Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 27 septembre 2019


Le Comité d’Aide et de Défense des Migrants 70 (CADM), les Amis de l’Emancipation Sociale,
 les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté vous invitent à une conférence-débat


en présence de
 Karine Parrot
Professeur de droit – membre du GISTI – auteur du livre :    
 Carte blanche.  L’Etat contre les étrangers 


  Mercredi 9 octobre 2019
 20h30 – salle Saint-Martin à Echenoz-la-Méline
16 rue du collège, à proximité de la Mairie

Et
Jeudi 10 octobre 2019
18h30 – Bar Atteint à BELFORT, 25 rue de la Savoureuse


Les migrants, exilés, que nous rencontrons, ont des parcours des plus chaotiques, pour, en fin de compte, ne pas obtenir un statut qui les autorise à vivre dignement. Etranger, migrant économique ? Schengen, Frontex, Dublin, OFPRA, CRA, OQTF ? tous ces mots et ces sigles constituent les pièces d’un masque derrière lequel l’Etat français organise et dissimule une lutte féroce contre les étrangers, les plus pauvres, les plus noirs, les plus arabes. Du dernier commissariat jusqu’au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, l’appareil d’Etat suit la loi quand elle l’arrange et la bafoue quand elle le gêne, se donnant carte blanche. Dans son livre, Karine Parrot révèle les rouages méconnus de la machine répressive contre les étrangers. Défendre un droit d’accueil inconditionnel et la liberté de circulation et d’installation de tous les Hommes, plutôt que dresser des murs et désigner des boucs émissaires, incitant à la haine de tous contre tous. Que voulons-nous ? Venez en débattre.
Entrée gratuite. Contact cadm70@laposte.net 





La revue des dingos
qui prétendent nous gouverner

 (édito de PES n° 56)

Le G7 à Biarritz fut ce grand raout dispendieux sous forte escorte policière, pour que chacun d’entre eux pérore sur l’avenir du monde dont ils n’ont que faire.

Trump, au tweet plus rapide que son ombre, entendait jouer au poker menteur. Johnson du Royaume désuni s’est fait taiseux, comme tous les autres sur le débat annoncé, à savoir l’accroissement des inégalités dont tous avaient promis de parler. Macron, le grand ordonnateur de cette revue, a tenté de réintroduire Poutine, l’exclu de la bande. Mais Poutine le matois attend son heure, sûr de sa puissance retrouvée.

Puis, tous, brusquement, se sont mis à déplorer l’incendie de l’Amazonie, qui s’embrasa en plein G7. Ce fut l’occasion de quelques noms d’oiseaux jetés médiatiquement en pâture entre Bolsonaro le cinglé et Macron, s’intronisant Grand Mamamouchi de la défense du poumon de la planète… On a pu, peu après, mesurer l’effet de ses grandes envolées lorsque, comprenant complaisamment la colère des maires voulant éloigner les vapeurs de glyphosate d’au moins 150 mètres des habitations et des écoles, grand seigneur, il leur accorda 5 à 10 mètres.

Mais le clou de cette grand’messe, pour en revenir au G7, fut l’invitation inopinée ( !) du ministre des affaires étrangères iranien. En coulisses, en effet, tous s’inquiétaient de la guerre (de basse intensité ?) déclarée aux mollahs à coups de sanctions pour avoir… trop bien respecté l’accord sur le nucléaire ! Cet embargo qui vise à étouffer le peuple iranien afin de provoquer un changement de régime, c’est bien le calcul cynique du tonitruant Trump ! Résultat : au-delà des pourparlers feutrés, quelque temps après, des pétroliers étaient victimes d’attentats dans le Golfe puis les raffineries saoudiennes embrasées. Cette contre-attaque iranienne, qui n’ose se revendiquer, est à la mesure des menaces de la grande puissance états-unienne dans l’impuissance de riposter. A l’heure où les Etats-Unis tentent laborieusement de se dégager du bourbier proche-oriental, de se « tourner vers l’Asie » et d’abaisser les prétentions pékinoises sur le monde, Trump, le pontifiant, a dû en rabattre… Mais son allié, Israël, est lui, de plus en plus belliqueux, n’hésitant plus à bombarder en Syrie, en Irak, les milices pro-iraniennes. Bref, ils sont nombreux à danser au bord du gouffre du volcan, prêt à s’embraser… Les marchands de canons sont à la joie, Russie d’un côté, et de l’autre, les USA, la France et d’autres. Pendant ce temps, Xi Jin Ping, le Chinois placide, au sourire carnassier, rit sous cape. Quoique… Hong Kong, l’épine dans la queue du dragon, l’exaspère. Pour l’heure, il laisse pourrir la situation ; prévoyant, il est assuré que les provinces de Shenzhen et de Shanghai pourront prendre la relève de cette place financière qui ose se rebeller.   

Le freluquet Macron qui veut jouer dans la cour des grands, s’institue non seulement sauveur de la planète, mais en Europe, il entend prendre la barre du bateau ivre. Le Brexit qui n’en finit pas de se conclure, les frasques italiennes qui tournent à la commedia dell’arte, Merkel, empêtrée dans son alliance distordue par la montée de l’extrême-droite, la montée des nationalismes xénophobes à l’Est, la récession économique qui menace, tout comme la crise pétrolière qui pourrait s’annoncer.

Bref, à part le bonze mandarin chinois, toutes les bouffonneries des grands de ce monde révèlent l’ingouvernementalité dans laquelle ils s’engoncent. Même le tsar de Russie, Poutine, se fait du souci face aux manifestations répétées qui le prennent pour cible dans son propre empire. C’est dire !

Les galéjades, les bouffonneries de tous ces boni-menteurs n’ont que faire des lanceurs d’alerte sur l’état désastreux du climat. Ce ne sont, pour eux, malgré leurs cris d’orfraie, que jérémiades. La croissance, la puissance, la concurrence effrénée, sont plus importantes à leurs yeux avides.

Mais, à chaque poussée de fièvre, montent partout les révoltes des peuples, inabouties. Jusqu’à quand ?

GD, le 25.09.2019 


Ecoute

Ecoute le silence, il chante et il danse
Ecoute le vent, il crie de douleur
Ecoute la terre, elle nous renvoie la mer
Ecoute le monde qui se déchire sous les bombes
Prends garde à ne plus tendre l’oreille
et à ne pas voir
ce qui t’attend sur cette terre

Hassen




Ni rue, ni prison. Papiers et liberté !
Les Gilets Noirs en lutte !

Ce mouvement des sans-papiers, sans-visages, sans-voix, demandeurs d’asile, sans-abri, est apparu en même temps que celui des Gilets Jaunes et parfois même avec eux. Les Gilets noirs se sont levés pour un toit et des papiers : « Nous avons décidé de ne plus nous cacher, de crier haut et fort : on n’a pas peur de la mort, on a peur de l’humiliation ! ». Ce mouvement unit des collectifs de lutte comme Droits devant !! et La chapelle Debout.

Depuis le 23 novembre 2018, nous n’avons cessé de manifester : contre les centres de rétention, devant la Comédie Française pour revendiquer le droit à des papiers pour tous, à un logement digne et à la liberté de circuler et de s’installer, devant la préfecture de Paris ; nous avons bloqué le terminal 2F de l’aéroport de Roissy, contre les déportations dont Air France se fait complice, occupé le siège d’Elior à la Défense (n°4 mondial en restauration collective) pour qu’il se retire des centres de rétention où il fait travailler les sans-papiers contre eux-mêmes. Le 12 juillet, nous avons occupé le Panthéon, sous la statue en l’honneur de la Convention « Vivre libre ou mourir ». Depuis novembre 2018, nous nous réunissons en petits groupes ou en AG, où l’on parle en plusieurs langues, du soninké au peul et nous nous organisons pour lutter contre le système qui produit des sans-papiers. Face à cette mobilisation, l’Etat et la préfecture suivent leurs vieilles méthodes : épuiser le mouvement dans des négociations sans résultats, faire peur en nous évacuant violemment (au Panthéon). Mais nous sommes déterminés. Nous continuerons notre combat dans les mois à venir.

Toutes celles et ceux qui en ont marre de faire barrage contre l’extrême droite à chaque période électorale, qui sont persuadés que la lutte contre le racisme qui vient passe par le combat contre le racisme existant, qui ne supportent plus de voir les dizaines de milliers de morts en Méditerranée, les gens crever dans les rues, qui considèrent que l’attente est une torture et que l’application du règlement de Dublin est un crime, qui sont scandalisés par les suicides dans les centres de rétention, qui savent que chaque déportation détruit une vie, qui pensent qu’aucun être humain n’est illégal, qui sont contre toute sorte d’exploitation des êtres humains, qui s’opposent aux guerres et aux pillages économiques,

Toutes celles et ceux qui pensent que c’est seulement par notre combat et par l’union de nos forces que nous pourrons nous libérer de nos chaînes et vaincre les inégalités, nous les invitons à soutenir en actes les Gilets Noirs

Les Gilets Noirs en lutte ! Collectifs La Chapelle Debout et Droits Devant !!
Appel de Diakité au Panthéon sur https://youtu.be/vhMTGoHg6dc  



Chasse aux migrant-e-s

Au Soudan
Ce que certains médias présentent comme une avancée démocratique, sous-entendant que les demandeurs d’asile soudanais peuvent rentrer dans leur pays …. est la création d’un Conseil Souverain : 5 militaires (qui étaient au pouvoir avec Omar El Bachir) + 6 civils,  avec l’objectif d’écrire une nouvelle Constitution dans les 39 mois et de former un gouvernement dans les 3 mois sans légitimité démocratique. Ceci sous l’œil très attentif de l’Arabie Saoudite et des Emirats arabes qui ont toujours considéré le Soudan comme une colonie. J’espère me tromper mais je pense que l’emprisonnement d’Omar El Bachir (le dictateur pendant 30 ans), la formation du conseil souverain ne sont que manœuvres pour calmer la colère du peuple et gagner du temps. La mafia militaire au pouvoir et ses alliés ne laisseront pas un système réellement démocratique s’installer au Soudan, n’accepteront pas de perdre tous les privilèges qu’ils ont et ne prendront pas le risque de se retrouver à rendre des comptes à un Tribunal International. Au Soudan, le clan El Bachir est toujours au pouvoir et renvoyer les Soudanais qui ont lutté contre ce système, ce serait les renvoyer au mieux à la clandestinité, au pire à la prison, aux  tortures, à l’esclavage, à la mort. Jean-Louis.

En Belgique
Depuis les élections de mai 2019, il n’y a toujours pas de gouvernement fédéral mais un gouvernement pour les affaires courantes n’ayant pas le droit de prendre des décisions importantes, notamment sur le plan budgétaire. Selon des militants belges, les expulsions augmentent, 3 nouveaux centres de détention pour étrangers sont en construction, les rafles policières s’accentuent, y compris au parc Maximilien à Bruxelles où 300 à 400 personnes exilées  viennent chercher à manger auprès des associations comme les Cuistots Solidaires. La chasse aux migrants est journalière, la traque incessante, partout dans les gares, les aéroports, les abris-bus, les lieux publics, au guichet des administrations (mariage, cohabitation ou déclaration de naissance) ou encore chez les hébergeurs. PARTOUT. Un centre d’hébergement temporaire va fermer dans les prochains jours : 250 personnes vont rejoindre les milliers qui survivent déjà dans la rue. C’est une catastrophe, nous dit  cette militante car il n’y a pas assez d’hébergeurs. Les travailleurs sans papiers sont estimés à 200 000. C’est probablement plus. Une Coordination des Sans-Papiers défend leurs droits, organise des marches, des manifestations, des débats, contacte des associations pour la convergence des luttes, des élus politiques pour faire entendre leurs revendications : la régularisation pour toutes et tous, un logement digne et la liberté de circuler et de s’installer. Lucette.

En France
En Haute-Saône, les expulsions et transferts en Centre de Rétention administrative sont légions ces mois-ci. Des familles arméniennes, albanaises, géorgiennes et autres ont été séparées. De jeunes Africains et Afghans sont sur le point d’être déportés. Les informations parvenues au Comité d’Aide et de Défense des Migrants 70 ne sont, semble-t-il, que le haut de l’iceberg. L’orchestration par l’Etat, et son zélé préfet Zyad Khoury des déportations des familles sont indignes. Exemple : une famille géorgienne. Plus de 10 ans en France. 5 enfants dont 4 nés en France suivant une scolarité normale. Rejet OFPRA. Rejet CNDA. En 2017, une nouvelle demande  aboutit à un récépissé de carte de séjour jusqu’en mars 2019. Espérant obtenir un renouvellement, c’est une assignation à résidence qui tombe jusqu’à fin avril 2019. Suivra une attente interminable, traumatisante jusqu’à la notification en juillet de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et de se rendre à Roissy… par ses propres moyens !! Les enfants ont été expulsés dans un pays qu’ils ne connaissent pas, dont ils ne parlent pas la langue. Nous avions déjà dénoncé en avril dans une lettre ouverte (avec la LDH) les conditions inhumaines de la séparation d’une famille kosovare, de l’assignation à résidence de la maman enceinte avec 2 enfants en bas âge, de ses 2 placements en Centre de Rétention Administrative à Metz puis Mesnil-Amelot. Alors que les services préfectoraux, sous la houlette du préfet analysent les dossiers, rédigent assignations, OQTF et autre IRTF-Interdiction de Retour sur le Territoire Français, sur le terrain, certains demandeurs d’asile vivent dans des logements proches de l’insalubrité (charançons, punaises…), parfois dehors,  sans ressources - le préfet ne les autorise pas à travailler. Ils survivent grâce aux dépannages alimentaires et vestimentaires des associations caritatives, comblant la carence de l’Etat. Ces situations se reproduisent partout en France où des milliers de personnes survivent dans la rue à la veille de l’hiver. Lucette.  cadm70@laposte.net http://www.facebook.com/cadm70/







à lire... Le grand manipulateur. Les réseaux secrets de Macron

Journaliste d’investigation, Marc Endeweld révèle les moyens dont a pu disposer l’ambitieux Macron. Certes, ce Rastignac a pu bénéficier d’une conjoncture favorable. Le calamiteux quinquennat de Hollande, les postes (SG de l’Elysée puis ministre de l’économie) et la fonction qu’on lui octroya, et puis la dégringolade de Fillon empêtré dans ses scandales et ses mensonges. Il a été également propulsé par de grands patrons, Bernard Arnault, Xavier Niel, pour ne citer qu’eux, et soutenu par nombre de néolibéraux qui ne croyaient plus à ce régime d’alternance « gauche », droite à bout de souffle. L’apport de l’auteur consiste surtout à nous faire découvrir les réseaux utilisés par Macron « séducteur », « sans affect, cynique et calculateur ». Le banquier d’affaires de chez Rothschild au-delà de sa « chance insolente », ses trahisons de Hollande, Valls et Cie, a utilisé des lobbys, des hommes de l’ombre, des communicants, des barbouzes, des barons locaux qui se sont mis à son service. En l’absence d’un parti politique, il a fait appel à de vieux réseaux plus ou moins avouables du grand commerce international en passant par ceux de la Françafrique, de l’industrie d’armement jusqu’aux  services de renseignement et de « boîtes » de sécurité privées. Mieux, en quelques mois, réunissant une brigade de jeunes gens affamés de pouvoir, il a constitué son mouvement hors sol, sélectionnant ses affidés et ralliant dans la dernière ligne droite de la course présidentielle, les politiciens en quête de places. Ce que révèle le financement de la  campagne, c’est l’importance des grands donateurs à hauts revenus. Il y eut en outre le dîner à Londres organisé par le directeur général de la banque HSBC (870 000 euros), puis le cocktail dinatoire préparé par le directeur général de la banque Rothschild, le déplacement à New York du 4 au 6 décembre 2017… Restait encore à trouver 11 millions et la plupart des banques se « faisaient tirer l’oreille » avant de se raviser au vu des sondages et de la visite d’assureurs qui s’étaient déguisés en courtiers de l’ambitieux. Ceci évoqué, il y a bien d’autres informations succulentes dans ce livre où le grand bonimenteur a ses adeptes, telle Sibeth Ndiaye (« j’assume parfaitement de mentir pour protéger le président ») et ses détracteurs de plus en plus nombreux aujourd’hui ; un de ceux qui l’a connu à l’ENA le définit comme « la réussite d’une synthèse entre les turpitudes de la Sarkozie et de Strauss Kahn ». Et, si tout ceci n’était qu’un château de cartes… GD

Marc Endeweld, ed Stock, 2019, 20.50€  


De nouveaux grands-prêtres : les écocatastrophistes (1)

Il ne s’agit pas, ci-après, d’évacuer, bien au contraire, les constats les projections réalisés par les climatologues, les lanceurs d’alerte, qui soulignent, depuis des années, que si rien n’est fait pour transformer le « système », notre monde va devenir invivable pour nombre de populations, en particulier les plus démunies ou ceux qui habitent les endroits les plus exposés (côtes, régions chaudes, etc.).
Toutefois, le dérèglement climatique provoquant une succession de catastrophes (sécheresse, incendies de forêts, ouragans, érosion de la biodiversité, infertilité des sols par le recours intensif aux pesticides et autres intrants) ainsi que les alertes de scientifiques, suscitent dans le champ de l’idéologie dominante, l’apparition de deux de ses substrats. L’égologie (2) et le millénarisme catastrophiste du grand effondrement inéluctable. Ce qui suit se focalise sur le ou les discours de ceux qui nous promettent la fin du (d’un ?) monde. Pour les décrypter, il convient d’abord de démystifier un certain nombre de notions employées à saturation qui se veulent séduisantes par leur scientificité apparente. Certes, les propos tenus reposent sur des constats mais leurs projections catastrophistes relèvent d’une logique formelle reposant sur l’analogie. Quant aux solutions, aux alternatives proposées, elles laissent peu d’espoir à l’Humanité : ne resteraient, sur la terre dévastée, que les « élus », les plus résilients.

Quelques définitions pour éviter l’effet de sidération vis-à-vis de notions portant à confusion.

La collapsologie, dont se revendiquent les auteurs des thèses du grand effondrement, se présente comme une nouvelle science. Issue de la médecine (le collapsus), elle étudierait l’état pathologique, le malaise soudain dans lequel serait plongée la société (ou plutôt la société occidentale). De même, le terme de résilience, que l’on met désormais à toutes les sauces, est un concept emprunté aux sciences physiques : il désigne le rapport de l’énergie cinétique absorbée provoquant la rupture d’un métal. C’est donc de la résistance aux chocs dont il s’agit. En outre est fréquemment utilisée la notion de dissonances cognitives ; notre capacité de connaissance serait affectée par des sons désagréables et, par extension, des mythes perturbateurs. La pensée des collapsologues en est-elle affectée ? Ce qui est sûr c’est que le recours systématique à l’analogie entre différents champs scientifiques pour le transposer aux « sciences humaines », au social et à l’histoire, est pour le moins risqué : les formules mathématiques, les « lois » de la physique, de la biologie n’y sont pas transposables. On se souvient des classifications recourant à la biologie, à la médecine, pour introduire une prétendue hiérarchie entre les races… L’analogie, soit des similitudes dans des champs scientifiques différents, si elle permet d’introduire des comparaisons, n’aide pas à penser rigoureusement. Comparaisons ne sont pas des raisons issues du champ scientifique étudié. De même, l’invocation répétitive de la notion indéfinie de « l’imaginaire « brouille, écrase toute finesse d’analyse des idéologies qui se manifestent dans le champ de la superstructure « culturelle ». Sans qu’il soit besoin de convoquer Marx, l’on pense surtout aux apports, entre autres, de Foucault et de Bourdieu. En outre, la logique formelle consistant à dire que  A conduit à B ou que le monde thermo-industriel conduit inéluctablement au grand effondrement, fait l’impasse sur les nombreux facteurs qui rythment l’histoire humaine. Ceci posé, il faut entrer dans la chair des constats et des conclusions qui en sont tirées.

La prophétie cataclysmique

La cause unique de tous nos maux, c’est le monde thermo-industriel gouverné ( !) par un flux toxique à évolution linéaire, une véritable « machine qui transforme les produits en déchets » (Arthur Keller). Dans cet écosystème économique provoquant « une vulnérabilité sociétale » il n’existe pas (ou ils sont minimisés) de conflits d’intérêts, de luttes de classes, de classe dominante, nous serions tous dans le même bateau. La société analogue à la science biologique serait constituée de cellules, de membranes, d’enveloppes (Pablo Servigné) auxquels tout un chacun appartiendrait. Et de citer en vrac, la famille, le club de foot, le syndicat, la ville, l’Europe. Ces groupes d’affinités définiraient leur intériorité par rapport à l’extérieur : oui mais encore ? Ils feraient partie d’un monde de plus en plus complexe et interconnecté que l’on ne peut transformer. Entraînés par ce flux, nous subissons toutes les affres du dérèglement climatique. Et d’annoncer, courbes ou paraboles à l’appui, le plafond, le seuil catastrophique de 2030 ou 2100 où tout s’effondrera car « ça ne peut pas aller mieux ». Néanmoins, il y a une lueur d’espoir « on ne va pas tous mourir » (ouf !). Dans le monde d’après la fin du monde, de jeunes pousses prendront le relais, affirme Pablo Servigné, ingénieur agronome, faisant l’analogie avec la résilience de la forêt.

Dans cette histoire excluant les rapports sociaux de production et d’échanges, les classes dominantes, les luttes de classes et l’exploitation des peuples, il n’y a plus d’histoire. Seuls les résilients s’en sortiront car ils auront « pensé le monde lorsque celui-ci s’arrêtera ». D’où sortiront ces nouveaux élus d’un autre monde ? D’où peut naître la lueur d’espoir ? Elle est en nous. Tout se résume en effet, quelles que soient les classes sociales, entre l’égoïsme et l’altruisme. Cette dernière potentialité qui est propre à l’espèce humaine, peut servir ceux qui développeront pour eux-mêmes et avec autrui, la nouvelle culture d’entraide.

Que nous recommandent les nouveaux apôtres collapsologues ?

Il s’agit d’abord de « voir en nous-mêmes », d’évacuer nos peurs, d’éviter le désespoir, pour affronter le cataclysme qui vient. Ce travail sur soi serait porteur d’espoir car il ferait le deuil du monde et « ça fait du bien même aux activistes de l’écologie ». La collaposologie déboucherait donc sur une éco-psychologie permettant d’entamer un processus de libération parcourant trois stades : de la dépendance, stade de l’enfance, à l’indépendance, celui de l’adolescence, à l’interdépendance, celui de la période adulte. Cette psychologie de bazar serait capable de nous ouvrir, de développer notre authenticité et, par conséquent, d’éliminer notre agressivité afin d’avoir des relations réciproques, d’entraide et de coopération, avec ceux qui font preuve d’altruisme : telle est la prophétie de Pablo Servigné. Arthur Keller semble plus optimiste pour l’avenir immédiat et plus intéressé en tant que conseiller : s’adapter à l’effondrement à venir serait susciter des échanges, des réseaux, des éco-villages sur le territoire, faire de la permaculture, créer des coopératives locales qui pourraient faire système. Ce serait donner du pouvoir aux territoires ; il suffirait de « demander aux maires de prêter un terrain et les gens vont se débrouiller » ( !). Il construirait des maisons en bois, en paille…et lui, consultant, construirait le programme pour que tout se passe bien.

Ces deux « transitionneurs », ceux qui pensent l’après fin du monde effondré, dont l’un avoue ne pas avoir fait encore l’expérience de son retrait du monde, l’autre vit dans la montagne lorsqu’il n’est à Paris, sont prêts à assumer le rôle de grands prêtres nous préparant au monde d’après. Ces experts en altruisme se revendiquant scientifiques transdisciplines, seraient avec d’autres collapsologues, les nouveaux apôtres de tribus de la bienveillance qu’ils appellent à constituer. Dans un monde dérégulé, en perte de repères et de projet politique de transformation sociale et démocratique, ils entendent jouer sur les peurs en les dissipant…

Quand on demande à Servigné « qu’est-ce que l’on doit faire ? », il avoue « je suis un peu perdu par cette question » pour ajouter aussitôt pour lui-même, des interviews, des livres et puis pour tout un chacun, ce sera selon leurs affinités pour gagner en résilience. Bref, on n’a pas fini de prendre des coups et mieux, sans peur et sans colère ! Bref, tendez la joue gauche quand on vous gifle la droite ! Mais rassurons-nous l L’effondrement serait par lui-même, à force de rationnement, catalyseur d’actions altruistes. Et le monde après la fin du monde, celui des « jeunes pousses » survivantes, il faudra des règles, des normes, une spiritualité pour  ne pas retomber dans les affres de l’égoïsme, de la concurrence, de la lutte de tous contre tous. Comment s’imposeraient ces normes ? On ne sait mais l’on est déjà sûr que l’on « limitera les ultra-riches et l’on donnera le minimum aux pauvres ». Bon, il n’y a encore pas de grandes différences avec le monde d’avant !

Que nous dit cette idéologie « nouvelle » ?

D’abord que les Gilets Jaunes doivent ranger leurs gilets et remballer leur colère. Les vieux dans les EPHAD, les sans-travail, les manifestants dans tous les secteurs, dans les hôpitaux, les trésoreries, les casernes de pompiers, et tous ces précaires qui « traversent la rue » sans trouver de boulot, ces migrants qui errent… Faites retour sur vous-mêmes ! Vos luttes sont dérisoires, voilà le message. Tous les tyrans, les marchands d’armes peuvent dormir tranquilles en attendant le grand effondrement. Comme le souligne Jean-Baptiste Mallet, dans le Monde Diplo du mois d’août, les 821 millions de personnes sous-alimentées, le milliard vivant dans les bidonvilles, les 2.1 milliards de sans-accès à l’eau potable… n’ont pas su,  malgré leurs résilience, leur altruisme, trouver le chemin de leur éveil. Vite, des collapsologues ! A moins que cette nouvelle scientologie ne soit pas faite pour eux. En tout cas, elle peut, sur certains esprits occidentaux, les milieux sans repères, avoir un effet : développer l’aquoibonisme, canaliser ou rendre inoffensives les dissidences, et désamorcer les révoltes (agressives !). 

Ce fatras est-il nouveau ? Que nenni. Bien des utopies coopératives avaient pour enjeu de se protéger de ce monde invivable. Pour preuve, les utopies américaines, fouriéristes, messianiques qui ont fini, toutes, lamentablement. Elles étaient pourtant porteuses, pour la plupart, d’espoir, de transformations, à leur échelle (3).

Reste le constat du réchauffement et du dérèglement climatiques qui est indéniable. Les alertes des climatologues nous disent qu’au-delà de la fonte des glaciers, de la montée des océans, des sécheresses, du déclin de la biodiversité, la « croissance » induite par le mode de production et d’échanges capitaliste recourant à l’extractivisme forcené et aux hydrocarbures, est responsable des maux qu’ils décrivent, des projections qu’ils établissent. Cette croissance est à la fois celle des profits accaparés par une minorité, et celle des inégalités, de l’exploitation et du pillage des ressources naturelles. Elle ne peut se maintenir qu’en modelant les esprits dans l’acceptabilité, la soumission à l’ordre existant. Lorsque la révolte surgit, le néolibéralisme recourt à la répression, à l’autoritarisme, à l’instrumentalisation des divisions existant au sein des formations sociales (racisme, démagogie…). Pour y faire face, l’altruisme est pour le moins inopérant. Certes, il ne s’agit pas de jeter la pierre aux élans de générosité vis-à-vis des plus démunis, à tous ces bénévoles, par exemple des Restos du Cœur et ailleurs, qui leur permettent de survivre. C’est d’ailleurs beaucoup plus efficient que de s’en remettre à l’introspection, pour finir par tenter de s’extraire de ce monde en attendant sa fin.

Comprendre le monde pour le transformer, mener les luttes d’idées contre celles qui nous dominent, former des collectifs de luttes, est bien plus efficace, pourvu que l’on évite les fausses routes sur le chemin escarpé de la libération sociale. Des collectifs de luttes sont nécessaires pour autant qu’ils ne s’embourbent pas dans les marécages de l’économisme, des corporatismes, ou ne s’en prennent essentiellement qu’aux symboles de richesse (comme les black bloc) ou aux gardiens de l’ordre dans un affrontement inégal.

Etre radical, prendre les choses par leurs racines, c’est désigner la cible, les classes dominantes, les pouvoirs politiques, l’Etat qui les sert. La dérégulation du système capitaliste, et par conséquent l’accélération de ses méfaits en termes climatiques, a bien été l’oeuvre des Reagan, Thatcher puis Mitterrand… après l’expérimentation sanglante de Pinochet. Elle n’a pu se matérialiser qu’à coups de remaniement des technologies de pouvoir (4). Si « la fin du monde n’aura pas lieu » pour reprendre le titre de l’article de Jean-Baptiste Malet, le monde nouveau sortira des entrailles de l’ancien.   


Gérard Deneux

(1)    Le contenu de cet article se réfère aux vidéos que l’on trouve sur internet en allant visiter les interventions de deux auteurs, notamment Pablo Servigné et Arthur Keller.  Le texte critique de Jean-Baptiste Mallet, paru dans le monde Diplomatique d’août 2019, « la fin du monde n’aura pas lieu » est intéressant pour, au moins deux raisons : non seulement, pour son argumentation contre ces « millénaristes laïcs » mais également sur l’importance de cette offensive idéologique qui envahit les rayons des librairies.
(2)    Pour saisir la similitude entre les écologistes bobos et les écocatastrophistes, quant aux solutions alternatives proposées, la lecture du petit livre d’Aude Vidal est éclairante : « Egologie : écologie, individualisme et course au bonheur » éd. Le monde à l’envers (4 €)
(3)    Sur la volonté de vivre en –dehors de la logique de la société et la réalité récurrente des échecs de ces expériences, l’ouvrage de Ronald Creagh est intéressant. Dans « Utopies américaines, expériences libertaires du 19ème siècle à nos jours », il retrace la vie et « l’effondrement » des communautés fouriéristes, des mouvements contestataires des années 60 à l’écologie et aux groupes punks d’aujourd’hui. Cet ouvrage est d’autant plus intéressant qu’il émane d’un auteur libertaire. La « comparaison » avec les collapsologues nous fait saisir l’indigence de cette pensée transitionniste au regard des utopies anarchisantes (Robert Owen, Fourier…).
(4)    Lire à ce sujet Le nouvel esprit du capitalisme de Luc Boltanski (ed. Gallimard) et La société ingouvernable. Une généalogie de libéralisme autoritaire de Grégoire Chamayou (ed. la Fabrique)


à lire...  Les Kurdes : un peuple  sans Etat

En 100 questions, les deux auteurs, qui y répondent, balaient toutes les représentations réductrices. Ils invitent à la connaissance de ce peuple écartelé, réprimé, et à saisir sa longue histoire aux origines mythiques. Révoltes réprimées, alliances contre nature, promesses d’autonomie voire d’indépendance lors du démembrement de l’Empire ottoman… Rien ne lui aura été épargné. Présents dans  4 pays, la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, divisés entre eux, les Kurdes forment un peuple toujours renaissant de ses propres défaites. Du gazage par Saddam Hussein en Irak en 1988 à l’intervention américaine, puis face au conflit syrien, ils gagnent une autonomie toujours en péril.
Cette collection pédagogique (les 100 questions) permet d’obtenir des réponses circonstanciées : les Kurdes ont-ils participé au génocide des Arméniens ? Sont-ils tous musulmans ? Qui est le légendaire Moustafa Barzani ? Qui sont les peshmergas ? Que veut le PKK ? Israël, les Etats-Unis, sont-ils leurs alliés ? Qu’est-ce que le Rojava ? Quel rôle joue la diaspora kurde ? Est-il vrai que « les seuls amis des Kurdes sont les montagnes » et qu’elles ne les ont jamais trahis ?
Pour ceux qui souhaitent, sans ambiguïté, construire une solidarité internationaliste raisonnée avec ce peuple, ce livre est un guide précieux. GD

Boris James, Jordi Tejel Gorgas. Taillandier, 2018, 16.50€ 


Le chat et la faim
(petite fable parabolique
écolo-tiers-mondiste
sur la question de la rapacité)

si les chats volaient
si les oiseaux marchaient
bientôt plus un oiseau il n’y aurait

pauvres oiseaux
oiseaux-pain le pain du chat

et puis
tous les chats tomberaient de là-haut
d’inanition
l’estomac plein
plein de faim
la fin du chat

Pedro Vianna
Poèmes divers



Gaz de France. Une mort lente.

Il y a belle lurette que l’on ne l’appelle plus comme ça. L’époque où l’Etat fixait le prix du gaz et confiait la commercialisation à un acteur unique, l’entreprise publique GDF, est révolue depuis la décision en 2005 d’ouverture du marché du gaz, autrement dit l’entrée du privé dans le capital de l’entreprise publique, GDF. Ultime étape de la privatisation : la récente loi PACTE – plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises - prévoit le désengagement de l’Etat, non seulement des Aéroports de Paris, de la Française des Jeux, mais également de  GRT Gaz et d’Engie.

Gaz de France : de la nationalisation à la privatisation. Un long processus.

Au lendemain de la 2ème guerre mondiale, l’Etat décide de nationaliser les entreprises privées qui gèrent la production, le transport et la distribution de gaz et d’électricité. La loi du 8 avril 1946 crée deux EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) EDF et GDF, qui feront l’objet d’une privatisation partielle en 2005. Ainsi l’EPIC GDF devient une Société Anonyme, avec introduction en Bourse, l’Etat restant actionnaire majoritaire. En 2008, en décidant la fusion de GDF avec Suez, l’Etat devient actionnaire minoritaire. En 2015, GDF-Suez change de nom et devient ENGIE.

Aujourd’hui, ENGIE est une Société Anonyme (avec participation de 24% de l’Etat au capital) et deux filiales : GRDF et GRT Gaz/

GRDF-Gaz - Réseau Distribution France – filiale créée en 2008 est propriété d’Engie à 100 %. Elle est en charge du réseau de distribution et du raccordement des entreprises et particuliers. GRDF se situe en 1ère position sur le marché, où l’on trouve des concurrents comme Total direct énergie, EDF, ENI, etc.

GRT Gaz est la 2ème filiale. Société anonyme, propriété d’Engie à 75 % et de Caisse des dépôts/CNP Assurances à 25 %. Elle a en charge les réseaux de transmission du gaz, gère la grande majorité des gazoducs français (plus de 32 500 kms) et 3 terminaux méthaniers. Elle  a ainsi la main sur l’approvisionnement de la France en gaz naturel, qui nous vient, par voie terrestre, en majorité de Norvège (40.4 %), Russie (25.6 %) et des Pays Bas (11,1 %) (chiffres 2017). Le transport par méthaniers en provenance d’Algérie, du Nigéria, du Qatar, mais aussi d’Australie, aboutit dans les 4 ports méthaniers français (2 à Fos-sur-Mer, un en pays de Loire à Montoir-de-Bretagne et un à Dunkerque.  

La France produit peu de gaz naturel (environ 2 % de sa consommation) : du bio-méthane (issu du biogaz produit par méthanisation, de biomasse énergie ou de boues de station d’épuration), filière de « gaz renouvelable » développée par GRT, et du gaz de mine (grisou) provenant des anciennes mines du Pas de Calais), le reste 98% est importé. La France est donc totalement dépendante des producteurs étrangers sur un marché qui évolue rapidement. Ainsi si la Russie, l’Iran, le Qatar, l’Algérie, sont des fournisseurs importants, la production de gaz des Etats-Unis avec les gaz de schiste devient un enjeu géostratégique mondial.  

C’est dire l’importance, pour un Etat souverain, de conserver la maîtrise publique sur la fourniture et la distribution de ses ressources énergétiques. C’est pourtant le chemin inverse qui a été décidé : en 2005, le gouvernement Chirac/Villepin privatise Gaz de France, mettant en oeuvre la politique européenne dite de respect des critères de convergence, et notamment par la privatisation de services et entreprises, approuvée par tous les gouvernements qui suivront. Précisons que les privatisations ont commencé dès 1986, sous le gouvernement de cohabitation Mitterrand/Chirac, et que cette politique européenne a été inscrite dans le traité de Maastricht approuvé en 1992, contraignant les Etats membres à plusieurs critères dont l’interdiction d’un déficit public annuel supérieur à 3 % du PIB et l’interdiction d’une dette publique supérieure à 60 % du PIB (la dette = ensemble des emprunts contractés par l’Etat et l’ensemble des administrations publiques dont la sécurité sociale). Cette politique n’a jamais été remise en cause par les gouvernements de droite et de « gauche », et se traduit, aujourd’hui, par la loi PACTE – Pour la Croissance et la Transformation des Entreprises – portée par Macron et adoptée le 11 avril 2019.  

Cette loi récente décide, non seulement la privatisation des Aéroports de Paris et de la Française des jeux, mais aussi le désengagement total de l’Etat d’Engie et l’ouverture au secteur privé de la filiale GRT Gaz, à condition que les actionnaires actuels Engie (75 % des parts) et Caisse des dépôts (25 %) en gardent 50 %. L’Etat disparaît totalement. Il aura fallu 19 ans pour démanteler complètement ce service public.

Que penser de la cession d’infrastructures publiques stratégiques au secteur privé, des revenus que celui-ci en tire, à savoir des recettes dont l’Etat se prive alors même que les droits sociaux sont loin d’être satisfaits. Que penser de l’affichage du gouvernement français d’engager la transition énergétique alors qu’il sera totalement dépendant dans l’approvisionnement de gaz et se laisse dicter la marche à suivre par les marchés financiers ? Que penser de Macron et Cie, qui salue la Marche pour le climat et bastonne les Gilets Jaunes ou les luttes sociales qu’il estime trop radicales ?

Entre engagements de papier et réalité des méfaits

Qu’il signe des engagements lors de la COP 21 ou qu’il annonce la création d’une Convention Citoyenne (150 citoyens tirés au sort) amenée à proposer des solutions pour la transition écologique, qu’il remplace le Comité d’experts de la transition énergétique par le Haut Conseil pour le climat, alors qu’il existe déjà une bonne soixantaine de comités ad hoc, chargés l’un des déchets, l’autre de l’air, ou encore le conseil économique du développent durable… et que, parallèlement, il favorise, en privatisant les entreprises publiques, les rachats, fusions, pour laisser la place aux géants de la filière gaz, en particulier, l’espagnol Enagas, l’italien Snam et le belge Fluxys... ne l’empêche pas d’affirmer, à la veille des élections prochaines, qu’il veut sauver le climat !

C’est que le marché du gaz est partagé entre quelques gros mastodontes. Fluxys possède le terminal méthanier de Dunkerque, racheté à EDF en 2018 et Snam est actionnaire principal de Terega, l’ancienne filiale de Total qui gère les réseaux de transport de gaz dans le sud-ouest. GRT gaz, en plus de 32 500 kms de gazoducs en France et des terminaux méthaniers à Montoir-en-Bretagne et à Fos-sur-Mer, ne pèse pas encore autant : il convient donc de l’aider à « grandir », en le privatisant, pour qu’il devienne un champion européen ! GRT Gaz avait été recalé, car pas assez « libéralisé » au regard des règles européennes et n’avait pu acquérir la grecque DEFSA en 2017. Le rapporteur de la loi Pacte (Roland Lescure, député LaRM) l’affiche clairement « Le marché du gaz ne s’arrête plus aux Pyrénées ou au Rhin, il est devenu global… Ce que nous souhaitons, c’est que nos champions français et européens, Engie et GRT Gaz, puissent continuer à contribuer à cette globalisation ».

Ils ont réussi à transmettre, à l’Union européenne, l’idée que le gaz devait être le pilier de la transition énergétique, et à la convaincre d’investir des milliards d’euros dans la construction de nouvelles infrastructures gazières, seul moyen d’assurer l’autonomie énergétique face à la Russie et d’atteindre les objectifs climatiques de l’UE ! Même si la quantité de tuyaux à poser, les constructions diverses vont totalement à contre-sens du souci écologique, en tout cas c’est une aubaine pour les constructeurs et la finance. Les lobbies ont fait le travail.  Pour convaincre, il faut des moyens : les géants Snam, Fluxys, Enagas et GRT gaz ont engagé 900 000 euros en lobbying à Bruxelles en 2018, rencontré 47 fois les commissaires européens entre 2014 et 2019 ; ils ont créé des instances comme l’alliance « Gas for Climat », Gas Infrastructure Europe, etc… Et comme le gaz naturel fossile est de moins en moins crédible en tant qu’énergie de transition, ils parlent aujourd’hui de « gaz vert » ( ?). En attendant, le gaz fossile venu de Russie, du Texas, d’Algérie ou du Nigeria coule à flots et émet des gaz à effet de serre massivement.    

Des milliers de kilomètres de gazoducs se construisent et traversent les continents. D’énormes bateaux sillonnent les océans de l’Australie à l’Arctique, transportant du gaz liquéfié. Des chantiers nouveaux s’ouvrent : terminaux méthaniers sur les côtes européennes, immense gazoduc raccordant l’Azerbaïdjan à l’Italie, gazoduc MidCAt reliant la Catalogne et Carcassonne, via les Pyrénées…. Trump et Poutine sont en concurrence pour vendre à l’Europe le gaz des gisements du Texas ou de Pennsylvanie et  de l’Arctique.

Derrière ces géants du gaz, on retrouve les fonds spécialisés comme l’australien Macquarie, le fonds souverain de Singapour, EDF Invest ou encore de gros investisseurs comme BlackRock, impatients de pomper de nouveaux dividendes. Et il y a de quoi : entre 2009 et 2017, Engie a distribué plus de 29 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, trois fois plus que ses bénéfices cumulés sur la période.

Sans vergogne, la France, qui interdit l’exploitation du gaz de schiste sur son propre territoire, importe du gaz de schiste des Etats-Unis depuis fin 2018. En 2015, juste avant la Conférence de Paris sur le climat, Engie et EDF avaient signé des accords d’approvisionnement avec Cheniere, pionnière de l’exportation du gaz de schiste états-unien. La surproduction du gaz de schiste et la baisse des prix ont dynamisé les marchés de l’exportation des Etats-Unis. Des dizaines de nouveaux gazoducs et terminaux méthaniers sont planifiés le long des côtes du golfe du Mexique et de la façade atlantique, dont certains sont financés par des banques françaises, et au premier rang, la Société Générale.    

« Serions-nous à des années lumières de l’Accord de Paris pour le climat, approuvé le 12 décembre 2018 par 195 Etats et l’Union Européenne et commenté à grands renforts de flonflons et de déclarations tonitruantes ? Qualifié d’historique, l’accord destiné à limiter les gaz à effet de serre ignore deux gros pollueurs, le transport aérien, en hausse constante, ainsi que le transport maritime, grands utilisateurs de kérosène et de fuel. Et surtout, pas question d’entraver la bonne marche des affaires… » (1). Ils tentent de nous convaincre que le gaz de schiste est une énergie propre, sans compter les fuites de méthane pendant la production, le transport, le traitement et la distribution, qui font de celui-ci un contributeur de réchauffement climatique … aussi important que le charbon.

Quant aux opposants et aux défenseurs de l’environnement

Ils se mobilisent contre la pose de canalisations géantes, la construction de terminaux. Grecs et Italiens contestent le déracinement en masse d’oliviers centenaires : le Southern Gas Corridor raccorde l’Azerbaïdjan à l’Italie, sa dernière section reliant le nord de la Grèce au sud de l’Italie, via l’Albanie, suscite une vive résistance en Grèce et en Italie. Suédois et Croates dénoncent la construction de nouveaux ports gaziers. Des Espagnols paient encore des grands projets gaziers abandonnés. En France, le gazoduc MidCat visant à relier les réseaux espagnols et français est contesté, de même que le projet Eridan, dans la vallée du Rhône, qui devait acheminé vers le nord du gaz liquéfié arrivant à Fos-sur-Mer… devant passer à proximité de centrales nucléaires… pour l’heure, ce projet est bloqué.  

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On ne peut penser une seconde que la bataille pour le climat puisse réussir sans des mobilisations fortes, mettant en cause les véritables destructeurs de l’équilibre écologique, dénonçant sans concession les gouvernements responsables des fausses solutions, préservant le modèle économique et financier qui consiste à favoriser les multinationales, les fonds de pension et autres banquiers avides de profits. L’on ne peut à la fois défendre « la transition énergétique » et privatiser l’exploitation et la gestion de l’énergie. « Réduire les gaz à effet de serre sans toucher à l’organisation de l’économie mondiale, c’est mission impossible » (1)


Odile Mangeot, le 22 septembre 2019

(1)    Eva Lacoste « Gaz de schiste américain. Cap sur la France » in Golias Hebdo  du 18/24 avril 2019

Sources : bastamag.net (articles d’Olier Petitjean)
              

et EDF ?

Electricité de France a suivi le même chemin : de l’établissement public à caractère industriel et commercial en 1946, elle est devenue société anonyme le 19 novembre 2004, et fait son entrée en Bourse le 21 novembre 2005. La voilà privatisée.
Sauf, qu’en 2019, le comité de stratégie d’EDF veut nationaliser le nucléaire… et privatiser les énergies renouvelables. Surnommé Hercule, le chantier de séparation des activités d’EDF en en deux entités est lancé. EDF Bleu deviendrait une structure 100 % publique, regroupant la production d’électricité nucléaire et sa commercialisation sur le marché de gros ainsi que les productions thermique et hydraulique. La seconde EDF Vert rassemblerait toutes les filiales : EDF Renouvelables pour le solaire et l’éolien, Dalkia pour la biomasse et la géothermie, Enedis pour la distribution. Cette entité serait ouverte aux capitaux privés.    
Cette opération s’inscrit dans un contexte financier critique pour EDF. Entre 2019 et 2025, la moitié des 58 réacteurs nucléaires français atteindra l’âge de 40 ans. Evaluation du coût de ce « grand carénage », environ 55 milliards d’euros d’ici à 2025 selon EDF, 100 milliards d’euros d’ici à 2030 selon le rapport 2016 de la Cour des Comptes. A ces coûts s’ajoutent ceux du chantier de l’EPR de Flamanville et ceux de l’EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne. Actuellement, EDF n’a pas les moyens de faire face à toutes ces dépenses. Son endettement financier net s’élevait fin 2018 à 33,4 milliards d’euros, la dette brute à 69 milliards d’euros et EDF a vendu tous les bijoux de famille sans arriver à l’éponger, seulement à la stabiliser. Alors ? les contribuables à la rescousse du nucléaire ? Selon la formule qui consiste à socialiser les pertes et à privatiser les profits ! Des questions importantes se posent, et notamment : comment va être répartie la dette et qui va la payer ? Qu’adviendra-t-il de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique), un dispositif qui impose à EDF de vendre à ses concurrents 100 térawhattheure de son électricité nucléaire à un prix fixe de 42 euros/mégawattheure ?  Quel statut pour les salariés ? etc.
Les syndicats s’inquiètent de la séparation des activités, la branche commerciale, dont les marges sont très faibles du fait des concurrents qui ont majoritairement délocalisé leurs services client, risque de disparaître, activité qui compte plus de 6 000 salariés.
Pour l’heure, la mobilisation syndicale contre ce découpage qui a eu lieu le 19 septembre, trouve des soutiens inattendus : une tribune de députés LR opposés au projet Hercule ont dénoncé un « rêve de financiers » s’inquiétant « d’un risque sur la souveraineté du service public de l’électricité ». Prudent, Macron n’entend pas donner son feu vert au projet avant mi-2021, pour laisser passer les séances électorales prochaines.
OM                Sources : Reporterre et Le Monde  



Un livre à lire absolument
 La voix de ceux qui crient
Rencontre avec les Demandeurs d’asile
de Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky

Elle était l'invitée du Comité d’Aide et de Défense des Migrants 70 (CADM), des Amis de l’Emancipation Sociale et des les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté le 20 septembre dernier.



Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, anthropologue, psychologue clinicienne à l’hôpital Avicenne de Bobigny depuis 2010, rencontre ces hommes et ces femmes, à bout de souffle, qui, en danger de mort, ont dû quitter leurs pays après avoir été pourchassés, persécutés, emprisonnés, torturés. Ils vivent auprès de nous et nous ne connaissons pas leur histoire. Avec elle, ils se mettent en quête de retrouver leur voix. Quelle place la France du 21ème siècle veut-elle donner à l’étranger ? Telle est la question que nous devons nous poser au-delà de nos actions humanitaires indispensables.