat s’y oppose mais les cupides rechignent : il y a cette limitation réglementaire de 250 000 vols par an à Orly, contrainte insupportable ! alors même que les investissements déjà financés par l’Etat permettent une extension de Roissy et d’Orly. Et puis, si l’Etat s’avisait de taxer le kérosène… l’affaire serait moins rentable, à moins d’augmenter les tarifs voyageurs. VINCI, ce monstre du BTP, principal bénéficiaire de la privatisation des autoroutes, est intéressé mais, il y met des conditions : non seulement, le cahier des charges doit comporter des allégements de contraintes, mais surtout, pas question de saucissonner les parts de l’Etat. Xavier Huillard, PDG de Vinci, l’a dit  « Je veux tout » ou rien. D’où le montage hasardeux proposé par Patrick Devedjian (ancien homme politique de droite extrême). En patron de ces départements franciliens, il préconise de mettre au pot 1 milliard, plus 5 milliards du fonds spéculatif Adrian et 2 à 3 milliards d’emprunts souscrits par lesdites collectivités…

On sait comment a fini, dans l’imbroglio, la privatisation de l’aéroport Toulouse-Blagnac. Le partage de ce fleuron s’est réalisé entre le groupe chinois Casil Europe, associé au fonds spéculatif SNC Lavalin (Canadien) pour 49.9 % des parts, la Région, le département de Haute-Garonne, la métropole de Toulouse, la Chambre de commerce et d’industrie, détenant des parts correspondant au total à 40 %, l’Etat n’en possédant plus que 10.1 %. Le recours juridique contre les nuisances sonores a rebattu les cartes. On découvrit que, non seulement, la procédure dans le choix de l’actionnaire n’avait pas été respectée mais, qui plus est, le fonds spéculatif aurait dû être exclu pour corruption… Sur ce, la holding chinoise veut vendre ses parts et voler vers d’autres cieux plus lucratifs et moins procéduriers… Les syndicats s’y opposent en exigeant la mise sous séquestre des actions chinoises ; ils sont déboutés par le Tribunal de commerce de Paris qui prétend que seul l’Etat peut bloquer la vente. Sur ce, les syndicats font appel et l’Etat reste aux abonnés absents. Quant au groupe chinois, il estime avoir fait sa part de développement. Le résultat d’exploitation a augmenté de 30 % ainsi que les profits qui y étaient attachés. Reste comme futur acquéreur le fonds dit d’investissement EDEIS, créé en 2017, qui a racheté le fonds spéculatif SNC-Lavalin… Suite au prochain épisode.

On se  souvient également de la privatisation des autoroutes qui rapportaient en 2006 15 milliards à l’Etat et qui, désormais, profitent bien plus à Vinci et compagnies, avec la hausse des péages qui s’en sont suivi.

Mais l’Etat au service des intérêts de la finance persiste : « il faut laisser la place aux actionnaires » (Bruno Lemaire), « l’Etat gère mal » (Edouard Philippe). Bref, autant d’arguties, de bradages pour se décerner un brevet d’incompétence ! Et quand on sait que la plupart des PDG des privatisations sont issus de l’ENA, après un bref passage dans les ministères, on y perd son latin car la langue du profit et de l’enrichissement éhonté n’est pas la nôtre.

Serge Victor, le 27.03.2019   

(1)    Dans Crépuscule. Macron et les oligarques. L’enquête vérité de Juan Branco, ed. Au diable Vauvert



Les Gilets jaunes
de Lure et environs
vous invitent au ciné-débat

Mercredi 27 mars 2019 à LURE
au cinéma Méliès – 20h30 (5.90€)
J’veux du soleil !
Réalisé par Gilles Perret et François Ruffin

Quand les Gilets Jaunes crèvent l’écran !
Il s’agit de ne pas laisser à BFMTV et consorts, le monopole de la mémoire du mouvement. Les réalisateurs, pendant une semaine, sont allés de rond-point en rond-point, cueillir les paroles sensibles et poignantes, la galère, la colère, les revendications… mais aussi la joie et la fraternité.
Venez nombreux partager l’enthousiasme des Gilets Jaunes, les raisons de leur engagement, mais aussi évoquer les perspectives d’à-venir de ce mouvement qui dure depuis plus de 4 mois. Nous pourrons en débattre après la projection, avec le soutien des Amis de l’Emancipation Sociale








NOUS avons LU    :     En finir avec l’Europe

Qu’est-ce que l’Union Européenne ? Les co-auteurs de ce livre nous renvoient aux années 1950, quand, sous la pression des Etats-Unis, l’idée de l’Europe est née, comme un nouveau type d’empire sans conquêtes territoriales, faisant émerger des rivaux industriels pour développer le libre-échange. Il s’agit à cette époque d’étouffer le socialisme en Europe, de se protéger de la souveraineté populaire en mettant en place des institutions limitant la démocratie. Avant même le tournant global du néolibéralisme entamé dans les années 1970, la libre concurrence est un principe fondateur du projet européen. Cette conception ne fera que se renforcer, le traité de Maastricht (1992) créant l’euro comme monnaie unique en constituera une avancée majeure. Les socialistes au pouvoir en France choisissent de rester dans le système monétaire européen, donnant priorité à la lutte contre l’inflation, par la rigueur budgétaire et la hausse du chômage. Delors l’affirmera : « la flexibilité salariale et la mobilité du travail sont nécessaires pour éliminer les différences de compétitivité entre les pays et régions de la communauté ». La crise de 2007-2008 a démontré le régime politique autoritaire de l’UE, disposée à suspendre les procédures démocratiques et à remplacer des gouvernements élus par des technocrates en donnant une place prépondérante à la BCE ou en annulant des référendums. Cette réflexion sur les fondements de l’Europe explique que « sortir de l’UE » est une rupture avec le néolibéralisme,  avec l’euro, c’est-à-dire de lutter contre l’UE telle qu’elle est. 

Cinq co-auteurs sous la direction de Cédric Durand, La fabrique, 2013, 15€  



L’Europe malade d’elle-même

On va nous le chanter sur tous les tons : Europe ! Europe ! Tous les politiciens vont entonner les airs d’une Europe plus sociale qui protège les peuples ou celle d’une Europe des nations qui s’en détachent, tout en restant prisonnières du carcan néolibéral imposé par les traités. Ouverte à tous vents, est-elle encore européenne ? Ce vaste marché qui met en concurrence les Etats à coup de concurrence sociale et fiscale n’est-il pas en train de produire des monstres, en réaction à la domination de la finance ? Ce qui se passe à l’Est de sa configuration témoigne pour le moins d’une déchirure qui n’est pas prête de se cautériser. L’extrême droite US, libertarienne, s’emploie à accroître la division parmi les peuples. En fait, l’Europe telle qu’elle s’est construite, a fait régner la loi du plus fort. L’Allemagne en a tiré profit jusqu’ici mais sa domination est désormais de plus en plus fragile. Resterait à aborder, de façon plus détaillée qu’on ne peut le faire ci-après, la nature du césarisme institutionnel qui bride les peuples en ne favorisant que la finance cosmopolite.

Une Europe de moins en moins européenne…

La pénétration des capitaux extra-européens au sein même de l’UE a pris une telle proportion que l’on peut douter des velléités de certains qui se revendiquent de l’Europe puissance. 35 % des actifs (capitaux + immobilisations) sont aux mains de sociétés étrangères, dont plus de 4 % sont réfugiées et pilotées à partir des paradis fiscaux. Le spectre chinois est l’arbre qui cache la forêt. Ces « investisseurs » proviennent non seulement de l’Empire du milieu, des USA, du Japon, de la Russie, des pétromonarchies… Mais encore, ils possèdent des secteurs stratégiques : à 56 % pour les produits pharmaceutiques, à 54 % pour l’électronique et l’optique, à 39 % pour les assurances, à 30 % pour le secteur financier. Quant à la Chine, elle s’intéresse surtout au secteur des machines-outils et à l’aéronautique. L’Allemagne de Merkel en frémit. Quant à Macron qui rêvait d’un budget européen plus conséquent pour faire face à la concurrence étrangère, il a dû remettre ses plans sur la comète face à l’orthodoxie budgétaire austéritaire des eurocrates, y compris allemands.

…de plus en plus fracturée

Indépendamment du Brexit, de l’étranglement de la Grèce, des réticences brouillonnes de l’Italie, c’est à l’Est que la « liberté » de circulation des capitaux et des hommes a produit des déchirures difficilement réversibles. La sortie du capitalisme d’Etat bureaucratique et policier et la privatisation sauvage qui l’a accompagnée ont mis sur orbite une kleptocratie maffieuse. Elle s’est emparée des appareils d’Etat, tout en laissant s’implanter des usines allemandes, françaises… qui entendaient profiter de la manne de main d’œuvre à bon marché, et, qui plus est, professionnellement adaptée. L’appauvrissement des populations s’est de fait accompagné de bien des désillusions. Restait l’eldorado de la migration au Royaume Uni, en Allemagne… dans ces pays où il semblait permis de s’enrichir quitte à être exploité. C’est ainsi que s’est amorcé un déclin démographique puis une baisse de la natalité en Roumanie, en Bulgarie, en Pologne, en Croatie, en Lettonie… Au total, et en moyenne, ce déclin démographique est de 7 % ; bien évidemment, ce sont les plus jeunes et les plus éduqués qui partent. Pour exemple, celui de la Roumanie est probant. De 29 millions d’habitants en 1989, la population est passée en 2017… à 19.7 millions et la fuite par l’exil continue, à raison de 200 000 par an. Ce sont 20 % de la population active qui résident à l’étranger, certes mieux - mais quand même - que la Croatie (14 %). La tendance est générale. Il n’y a pas à s’étonner de l’existence dans certaines villes, d’appartements vides, de bibliothèques désertes, de piscines fermées, de ramassage des ordures ménagères suspendu et, plus généralement, de l’état déplorable des infrastructures publiques, y compris des hôpitaux.

Rien de surprenant face à la pénurie de main d’œuvre que des grèves éclatent et que les ouvriers mal payés, obtiennent jusqu’à 18 % d’augmentation salariale, comme en Hongrie, après quelques jours de grève. La pénurie de main d’œuvre, un chômage inexistant (et pour cause) ne laissent guère de marge de manœuvre aux dirigeants d’entreprises et aux actionnaires étrangers. La flexibilité à l’ouest n’est plus de mise à l’est, même si les profits tirés de salaires bien plus faibles sont encore loin d’être négligeables. Toutefois, les eurocrates du libre-échange et de la libre circulation des hommes et des capitaux commencent à avoir des sueurs froides face au raidissement identitaire, nationaliste et xénophobe des kleptocrates de l’Est. Certes, l’argent de la diaspora atténue les crispations sociales mais ce ne sont pas les imposantes demeures kitch de quelques enrichis à l’ouest qui font vivre un pays. Quant à faire revenir  cette main d’œuvre, dont l’esprit critique s’est aiguisé, c’est incompatible avec la corruption qui règne parmi les élites politiciennes. Reste à recourir aux « bons soins » de la gangrène d’extrême droite dont les chantres sont aux USA.

Les fabriques de monstres

Ils peuvent compter sur le ressentiment des populations, face à l’arrogance et à la condescendance des eurocrates, et cultiver la haine. Des milliardaires libertariens ont entrepris des campagnes de diffusion de fausses infos en Europe, tel Robert Mercer, ce dirigeant d’un fonds spéculatif. Il finance des sites conspirationnistes d’extrême-droite (et Steve Banon aux USA). On peut citer l’institut Gatestone, Secure America New Fondation (contre l’immigration et soutien d’Israël), Robert Shillman finance, outre des sites, plusieurs groupes d’extrême droite en Europe et des « centres » tel Rebell Radio Gong et Horowitz. Harris media, basé au Texas, s’est plutôt spécialisé dans les appels à la violence contre les musulmans, tout en finançant l’AFD allemand. Et puis, il y a les fameux frères Koch qui, par facebook et instagram, prospectent et ciblent des profils types. A l’aide de vidéos anxiogènes, utilisant également la publicité sur Google, tous diffusent des mensonges de désinformation haineuse, pêle-mêle, contre l’IVG, le chômage, l’immigration…en plusieurs langues, à l’aide de collaborateurs de sites bien rémunérés. De quoi fracturer encore plus les Etats européens, et d’abord ceux de l’Est.

Alors ? Changer ou sortir de l’Europe. Rien de simple

Toute volonté de changer l’Europe se heurte aux murs des traités qui ont organisé l’austérité et, par conséquent, le dumping social, environnemental et fiscal, suscitant la concurrence entre les Etats afin que les capitaux y fassent leur marché, y compris en délocalisant ou (et) en trouvant refuge dans les paradis fiscaux. La banque centrale européenne, sans aucune légitimité démocratique, verrouille encore plus toute tentative de relance, tout comme les critères de convergence depuis 1992 (3 % de déficit budgétaire ; 60 % de dette par rapport au PIB), qui désormais, ne parviennent guère à s’appliquer mais restent sous la férule des eurocrates et de l’Allemagne. La procédure de révision des traités, contrainte par la règle de l’unanimité, ainsi que l’article 50 qui prévoit le retrait de l’Union, démontrent, s’il en est besoin, au travers de l’expérience du Brexit, que la camisole est pesante. Le parlement européen, sans délibération souveraine, reste charpeauté par la commission européenne et le conseil des chefs d’Etat et de gouvernement. L’Allemagne dominante, la seule pratiquement à accumuler des excédents budgétaires, ne peut que s’opposer à toute modification du statu quo. La possible transformation de l’UE, vouée au néolibéralisme, n’est qu’une illusion, entretenue pour la faire accepter telle qu’elle est.

Toutefois, les nuages s’accumulent contre cette entité non identifiée, ni Etat fédéral, ni coopération entre nations, et toute fêlure provoque la psychose des élites et l’hystérie médiatique : après la Grèce essorée par la Troïka, le Brexit chaotique qui dure, les velléités italiennes, vient la montée des souverainistes nationalistes et xénophobes. Le résultat des prochaines élections européennes reflètera encore plus, demain, le processus en cours de démantèlement par le haut de cette construction ubuesque où les capitaux sont rois et ne lésinent pas, face à l’absence de règles qui les jugulent, à s’expatrier comme bon leur semble. 

La finance cosmopolite et les peuples

Une enquête du Times vient de révéler que sur 93 milliardaires recensés au Royaume Uni, 28 ont choisi l’exil fiscal. Leur destination : Jersey, Monaco, la Suisse, le Portugal. Echapper à l’impôt et aux incertitudes du Brexit, porteuses d’augmentation de taxes. Ainsi, Jim Ratcliffe, dont la fortune est évaluée à 21 milliards d’euros, se vante d’avoir « économisé » 4 milliards d’impôts sous le ciel monégasque. Quant à Simon Nixon, réfugié à Jersey, c’est 168 millions qu’il ne versera pas au fisc britannique. C’est ainsi que 6 800 Britanniques contrôlent déjà, à distance, 12 000 entreprises britanniques. Bref, les grands patrons n’ont pas de patrie, tout comme les oligarques russes ou d’autres nationalités.

Autrement dit, prise en tenaille entre, d’une part, les égoïsmes nationaux, la rapacité de la finance dérégulée, le creusement des inégalités et, d’autre part, le carcan néolibéral institué et le mécontentement des peuples, la construction européenne se délite par le haut et, par le bas, reçoit des coups de boutoir des peuples, qui n’en peuvent plus de subir les régressions imposées. Même l’Allemagne risque de devenir la grande malade de l’UE. Sa grande ouverture aux exportations qui l’ont propulsée est sensible aux fluctuations du commerce mondial qui se rétrécit. Le ralentissement de l’investissement des entreprises, son hinterland à l’est moins productif, le vieillissement de sa population bien que freiné par le phénomène migratoire, le niveau élevé de l’épargne de précaution des Allemands préoccupés de leurs vieux jours, tout comme l’incertitude politique européenne et germanique avec la succession de Merkel et la montée de l’AFD, sont autant de facteurs de déstabilisation de l’UE construite pour l’Allemagne de Schroeder. La pauvreté, avec les jobs à quelques euros, s’est installée au cœur même de la puissance centrale de l’UE.

Quant aux peuples, désappointés, au travers des mouvements sociaux, des soulèvements, ils cherchent leurs voies sans perspectives pour l’heure de sortir de ce  labyrinthe technocratique.

Sortir de l’Europe, désobéir aux traités, se réapproprier le levier monétaire, reconquérir le pouvoir démocratique sur l’économie, enrayer dans le même temps la fuite des capitaux… oui, mais quelles forces politiques, enracinées parmi les classes ouvrières et populaires, peuvent se frayer un tel chemin ? Pratiquement aucune. Il faut donc s’attendre à d’autres coups de boutoir contre cette Europe-là pour parvenir à s’en défaire.

Gérard Deneux le 25.03.2019







Le maintien de l’ordre protège l’Etat et non le peuple !

Depuis novembre 2018, le nombre de blessés graves dans les manifestations liées au mouvement des Gilets Jaunes a explosé. David Dufresne, journaliste, au 22 mars, a recensé : 1 décès, 222 blessures à la tête, 22 éborgnés, 5 mains arrachées. « Le maintien de l’ordre protège l’Etat et non le peuple » déplore le collectif Désarmons-les qui invite à bloquer les sites des usines d’armement – fabrique de flash-ball, de grenades de de désencerclement, de grenades lacrymogènes, de lanceurs de balles de défense. L’Etat français se vante d’un savoir-faire et d’une doctrine développés dans les anciennes colonies et sur les territoires d’outre-mer. La France achète et utilise des armes chimiques (proscrites par les conventions internationales sur les terrains de guerre) ; elle achète, vend et utilise des armes de guerre, des munitions qui mutilent. L’Etat français offre des milliards d’euros aux marchands de mort tandis que son système de santé, son système social, son système éducatif sont en faillite. Bloquer le complexe militaro-industriel français, c’est bloquer l’économie de mort de ce système. Le Collectif appelle à bloquer l’usine Alsetex (Sarthe) du 29 au 31 mars.
https://desarmons.net   paru sur bastamag.net      



Le Slam de Lansana

Je suis guinéen d’origine koniankée.

C’est mon histoire d’immigré que je vais vous raconter,
Vous aurez peut-être du mal à la supporter,
Mais aujourd’hui, devant vous, j’ai envie d’en parler.

Tu sais les eaux dont tu sors mais tu ne sais pas les eaux où tu entres
Là-bas, la voix des armes me donnait mal au ventre.

Je prends la route avec cent euros en poche.
Je prends la route en quittant mes proches.
Je passe au Mali, en Algérie avant d’entrer en Libye
Où les gens considèrent les migrants comme des bandits.

Ils nous maltraitent comme des traitres
Mais tout ça m’a donné envie d’être
Très simple, très patient, très courageux
Car ma mère me disait de ne pas être orgueilleux.
Elle me répétait de ne pas me décourager.
C’est pour ça que je l’ai toujours aimée.

Après tout le temps de souffrance, à attendre au bord de la mer,
Les Libyens nous embarquent et après trois heures de mer,
On est arrêtés par la marine militaire.
Elle nous débarque et nous met en prison.
Là-bas, il n’y avait pas de solution.

On ne mangeait pas, on ne buvait pas.
On a décidé de s’évader, pour être loin de là-bas.
Mais le gardien a tiré car il ne voulait pas.
Il a même touché deux personnes à côté de moi.

Je rejoins un foyer, je travaille et je gagne mon argent,
Mais les militaires me le prennent finalement.
Je donne ma maigre pitance à partager
Et un Camerounais, touché,
Me donne cent euros pour ma traversée.

Je prends le bateau, me rends en Sicile.
Là-bas, je n’en ai pas fini avec les choses difficiles.
Un mois après, me voilà à Orléans, dans la rue.
La police me voit, me menotte, me place en garde à vue.
Le matin, je repars avec une OQTF,
L’obligation de quitter le territoire français… en vitesse.

Je vais à l’hôtel Coligny.
Maintenant j’ai le droit de rester ici.
J’ai vécu beaucoup de choses à mon âge, mais ça a quelques avantages
J’ai vu l’enfer, je ne suis pas mort.
Ce qui ne m’a pas tué, m’a rendu plus fort

Lansana Kourouma, le 01.02.2017
224 est ma fierté

Lansana est arrivé début juin 2016 à Orléans. Il avait 14 ans et 8 mois. Comme il l’écrit dans son slam, il a été arrêté, menotté et mis en garde à vue. Un test osseux lui a également été imposé. Car le Conseil général du Loiret a refusé systématiquement tout nouvel arrivant MIE (mineur isolé étranger), entre juin 2014 et août 2016. Lansana a été relâché dans la rue au bout de 48 H avec une OQTF. Durant l’été, il a pu trouver des solutions d’hébergement chez différents citoyens militants. Avec l’aide du COJIE (Collectif de soutien aux jeunes isolés étrangers, fondé par RESF 45), il a pu faire les démarches en justice pour faire reconnaître sa minorité (première décision positive du juge des enfants début septembre 2016, confirmée en février 2017) et annuler son OQTF en novembre 2016. Nous l’avons également aidé à s’inscrire à l’école. Il est entré en classe d’accueil au collège dès septembre 2016. C’est dans cette classe qu’il a écrit son slam, en février. L’ordonnance du juge des enfants pour une assistance éducative en septembre 2016 s’est traduite, comme pour tous les autres jeunes MIE à Orléans, par une mise à l’abri à l’hôtel, sans suivi éducatif. Lansana continue à venir aux réunions du COJIE car c’est là qu’il trouve le plus de soutien et de renseignements sur sa situation. Depuis août 2016, le Conseil départemental du Loiret a repris « l’accueil » des nouveaux arrivants ; mais cela se fait dans la douleur, car le personnel est très insuffisant pour pouvoir réaliser correctement et dans les délais le travail d’évaluation de la minorité de chaque jeune. Ils attendent souvent des mois avant de savoir s’ils vont rester ou pas dans le département. Tant que cette orientation n’est pas décidée, le Conseil départemental pousse l’Education nationale à ne pas scolariser les jeunes pour ne pas risquer de bloquer une place qui se libèrerait ensuite. Bien entendu nous dénonçons ces pratiques, comme nous dénonçons la mise à l’abri en hôtels, l’entassement de plus en plus fréquent à 4 ou plus par chambre, le manque d’éducateurs et de places à l’école.
Transmis par RESF INFO (Réseau d’Education Sans Frontières)     


La sécurité érigée en politique !

Quand les mesures sécuritaires tiennent lieu de politique, c’est que ceux qui en décident sont affaiblis, c’est que la démocratie est menacée. Macron fait ce choix, empêtré dans la politique européenne d’immigration totalement désarticulée, où chaque pays décide, seul, dans un espace de Schengen qui, de fait, n’est plus. Englué qu’il est, par ailleurs, dans le « grand débat » initié pour sortir la tête haute – ce qui n’a illusionné personne – face au mouvement de résistance des Gilets Jaunes, qui ne faiblit pas, ou si peu, depuis 4 mois. Nous ne reviendrons pas sur le mouvement des Gilets Jaunes, évoqué dans les précédents numéros. Par contre, nous tentons d’illustrer la politique sécuritaire mise en œuvre en France et en Europe, celle qui organise des contraintes à la liberté d’aller et de venir et promeut des lois liberticides contre le droit de manifester.

1 – La sécurité comme politique d’immigration

Elle commence par les contrôles aux frontières…
A quelques semaines des élections européennes, Macron, qui fanfaronnait avec son idée de « renaissance européenne » auprès des autres Etats membres, a dû en rabattre : les 28 n’ont toujours pas réussi à s’accorder sur le « paquet asile » en discussion depuis 2013. La discorde porte sur la procédure d’asile et le règlement  Dublin (qui contraint le migrant à déposer sa demande d’asile dans le pays par lequel il est entré en UE). Les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) refusent une réforme leur imposant l’accueil des réfugiés dans le cadre d’une répartition entre pays. Les pays d’entrée (Malte, Italie, Grèce, Espagne) continuent à laisser passer les migrants qui ne veulent pas rester chez eux. Les pays de destination finale, comme la France, veulent instituer des mécanismes de relocalisation et renforcer Dublin. Macron veut « remettre à plat l’espace Schengen » - zone de libre circulation au sein de laquelle les contrôles frontaliers sont abolis, tout en sachant que changer Schengen ne peut se faire qu’à l’unanimité. En attendant… peu importe la règle… France depuis 2015, Allemagne, Autriche, Danemark, Suède, Norvège dérogent à Schengen et ont rétabli des contrôles à leurs frontières… situation qui se prolonge illégalement… Macron pense à créer un « conseil de la sécurité intérieure » restreint qui permettrait de s’affranchir de la règle de l’unanimité, quitte à concéder des dérogations aux pays de Visegrad sous la forme d’une solidarité obligatoire, financière ; les pays d’entrée, quant à eux, envisageraient des centres fermés dans lesquels seraient enfermés les débarqués de Méditerranée, faisant le tri entre les migrants « économiques », renvoyés, et les réfugiés, répartis entre Etats volontaires. En quelque sorte, la politique de l’immigration ne serait qu’une affaire de tri ! On n’est pas prêt, dès lors, de sortir des « politiques actuelles (qui) ont érigé la mort à la frontière comme un spectre planant sur chaque migrant tentant d’entrer en Europe » (1). Il s’agit surtout de rassurer un électorat anti-migrant et de mettre en œuvre la trouvaille de Macron, « l’homme à la pensée complexe ! » : « la frontière, c’est la liberté en sécurité » !!!

La réponse à cette macronerie s’illustre dans l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, dont la mission est d’aider les Etats de l’UE à « sécuriser » leurs frontières extérieures et à contrôler l’immigration illégale, dit plus clairement, à empêcher les exilés  d’atteindre l’Union.  Frontex est symbole d’une Europe qui bafoue les droits des migrants, comme l’affirme Migreurop (3) : « Les garde-côtes de l’Europe travaillent dans un océan d’impunité »? En effet, qui contrôle Frontex quand elle négocie des accords de coopération avec 18 Etats non membres de l’UE dont la Turquie, la Biélorussie ou le Nigeria ? Ou quand elle signe des protocoles d’entente avec le Sénégal et la Mauritanie pour contrôler l’immigration en partance d’Afrique de l’ouest ? Qui la contrôle en mer Egée, quand elle coopère avec l’Otan dans le cadre d’opérations militaires censées lutter contre les réseaux de passeurs et autres trafiquants ? Qui contrôle l’opération Themis en Méditerranée centrale relative aux flux migratoires en provenance d’Algérie, Tunisie, Libye, Egypte et Albanie ? Qui est responsable des violences exercées sur des migrants ? Qui s’attache à veiller au respect du droit international quand Frontex prête un bateau à l’Italie pour refouler une embarcation grâce à des officiers qui sont pour certains employés par Frontex, pour d’autres détachés par la Hongrie et la France ? Qui peut se plaindre des actes de Frontex ? Les migrants fuyant des misères en cascade  prenant le temps de remplir 15 pages pour dénoncer un acte de maltraitance subi ? Les députés européens ? Eux qui votent les propositions de la Commission sans bien savoir ce qu’elles recouvrent ? Frontex est la vitrine peu reluisante de la politique migratoire européenne, avec l’assentiment du Conseil des ministres, c’est-à-dire des Etats composant l’UE. Elle fait du renseignement en gérant un certain nombre de fichiers avec les systèmes de surveillance Eurosur, Europol et Etias. Les accords conclus par Frontex avec des Etats non européens ne font l’objet d’aucun contrôle a priori par le Parlement.  Son budget annuel marque la volonté européenne de son développement : il est passé de 97 millions en 2014 à 320 millions en 2018 et il est fixé à 1.5 milliard/an pour la période 2021-2027. Les multinationales convoitent les marchés de protection des frontières européennes : sur 39 projets, Thales et ses filiales participent à 18, le géant italien de l’armement Finmeccanica à 16 et les entités du groupe Airbus à 10.


… Elle se poursuit par la militarisation des frontières.
La France a verrouillé ses accès par Menton, Briançon, Ouistreham, Calais, Hendaye. Au Pays basque, les réseaux solidaires viennent en aide à ceux qui n’ont pas conscience de la violence de cette frontière. A peine les migrants ont-ils enjambé le pont pour passer la Bidassoa qui les conduit à la gare d’Hendaye que là, ils tombent sur le poste de la PAF qui les renvoie aussitôt. Au péage de Biriatou, tous les bus même scolaires sont fouillés.
Dans les Alpes, les contrôles sont ciblés au faciès. Après interpellations suivent des procédures expéditives, avec refus systématique d’entrée et renvoi vers l’Italie, alors que la situation de chaque migrant devrait faire l’objet d’un examen individuel approfondi. La frontière franco-italienne est quadrillée par la police qui traque les étrangers dans les trains, les bus et sur les chemins de randonnée.
Pourquoi sont-ils si nombreux à vouloir emprunter des chemins impossibles ? Parce que depuis la fin des années 1990, il y a renforcement constant de la logique répressive et sécuritaire des politiques migratoires : entraves sur l‘attribution de visa, externalisation du contrôle des frontières européennes à des pays tiers, etc. Ainsi, de moins en moins de personnes peuvent emprunter des voies dites « régulières » pour rejoindre l’Europe. Même un certain nombre d’agents de la police aux frontières, sans oser l’affirmer officiellement,  avouent que leur mission est insupportable. L’un d’entre eux témoigne (3) : « Depuis le rétablissement des contrôles aux frontières, à la suite des attentats de novembre 2015, notre unité se retrouve côté italien près de Modane, (en application) du système de Bureau à Contrôles Nationaux Juxtaposés (BCNJ) qui pratique systématiquement la non-admission. Avant, quand on contrôlait côté français, on engageait une procédure de retenue. Maintenant, ça prend moins de 10 secondes. C’est très efficace. On remplit un formulaire en trois volets, puis on remet le migrant illégal à la police italienne ».  Mais avec l’arrivée du ministre italien Salvini, c’est pire : « depuis juillet, nous refusons l’entrée en France à 700/800 migrants par mois (30% de plus qu’avant) Les policiers italiens, débordés, refusent de venir récupérer les migrants la nuit. Nous restons avec eux dans nos locaux et nous ne contrôlons plus la frontière. Les locaux sont inadaptés, 10 voire 15 dorment par terre. Cette situation se produit tous les soirs ».
Dans le Calaisis, la frontière avance toujours plus. Depuis les accords du Touquet (2003), le Royaume Uni délègue à la France la « bonne » application de sa politique migratoire.  Fin 2016, un mur « anti-intrusion » a poussé le long de la rocade près du port. 4 mètres de haut sur un kilomètre de long, financé à hauteur de 2.7 millions d’euros par le gouvernement britannique. Une deuxième « jungle » s’étant constituée sur le territoire anglais, May a promis de renforcer les infrastructures de sécurité (vidéosurveillance, clôtures et technologies infrarouge…) et un protocole additif a été signé avec Macron le 18 janvier 2018 pour un engagement financier du Royaume Uni de 50.5 millions.

… L’enfermement comme outil de contrôle des migrations. 
En France, il y a deux systèmes : les centres de rétention pour ceux qui sont en France et vont être expulsés et les zones d’attente, qui sont considérées, légalement, hors territoire français. Elles sont des extensions de la frontière et permettent d’y appliquer des procédures dérogatoires au droit commun. Sas frontaliers, lieux d’enfermement provisoire (26 jours maxi) où les exilés sont retenus, isolées, sans droits réels d’accès aux soins et à la justice, avec des allégations de violences policières. Si, matériellement, les droits sont listés, ils ne font l’objet d’aucun contrôle possible pour les garantir. En France, il y a 98 zones officielles d’attente, dans les aéroports, les ports, les gares, la plus importante étant l’aéroport de Roissy. Ce sont des espaces de tri et de refoulement


Au royaume de la suspicion, la France est reine…
La récente loi asile et immigration, entrée en vigueur le 31 janvier, modifie les modalités d’évaluation de la minorité d’âge des enfants migrants arrivant seuls sur le territoire français. Evaluation jusqu’ici réalisée par  les départements, elle va être reprise en main par les préfectures pour vérifier l’authenticité des documents et collecter leurs empreintes digitales, etc. dans l’objectif de créer un fichier biométrique des mineurs. Les associations Médecins du monde, Gisti, Cimade, Unicef ont contesté cette décision devant le Conseil d’Etat, craignant que les vérifications de la préfecture ne prennent le pas sur l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Elles y voient la volonté de multiplier les refus de minorité sur des bases peu fiables. Ce qui est déjà le cas : par exemple, les actes de naissance de Guinée Conakry (premier pays d’origine des mineurs isolés en France, avant la Côte d’Ivoire et le Mali) sont systématiquement rejetés par l’administration au prétexte «  d’une fraude généralisée au niveau de l’état civil ». Les préfectures seront automatiquement avisées lorsqu’un jeune sera évalué majeur et pourront engager des mesures d’éloignement immédiates, sans attendre qu’une autorité judiciaire ait pu statuer sur le refus de minorité. C’est que l’enjeu est important. Si le jeune est reconnu mineur, il bénéficie (selon la convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et le code de l’action sociale et des familles), des mêmes droits que n’importe quel enfant en danger, soit une prise en charge par l’ASE favorisant son insertion et l’obtention du droit d’asile à l’âge de 18 ans.  Sinon il rejoindra les demandeurs d’asile menacés d’expulsion, à la rue. Quand une décision d’annulation de minorité est contestée, le test osseux  de la face de la main gauche est pratiqué, même si les spécialistes médicaux ont alerté sur sa non-fiabilité. L’âge osseux n’équivaut pas à l’âge réel. La maturité osseuse s’achève à 19 ans chez un garçon et diffère d’un enfant à l’autre, la variabilité individuelle est de un à deux ans. Les associations dénoncent régulièrement le défaut de prise en charge des mineurs isolés étrangers. Notons que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, le 28 février, pour avoir infligé un « traitement dégradant » à un mineur isolé afghan. Agé de 11 ans, en 2015, il  n’avait pas été pris en charge par les autorités, malgré une demande du juge des enfants et avait vécu 6 mois dans le bidonville de Calais.

… et  pour  la « sécurité des Européens », apparaît le fichage des « non-européens » !
19 associations et syndicats ont saisi le Conseil d’Etat, le 28 février, pour contester la légalité du décret du 30 janvier 2019 autorisant le fichage des mineurs. Il est pratiqué, à titre expérimental dans le Bas-Rhin, en Isère, Essonne, Indre et Loire.
Par ailleurs, au prétexte de lutte contre le terrorisme et la criminalité, un accord provisoire a été signé le 5 février pour renforcer les contrôles aux frontières de l’UE. Des appareils portables équipés de lecteurs d’empreintes digitales et d’images faciales permettront aux policiers de traquer les « terroristes », et de consolider la mise en commun de fichiers de données personnelles. L’accord permet l’unification de 6 registres de données d’identification alphanumériques et biométriques (empreintes digitales et images faciales) de citoyens non membres de l’UE, et ce, sans tenir compte des nombreuses réserves émises par les Cnil (4) européennes. Les registres des demandeurs d’asile (Eurodac), des demandeurs de visa pour l’UE (Visa) et du système d’information Schengen seront joints à trois nouvelles bases de données concernant des citoyens non membres de l’UE. Pourront y accéder les forces de police des Etats membres, les responsables d’Interpol, d’Europol et même des gardes-frontières de l’agence Frontex. La « fraude à l’identité » devient prioritaire, mélangeant, à souhait, lutte contre la criminalité et lutte contre l’immigration dite irrégulière. Et qu’importe, pour les « traqueurs », qu’un expert en matière de lutte contre le terrorisme, souligne que dans les attentats perpétrés en Europe ces dix dernières années, les auteurs étaient souvent des citoyens européens et ne figuraient donc pas dans les bases de données qui devraient être unifiées. Cela va coûter très cher. Le fonds de gestion des frontières a augmenté de 197 % dans le budget proposé pour 2021-2027 alors que la part consacrée aux politiques de migration et d’asile n’a augmenté que de 36 %
En 2020, le système Entry Exit, l’une des trois nouvelles bases de données centralisées, entrera en vigueur, obligeant chaque Etat membre à collecter les empreintes digitales et les images de visages de tous les citoyens non européens entrant et sortant de l’Union. Chaque frontière, aéroportuaire, portuaire ou terrestre, devra s’équiper de lecteurs, pour un coût de 480 millions d’euros pour les 4 premières années. Ce sera ensuite au tour d’Etias (système européen d’information de voyage et d’autorisation), registre examinant préventivement les demandes d’entrée, pour 212 millions d’euros, tout cela sans qu’existe une étude sur la manière dont les nouveaux registres de données biométriques et leur interconnexion peuvent contribuer à l’objectif de  « protection des citoyens européens contre le terrorisme international »..

Ce système de surveillance généralisée à l’encontre de l’étranger « irrégulier » se développe à l’encontre des manifestants qui troubleraient l’ordre public.

2 - Mesures sécuritaires : réponse de Macron à l’injustice sociale, fiscale, environnementale

Le mouvement inédit des Gilets Jaunes, qui dure, agace profondément Macron car tout ce qu’il a entrepris pour l’étouffer a échoué. Il a tenté de le discréditer, de le maltraiter, de le réprimer à coups de LBD et gaz lacrymogènes faisant des morts, des éborgnés, des mains arrachées, des milliers d’arrestations… Rien n’y fait. Ce mouvement de « gueux » ose même fouler l’asphalte des beaux quartiers de Paris, tout près de ses fenêtres de l’Elysée, comme une remise en cause de son pouvoir suprême. Même le « grand débat » qui a occupé les médias quelque temps n’a pas éteint la colère des Gilets Jaunes contre l’injustice sociale, fiscale et environnementale. Alors que fait le pouvoir ? Tout comme il surveille, contrôle, enferme les étrangers « irréguliers », il fait légiférer pour restreindre la liberté de manifester.  

La proposition de loi  « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations », dite loi anticasseurs, vient d’être votée définitivement, le 12 mars, par le Sénat avec 210 voix pour, 115 contre et 18 abstentions. Toucher à une liberté fondamentale du droit à manifester est risqué, d’autant que des députés (50 LRM) s’étaient abstenus lors du vote à l’assemblée nationale le 5 février. Alors, pour couper l’herbe sous le pied à ces « marcheurs » qui seraient tentés de rejoindre le recours des parlementaires (LFI, PC, PS…) contre la loi, Macron, lui-même, en appelle au Conseil Constitutionnel.

Est très contestable, en effet, ce glissement du droit, consistant à se fonder sur des suspicions ou des prédictions et non plus sur des faits tangibles, autorisant le préfet à interdire la participation à une manifestation (sans décision d’un juge) d’individus pour lesquels il pense qu’ils constituent une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Appréciation subjective et potentiellement arbitraire sur la base de motifs flous et dangereux, dénonce notamment Amnesty International. De même que l’inscription, dans le fichier des personnes recherchées, des individus faisant l’objet d’une interdiction de manifester, ou encore la condamnation à un an de prison et 15 000 euros d’amende de celui qui se couvre le visage avec un foulard ou les yeux par crainte d’un tir de LBD ou de gaz lacrymogènes, ou encore décision de fouiller les participants à une manifestation : tout cela relève de l’atteinte aux libertés fondamentales.

Avec cette loi, « on ouvre la porte à une police comportementale », affirme le syndicat des avocats de France. En éliminant l’intervention judiciaire pour un certain nombre de mesures, la loi porte atteinte à la séparation des pouvoirs. C’est sous couvert de lutte contre le terrorisme ou la délinquance que, régulièrement, une nouvelle loi vient aggraver la répression des mouvements sociaux et restreindre l’espace démocratique : loi sur la sécurité intérieure (Loppsi 2) en 2011, loi de programmation militaire (2013) étendant les possibilités de surveillance en dehors du contrôle judiciaire, loi sur le renseignement (2015) allant bien au-delà de la seule prévention du terrorisme, loi en 2016 contre le crime organisé intégrant des mesures d’exception de l’état d’urgence dans le droit commun… Le Syndicat des avocats de France affirme que ces lois sont de plus en plus répressives, adoptées pour un motif affiché qui n’a rien à voir avec la répression de manifestants mais qui sont ensuite utilisées contre les mouvements sociaux. Ainsi en fut-il contre des militants écologistes lors de la Cop 21, contre les opposants à la loi Travail ou contre les militants antinucléaires de Bure….

L’écrivain et avocat François Sureau, (pourtant) réputé proche de Macron écrit dans le Monde : « Ce qui est inquiétant, c’est que personne ne voit que le préfet ne « pense » pas par lui-même. Il pense ce que le gouvernement lui dit de penser. Il pensait hier du mal des « veilleurs » ou des gens de la Manif pour tous. Il pense aujourd’hui du mal des « gilets jaunes ». Il pensera demain du mal des macronistes, des juppéistes, des socialistes, que sais-je encore, quand l’extrême droite sera au pouvoir. Mais il sera alors trop tard pour s’en plaindre ».   

Il est temps de relire 1984 de George Orwell car «  le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes »(5). N’acceptons pas de nous plier à des lois liberticides.

Odile Mangeot, le 26.03.2019

(1)   Michel Agier et le collectif Babels dans le livre La mort aux frontières de l’Europe (2017, le passager clandestin)
(2)   Migreurop : réseau européen et africain de militants et de chercheurs dont l’objet est de lutter contre la généralisation de l’enfermement des étrangers et la multiplication des camps. Ils militent pour le Frontexit
(3)   Politis du 14.03.2019
(4)   CNIL – Commission Nationale Informatique et Libertés
(5)   Martin Niemöller, pasteur protestant envoyé en 1937 au camp de concentration de Sachsenhausen, transféré à Dachau d’où il sortit en1945