Obama, le rhéteur empêtré
Bien que passée de
mode, les médias entonnent encore l’Obamania au moindre signe du «grand retour»
(espéré) de l’Amérique. Faut-il entrer en pamoison face aux 3.2 % de croissance
du PIB au dernier trimestre 2013 en négligeant le 1.9 % sur toute
l’année ? Au-delà de cette numérologie des vertus du rebond attendu du
capitalisme, faut-il adhérer toujours et encore à la rhétorique ampoulée
d’Obama ? «Nous sommes chargés de la
plus grande organisation du monde et notre capacité à faire un peu de bien sur
le plan domestique et tout autour du monde est inégalée» ( !). Cette
emphase positive suggérée par ses conseillers insistant sur la nécessité
d’éviter d’évoquer l’accroissement vertigineux des inégalités, de parler plutôt
d’opportunités nouvelles, laisse pantois. Il le fit avec le brio égotiste qui
est le sien : «Vous pouvez tous
réussir», notre pays «c’est l’égalité
des chances», puis s’adressant aux patrons : «Donnez une augmentation à l’Amérique». Suivez mon exemple. Je vais
augmenter, dit-il en substance, le salaire minimum horaire dans les entreprises
sous contrat public pour le porter par décret à 10,10 dollars de l’heure (1).
Il a omis d’évoquer le sort des 15 % de la population, soit 46.5 millions de
personnes, vivant sous le seuil de pauvreté ou les grèves qui affectent les
services de restauration rapide cantonnés dans la fourchette basse de 7,25
dollars (2).
Empêtré dans la
contradiction entre la figure progressiste composée et son impuissance face aux
réalités imposées par l’oligarchie qu’il représente, Obama restera certainement
aux yeux de l’Histoire, l’homme des
promesses non tenues… avec prestance : l’augmentation du salaire mini
qui lors de son 1er mandat devait être porté à 9 dollars, la
création d’écoles maternelles publiques, la réforme de la fiscalité, le
contrôle des armes à feu, l’interdiction des fusils d’assaut, l’élimination des
subventions aux pétroliers, la fermeture de Guantanamo…. et des échecs patents
en Irak, en Afghanistan, en Palestine, an Syrie, révélant le recul de la «domination
impériale».
Du reste, en
politicien chevronné, à l’image de ses prédécesseurs, il prépare sa retraite
dorée pour bons et loyaux services rendus, avec éloquence : pour écrire
ses mémoires à sa propre gloire et à celle de l’Amérique, il vient de recevoir
une avance contractuelle de 20 milliards de dollars, son épouse, pour faire de
même, se contentant de 12 milliards. Restent 3 ans pour obtenir le complément
dont on ignore encore le montant. Trois ans au cours desquels il faudra rendre
compte en les enjolivant des soubresauts de la crise financière, de la relance
artificielle promue par la FED dont il va falloir sortir : rachats à
raison de 85 milliards par mois d’obligations publiques, d’actifs pourris, de
crédits douteux, pour ensuite inonder le système bancaire de liquidités à taux
presque nul, manière moderne de faire tourner la planche à billets. Mais la fin
de l’argent facile programmée dans la douleur affecte déjà nombre de pays
émergents. Les capitaux vagabonds les fuient, préférant ne pas prendre de
risques car la FED a déjà réduit ses interventions mensuelles à 75 milliards
puis à 65 milliards. Après avoir frappé le cœur du système à savoir les USA, la
crise va-t-elle provoquer d’autres séismes en Turquie, en Argentine, en Inde ?
Ce qui est sûr
c’est que le capitalisme financiarisé perdure de bulles en bulles et qu’il faut
bien des interprètes pour en enjoliver les éclatements, même si, empêtrés,
leurs arguties sont de plus en plus tarabiscotées.
(1)
Soit 7,33 € de l’heure. En France, le SMIC est de 9,43€
(2)
Lire l’article de Thomas Frank «La révolte américaine contre les ogres du Fast-food» Le Monde Diplomatique de janvier 2014