Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 31 octobre 2021

 

le monde devient lisse

comme les cellules

d’une prison dernier cri

 

des filtres à profusion

empêchent toute idée claire

de se faire jour

 

le piège des mots

flexueux à souhait

démultiplie leur sens

jusqu’à les rendre insensés

noyés dans le cloaque des images

déversées par tombereaux

dans les cerveaux évidés

par la communication foudroyante

de l’instantané imposé

 

ainsi va le monde

ainsi va la vie

à l’insu des victimes

persuadées de marcher

vers le sommet de la gloire

d’un raffut agencé

pour voler leurs secrets

et les muer en argent

dont elles ne verront jamais

l’ombre de la couleur

 

et ailleurs on rigole

en encaissant les profits

 

Pedro Vianna

livre LVII : tâtonnements

en toute nudité

Paris, 16.V.2021

poesiepourtous.free.fr/

 

 

Dans les soutes du bateau ivre

 

Dans le dernier édito, il a été fait appel à l’allégorie d’un bateau ivre dans lequel l’humanité est embarquée au gré des contradictions entre grandes puissances pour s’emparer du gouvernail. On peut poursuivre en ce sens, en évoquant la situation de l’ensemble des peuples qui rament pour faire avancer, vaille que vaille, ce navire à la dérive entre les icebergs financiers, sanitaires et climatiques.

 

Sur le pont et dans les cabines de luxe, règne 1 % de la population mondiale qui capte 46% des ressources mondiales disponibles. Ils font partie des 10 % de la population qui captent 86 % de la richesse. Au-dessous, dans des compartiments plus ou moins délabrés, 40 %, la classe dite moyenne, dispose de 14 % des ressources mondiales. Il s’agit, pour elle, de préserver les petits « privilèges » - dont elle dispose encore - qui s’effritent dans les pays dits avancés. Dans les soutes, les 50 % de la population restante ne disposent pratiquement de rien. On les retrouve dans les pays du sud, y compris dans les bidonvilles, aux Emirats Arabes Unis, au Qatar… Parmi eux, à fond de cale, 2 milliards d’humains n’ont rien. Ils ne comptent pas et vivent notamment parqués dans des camps (dés)humanitaires où ils pourrissent dans de véritables prisons ou errent sans fin. C’est le désir d’Occident qui les anime. Pour les dominants, c’est une surpopulation sans valeur, incapable de consommer et même de vendre sa force de travail.  

 

Une vision lucide de la réalité planétaire oblige à dire que les 40 % de la classe moyenne sont anxieux sur leur sort. Ils ont à la fois peur du déclassement, de la paupérisation et des conséquences de la crise climatique. Sans perspectives claires, ce sont des couches sociales qui présentent une certaine porosité au racisme tout en étant nostalgiques des Trente Glorieuses. Si l’on peut estimer qu’ils ont fait preuve jusqu’ici de faible résistance, certaines fractions de cette classe moyenne, plus touchées que les autres, se sont mobilisées (retraite, Gilets jaunes, printemps arabes…) et ont subi la répression. Parmi elles, une frange fascisante réclame l’ordre et la sécurité et attise la peur de la submersion des migrants. On assiste donc à des crispations identitaires, à un nationalisme des « fiers à bras » qui brament contre les Arabes et les musulmans et acceptent sans broncher les lois liberticides. Ceux qui résistent ont du mal à s’organiser par en bas, pris entre l’étau des partis et organisations, engoncés dans le néolibéralisme et les illusions démocratistes.

 

Le 1 % qui domine cette humanité brimée et inégalitaire n’a de cesse de démanteler les Etats récalcitrants tout en tentant de discipliner la classe moyenne qui constitue toujours la base électorale nécessaire pour assurer sa gouvernance. On assiste donc à la mise en place d’un régime d’état d’urgence permanent, de contrôle et de surveillance généralisée.

 

Cette situation ne peut que provoquer la multiplication de mutineries. C’est ainsi que l’on voit se succéder interventions militaires, déstabilisation, coups d’Etat, corruption et recours aux seigneurs de guerre. Il suffit d’évoquer le Liban, la Libye ou l’Irak pour s’en convaincre. Ces guerres civiles larvées, « de basse intensité », révèlent la crise organique du système dont les institutions parviennent difficilement à maintenir un consensus de « bonne gouvernance ». Le chemin de la conscientisation de « ceux d’en bas » est parsemé d’obstacles : il s’agit de s’arracher à la propagande dominante et à l’individualisme ambiant en se persuadant de ces deux vérités : « Ils sont grands parce que nous sommes à genoux » et parce que nous sommes encore incapables de nous organiser collectivement avec une perspective claire d’émancipation sociale et écologique. Et pour reprendre le mot du poète russe Maïakovski « Malheur aux hommes seuls ».

 

GD, le 22.09.2021