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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 3 mai 2023

 

Echec… des illusions

 

(éditorial de PES n° 92)

 

Il est peut-être un peu trop tôt pour dresser le bilan du mouvement social contre la « réforme » des retraites, voulue par Macron. Incontestablement, on a assisté à des manifestations d’ampleur bien encadrées et à une mobilisation qui ne se démentait pas, sous l’égide d’une Intersyndicale en apparence unie. Dans le même mouvement, des grèves partielles se sont développées et si elles ne se sont pas élargies à tous les secteurs, elles démontraient une grande détermination. Le temps passant, la colère montait face à l’entêtement du pouvoir.

 

Toutefois, les syndicats n’étaient d’accord que sur un petit dénominateur commun, les 64 ans, semblant oublier la « réforme » Touraine et le contenu même de la loi Macron qui accélérait les délais de mise en œuvre de ces mesures régressives. Les futurs retraités étaient-ils dupes ? S’ils commençaient à travailler à 22 ans, avec 43 annuités, ils dépassaient déjà les 64 ans. C’était sans compter sur leur propre intelligence ; et le débat faisait apparaître que les périodes de chômage ne pouvaient que pousser les salariés à travailler encore plus longtemps. Et puis, on leur répétait jusqu’à saturation, que dans les autres pays, les populations travaillaient bien plus longtemps. Ils apprenaient même, qu’au Danemark, l’âge limite était 69 ans. Cerise sur le gâteau, le président du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) affirmait au Sénat que le déficit de la Caisse des retraites était négligeable. Bref, la caste des bonimenteurs, autour de Macron, avait beau répéter que la « réforme » était nécessaire et juste, le public n’y croyait guère.

 

Au fur et à mesure des débats au Parlement, la population, dans son énorme majorité, commençait à remettre en cause un certain nombre de croyances sur les institutions, y compris sur le rôle que pouvait jouer la Constitution et les premiers flottements dans l’unité syndicale se firent jour. Martinez laissait entendre que « l’obstruction » de la LFI empêchait la fin plus rapide du mouvement, sans le dire explicitement : votez l’article 7 qu’on en finisse ! Mal lui en prit. Les Insoumis ne cédèrent pas, le pouvoir se montra toujours intransigeant et l’Intersyndicale, de son côté, entendait continuer à séparer le champ politique du champ syndical. Et Martinez dut en rabattre au Congrès tumultueux de la CGT : un vent de fraicheur, avec l’élection de Sophie Binet, semblait redonner de la vigueur à cette confédération, du moins dans ses cohortes les plus revendicatives.

 

Mais la surprise est venue de Berger qui jeta l’éponge, tenu par son Congrès de 2022. Il lui fut interdit de dépasser le seuil de 62 ans et de remettre en cause les 43 annuités. En effet, persuadé qu’il allait pouvoir imposer le « dialogue social » dont il était le promoteur, lui qui réclamait à cor et à cri d’être reçu par Macron, en fut bien marri. Avec l’Intersyndicale, il avait mené la bataille de l’opinion, certes, elle était gagnée puisque 70 % de la population et, parmi eux, 90 % des actifs, rejetaient la réforme Macron.

 

Du côté du pouvoir, ce fut également l’échec. Malgré les débauchages, les siphonages, Borne ne parvenait pas à des comptages suffisants. La minorité macronienne avait beau avoir transformé son étiquette « En marche » arrière, en « Renaissance », c’était l’avortement de la loi qui ne put être votée que sous la forme du 49-3.

 

Après les répressions, les arrestations, les comparutions immédiates, il y eut le guet-apens de Sainte-Soline avec force bastonnades et pluie de grenades. Et le Darmanin de vociférer et de menacer de couper les subventions à la LDH et de dissoudre les Soulèvements de la Terre. C’était trop et les étudiants, lycéens, jusqu’ici peu concernés, rejoignirent les cortèges de manifestants.

 

Les éditocrates commencèrent à s’inquiéter. Le petit président, toujours bravache, arrogant, méprisant, mettait en effet de l’huile sur le feu et les manifestations « sauvages » commençaient à déborder les cortèges syndicaux. C’était la démission de Macron qu’ils réclamaient mais celui-ci, après le passage du projet de loi au Conseil Constitutionnel, dans la nuit même, rendait immédiatement la loi applicable. Et Berger de s’émouvoir qu’on ne lui laissait même pas un délai de décence pour, au moins, ne pas perdre la face.

 

Toutes ces péripéties, y compris le passage parmi les « Sages » du Conseil Constitutionnel, firent tomber nombre d’illusions sur les institutions dites républicaines, la démocratie, la possibilité de recours au référendum. Cette crise institutionnelle allait-elle se transformer en crise de régime ?

 

Macron, après avoir irrité les concitoyens, prôna l’apaisement, fit répéter que sa porte était toujours ouverte et sa main tendue. Après le grand débat, ce furent de petits débats dans des petits villages où il fut conspué à coups de casseroles. Il décida, néanmoins, de persévérer même si certains ministres, effarouchés, se décommandaient. C’est ainsi que des comités d’accueil tentèrent d’approcher la cohorte de CRS qui le protégeait. Les militants de la CGT coupant la lumière, il décida qu’il serait, désormais, accompagné d’un groupe électrogène.

 

Tout cela faisait grand Guignol et froissait les autorités de l’Union européenne. Il les ridiculisait et donnait le mauvais exemple au niveau de l’ensemble des peuples européens. Les soliloques ou les péroraisons de Macron n’eurent aucun effet sur l’espèce de guérilla sociale à coups de casseroles qui se mettait en place. Surtout, qu’imprudent, le petit Jupiter avait déclaré qu’en 100 jours, il allait restaurer son pouvoir. C’était là méconnaître l’histoire qui, pour Napoléon, se termina à Waterloo. Le délai de 100 jours nous amène au 14 juillet qui pourrait le renvoyer à Sainte-Hélène du Touquet.

 

On peut rêver mais il semble que les casserolades vont continuer et, du même coup, les réquisitions de casseroles, qui deviennent l’une des fonctions supplémentaires des CRS.

 

D’autant qu’on entend déjà mugir les bruits d’une manifestation monstre qui irait chercher Macron jusqu’à l’Elysée. Pour l’heure, la question est de savoir si la Fête du Travail sera un baroud d’honneur ou un véritable rebond pour un « joli mois de mai ». 

 

GD, le 27.04.2023