Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 30 mai 2023

 

Montée des périls - Militarisation

 

(éditorial de PES n° 93)

 

La conjonction des périls semble une évidence sans que, pour autant, la conscience sociale et politique d’y faire face soit à la hauteur de ce qui s’annonce.

 

Il y a d’abord l’ensemble des régressions sociales que subissent le plus grand nombre afin qu’une minorité s’accapare le profit du travail. Chômage, précarité et pauvreté ainsi que recul des droits, sont désormais le lot quotidien des peuples. Les formations sociales parviennent toutefois à maintenir une espèce de consensus en s’appuyant sur 20 % de la population qui n’est pas encore touchée par les conséquences délétères du capitalisme financiarisé. Toutefois, cette situation est grosse d’explosion de bulles financières qui pourrait être beaucoup plus dramatique que celle de 2007-2008.

 

Ce qui rend cependant la situation dramatique c’est le fond de dérèglement climatique sur lequel repose cette crise du système capitaliste et productiviste. Sécheresse, manque d’eau, pompage dans les nappes phréatiques, pillage néocolonial des ressources sur l’ensemble de la planète, endettement des pays qui en sont les victimes, tous ces phénomènes vont aggraver les migrations : la guerre, la misère et la répression n’en seront plus les ultimes causes car il faudra y ajouter les réfugiés climatiques, y compris dans les pays dominants, comme, notamment, en Californie ou au Canada. Mais ce qui est largement occulté par les médias mensonges actuellement, c’est la possibilité d’une guerre généralisée. Certes, le bruit des bottes en Europe, avec la guerre en Ukraine, a déjà atteint son point d’incandescence mais la constitution de blocs, l’un autour des USA, l’autre autour de la Chine, laisse présager le pire. Le basculement du monde avec l’affaiblissement des Etats-Unis provoque la militarisation des pays qui se préparent à la confrontation.

 

Il n’est pas anodin de constater que les puissances occidentales dominantes du G7 se soient réunies au Japon pour traiter, paraît-il, de la guerre en Ukraine. En fait c’est la confrontation avec la Chine qui est l’objet de ce cénacle. Il faut préparer l’opinion, du point de vue des puissances dites démocratiques, à l’affrontement avec les régimes prétendument autocratiques. La guerre des bons contre les méchants, la désignation de boucs émissaires, sont déjà à l’œuvre.

 

Mais, plus fondamentalement, l’escalade se traduit par une intensification de la production et des livraisons d’armes. Ainsi, l’Ukraine a augmenté son budget militaire de 640 %  qu’elle compense par une revente et du trafic d’armes avec les pays africains. Les pays de l’Europe de l’est ne sont pas en reste. L’Estonie a augmenté son budget militaire de 88 %, la Finlande de 36 %, la Lituanie de 27 %, la Suède de 12 %. Quant à la Pologne, poussée par les USA, elle a la prétention de  devenir la 1ère armée de terre de l’Union Européenne. La France de Macron n’est pas mal placée. Jupiter annonce qu’il va presque doubler le budget militaire d’ici 2030, passant de 45 milliards à 70 milliards.

 

Toute cette gabegie sera alimentée par les subventions à l’industrie militaire, y compris et surtout, au profit du complexe militaro-industriel des Etats-Unis. On ne peut omettre également la volonté des dirigeants nippons, dont la Constitution reste pacifique, de devenir la 3ème armée du monde et la 1ère base militaire des USA  dans la région.

 

Evidemment, les Etats-Unis, principal vendeur d’armes dans le monde, vont augmenter leur production de 50 % en espérant que les Etats dudit bloc occidental s’endetteront pour acheter leur armement.

 

En fait, il semble bien que la guerre en Ukraine serve à tester les nouveaux matériels militaires comme ce fut le cas lors de la guerre d’Espagne. Reste que les relations USA-Chine sont compliquées. Les délocalisations des multinationales en Chine ont provoqué une interdépendance de ces deux économies. Pour espérer en sortir, les USA administrent des sanctions tout en mettant en place des plans massifs de subventions pour 400 milliards de dollars, en espérant que la relocalisation se fera sur le sol américain ainsi que sur les marchés européens, au détriment de la Chine.

 

Il n’en reste pas moins que ce que vise l’administration américaine est une nouvelle vassalisation de l’Europe qui est déjà en train de se produire. L’attentat terroriste contre Nord Stream 2, perpétré par les Etats-Unis selon l’enquête du journaliste d’investigation indépendant Seymour Hersh, non démenti, ainsi que l’ensemble des pressions pour augmenter les budgets militaires, prouvent, comme la rencontre des grands industriels et financiers à Versailles, que la dépendance de l’ensemble de l’Europe vis-à-vis du « grand-frère » américain est en marche.

 

Il n’y a pas à s’étonner que l’on commence déjà à préparer l’opinion à une confrontation généralisée. Le Service National Universel ne constituerait-il pas une prémisse du façonnage des esprits déjà à l’œuvre ? Nombre de militants ne s’y sont pas trompés en provoquant des mobilisations contre cette propagande macronienne au service de la militarisation des esprits. On ressortira bientôt le péril jaune pour justifier toutes sortes de provocations du « bon » contre le « méchant ». A quand les comités anti-guerre ?

 

GD, le 26.05.2023    

 

le poème de Pedro

 

hommes, amis, frères

et les mêmes au féminin

et aussi au neutre

bien qu’il soit censé ne pas exister

 

observez

 

observez bien

comme il faut et comme il ne faut pas

 

observez le présent

le passé et l’avenir

 

observez

 

même si cela ne sert à rien

même si vous n’y comprenez rien

 

au moins vous aurez tenté

 

au moins tenté de tenter

 

 

 

Pedro Vianna

le 31.12.2011 in Observations

http://poesiepourtous.free.fr

 

 

 

 

Nous avons lu

Parasites

Parasites est le mot juste pour désigner les classes possédantes, faites d’individus de chair et d’os et non de flux financiers abstraits. Ces parasites, les 500 plus grandes fortunes françaises, responsables de la dégradation des services publics, des bas salaires, de la souffrance au travail… celles « qui se  nourrissent sur la bête » sont la concrétisation du capitalisme : la classe possédante se nourrit du travail des autres, soutenue par l’Etat-providence. Les idéologues du système capitaliste tentent de nous convaincre que les décisions économiques ont à voir avec « la loi du marché, « la concurrence », la « mondialisation ». Dans ces conditions, à quoi sert-il de se battre ? D’ailleurs contre qui ? La difficulté à se représenter l’ennemi est apparue au début des années 1990 quand la plupart des organisations politiques et syndicales ont abandonné la rhétorique anti-bourgeoise. Nous subissons toujours les conséquences de ce changement idéologique profond. Dans les années 1980, le PS se fait artisan du grand bond en avant néolibéral jusqu’à ce qu’une « gauche plus radicale » apparaisse dans les années 2010. Même si la colère demeure et se manifeste dans les grèves 1995, 2006, 2010 et 2019, les mots pour désigner l’adversaire ont été remplacés par une soupe idéologique forgée par les intellectuels et politiques voulant en finir avec toute pensée critique du capitalisme. La perte de la lutte des classes est liée au triomphe d’une idéologie bourgeoise usant de concepts qui s’imposent même aux plus rebelles : « réussite personnelle », « faire des projets », « rechercher l’ascension sociale », adhérer à la « valeur travail ». L’auteur, pour son  analyse, nomme les parasites bourgeois les plus emblématiques et les plus toxiques. Ils nous empoisonnent, invités tous les jours dans notre salon-télévision. Les symptômes en sont, par exemple, la grande dépossession : privatisation d’EDF mais aussi démolition du système de santé, industrie bradée… Ce sont également les « réformes » de la fiscalité  au profit des grandes fortunes et du capital, dont Bruno Lemaire est l’inconditionnel artisan. Si l’on considère la part du budget de l’Etat dépensé pour le patronat, il est le pire assisté de France : un quart du budget est dédié aux multiples aides aux entreprises privées contre 3,2 % à la solidarité et à l’insertion... Rien d’étonnant : Lemaire est l’un de ces hauts fonctionnaires biberonnés à la glorification du capitalisme. Mais pourquoi les gens ne se révoltent-ils pas ? C’est la dernière partie de cet ouvrage « fouillé et radical ». Nous sommes heureux d’y lire les mots justes qui parlent aux classes non possédantes et nous appellent à la lutte collective pour que l’avenir « puisse nous appartenir ». OM

Nicolas Framont (fondateur de la revue Frustration) ed. Les liens qui libèrent, 02/2023, 19.50€ 

 

Les 100 jours… messes à promesses


Macron a rouvert le dialogue, ou plutôt le monologue. Il parle. Mais que valent ses promesses, sinon, à calmer les casserolades et autres mécontentements à venir, face à l’augmentation des prix qui font grossir les files d’attente auprès des associations distribuant aides alimentaires et autres soutiens pour payer loyers, charges. Macron fait le dos rond en attendant que la colère passe et le revoilà : « On ne peut pas prendre le risque de l’impuissance… Il faut se mettre en danseuse et repartir. Relever le museau ». Alors, il macronne. Il annonce un plan en 100 jours ; il est partout, à la « rencontre des Français », ou sur les médias ; il reçoit les grands patrons à Versailles pendant que Borne est chargée de « renouer  le dialogue » avec les syndicats. Macron promet du mieux vivre, de la justice sociale… en contrôlant toujours plus ceux qui « ne veulent pas travailler », en renforçant le rôle de la police, ou encore en promettant une planification écologique et la ré-industrialisation.      


 1 - Macron « macronne » et bla-bla-bla…

 

Après l’orage, il rouvre la porte au dialogue. Dommage que les 5 syndicats conviés y soient allés (même la CGT), l’un derrière l’autre, alors que Berger criait à qui voulait l’entendre : « On ne répond pas quand on nous siffle ! » et que Sophie Binet, déclarait que la réouverture du dialogue passait par le retrait de la loi « retraite ». Même si, à la sortie, elle déplorait « un monologue gouvernemental » à quoi sert cette contorsion, sinon à montrer que l’unité syndicale remue encore ? Fallait-il participer à ce grand jeu hypocrite pour ne pas apparaître comme le syndicat qui divise, face aux futures batailles à mener ? Hélas, cela semble « servir » Macron qui se faufile dans cette échancrure pour réapparaître.

 

Il parle. Il fait des promesses, dans les villages, sur toutes les ondes, ne laissant aucun espace public à sa 1ère ministre et aux ministres concernés. Il se glorifie d’un taux de chômage si bas à 7.1 % « jamais atteint depuis longtemps » et s’engage à le ramener à 5 % fin 2027, ce qu’il appelle le plein emploi. Comment ? En autorisant les contrats précaires, les « contrats zéro heure » comme au Royaume Uni ? En contrôlant et en radiant ?  

 

Il annonce trois grandes priorités sans préciser les moyens (financiers notamment) pour leur mise en oeuvre :

 

-        « Un nouveau pacte de la vie au travail » : amélioration des revenus et des salaires, meilleur partage de la richesse, amélioration des conditions de travail, des solutions contre l’usure professionnelle ou l’accroissement de l’emploi des séniors… sans qu’il y ait des engagements budgétaires supplémentaires !

 

-        Renforcer l’ordre républicain et légiférer sur l’immigration. En matière de Sécurité, il veut créer 200 brigades de gendarmerie dans les campagnes notamment, et pour réguler l’immigration dite illégale, recruter 150 gendarmes dans les Alpes maritimes pour faire face à une pression migratoire accrue à la frontière italienne. Il a décidé que la loi immigration sera débattue avant l’été et tant pis si Borne, faute de majorité suffisante pour le faire approuver, venait de la redécaler à l’automne pour éviter un nouveau 49-3. Cette loi, c’est le monstre du Loch Ness : proposée en juillet 2022 par Darmanin, puis rangée aux oubliettes pendant la « bataille » des retraites alors que Borne ne réussissait pas à convaincre les LR de la voter, décalée à l’automne 2023, la voici qui refait surface… Le chef en a décidé ainsi !

 

-        3ème chantier  « le progrès pour mieux vivre ». On y trouve  « une école qui va changer à vue d’œil ». Le lycée professionnel sera réformé pour préparer les lycéens à l’emploi… en augmentant les temps de stages en entreprises. Plus largement, pour l’ensemble du secteur de l’éducation, il veut « améliorer » le système des remplacements : les enseignants qui accepteront de faire des heures supplémentaires (dont les remplacements) auront une rémunération plus importante : rien de bien nouveau dans le  style « travailler plus pour gagner plus ». Il veut instituer la ½ heure par jour de sport mais… il faudrait plus d’équipements… des élèves mieux accompagnés (en 6ème) en français et maths avec 1 heure de soutien… grâce à la suppression d’une heure de technologie ! Bonne feuille de route, Mme Borne ! Le dialogue social avec les syndicats promet d’être « musclé » ! 

 

Il a aussi parlé de rebâtir profondément « notre » système de santé et promis de désengorger les urgences d’ici fin 2024 (la régulation des entrées et la revalorisation du travail de nuit a été sans effet), sans préciser avec quels moyens financiers supplémentaires ! Une imposture, affirme le président du Syndicat SAMU-Urgences de France, alors que tous les services subissent « une descente aux enfers dans l’indifférence » gouvernementale, alors qu’ils sont confrontés aux déserts médicaux et à la médecine de ville exsangue.

 

Ces macronneries ne suffiront pas à éteindre définitivement le feu qui couve toujours mais, pour l’heure, « le climat social » semble refroidi, la colère moins vive et son expression, matée. Il faut « reconnaître l’efficacité » de Darmanin et ses violences policières ou sa volonté de dissoudre les associations ou mouvements trop « radicaux », voire « terroristes », à ses yeux ! Cela a fini par affecter l’engouement protestataire, s’ajoutant à l’échec d’une grève générale. Imperceptiblement, le recul de l’âge de départ à la retraite est de plus en plus perçu comme inéluctable dans l’opinion. Les syndicats, qui se sont rendus à l’invitation de Borne, voulaient-ils passer à autre chose, sans avouer leur échec ?

 

 Pour autant, la colère est là, la pauvreté et la précarisation sont installées, l’inflation aussi. Macron va-t-il réussir à se « relégitimer » jusqu’à la prochaine crise sociale ? En 100 jours, cela risque d’être difficile même en pratiquant le bâton et la carotte.

 

2 – Il promet le plein emploi… par la sanction

 

5.1 millions de personnes sont privées d’emploi, dont 2 millions perçoivent le RSA (dont 42 % seulement seraient inscrites à Pôle Emploi). Le RSA, c’est 607€/mois pour une personne seule. Ce sont souvent les mêmes qui sont privés aussi de logement. Aujourd’hui, 2.3 millions de ménages sont en attente d’une HLM alors que moins de 90 000 logements ont été construits en 2022. Le mal-logement concerne 401 000 de personnes dont 330 000 sont sans domicile alors que l’hébergement d’urgence est insuffisant avec 205 000 places. 2022 a été une année record d’expulsion locative : 17 500 ménages.

 

Le processus d’ascension sociale par le logement (j’habite en HLM, je trouve du travail sûr et je peux construire ma maison individuelle, je laisse la place à la génération suivante en HLM…) a vécu depuis longtemps. Aujourd’hui, la hausse brutale des taux d’intérêt de 3.75 points par la BCE en juillet 2022 a été répercutée par les banques sur la hausse des taux immobiliers, ce qui empêche les plus modestes de construire. Les propriétaires potentiels restent locataires et ne libèrent pas leur logement. Par ailleurs, la hausse de la taxe foncière, l’interdiction progressive de mise en location des logements énergivores, ont réduit les investissements dans le marché locatif. A quoi on peut ajouter la transformation massive d’appartements en meublés touristiques (Airbnb). Bref, l’Etat ne contrôle plus rien en matière de politique de logement, même pas l’application de l’obligation légale de compter 20 % ou 25 % de logements sociaux sur son territoire (1).

 

Pour atteindre le plein emploi Macron diminue le nombre de chômeurs… en réduisant les indemnités chômage (en 2022), en créant France Travail (qui se substitue à Pôle Emploi) et le RSA conditionné. Au boulot « les fainéants et les assistés » !

 

Le Haut-Commissaire à l’inclusion dans l’emploi et l’engagement des entreprises, le formule plus joliment dans son rapport de 98 propositions à Dussopt « pour atteindre le plein emploi et permettre l’accès de tous à l’autonomie et à la dignité par le travail », d’ici à 2027 ! Seuls les naïfs et les macron-compatibles croient encore en ces mensonges ! Il s’agit, en fait, d’identifier, grâce aux réseaux sociaux ou à du porte-à-porte, les 5.1 millions de personnes « hors radars » qui ne seraient pas « au travail ». Repérés, ces privés d’emploi devront obligatoirement s’inscrire sur le portail numérique France Travail, plate-forme commune réunissant tous les acteurs de l’insertion professionnelle : finies les Missions Locales pour l’insertion des jeunes ou Cap Emploi pour les personnes handicapées. Tous à France Travail, l’opérateur unique : ça va aussi « déblayer dans les effectifs ! Et pour ceux qui protesteraient contre ce procédé, accentuant la fracture numérique, le « Haut »-commissaire a tout prévu : l’accueil de proximité « à moins de 5 à 10 kilomètres de chez soi » grâce à un réseau de guichets physiques : les 931 agences du Pôle Emploi où les démarches sont déjà largement… numérisées. Ce Haut-Commissaire ne doit guère fréquenter la France rurale, où se déplacer implique des coûts ou tout simplement d’avoir un moyen de transport. Il promet de lever tous les « freins sociaux » un à un. Par exemple, les mères célibataires auront droit à des modes d’accueil de leurs enfants dans les services de petite enfance… encore faut-il qu’ils existent et qu’elles aient un moyen de transport. Peu importe : tous les inscrits à France Travail devront signer un « contrat d’engagement réciproque ». Celui qui sera absent à un rendez-vous ou considéré comme pas suffisamment actif risquera la radiation ou la suspension partielle de son allocation.

  

La mesure-phare de France Travail est réservé aux privés d’emploi allocataires du RSA : travail obligatoire… et gratuit. Pour toucher les 607€/mois de RSA, une personne seule devra travailler 15 à 20h par semaine (quasi un mi-temps). Ce nouveau STO est expérimenté jusqu’à fin 2023 dans 18 départements. C’est une catastrophe à venir pour les plus exclus, les plus précaires, des allocataires du RSA, dont le nombre va exploser, conséquemment aux récentes « réformes » de la retraite et du chômage. Même Martin Hirsh (qui oublie un peu vite qu’il est à l’origine du « service civique » (2) est sceptique : « Transformer un allocataire en main d’œuvre sans droit est une régression sociale. Ce dispositif est pourvoyeur de main d’œuvre bon marché ». Ces mesures vont accentuer le non-recours (déjà important) au RSA et augmenter le taux de pauvreté.

 

Cette bombe à retardement a peu de chance « d’apaiser » la contestation sociale. Déjà certains syndicats (dont la CGT) dénoncent ce projet de contrôle global et de casse sociale. Les effectifs de Pôle Emploi ne suffisent déjà pas à l’accompagnement à l’insertion  (seuls 60 % des allocataires du RSA bénéficient d’un suivi), on peut donc être certain que le traitement numérique va accentuer les radiations.  

 

Qui croit Mme Borne quand elle affirme : « il ne s’agit pas de les faire travailler sans les payer, il s’agit de leur permettre de découvrir des métiers, de se former ». Les intéressés apprécieront la nuance ! Ils devraient sans doute dire merci ! Ces boulots sont, de plus, exonérés de cotisations sociales et ne donneront pas de droits pour la retraite! 15 heures d’activités par semaine pour 2 millions d’allocataires, c’est 30 millions d’heures hebdomadaires de travail. Où ? Dans quelles entreprises ? Qui va faire le lien entre allocataires et entreprises alors que les travailleurs sociaux ne sont déjà pas assez nombreux ? Il faut combattre, dès maintenant, ce projet et ses inacceptables reculs sociaux, créant une main d’œuvre corvéable de travailleurs pauvres.

 

Pour sortir de l’impopularité qui lui colle au doigt, tel le sparadrap  du capitaine Haddock, Macron promet que l’inflation des prix alimentaires sera absorbée d’ici à l’automne en réunissant les grandes marques de distribution pour les inviter à contenir les prix. Il annonce un effort fiscal important en faveur des classes moyennes (2 milliards de baisse d’impôt sur le revenu) pour répondre au « sentiment » d’injustice – qui n’est pas un « sentiment » mais une réalité : les 370 familles les plus aisées ont un taux d’imposition sur le revenu de 2.5 % en moyenne. Pour les 37 foyers les plus fortunés, il n’est que de 0.26%.

 

3 – Il promet la réindustrialisation…

 

Il va « sortir  la France » de l’impasse d’appauvrissement » par la réindustrialisation, lui qui a bradé le fleuron Alstom aux Américains, Tecnip aux Texans, Alcatel à Nokia. N’empêche, au récent Sommet des grands patrons, Choose France, à Versailles, il offre 13 milliards d’euros d’investissements en subventions. Pour quel redressement industriel, alors que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée a baissé de 14.3 % à 12,7 % au cours de son premier mandat ? Aujourd’hui, 34 % de l’industrie française appartient aux capitaux internationaux. Quelle est la stratégie de Macron, lui qui n’a aucun moyen de contraindre les décisions des industriels, même là où l’Etat est actionnaire ? Ainsi, quand les fonderies en aluminium, nécessaires à la voiture électrique, sont abandonnées par Renault ou Stellantis, ça ne réindustrialise pas mais ça détruit l’industrie française ! L’appel au « patriotisme de nos entreprises » n’est que poudre aux yeux alors que les gouvernements ont dépossédé l’Etat de ses moyens d’intervention en matière industrielle et commerciale. En fait, il ne propose rien d’autre que les vieilles recettes de dumping : baisser les impôts,  baisser le « coût » du travail et même baisser les normes environnementales, ce qu’il a déclaré lors d’une visite à Dunkerque, pour appâter les investisseurs étrangers.

 

De fait, il n’y aura pas de réindustrialisation en France s’il n’y a pas des mesures obligatoires, sur des quotas d’importation ou des taxes aux frontières. Sans de telles mesures, c’est du bla-bla-bla. Il faut inverser la logique du système, à savoir, « ne pas exporter plus » mais « importer moins » (3) Comment ?  Qui décide des productions à relocaliser ? Quelles sont les priorités ? Macron est totalement soumis aux décisions de l’Europe libérale et du système économique mondial. Ses gesticulations ne trompent plus personne. Peut-il prétendre, encore, jouer dans la cour des « grands », face au nouvel ordre mondial en cours ?

  

Il ne faut rien croire non plus de sa conversion à la planification écologique et à la décarbonation des grandes filières industrielles émettrices. D’ailleurs, le carbone n’est pas le seul gaz à effet de serre, il y a aussi le méthane, le protoxyde d’azote. De plus, la décarbonation de l’économie justifie des projets fous d’un point de vue écologique : construction de centrales nucléaires, promotion de l’hydrogène, renouvellement total du parc automobile en voitures électriques… Ces mutations soi-disant vertes nous maintiennent dans un système productiviste, extractiviste et destructeur dont Macron est un partisan. La croissance verte, c’est d’une certaine manière, le « nouvel esprit du capitalisme » (4). Pour les adeptes du capitalisme, les forêts ne sont que des puits de carbone à rétribuer, l’eau se cote en Bourse, des séquences génétiques sont brevetées et transformées en marchandises au profit de grands groupes agrochimiques…. La déclaration récente de Macron réclamant une « pause réglementaire sur les normes environnementales » est totalement à contretemps de l’urgence actuelle. La seule solution pour limiter l’ampleur de la crise écologique est de réfléchir collectivement à nos besoins à notre rapport au temps et à l’espace, de réaménager le territoire pour limiter les déplacements, de relocaliser l’économie et de se désintoxiquer de la vitesse. Il faut avoir le courage politique de démanteler des grandes entreprises qui bloquent tout changement et Macron n’a pas cette volonté.

 

Il n’est pas capable de trouver 12 milliards d’euros pour les travailleurs et les retraites mais il a distribué aux grandes entreprises, environ 200 milliards, en 2021, en subventions, crédits d’impôt et exonérations de cotisations auxquels on peut ajouter les niches fiscales et l’évasion fiscale, sans aucune contrepartie sociale ni environnementale.

 

<<<>>> 

 

Face à ce système ultralibéral hyper dominant, notre capacité à  dénoncer les promesses mensongères, à analyser, échanger, est notre arme principale. Il faut espérer dans l’intelligence humaine et ouvrir tous les lieux de débats, là où c’est possible, pour démasquer l’imposture de Macron et Cie. S’il n’a plus que l’arme de l’interdiction, de la répression pour empêcher l’expression des opinions, c’est qu’il est affaibli, d’autant que la crise politique grandit, y compris dans ses propres rangs, et qu’il n’a pas de majorité au Parlement…

 

Comme dit la chanson révolutionnaire de Jean-Baptiste Clément qui combattait en 1871 pour la Commune de Paris : « Oui mais, ça branle dans le manche, les mauvais jours finiront. Et gare à la revanche, quand tous les pauvres s’y mettront »

 

Odile Mangeot, le 20.05.2023

 

 

(1)  la loi SRU, Solidarité et Renouvellement urbain (2000) oblige les communes de + 3 500 habitants, membres d’une agglomération ou d’un établissement public intercommunal, comprenant au moins une commune de 15 000 habitants, à compter 25 ou 20 % de logements sociaux

(2)  Service civique : pour les 16-25 ans- engagement dans des missions pouvant aller jusqu’à un an – indemnité nette de 489€ + prestation de subsistance de 111€ par l’organisme d’accueil. En 13 ans, 700 000 jeunes se sont engagés. Exploitation ? Assurément 

Pire est le SNU (Service national universel) pour les 15-17 ans ! Objectifs : « transmettre un socle républicain », « favoriser le sentiment d’unité nationale »… 3 semaines suivies d’une mission de 3 mois à 1 an. Gratuit. Embrigadement ? Assurément ! (cf rubrique « ils, elles luttent »)

(3)  François Ruffin dans La Tribune

(4)   Hélène Tordjman, auteure de La croissance verte contre la nature, critique de l’écologie marchande, ed. la Découverte (2021)

La grande braderie de la France continue

le Canard Réfractaire (sur youtube)

 

Le 15 mai dernier, Macron se met en scène à Versailles, promettant aux 200 riches industriels présents des milliards de subvention pour soi-disant réindustrialiser la France. En fait, face à la concurrence internationale, il laisse les capitaux étrangers prendre le contrôle d’entreprises stratégiques françaises. Ainsi, il a bradé aux Etats-Unis des sociétés, comme EXXELIA, 100 ans de savoir-faire en composants électroniques complexes  utilisés dans l’aviation, la défense, le spatial, les énergies…) vendu à l’américain Heico ou comme VELAN, fabricant de robinetteries pour centrales et sous-marins nucléaires notamment, racheté par l’américain Flowserve. Reden Solar, producteur et installateur de panneaux solaires est vendu à un géant australien. Macron, l’ex-banquier de chez Rothschild, continue dans la même lignée qu’en 2022, année au cours de laquelle 131 entreprises françaises ont été vendues à l’étranger. GD.

  

 

Les JO de Paris

 

Dans un an, se dérouleront les Jeux Olympiques d’été, à Paris. Des athlètes du monde entier, des entraîneurs, des officiels sillonneront le monde en avion pour participer à cette grande « fête » de l’hypocrisie. Les scandales de dopage, de tricherie, qui ont marqué chaque édition, ne disparaîtront pas aux Jeux de Paris. Des athlètes dopés, des athlètes tricheurs s’affronteront dans un « esprit de grande fraternité »… Certains athlètes s’apprêtent à traverser le monde pour partager, le temps d’une épreuve de qualification perdue, quelques minutes de la « fête », fête aussi stupide qu’inutile. Ces athlètes-là sont les symboles de la classe dominante qui se réjouit du spectacle offert, tout en ignorant les Palestiniens ou les Soudanais, par exemple, qui ne seront pas présents dans les stades parisiens.

 

Cerise sur le gâteau : pour accueillir ces « dieux » modernes et encadrer cet évènement, le comité d’organisation veut recruter 45 000 personnes. Opportunité pour ces jeunes de la région parisienne de gagner un peu d’argent pendant les vacances ? Pas du tout ! Ces personnes ne seront ni rémunérées, ni défrayées de leurs frais de transport ou d’hébergement. Le budget des JO est de plus de 8 milliards mais les organisateurs préfèrent organiser des buffets gargantuesques pour les officiels plutôt que rémunérer les « petites mains ». Un certain nombre ne sont pas décidés à se laisser exploiter. Ils vont candidater à ces « jobs » pour, ensuite, en perturber l’organisation de l’intérieur. Et ils ne manquent pas d’idées.

 

Camille : « Nous pourrions ne pas venir, ou venir et déployer des banderoles, nous mettre en grève, former un collectif et attaquer les JO aux Prud’hommes ». Ou encore « faire une grève du zèle et bloquer les Jeux en travaillant trop lentement ou pas correctement ». L’idée générale est de « mettre du sucre dans le réservoir ».  Alain, activiste écolo : « Une fois devenu bénévole, je compte dénoncer le modèle des Jeux Olympiques de l’intérieur auprès des personnes que je rencontrerai » explique cet ancien judoka dégoûté de l’olympisme depuis la destruction de plusieurs favelas de Rio, lors de la compétition de 2016 qui avait entraîné l’expulsion de centaines de familles pauvres.

 

A noter que la même chose s’est produite à Pékin en 2008, et que la volonté de la mairie de Paris et du gouvernement, d’envoyer les SDF à la campagne « pour qu’ils y respirent mieux » relève du même état d’esprit que Molière dans Tartuffe, en le paraphrasant : « Cachez ces pauvres que je ne saurais voir, par de pareils sujets les âmes sont blessées ! ». Les pauvres, vous êtes priés de faire place nette pour ne pas apparaître dans le champ visuel de ceux qui ont pu se payer des places à des prix exorbitants (jusqu’à 2 500€ pour la cérémonie d’ouverture).

 

Comme toutes les autres éditions, ces JO tant choyés par la classe bien-pensante, sont vecteurs de valeurs « néfastes ». Les jeunes banlieusards sont priés d’être fiers de porter « bénévolement » le sac des champions surpayés. Et les étudiants logés dans les résidences universitaires du Crous d’île-de-France vont devoir quitter leur logement au plus tard le 30 juin 2024, alors qu’il leur est possible habituellement de le conserver d’une année sur l’autre. 3 200 logements réquisitionnés pour loger forces de l’ordre, soignants, agents de sécurité privée et bénévoles. La contrepartie pour ces étudiants précaires ? Un relogement sans frais de déménagement… mais évidemment payant !

 

Les JO sont, par ailleurs, une aberration écologique. Des officiels, des athlètes, de supporters vont traverser la planète en avions, autocars et voitures pour être là, à cette fête inventée par Pierre de Coubertin, ce personnage proposé au prix Nobel par Hitler…

 

Annuler ces Jeux ? Vous n’y pensez pas ! Ce serait pourtant un grand bienfait pour la planète et participerait, peut-être, à la réflexion sur le bien-fondé de ces grands raouts, à l’heure où des centaines de milliers d’êtres humains sont en danger de mort à cause du dérèglement climatique engendré, en partie, par tous ces déplacements inutiles, cette bétonisation et ces constructions vouées à devenir des friches à démolir…  JLL

 

 

Le macron-lepénisme en marche

le média (sur youtube)

 

Sur ce média alternatif, vous découvrirez un entretien entre Mathieu Slama (journaliste) et Julien Théry (historien). La dernière trouvaille de Macron, s’emparant de quelques faits divers certes effectivement graves, est de qualifier l’évolution de la société française de processus de décivilisation. Ce terme issu de l’extrême droite maurassienne est également le titre d’un livre de Renaud Camus, idéologue du « grand remplacement », diffusant l’idée d’une submersion migratoire dénaturant « l’identité française ». Face à la crise politique provoquée par le néo-libéralisme, la classe dominante et ses chiens de garde divisent les classes populaires et provoquent la montée des fascistes. Ces manigances proviennent des hauteurs de l’Etat et de ses dirigeants.  Il suffit de penser au « bruit et à l’odeur » de Chirac, au « karcher » de Sarkozy et aux « Française de souche » de Hollande lors d’une réunion du CRIF. Cette lepénisation des esprits est le marchepied idéologique à l’instauration du RN. Ce racisme qui vient d’en haut constitue une digue par rapport à la lutte de classes et au mouvement social en général. Cyniquement l’extrême-centre macronien tente de créer la constitution d’un énième  Front républicain qui permettrait aux néo-libéraux de droite de l’emporter lors des présidentielles prochaines.  Comme le souligne Julien Théry, c’est le pire qui est en train de se préparer : il rappelle qu’Edouard Philippe est un apologiste de l’économiste Hayek qui louait la dictature de Pinochet et ses Golden Boys… GD

 

Total irrespect

  A la veille d’un nouvel été difficile la stupeur nous saisit. Le macronisme vient de battre piteusement en retraite sur le front du combat écologique. Les esprits grincheux diront qu’il n’avait jamais vraiment entamé ce combat pourtant impératif. On peut difficilement leur donner tort. Le mois de mai était depuis des lustres le mois du renouveau, celui qui annonçait des jours meilleurs, ceux de l’éclosion générale, des jours attendus avec entrain partout et par tous, petits et grands, pauvres ou riches. Tout cela est bien fini. Le mois de mai est désormais en France le mois de la fin définitive des illusions face à la crise climatique aux ravages indiscutablement grandissants. En cette matière qui ne devrait souffrir aucune défaillance, Jupiter, en dieu impuissant, et son ministre chargé de la « transition écologique » ont, à quelques jours d’intervalle, sonné le glas de nos maigres espérances. Deux hommes passifs pour deux évènements calamiteux. L’irrespect affiché pour la planète est alors à son comble. Et, le pétrolier en chef de s’en délecter en coulisses.

 

Le premier de ces évènements fut la déclaration péremptoire du Président de la République française à une heure de grande écoute télévisuelle, déclaration par laquelle il exprimait sans ambages son souhait qu’une pause soit prononcée dans la règlementation environnementale européenne. A quelques jours de la réception annuelle des « plus grands patrons du monde entier » au château de Versailles, Emmanuel Macron s’attaquait à rien moins que le green new deal, certes diversement appréhendé par les partenaires de la France, qu’il conviendrait de muscler eu égard au péril climatique et non de l’affaiblir. Du reste, le monarque qui se veut absolu déclencha la stupéfaction européenne en la circonstance. Bien sûr il n’en a cure : son urgence à lui est de rassurer les magnats de la finance et de l’industrie planétaire afin que dans la bonne marche des affaires la France reste pleinement une terre d’accueil ! On se souvient ici de la déclaration énervée de Nicolas Sarkozy en 2011, au Salon de l’agriculture, trois petites années après le « Grenelle de l’environnement » qu’il avait pourtant abondamment promotionné : « l’environnement, ça commence à bien faire ». Mais, douze années plus tard… Ces hommes sont très forts dans l’esbroufe communicationnelle et éminemment discrets dans la mise en œuvre tangible de leurs annonces tonitruantes. C’est que le réalisme économico-financier du capitalisme omnipotent revient toujours à la charge porté par de vigilants gardiens du temple.      

 

On doit le second évènement de ce printemps à Christophe Béchu qui porte fièrement la casquette ministérielle de la transition écologique. Il a officiellement lancé le 22 mai dernier le processus de « l’adaptation » au réchauffement climatique. Jusqu’à la fin de l’été les Français sont consultés afin qu’ils disent les efforts qu’ils sont prêts à consentir pour adapter leurs comportements de consommation dans l’optique d’un réchauffement de 4° à la fin de ce siècle. Rappelons que la COP 21 tenue à Paris en décembre 2015 déclarait qu’il ne faudrait surtout pas dépasser 1,5° pour éviter « l’emballement ». On entérine donc en haut-lieu que l’objectif est irréaliste et qu’il faut donc se préparer au pire. Les Français pourraient en retour demander ce que les vrais décideurs sont prêts à consentir comme efforts d’adaptation pour changer de manière tangible la prégnance mortifère du capitalisme sur la nature et nos vies. Va-t-on annuler les nombreux projets autoroutiers lancés dans l’hexagone ? Va-t-on enfin décider de transformer radicalement « notre modèle agricole ? Va-t-on un jour prochain contraindre Total à changer profondément sa stratégie de production d’énergie ? Non, rien de tout cela ne reçoit le début du commencement d’une inflexion. Non, c’est aux Français de faire des efforts individuels. Le tandem Macron-Béchu en est resté à ce qu’Aurélien Bernier avait appelé voilà quinze ans l’écologie du brossage de dents. Désespérant !

 

Pire, on continue d’envoyer de mauvais signaux à de notoires responsables de la crise écologique. Ainsi, le ministre français de l’agriculture a demandé récemment aux préfets de ne pas verbaliser les agriculteurs contrevenant à l’interdiction de plusieurs pesticides décidée au niveau européen.  À l’initiative des sénateurs Les Républicains, une proposition de loi, autorisant le recours à des drones pour l’épandage de pesticides, a été adoptée en première lecture le 23 mai au Sénat. Cette mesure est présentée comme un « choc de compétitivité pour la ferme "France" ». L’article 8 de cette proposition de loi envisage d’expérimenter durant 5 ans le recours à des drones dans le cadre d’une « agriculture de précision » sur des surfaces présentées comme « restreintes » sans pour autant que soient fixées des limites.

 

L’Europe perd déjà vingt millions d’oiseaux chaque année. Alors, la biodiversité peut bien attendre encore son hypothétique renouveau ! La vraie raison de l’immobilisme ou de la fuite en avant est que l’on se refuse à financer sérieusement l’énorme facture de la transition écologique. Pour cela il faudrait faire payer les plus riches de nos congénères. On pourrait, par exemple, taxer de 5% à cet effet les 10% des contribuables les plus fortunés. Bruno Lemaire, ministre de l’économie gardien scrupuleux de l’orthodoxie fiscale, se refuse farouchement à augmenter les impôts tout en récitant la fable éternelle selon laquelle « la France a déjà la fiscalité la plus élevée d’Europe ». Répondons-lui que les revenus des 37 contribuables français les plus riches sont taxés à… 0,26%. Un record du monde, probablement ! Total irrespect disions-nous.

 

 

Yann Fiévet

Leurre de vérité (juin 2023) dans Le Peuple Breton

yanninfo.fr

 

 

Solidarité avec les grévistes de VertBaudet

 

Plus de 80 salarié-e-s sur 327 (principalement des femmes) de l’usine de prêt-à-porter Vertbaudet (près de Lille) sont en grève depuis plus de 2 mois et se battent pour l’augmentation des salaires et l’embauche des intérimaires. La répression policière et patronale n’a cessé de s’accentuer contre les grévistes qui ont vu leur piquet attaqué à plusieurs reprises. Ils/elles n’ont pas lâché la lutte. Le 15 mai, la police évacuant à nouveau le piquet, étranglait une ouvrière qui a dû être hospitalisée. Menaces, pressions sur les grévistes (2 gardes à vue), jusqu’à « une expédition punitive » : le 16 mai, Mohammed, délégué syndical CGT a été embarqué devant chez lui par des « prétendus policiers » en civil dans un véhicule banalisé. Plaqué sur sa voiture devant son enfant, ils l’ont traité de « sale gréviste », copieusement gazé, frappé et lui ont craché à la figure. Ils l’ont humilié et l’ont finalement jeté de leur véhicule après l’avoir délesté de son portefeuille. « Expédition punitive de type fasciste », digne d’une « milice patronale » affirme la CGT de Tourcoing. Les auteurs n’ont pas été identifiés. Malgré tout, les grévistes sont déterminés à poursuivre leur grève qui devient le symbole d’une colère qui ne faiblit pas face à la volonté du gouvernement de tourner la page des retraites. La CGT Bouches du Rhône a mené une action de solidarité en envahissant un magasin de l’enseigne près de Marseille et met en garde : « le message est très clair, pour chaque violence contre nos camarades, le magasin Vertbaudet ne fonctionnera pas ». Et pour maintenir la pression contre ces méthodes de voyou, les énergéticiens sont également de la partie : Olivier Mateu (UD CGT 13) déclare : « ce magasin, ainsi que toute la zone commerçante de Plan-de-Campagne, sera mise en sobriété énergétique aussi souvent que possible à bon entendeur ». Contre la répression exercée par l’Etat et l’entreprise, il s’agit d’organiser la solidarité, de multiplier les actions de soutien pour que leur colère ne reste pas isolée. Loin des négociations avec Borne, et loin d’un pouvoir qui matraque, l’enjeu est de soutenir la grève des Vertbaudet et de l’étendre (déclaration du Réseau pour la Grève Générale, rassemblé devant Matignon le 17 mai).    https://www.facebook.com/people/CGT-Vert-Baudet/100087732061707/

 

Le Sénégal

« allié » de la France, jusqu’à quand ?

 

Le Sénégal, petit par la taille à l’échelle africaine (un tiers de la France en superficie, 16 millions d’habitants), est d’une grande importance stratégique pour l’ancienne puissance coloniale. C’est, en effet, un pays apparemment stable politiquement, comparé à ses voisins, en particulier le Mali dont la France et son armée se sont fait « virer » assez « sèchement ». Pour la France, c’est donc une base  sûre pour lutter contre les djihadistes sahéliens, d’autant que le Sénégal conserve des liens étroits avec son ex-colonisateur, toujours son premier investisseur.  

 

Mais, si la relation avec l’ancien colonisateur est toujours très forte, le pays évolue, les émeutes de 2021 suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko, principal opposant du président actuel Macky Sall, les actes de violence contre des symboles français, l’ouverture économique à d’autres partenaires, en particulier la Chine, montrent que le Sénégal, s’il est toujours un « allié stable » pour la France est, en fait, en train de changer.

 

Pour revisiter cette relation privilégiée, ouvrons nos livres d’histoire.

 

Le Sénégal est situé à la pointe ouest de l’Afrique, voisin de la Mauritanie, du Mali et des Guinée (Bissau et Equatoriale). La Gambie, héritée de la colonisation britannique, forme une enclave à l’intérieur du territoire sénégalais, séparant le nord sahélien du sud équatorial, la Casamance.

 

La population située majoritairement le long du littoral atlantique a été multipliée par 5 depuis 1960. 95 % des Sénégalais sont musulmans, mais les groupes ethniques sont nombreux. Parmi ces groupes, les Wolof sont majoritaires et le wolof est la langue d’usage dans une grande partie du pays, même si le français reste la langue officielle.

 

Au 8ème siècle, le Sénégal faisait partie du Royaume du Ghana. Il est le point d’arrivée ou de départ, des caravanes qui sillonnent le Sahara, transportant de l’or, du sel, des chevaux, des armes et, hélas, déjà, des esclaves.

 

En 1445, les Portugais accostent sur l’île de Gorée, celle-ci va devenir, durant 2 siècles, le principal point de départ des esclaves. Les Français prennent la relève. La fin de la traite des Noirs pousse les colons à aller rechercher d’autres sources de profit à l’intérieur des terres. Ils s’y installent et développent surtout la culture de l’arachide. Cette culture assure richesse et bien-être… aux colons. Les autochtones, eux, ont été obligés de travailler dans les plantations et d’offrir le meilleur de leur pays au colonisateur et ce, pendant plusieurs siècles. Le pire des sacrifices sera imposé aux « tirailleurs » qui iront mourir à Verdun pour sauver leurs exploiteurs (cf encart).

 

Après la 1ère guerre mondiale, Dakar devient la capitale de l’Afrique Occidentale Française. Après la 2ème guerre mondiale, apparaît un homme sur la scène politique sénégalaise, Léopold Sédar Senghor. Il conduit la destinée du Sénégal de 1960 à 1980. Il commence sa carrière politique comme député représentant du Sénégal à l’Assemblée nationale française. Il est opposé à l’indépendance et milite pour une « union française » qu’il définit comme « une maison familiale où il y aurait un frère ainé mais où les autres frères et sœurs vivraient dans l’égalité ». Ses positions plutôt « modérées » et sa « fidélité » au colonisateur lui valent d’être nommé secrétaire d’Etat à la présidence dans le gouvernement d’Edgar Faure, puis ministre conseiller du gouvernement de Michel Debré.

 

Senghor est également poète-écrivain et grand défenseur de la francophonie qu’il considère comme « un humanisme intégral qui se tisse autour de la terre ». Les travailleurs sénégalais exploités dans les propriétés des colons n’avaient sans doute pas la même image de la présence française sur leur sol ! Pour tous les bons et loyaux services rendus à la France, il sera désigné en 1983 « prince des poètes » (!) et élu à l’Académie française (Mitterrand savait soigner l’orgueil de ses vassaux).  

 

L’autre face du personnage est « étonnamment » passée sous silence. En 1962, alors président de la République de la jeune nation sénégalaise, il entre en conflit avec son 1er ministre, Mamadou Dia, qui, lui, est favorable à une indépendance réelle. Il prône « un rejet révolutionnaire des anciennes structures, une mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite, une société libre et une économie de développement ». Le « prince des poètes » n’hésite pas, il fait arrêter et emprisonner Mamadou Dia pour 20 ans alors que le procureur ne requérait aucune charge contre lui… Et pour ne plus avoir de problèmes avec de futurs Premiers ministres, en 1963, il supprime le poste… et instaure un parti unique l’UPS.

 

En 1968, les étudiants en grève bloquent l’université de Dakar. Le « grand humaniste » Senghor frappe encore une fois très fort. Il ferme l’université pour 2 ans, expulse les étudiants chinois soupçonnés d’être à l’initiative du mouvement et enrôle dans l’armée les meneurs étudiants locaux. Senghor, serviteur très zélé, maniant la plume mais aussi le gourdin, quitte le pouvoir en 1981. Ses 3 successeurs, Abou Diouf élu en 1981, Abdoulaye Wade élu en 2000 et enfin l’actuel président, Macky Sall, élu en 2012, semblent avoir suivi le même modèle d’hyperprésidence, tout en pratiquant, apparemment, une politique stable. Ce qui est certain, c’est que les liens néocoloniaux avec la France restent inchangés.   

 

Malgré sa réputation de pays stable, le Sénégal n’est pas exempt de violences policières dans son histoire. Des troubles récurrents ont lieu au moment des élections, dus, soit à la contestation des résultats, soit aux méthodes empêchant le candidat d’opposition de se présenter. Le mouvement du 23 juin 2011 (Y’en a marre) est ainsi né contre la tentative du Président Wade de modifier le mode de scrutin à la présidentielle pour briguer un 3ème mandat (ce que pratique aujourd’hui Macky Sall). La contestation de cette manipulation politique fut l’étincelle, nourrie par des revendications économiques et sociales insatisfaites et par l’attente de changements politiques profonds.

 

Derrière cette stabilité se cachent nombre d’inégalités et des pratiques despotiques du pouvoir. La colère, latente, éclate, à nouveau, en 2021. La jeunesse et la société civile sénégalaises descendent dans la rue pour protester contre les abus du gouvernement, l’absence de services publics, les problèmes économiques, la tentative de Macky Sall de tordre le bras à la Constitution pour se présenter une troisième fois et, surtout, l’arrestation d’Ousmane Sonko, principal opposant au président en place qui a créé un nouveau parti, le Pastef (les patriotes). Ces émeutes d’une rare violence au Sénégal sont réprimées très durement : plus de 10 morts et 600 blessés. De nombreuses sociétés françaises sont visées durant ces manifestations. Elles sont jugées trop présentes, trop influentes, s’ingérant trop dans les affaires intérieures sénégalaises. Ousmane Sonko est accusé de viols par une employée de salon de massage. Ses soutiens ont crié au complot, prétendant qu’il s’agit de l’empêcher d’être candidat aux prochaines présidentielles. Deux ans plus tard, la procédure judiciaire est toujours en cours, le procès a débuté ce 23 mai…

 

En réalité, les alternances politiques succombent aux mêmes tentations d’hyperprésidence, reproduisant les mêmes pratiques politiques contestées (état de droit malmené, tripatouillage constitutionnel, élimination des opposants, etc.). Macky Sall renoue avec les méthodes Senghor en supprimant le poste de 1er ministre, ce faisant il se prend dans sa propre nasse, car il n’a plus de « fusible ».

 

La génération Sonko qui est aussi celle des mouvements citoyens comme Y’en a marre, impatiente de prendre sa place et de parvenir au pouvoir a-t-elle volonté de sortir de ce système politique ?

 

Pour l’heure, il semble que prime la diversification des acteurs économiques étrangers.    

 

 

Le Sénégal, en marche vers l’émancipation ?

 

Longtemps considéré comme modèle de l’Afrique francophone, le Sénégal tisse des relations avec d’autres partenaires que la France. C’est un premier pas mais de là à penser que cette ouverture « économique » va mener à l’émancipation, à un Sénégal libre et réellement indépendant, la marche va être encore longue… Il semble plutôt que ce n’est pas la bonne voie pour y parvenir.

 

La Chine est devenue le deuxième fournisseur du Sénégal ; Dakar a rejoint les nouvelles routes de la soie. Pékin est le premier importateur d’arachides, principale culture du pays qui emploie un quart des ménages. Mais, parallèlement, les bateaux-usines de pèche chinois vident les eaux territoriales sénégalaises et privent les pécheurs locaux (15 % de la population) de leurs moyens de subsistance.

 

Les pays du Golfe commencent à investir leurs pétrodollars dans le pays. Le groupe Dubaï Port World construit un port en eau profonde au sud de Dakar. Et pour avoir accès aux richesses de l’intérieur du continent, il tente de remettre en service la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako (Mali) à l’arrêt depuis 2018.

 

A partir de cette année, des compagnies britanniques et australiennes exploitent les gisements d’hydrocarbures, découverts à la frontière avec la Mauritanie, une aubaine économique pour le Sénégal jusqu’ici gros importateur de gaz et de pétrole.

 

Une entreprise danoise construit, elle, le plus grand parc éolien d’Afrique au nord de Dakar.

 

Au sud-est du pays, des mines d’or, en plein développement, sont exploitées par différentes compagnies occidentales.

 

Bref, le pillage néocolonial en vioe de diversification se substitue au pillage colonial.

 

Malgré les années 90, économiquement difficiles (crise économique, dévaluation du Franc CFA), le Sénégal est actuellement un pays riche de ses ressources. De plus, la diaspora sénégalaise envoie au Sénégal l’équivalent de 13 % de son PIB.

 

Jouissant de sa position stratégique et de ses importantes ressources naturelles, le Sénégal s’ouvre au monde mais quel monde ? Celui de la classe dominante, dépendante de la France, qui cherche à diversifier ses relations compradores avec d’autres impérialistes entendant profiter de ses ressources.

 

Jean-Louis Lamboley, le 24.05.2023

 

Les tirailleurs sénégalais

Les plus de 700 000 tirailleurs n’étaient pas que sénégalais mais originaires des colonies françaises. Ils ne furent pas volontaires, loin de là. Il a fallu des décennies pour que début 2023, la trentaine encore vivants, soient autorisés à vivre définitivement dans leur pays d’origine et encaisser le « pauvre » minimum vieillesse auquel ils ont droit. Jusqu’à cette date, ils étaient tenus de vivre 6 mois en France dans de misérables « foyers de migrants ». Une honte ! La France a attendu qu’il n’en reste presque plus pour « reconnaître » leurs droits. (voir le film Tirailleurs réalisé par Mathieu Vadepied en 2022)