Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 13 juin 2019


un poème de Pedro 

les mots passent
et le troupeau  n’aboie même pas

la petite bête qui avait prêté
un œil distrait au propos passager
reçoit sa claque et regagne les rangs

la procession serpente au sein du chaos
ravie de cet ordre imperturbable
qui assure chacun d’une mort sans surprise

le monde est en paix

le massacre des inconscients
peut suivre son cours en douceur

et celui qui tombe enfin épuisé
dit encore merci poliment

Pedro Vianna
Poèmes divers
In Des équilibres
Paris, 12.VII.2003


Edito de PES n° 54

La liberté de penser ne peut être bâillonnée

Au travers de quelques exemples évoqués ci-dessous, il s’agit d’affirmer que la liberté de la presse, en particulier des lanceurs d’alerte, nous est indispensable. Il en va de la survie de l’espace démocratique que les pouvoirs prétendent restreindre, voire étouffer. Autant il convient de se méfier de l’idéologie de soumission à l’ordre existant, inoculée par les médias dominants où le futile recouvre les faits décisifs, où la logomachie des éditocrates invite à la résignation, autant il nous faut soutenir les journalistes qui, par leurs révélations, leurs investigations, participent à l’éveil de l’esprit critique, mission qui devrait être aussi celle des enseignants.

La terrible mise en quarantaine de Julien Assange, ainsi que les poursuites engagées à son encontre par les Etats-Unis, n’ont rien d’anodin. Celui qui a mis à jour les dessous de l’agression préméditée contre l’Irak, les mensonges construits pour la valider, la réalité des tortures pratiquées, y compris dans les prisons secrètes de la CIA, celui qui a livré nombre d’informations sur les turpitudes de la finance à l’ombre des paradis fiscaux, celui qui a permis à un consortium de journalistes de décrypter les données transmises, relatant les relations douteuses, voire maffieuses, entre politiciens de haut vol et spéculateurs, celui-là a fait œuvre de salut public.

Elles n’ont rien d’anodin ces convocations de plusieurs journalistes français auprès de la Direction Générale de la Sûreté Intérieure (DGSI). Leur tort : avoir révélé les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis, destinées à bombarder les populations civiles au Yémen, afin de provoquer la reddition de la rébellion houthiste. Force est de se poser des questions. Qui est le plus criminel ? Celui qui arme l’assassin ou l’assassin lui-même qui n’aurait pu perpétrer ses crimes sans l’aide des Mirage, des chars Leclerc et les canon Caesar ? Qui délivre les autorisations sinon les plus hauts responsables du gouvernement ? Sommes-nous en guerre contre le Yémen ? Les troupes yéménites envahissent-elles la France ? Est-ce une « atteinte à la sûreté nationale », au « secret-défense » d’avoir révélé la collusion entre l’Etat français, son industrie de la mort, et les pétromonarchies les plus réactionnaires ? Est-ce là un crime de lèse-majesté qui vaudrait lettre de cachet ? C’est pourtant bien la section antiterroriste du Parquet de Paris qui a ouvert une information judiciaire contre ces journalistes, la DGSI qui mène les interrogatoires pour qu’ils révèlent leurs sources ! Intimidation insupportable ! Le pouvoir macronien et aux abois.

Il l’est également lorsque la journaliste Ariane Chemin révèle les troubles relations entre Benalla et des officiers et officines, pour lui permettre d’échapper aux poursuites engagées et de déménager son coffre encombrant, en toute tranquillité, avant la perquisition prévue mais complaisamment retardée… Elle aussi fut convoquée et mise à l’interrogatoire par la DGSI.

Et que dire des leçons intimidantes de Blanquer aux enseignants ? « Le devoir d’exemplarité » des profs, leur interdit de « dénigrer l’institution scolaire » et donc, son ministre, sous peine de sanctions. Ainsi, Sébastien Rome, directeur d’école à Lodève, apprend à ses dépens qu’il existait à son encontre un délit d’expression pour avoir, sur les ondes, fait part de son opposition à la réforme Blanquer. Question : les fonctionnaires doivent-ils être bâillonnés ? Ne sont-ils que des exécutants sans liberté d’expression ? C’est le message que le césarisme veut faire passer, et d’abord aux hauts fonctionnaires qu’il promet de faire valser à convenance.

Nourrir l’esprit critique, dissiper la peur individualiste du pire ou la résignation bêtifiante ? Nous avons besoin de tous les lanceurs d’alerte, de journalistes intègres, d’enseignants qui osent redresser la tête. L’émancipation sociale individuelle et collective ne peut se passer de la liberté de penser et de ceux qui la nourrissent.

GD, le 4 juin 2019


Un poème 

le sang du pouvoir

l’Etat préfère nous encadrer d’ignorance
vous êtes tous avertis alors méfiance
suivez la bonne voie de la connaissance
accrochez-vous aux vieilles branches du savoir
l’arbre du devoir, c’est le sang du pouvoir

Hassen




Soudan. La contre-révolution à l’œuvre

Dans le numéro précédent de PES, nous avons rendu compte de l’extraordinaire mobilisation populaire au Soudan qui est parvenue à neutraliser une partie de l’armée en sa faveur, a provoqué la chute du dictateur Al Bachir et entamé des négociations avec le Conseil Militaire de Transition. La caste au pouvoir, composée de généraux (y compris des génocidaires), d’islamistes prônant la charia et d’affairistes, a décidé d’instaurer la terreur contre-révolutionnaire, et d’abord, d’en finir avec l’immense sit-in, lieu d’effervescence démocratique campant près du quartier général des forces armées régulières, qui protégeaient les manifestants.

L’opération en cours s’est déroulée en deux temps :

-        Le 31 mai, quelque milliers de personnes entassées dans des centaines de véhicules ont débarqué à Khartoum. Encadrées par des imams réactionnaires, ils se sont déversés dans les rues de la capitale. Ces déshérités, manipulés, refusent toute discussion. Leurs slogans (« le pouvoir aux militaires », « le pouvoir à l’islam ») et les portraits des généraux brandis, sont sans équivoque. L’un des meneurs est explicite : « On est contre le communisme » de la Coalition pour la Liberté et le Changement. Dresser la lie de la société contre le peuple mobilisé n’était de fait pas suffisant.
-        Le lundi 3 juin, à l’aube, plusieurs milliers de miliciens et de militaires, sous la direction du commandant Dagalo, dit Hemeti, entreprennent de démanteler le sit-in, brûlant, saccageant les tentes et tirant sans retenue : bilan provisoire, plus de 107 morts. Le général Al-Burhane à la manoeuvre avec Hemeti, déclare : « Les négociations sont annulées »… « Des élections… dans 6 mois ». Précaution avait été prise, avant l’assaut, de désarmer certaines unités militaires. Quant au quartier général près du sit-in, impuissant ( !), il est resté spectateur.

Le jour même (et les suivants), des barricades ont été dressées dans tous les quartiers de la capitale. Hommes et femmes de tous âges, des enfants, tiennent le pavé. Des révolutionnaires de la Coalition déclarent : « C’est un nouvel épisode de la Révolution », « On est en train de s’organiser, on repart à zéro mais cette fois, ça va être dur, très dur »… Dans toutes les grandes villes du Soudan-nord, la même mobilisation semble à l’œuvre. Aux dernières nouvelles, les responsables de l’Alliance pour le Changement ont plongé dans la clandestinité. Ils appellent à la résistance. Les tueries, les pillages, les viols, perpétrés par les bandes paramilitaires, se poursuivent. Des corps suppliciés sont repêchés dans le  Nil. Les parrains des deux chefs du Conseil militaire, Egypte, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis, ont donné leur feu vert pour soutenir cette macabre répression…

Assistera-t-on à une guerre civile de longue durée ou à un scénario à l’égyptienne ? A suivre…. Comme les « évènements » qui se déroulent en Algérie.

GD le 7 juin 2019


Décrocher le portrait du Président…
Pour l’amener au plus près des citoyens

C’est ce qui a valu à 6 militants de l’association Non-Violence COP 21 de l’Ain, une comparution au Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse, le 28 mai, pour « vol en réunion » aggravé par « l’utilisation de la ruse ». 

Nous ne résistons pas à vous rapporter une partie de l’audience, dans l’article de Sophie Chapelle (1). Succulent ! Ah ! Quand l’imagination sera au pouvoir !

Ces lanceurs d’alerte, le 3 mars, ont décroché le Président (enfin… son portrait)  à la mairie de Jassans-Riottier (6000 habitants), pour symboliser l’inaction politique face au dérèglement climatique.

Le Procureur ne l’entend pas de cette oreille « Nous sommes saisis de vol. Nous sommes là pour dire s’il y a infraction ». Le Président du Tribunal refuse l’audition des 3 témoins de la défense considérant qu’ils sont appelés pour « soutenir une thèse ».
Les Lanceurs d’alerte : « On a décroché cette photo pour montrer que l’Etat décrochait de ses objectifs climatiques ».
Le Président : « Vous en avez fait quoi de ce portrait ? »
Les LA : « On le sort pour montrer la réalité climatique. Dans le Beaujolais, par exemple, on a un problème de pesticides. Nous avons amené le portrait lors d’un rassemblement des Coquelicots »
Le Président (qui commence à sourire dans sa moustache - ndlr) : « Vous emmenez donc Macron manifester ? Avez-vous l’intention de rendre cette photo ou y a-t-il des conditions ? »
Les LA : « Il y a des conditions : que la France respecte les engagements qu’elle a signés »
Le Président (qui, décidément y prend plaisir – ndlr) « Donc, c’est lointain ! » plongeant la salle entre rires jaunes et désarroi. Le Procureur, lui, parle de « chantage ». « Au contraire », défend un prévenu, « si on le fait c’est que l’on croit encore en la capacité des politiques. On leur dit « Il faut y aller ! »/

Apparemment, cet argumentaire n’a pas convaincu le Procureur qui, toutefois, n’est pas allé jusqu’à proposer, pour ces deux chefs d’inculpation 150 000 euros d’amende et 10 ans de prison. Des peines bien lourdes au regard d’un portrait, qui, sur le site de la boutique de l’Elysée, coûte 8.70 euros TTC. Il a requis des peines de 2 000 € d’amende pour 5 prévenus et 1 000€ pour celui qui a accepté le prélèvement ADN. Délibéré le 12 juin prochain.

« On a touché un symbole fort, mais ce qui est plus fort c’est l’inaction climatique »

Décrocher le portrait présidentiel dans les mairies est-il « une atteinte à l’autorité de l’Etat » ? Non. Contrairement au drapeau ou à la devise, le portrait ne fait pas partie des symboles de la République, mais constitue une vieille tradition datant de Louis-Napoléon Bonaparte. Rien n’oblige les maires à l’afficher. L’avocat de la défense assure au maire de Jassans-Riottier « Vous n’êtes pas en infraction en n’ayant pas le portrait ». D’ailleurs, « Est-ce qu’on empêche les gens de se marier à Jassans parce qu’on a enlevé un portrait ? Non ! »

« Des ministres ont déjà réagi pour dire leur indignation » (cf encart) précise une militante « mais moi j’attends cette indignation sur le décrochage de l’accord de Paris qui nous menace moi, mes enfants et l’ensemble des êtres vivants sur cette terre. J’attends un zèle là-dessus ! ». Un autre militant d’enchaîner : « J’ose espérer que l’autorité publique ne se résume pas à une photo dans une salle des mariages. Cette action vient après toute une série au cours desquelles on a essayé de faire bouger les choses. Il faut alerter d’une manière supérieure ».

Le Maire « sans étiquette » de Jassans-Riottier, Jean-Pierre Reverchon, s’est constitué partie civile. Il ne comprend pas pourquoi les militants ont choisi sa commune. Les prévenus lui assurent que c’est « au hasard » et non pas la volonté de le viser lui, personnellement. Il est choqué de la méthode utilisée. Le Procureur s’empresse de renchérir : « Le choc est une forme de violence ». « C’est quoi le plus choquant ? » interroge un prévenu « Où est la violence ? Moi, je ne sais plus quoi raconter à mes enfants. Le boulot de ma fille qui est étudiante infirmière, ça va être de gérer toute sa vie des situations d’urgence. Mon fils est ingénieur du son. Je lui dis quoi ? Enregistre les sons des oiseaux, ça ne durera pas ! Et à ma fille de 15 ans, que son avenir se résume à devoir affronter des crises graves ? Vous avez une décision historique à prendre par rapport à cet état de nécessité. L’urgence est là ».

La défense a fait le choix de plaider « l’état de nécessité » qui se fonde sur trois critères : le premier est « le danger réel et imminent ». Le deuxième est que « la mesure doit être nécessaire » : cette action arrive après toute une série de démarches, en quelque sorte un dernier recours. Enfin l’action doit être « proportionnelle au regard de l’enjeu », ce qu’elle était, sans conteste.

A l’extérieur du tribunal, toute la journée a été émaillée par 15 nouvelles actions de décrochages ce qui porte le compteur à 55 portraits au total.  

OM. Extraits de l’article de Sophie Chapelle, paru sur https://www.bastamag.net/ 



Les ministres Bruno Le Maire, Franck Riester et Sébastien Lecornu se sont empressés de condamner ces actions, dénonçant notamment « une atteinte symbolique à nos institutions démocratiques ».  Ah ! S’il n’y avait plus que ça comme atteinte à la démocratie !



Lanceur d’alerte en prison.
Jeudi 16 mai, la justice US renvoie en prison l’ancienne analyste militaire Chelsea Manning pour « entrave à la bonne marche de la justice » pour refus de répondre aux questions sur le fondateur de Wikileaks, Julian Assange. Honneur à cette courageuse grande dame



Humour…

Nous vivons dans un monde où ceux qui gagnent 100 000 € par mois persuadent ceux qui en gagnent 1 800€ que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 600€ par mois… Et ça marche !!!  

Quand j’étais jeune je payais une vignette pour les vieux.
Plus tard, on m’a pris le lundi de Pentecôte pour les vieux
Aujourd’hui je suis vieux, on me prend 1.7 % de CSG pour les jeunes.
On m’aura pris pour un con toute ma vie…


Petit cours de géométrie…
L’hexagone a 6 côtés
L’octogone a 8 côtés
Le décagone a 10 côtés
Le dodécagone a 12 côtés
… mais le plus grand,
C’est le Carlosghosne,
car il a des millions de côté !



L’accroissement des inégalités

Globalement les revenus augmentent, les conditions de vie s’améliorent, les Français sont mieux formés et vivent plus longtemps. Mais, de l’autre côté, ces progrès sont de moins en moins bien partagés. Selon Thomas Piketty, « ces dernières décennies, les inégalités de revenus ont crû dans presque tous les pays ». Ainsi, depuis 1980, les 1% les plus riches ont capté 27% de la croissance des revenus, alors que les 50% les plus pauvres se sont contentés de 12% de cette croissance. Les revenus des plus défavorisés baissent désormais, du jamais vu depuis les années 70. L’enrichissement d’une partie des « super-riches » a été considérable. Comment les décisions politiques, européennes et nationales, ont elles favorisé ces écarts ? Quelles sont les charges qui augmentent et les impôts – des plus riches – qui baissent ?

1 – Les cadeaux. Etat des lieux

En 2017, 82% de la croissance profite au 1% des plus riches de la planète alors que les 50% les plus pauvres n’en ont récupéré que des miettes. En France, les 10% les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand les 50% les plus pauvres se partagent seulement 5% du gâteau. Ainsi, selon le rapport d’Oxfam, la fortune des milliardaires a augmenté de 2,2 milliards d’euros par jour l’année dernière, alors que celle des 3,8 milliards de personnes, qui composent la moitié la plus pauvre de l’humanité, s’amoindrit. La France compte entre 5 et 8,9 millions de pauvres selon la définition adoptée (seuil de pauvreté entre 50 et 60% du niveau de vie médian). Entre 2005 et 2015, le nombre de personnes concernées a augmenté de 600 000 personnes à 1 000 000 (selon le % du seuil de pauvreté).
Le patrimoine professionnel de Bernard Arnault (LVMH), première fortune de France vaut 7,3 milliards d’euros, l’équivalent de 4 millions d’années de SMIC. Les 10 plus fortunés possèdent 317 milliards d’euros à eux seuls. Le seuil d’entrée dans le top 500 des plus grandes fortunes professionnelles ne cesse de s’élever : il a augmenté de 16% en un an et il a été multiplié par onze depuis 1996. Ni la crise, ni le niveau de fiscalité n’ont entamé la progression des grandes fortunes, d’autant que, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, les cadeaux fiscaux aux riches sont très nombreux.

L’ISF

L’Impôt sur la Fortune est un impôt sur le patrimoine. Il touche les personnes dont la fortune dépasse 800 000 €, soit près de 600 000 contribuables. Un abattement de 30% est appliqué pour la résidence principale. Bien que cette réforme fût promise par le candidat Macron, elle ne devait intervenir qu’en 2019 (1). Elle fut votée beaucoup plus tôt, en octobre 2017, suite à la pression des milieux d’affaires. Le projet de loi de finances (PLF) remplace donc l’ISF par un impôt sur la seule fortune immobilière (IFI). En faisant sortir les valeurs mobilières – ce qui inclut les actions en Bourse, les assurances-vie et les obligations – de l’assiette d’assujettissement à l’ISF, l’Etat fait un formidable cadeau aux plus riches dont les patrimoines sont composés, à plus de 90%, de ces produits financiers.

L’ISF a rapporté 5,4 milliards € en 2017, à mettre en balance avec les 800 millions annoncés par son successeur, l’IFI, soit un manque à gagner de 4,6 milliards, un montant qui excède le budget annuel du CNRS. L’argument du gouvernement, pour ne pas revenir sur la suppression de l’ISF, est qu’il crée « un environnement favorable pour les investisseurs français et étrangers en réduisant le coût du capital » et freine l’exil fiscal des plus fortunés. Or, comme l’a démontré Frédéric Lordon, il s’agit d’un argument technocratique, autoritaire et inexact car sur les 260 milliards d’investissements des entreprises, seuls 3,8% sont des nouvelles actions boursières. De plus, ces 10 milliards de nouvelles actions représentent seulement 0,3% des 3 300 milliards d’Euros en circulation à la Bourse ;  donc, la suppression de l’ISF ne favorise ni l’investissement, ni la création d’emplois.
Autre conséquence plus tangible de la suppression de l’ISF, l’effondrement des dons aux associations caritatives. Dans l’ancien dispositif, ceux-ci étaient déductibles de l’ISF. Cet avantage ayant disparu, la philanthropie des grands bourgeois a fondu. La Fondation des petits frères des pauvres a enregistré une chute des dons de 30%. Ce serait 60% pour les apprentis d’Auteuil.

Flat tax

Outre la suppression de l’ISF, Emmanuel Macron et les siens ont procédé à la création d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus du capital. Auparavant, un actionnaire percevant des dividendes, ou un épargnant touchant des intérêts, les déclarait dans ses revenus, qui étaient ensuite imposés selon la tranche à laquelle il appartenait. Conformément au principe de la progressivité de l’impôt, les contribuables les plus riches étaient assujettis à un taux marginal plus élevé (45% pour la fraction de leurs revenus supérieure à 156 255€) que les plus modestes. Le PFU établit une flat tax, c’est-à-dire un impôt unique. Ce cadeau fiscal est évalué à lui seul à entre 1,3 et 5 milliards €/an. Pour les 100 premiers contribuables français à l’ISF, le gain moyen annuel, lié à ces mesures, est estimé par Bercy à 582 380 €. Et pour les 1 000 premiers, à 172 220 € par an de réduction d’impôts. Mais cet impôt dérogatoire risque de coûter bien plus cher qu’anticipé, notoirement par des effets d’aubaine pour, par exemple, les traders qui auront désormais intérêt à être rémunérés en dividendes. Le ministère des Finances justifie cette mesure car elle « … aura des effets bénéfiques sur l’activité, l’investissement et l’emploi » ; ces gains devraient relancer la consommation ; or, les précédentes baisses d’impôt opérées en masse depuis 2000 n’ont jamais démontré leur efficacité à créer les conditions de la croissance. La mise en place du PFU est l’illustration de l’hypocrisie d’un discours qui met en avant la réussite personnelle par le travail et qui, en pratique, privilégie la rente ; qui taxe davantage le salaire que la spéculation boursière ; qui utilise un système de deux poids, deux mesures : une forme de charité pour les très pauvres et des gains considérables tout en haut de l’échelle.

Exit Tax

Le 1er Mai 2018, Emmanuel Macron a annoncé la suppression de l’Exit Tax lors d’un entretien accordé au magazine américain Forbes. L’Exit Tax visait à dissuader les gros actionnaires de sociétés, créées en France, de choisir l’exil fiscal afin de vendre leur capital en échappant à l’impôt sur la plus-value. L’Etat fixait un délai de quinze ans durant lequel le contribuable fuyard devait s’acquitter de l’impôt. Le coût de cette mesure pourrait s’élever à 800 millions €, selon le responsable de la direction fiscale de Bercy. Néanmoins, en septembre 2018, la majorité a quelque peu réduit le cadeau en reconduisant une Exit Tax avec un délai d’imposition à 2 ans au lieu de 15.

Le CICE

La pérennisation du Crédit d’Impôt pour la compétitivité et l’Emploi (CICE) va coûter très cher aux contribuables. Cette mesure, élaborée par Emmanuel Macron en 2013 (alors ministre), consiste en un crédit d’impôt pour les sociétés, égal à 6% de la masse salariale de l’entreprise pour tous les salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Ce rabais représente au total un coût de près de 100 Milliards € pour l’Etat depuis 2013 – soit 20 milliards en moyenne chaque année. A partir du 1er Janvier 2019, le CICE est converti en baisse pérenne des cotisations sociales patronales. Mais, au cours de cette année de transition, l’ancien CICE est cumulé avec le nouveau dispositif. Autrement dit, en 2019, les entreprises bénéficieront deux fois du rabais : elles jouiront du crédit d’impôt au titre de 2018 et « en même temps » de la baisse des cotisations pour 2019 ! Pour Bercy, la facture se monte à 40 milliards. A titre d’exemple, avec 20 milliards par an, il est possible d’éradiquer la pauvreté en portant les minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté (60% du revenu médian), soit 1 000 € par mois. L’objectif mis en avant en faveur du CICE est d’augmenter les profits des sociétés pour les inciter à investir et à créer des emplois. Mais, en l’absence de réel contrôle de l’utilisation de cet argent public, les directions d’entreprises font bien ce qu’elles veulent. Le groupe PSA touche des dizaines de millions € chaque année au titre du CICE, tout en enchaînant les plans de licenciement. Zéro contrainte pour les plus riches qui bénéficient de la générosité des contribuables tandis que, pour les plus pauvres, la défiance à leur égard est derrière chaque aide.

De nouveaux cadeaux

Autre engagement du président Macron : faire baisser l’impôt sur les sociétés de 33,3 à 25% à l’horizon 2022. Cette ristourne faramineuse représenterait à terme une perte de 11 milliards € pour les finances publiques. Mais la liste de ces largesse fiscales en faveur du capital et des plus riches, déjà bien fournie, n’en finit pas de s’allonger. La fiscalité sur l’attribution d’actions gratuites a été allégée fin 2017, Emmanuel Macron a également baissé la taxe sur les salaires pour les entreprises non soumises à la TVA. Il s’agit des banques et des fonds spéculatifs qui, désormais, ne paieront plus que 13,6 % au lieu de 20% de taxe sur les salaires des traders - déjà grassement rémunérés. Coût de la mesure : 250 millions € en moins chaque année. Quant à la suppression de la 4ème tranche de la taxe sur les hauts salaires que payaient les entreprises, elle représente un manque à gagner de 137 millions € par an.

2 - Le pouvoir d’achat

Emmanuel Macron déclare le 21 mai, dans une interview à la presse régionale, que « le pouvoir d’achat n’a jamais autant augmenté depuis douze ans ! »… ça dépend pour qui…

Ce qui augmente depuis deux ans ce sont les charges :
Frais bancaire + 13%
Carburant + 12%
PV stationnement +130%
Assurance + 4%
Mutuelle +5 %
Fioul domestique + 3%
Timbre + 10%
Carte grise + 15%
Tabac + 10%
Péage autoroute + 20%
Gaz + 7%
Contrôle technique +23%

Quels sont les motifs à certaines de ces augmentations ?

Electricité

Depuis la fin des années 80, l’Union Européenne s’attache à casser les monopoles dans le secteur des énergies de réseau que sont le gaz et l’électricité (2). Ainsi on introduit la concurrence directe dans les secteurs susceptibles de générer des profits rapides, les autres restent publics : « privatisation des profits et mutualisation des coûts ». A partir de 1999, des fournisseurs privés sont autorisés à concurrencer Electricité de France (EDF) en proposant des contrats d’approvisionnement aux entreprises, en 2007 pour les particuliers. Pour l’occasion, des investisseurs sans aucun site de production, se créent de toutes pièces et revendent de l’électricité achetée, soit auprès de producteurs européens, soit en Bourse. En 2001, des banques, des énergéticiens et la place boursière Euronext lancent la 1ère  bourse française de l’électricité, baptisée Powernext. Powernext fusionne en 2008 avec son homologue allemand pour donner naissance à une bourse européenne de l’électricité : EREX Spot. En 2018, elle représente près de deux fois la production électrique nationale car les produits peuvent s’acheter et se revendre plusieurs fois. Depuis cette réglementation, deux systèmes de tarification coexistent : le tarif bleu, délivré uniquement par EDF et les offres « de marché » vendues par les fournisseurs privés. Ce système dérégulé a été conçu dans le but de démanteler le service public. Pourtant 80% des clients choisissent encore le tarif réglementé. Puisque la concurrence « libre et non faussée » ne produit pas les résultats escomptés, le législateur entreprend de la fausser… à l’avantage du secteur privé. En 2010, la loi NONE oblige EDF à tenir à disposition de ses concurrents privés un volume important de sa production à prix coûtant ! Les sociétés privés peuvent l’acheter mais n’en ont pas l’obligation si les prix de la Bourse sont plus bas. La loi NONE prévoit également que si les cours de l’électricité augmentent, les tarifs régulés doivent suivre. C’est précisément ce qui se produit aujourd’hui. Sous la pression des Gilets Jaunes, le gouvernement a différé l’augmentation des tarifs réglementés mais la Commission de régulation de l’énergie a rappelé qu’une hausse de 5,9% devait intervenir « au plus tard le 1 Juin 2019 ». Le ministre de la transition écologique et solidaire l’a confirmé le 22 Mars. C’est ainsi que le tarif de l’électricité, bien que de première nécessité, se retrouve soumis à l’obsession européenne de la concurrence et dicté par les acteurs privés.

Péage

L’Etat a signé un accord secret qui augmente les prix des péages jusqu’en 2023. Cet arrangement avait été signé en 2015 par E. Macron, alors ministre de l’Economie, et Ségolène Royal, alors ministre de l’Ecologie, afin de calmer les sociétés d’autoroute, mécontentes du gel des péages qui avait été décidé en 2014. En effet, ils avaient alors décidé de geler la hausse afin de « rendre aux automobilistes un peu d’équité tarifaire ». Mais les autoroutiers ont immédiatement attaqué en justice ce texte. La pression étant telle que «  l’Etat finit par signer un accord, une sortie de crise ». Les termes de cet accord ont longtemps été soigneusement tenus secrets. Ils ont finalement été rendus publics grâce à la détermination d’un ancien élu écologiste qui s’est battu pendant deux ans pour obtenir la publication du document. En 2016, le tribunal administratif lui a donné raison. Les termes de l’accord sont assez défavorables aux automobilistes. En effet, le document stipule que les sociétés d’autoroute, qui s’engagent à financer 3,2 milliards de travaux sur 10 ans, obtiennent en retour une « stabilité fiscale » et une clause « allongeant la durée des concessions ». Mais ils obtiennent surtout des « hausses de tarifs additionnables chaque année de 2019 à 2023 ». L’Arafer, une autorité indépendante de contrôle, calcule que les automobilistes devraient même payer plus cher qu’initialement prévu. Selon elle, le surcoût est de 500 millions € à la charge des automobilistes. En plus de ces hausses, le coût est élevé aussi pour la collectivité ; l’Etat a validé un plan d’investissement autoroutier de 700 millions financé par les péages d’une part, et par les contribuables via la participation des collectivités. Ces hausses et ces frais expliquent aussi pourquoi, depuis la vente de l’Etat de ses parts en 2005, celles-ci font des bénéfices record : 4,7 milliards € de dividendes en 2016.

Voici un bref tour d’horizon  des cadeaux fiscaux du gouvernement pour les super-riches et quelques hausses de charges imposées par des décisions secrètes ou européennes. Ces informations mettent en évidence de grandes injustices sociales et fiscales, importantes à dénoncer.

Stéphanie Roussillon

(1)  Le président des ultra-riches de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot
(2) Electricité, Le prix de la concurrence, le Monde Diplomatique, Mai 2019


Nous avons lu

Carte blanche. L’Etat contre les étrangers

C’est le livre que tous les militants défendant le droit des étrangers à êùtre accueillis dignement devraient livre. Plus d’illusions, nous avons à faire à une machine répressive dont les rouages sont largement méconnus et occultés par les discours lénifiants dont se targuent les politiciens pour couvrir leurs méfaits. L’auteure est professeur de droit à l’université de Cergy-Pontoise et membre du Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés (GISTI). Elle nous livre ses connaissances juridiques, historiques et son expérience de terrain. Derrière les sigles OFPRA, CRA, OQTF, Dublin, Frontex, se dissimulent les pièges et les moyens d’une politique, celle de l’Etat français, pour organiser une « lutte féroce contre les étrangers les plus pauvres ». « Du dernier commissariat jusqu’au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, plus question ici de la séparation des pouvoirs ; l’appareil d’Etat suit la loi quand elle l’arrange et la bafoue quand elle le gêne. Si c’est trop visible, la haute fonction publique prépare une nouvelle loi qui permet plus de contrôles, plus d’enfermements, qui donne encore plus carte blanche à l’exécutif dans sa lutte contre un ennemi décidément bien commode ». « Seule la liberté de circulation des personnes est compatible avec leur égalité ». La conclusion et sans appel : « Il est temps d’organiser, risquer, former des communautés humaines où la vie et les liens de solidarité puissent avoir un sens ». GD
Karine Parrot, La Fabrique, 2019, 15€


Macron est pressé

Il lui faut mettre en œuvre les « réformes » annoncées, bloquées par « la rue » et les ronds-points des Gilets Jaunes, puis par le « grand débat »… Alors, à peine le scrutin européen clos, Macron enclenchait la vitesse supérieure. Déjà, les ministres étaient sur le pont pour « maintenir le cap ». Le 28 mai, l’assemblée nationale adoptait, en première lecture, le projet de loi de « transformation de la fonction publique », présenté par Dussopt/Darmanin, et le Sénat amendait à peine celui de Blanquer sur « l’Ecole de la confiance ».
Face aux attaques contre les services publics, les voix de la contestation, malgré les journées de mobilisation, sont presque inaudibles. Les Gilets Jaunes, sur les ronds-points depuis 6 mois pour « dégager Macron » sont, pour un certain nombre, abasourdis, pour d’autres, divisés… Et pourtant ce n’est pas faute de voix (comme celle de PES… et de bien d’autres) rappelant le caractère néfaste des politiques ultralibérales mises en oeuvre. Et pourtant, les exemples ne manquent pas, en Europe : en Grèce, ça nous crève les yeux… ainsi qu’au Royaume Uni qui a appliqué l’externalisation des services publics à grande échelle, une catastrophe pour les plus vulnérables et les classes moyennes. Et pourtant, ils affichent leurs objectifs, en les voilant à peine, de réduire les dépenses publiques pour respecter les critères de Maastricht.
Il est donc vain de penser qu’ils vont les amender sans un rapport de force dans la rue, les élections, ne faisant que les conforter dans la poursuite des mêmes politiques. En plein « grand débat », l’entreprise Webhelp, spécialisée dans la relation client, remettait au ministre de l’Action et des comptes publics (Darmanin) un rapport proposant de réaliser de mirifiques économies (25 milliards) en explorant « une piste sous-exploitée », celle de « l’externalisation » généralisée des services publics au profit du privé, grâce aux vertus de la concurrence. C’est dans la droite ligne du comité « Action publique 2022 » pour la transformation de l’Etat, accordant une large place à des consultants, entrepreneurs, avocats d’affaires, susceptibles de profiter du démantèlement des services publics, tout en faisant disparaître la fonction publique a  profit d’une gestion managériale « plus efficace » et « moins chère ». Pour eux, rien ne doit échapper à la règle de la concurrence.
Nous nous proposons, donc, d’examiner ce qui nous attend, dans les semaines à venir, tant en ce qui concerne la fonction publique que l’école, et l’assurance-chômage.

1 – Le fonctionnaire  sera « flexible », « agile » et « véloce » (et donc ne sera plus)

 5.4 millions de salariés travaillent dans l’une des trois fonctions publiques (hospitalière, territoriale ou d’Etat), soit près d’un salarié sur quatre. Il faut ajouter à ce chiffre, 791 000 salariés des sociétés directement détenues par l’Etat, part qui a diminué, passant de 19 % en 1985 à 5.5% fin 2015, suite aux privatisations successives de services publics ou entreprises de services publics (PTT, EDF, etc…). C’est encore beaucoup trop de fonctionnaires pour la Commission Européenne et Macron a promis de baisser les dépenses publiques de 30 milliards d’euros.  

Le projet de loi, de « transformation de la fonction publique », présenté par le gouvernement en février, vient d’être adopté en 1ère lecture par l’Assemblée, malgré l’opposition de 7 fédérations syndicales sur 9, qui ont claqué la porte en février, malgré plusieurs dizaines de milliers de personnes défilant dans la rue les 19 mars et 9 mai contre ce projet d’application des ordonnances « travail » du privé au secteur public. Est programmée la disparition du socle du statut de la fonction publique, créé en 1946 (puis élargi en 1983 aux fonctionnaires des collectivités et des hôpitaux), garantissent la neutralité des fonctionnaires et leur permettant, face au pouvoir politique, d’exercer leur liberté en refusant, par exemple, des ordres illégaux, dans l’exercice de leurs fonctions. Abandonner les « droits et garanties » des fonctionnaires au profit des concepts de « flexibilité », d’« agilité » du dialogue social et de « vélocité » dans le changement de modèle, c’est imposer l’obéissance et la soumission.

Pour Macron et Cie, il s’agit de respecter les critères de Maastricht et de diminuer les dépenses publiques. Ainsi, le projet de loi contient diverses mesures encourageant la mobilité : la prime de déménagement (plafond actuel 15 000€) serait doublée ; ceux qui quitteront un ministère « riche » (économie et finances) pour des administrations où les salaires sont plus bas, garderaient leur salaire initial pendant 6 ans. La porte de sortie est grande ouverte et un chèque de départ est créé ainsi qu’un dispositif de rupture conventionnelle, calqué sur le modèle du privé. Plus radicales, des coupes sèches sont prévues dans certains ministères, pour supprimer 120 000 postes d’ici à 2022, même s’il y a loin de l’affichage à la réalité. En effet, les deux premiers budgets du quinquennat n’ont supprimé « que » 5 800 postes sur les 50 000 promis, dans la fonction publique d’Etat. Pour aller plus loin, Macron doit remettre sur l’ouvrage la « réforme de l’Etat » qu’il a jugé plus prudent de mettre en sommeil, pour ne pas, en plus des Gilets Jaunes, se mettre à dos députés et sénateurs.

Mais, la réduction des effectifs a déjà touché les services des finances, suite à la dématérialisation des déclarations d’impôt et au prélèvement à la source. Les services régionaux du ministère du Travail (Direccte) sont aussi impactés : les pôles des 3E (Entreprises, emploi, économie) ont déjà perdu les ¾ de leurs agents en 2019 (417 postes supprimés). Cette expérience vaut laboratoire pour les mouvements futurs qui vont toucher d’autres secteurs, appelés à fusionner (cohésion sociale, protection des populations…) ou à passer sous la coupe directe du préfet. Guichets uniques et autres « maisons des services publics » vont se substituer à des services spécialisés, quitte à rendre un accueil médiocre du fait de l’absence de la technicité des professionnels. La loi PACTE, parallèlement, réduit le champ de l’intervention publique, par les privatisations (Aéroports de Paris, Engie, Française des jeux) et banalise le statut de la CDC (Caisse de Dépôts et Consignations) pour la faire entrer dans le régime commun des banques ; le gouvernement a décidé de créer un « pôle public financier », fusionnant la CDC, la Banque postale et CNP, premier assureur français.  Par conséquent, la logique financière et la recherche de rendement vont dominer, au détriment des missions de service public de la Banque postale, dernière banque publique de proximité et de la CDC, gérant une grande partie de l’épargne populaire, principal investisseur dans les domaines du logement, des transports et des infrastructures. A la CDC, cela concerne une centaine de postes, qui vont entrer dans le régime commun des banques, en appliquant, de manière expérimentale, la rupture conventionnelle collective, autre brèche dans le statut, qui pourra s’étendre à la Poste, etc….

Faire des économies passe aussi par la suppression, dans les 3 ans, de tous les régimes dérogatoires, négociés localement, pour les 35 H : les fonctionnaires travailleront plus, économisant l’équivalent de 30 000 postes ! Ce type d’annonce aléatoire omet de préciser que la durée légale de 35 H a déjà perdu de sa substance depuis 2003, au rythme des mesures de flexibilité touchant au temps de travail. La durée moyenne effective est de 39.1 H en France (INSEE).

Enfin, le recrutement de contractuels (qui concerne déjà ¼ des agents) va encore augmenter : la loi crée le contrat de projet, d’une durée de 6 ans, sans indemnité de fin de contrat, et la possibilité de recruter des intérimaires. Les passerelles entre public/privé seront encouragées alors que le pantouflage est tant décrié ! Pour l’heure, la rémunération au mérite n’est pas retenue mais l’entretien individuel est pratiqué. Par ailleurs, le gel du point d’indice (2010 et 2017, puis à nouveau en 2019), fait partie des mesures incitatives à la mobilité pour des postes plus rémunérateurs… Rien n’est oublié, même le CNFPT (centre de formation des fonctionnaires territoriaux), chargé de l’organisation des formations des agents à la culture de la fonction publique, risque de basculer en EPIC (Etablissement public à intérêt commercial), et d’être confronté ainsi au marché de la concurrence…

Pour assurer la « vélocité » dans le changement de modèle, le rôle des syndicats est affaibli, avec la fusion des instances représentatives des agents (Comité technique et CHSCT), en créant un CSA, Comité Social d’administration, dans lequel les représentants du personnel n’auront plus leur mot à dire sur les mutations, la mobilité, les réorganisations…

On peut déplorer que l’heure soit moins à la mobilisation qu’à la consternation des agents, mêlée à un profond fatalisme. Burn out, absentéisme, mal être et souffrance au travail, vont se multiplier alors que fleurissent les séminaires sur la « transition managériale » et le « développement soutenable de la performance » !!! 


2 – Selon Blanquer, « l’école » sera celle « de la confiance »

Parce qu’il y a des écoles dont on devrait se méfier, Monsieur Blanquer ?

Regardons de plus près. Le projet de loi  « Pour une école de la confiance », a été adopté en 1ère lecture à l’assemblée nationale, et légèrement amendé par le Sénat ; il revient au Palais Bourbon dans les jours qui viennent.

Deux mesures inquiètent particulièrement enseignants, parents et élus :
-        La création de méga-établissements regroupant écoles élémentaires et collège, sur un même territoire, sous l’autorité du principal du collège. Cette mesure est apparue grâce à un amendement déposé – bien fortuitement - par une députée LREM. Cette façon de faire a permis de contourner la discussion en commission parlementaire et d’éviter la consultation des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves !
-        Utiliser les assistants d’éducation, en sous-profs mal payés, non formés

Création « d’établissements publics de savoirs fondamentaux »

Macron annonçait lors du grand débat, le dédoublement des classes CP/CE1 en zone prioritaire et même des grandes sections maternelles ; là, l’effectif ne pourrait dépasser 24 élèves par classe, ce qui représenterait un nombre important de classes supplémentaires en 2020, à l’heure où Blanquer cherche tous les moyens pour  baisser la dépense publique. Certes, le déclin démographique peut aider à diminuer le nombre de classes, mais à un rythme lent : en 2019, il y a 6 714 000 écoliers, soit 36 000 en moins qu’en 2018. Et même avec l’instruction obligatoire à 3 ans, il y aura moins d’écoliers en 2020, 6 660 200 et en 2023, 6 432 600.

Et Blanquer n’est pas à une contradiction près : il vantait les écoles rurales en mars et, en même temps, inscrivait un amendement (ni vu, ni connu) à son projet de loi créant une seule entité collège/écoles élémentaires sur un même secteur ! Les écoles rurales vont continuer à disparaître : en 10 ans, la France est passée de 11 479 communes n’ayant pas ou plus d’école à 13 131, soit 35 % de l’ensemble des villages (source : Education Nationale). Ce sont de véritables déserts scolaires que le ministre de l’éducation constitue. Il ne s’embarrasse pas des études, et notamment celles de l’Observatoire Education et Territoires, confirmant que les petites écoles et classes multiniveaux ont de meilleurs résultats. Pour lui, un enseignant pour 15 à 20 élèves, ce n’est pas rentable. Tant pis pour les enfants fatigués, déplacés. Tant pis pour l’augmentation des coûts de transports… Peu importe le projet pédagogique que le directeur d’école construit et anime, donnant du sens en matière de cohérence éducative. Peu importe l’accentuation de la désertification des villages : quand l’école s’en va, c’est du lien social, de la proximité entre parents et enseignants, des emplois… qui disparaissent. Blanquer privilégie les économies et non la pédagogie : rendez-vous compte, dans  certains territoires, les classes de CM1 et CM2, voire celles des cours élémentaires et du CP, pourraient être regroupées dans les locaux du collège, le profit escompté n’est pas mince puisque 46.6 % des écoles primaires publiques comportent de 2 à 4 classes. Mais, affirme Blanquer, mon projet n’est ni autoritaire ni inégalitaire ! Il s’agit d’une liberté nouvelle et non d’une obligation… Nous ne fermerons pas d’école primaire, répète-t-il derrière Macron, laissant ouverte la possibilité de fermer des classes ou de les regrouper.  Il faudrait être bien naïf pour avoir « confiance » dans ce discours !

Cette loi ravive les inquiétudes de privatisation de l’enseignement des écoles, et cette fois, des écoles maternelles. En effet, l’instruction obligatoire à partir de 3 ans contraint les Communes à financer des écoles maternelles privées sous contrat. En 2017 : 2,13 millions d’élèves étaient scolarisés en établissements scolaires privés sous contrat, soit 16.6 % des élèves en France. C’est la même logique pour le secondaire, si on crée de la concurrence, on peut favoriser le secteur privé qui va proposer le service manquant dans le lycée public. Par exemple, des institutions privées se sont mises à proposer l’enseignement du grec et du latin, leur garantissant une clientèle.

Des enseignants précaires et « au rabais »

Le projet de loi crée une nouvelle catégorie d’assistants d’éducation : les titulaires d’une licence 1 pourront être recrutés, après leur 2ème année de licence, pour exercer le métier de professeurs, sous CDD de 3 ans, 8H/semaine, rémunérés entre 693 et 980€/mois (net ou brut ?). Il est prévu d’en recruter 1 500 à la rentrée 2019, et 3000 en 2021, là où manqueront des enseignants (plus particulièrement dans les villes comme Créteil, Versailles, Lille…), là où culminent déjà plus de 20 % d’enseignants précaires. Le ministre, pour autant, ne s’interroge pas sur les difficultés de recrutement de l’Education nationale… ça l’arrange sans doute… En 2018, il manquait 586 enseignants pour les écoles primaires des académies de Créteil et Versailles. La crise s’étend au secondaire : en septembre 2018, il manquait 103 professeurs de français, 115 professeurs de mathématiques et 124 professeurs d’allemand

Un statut de sous prof, corvéables à merci, non formés ! En quelque sorte, le clame, sans sourciller, le ministre : « L’école de la confiance » « au service de l’élévation du niveau général et de la justice sociale » !

Les enseignants, les lycéens (toujours mobilisés contre la réforme des lycées et Parcours Sup), les parents d’élèves, dans l’Essonne, soutenus par les Gilets Jaunes ont manifesté leur colère en réclamant le retrait du projet. Le ministre, dans un premier temps, a joué la carte de la mauvaise foi, en prétendant dans la presse que les syndicats propageaient des « bobards » puis est passé aux pressions et intimidations, allant jusqu’à brandir les sanctions à l’encontre des professeurs qui expriment leur opposition, rappelés à leur « devoir de réserve ». Voilà donc l’Ecole de la « Confiance » si chère à Blanquer ! Une Ecole autoritaire qui musèle les enseignants.

3 -  et cerise sur le gâteau… avant l’été, une loi pour remettre les chômeurs au boulot !

3ème « réforme », à hauts risques pour les plus vulnérables : celle de l’assurance-chômage. Au printemps, patronat et syndicats  n’ont pas trouvé un accord pour élaborer une nouvelle convention Unedic, C’est donc au gouvernement que revient la définition des règles applicables au régime d’indemnisation des chômeurs. Feuille de route : faire des économies pour réduire la dette de l’Unedic, s’élevant à 35 milliards d’euros.

Par quels moyens ?

La remise en cause du niveau maximal de l’allocation–chômage (6 600 euros net/mois) ! Ils ne doivent pas être si nombreux les cadres, chômeurs, qui touchent une allocation à ce niveau ! 

Changement du mode de calcul de l’indemnisation des demandeurs d’emploi, pour assurer une « meilleure équité de traitement » entre allocataires et réduire « l’enchaînement de contrats de très courte durée ». L’Etat veut s’attaquer au système de « l’activité réduite » qui permet à une personne d’être inscrite à Pôle Emploi tout en ayant un poste et de cumuler (sous certaines conditions) un salaire avec une allocation. Autre mesure : revoir le mécanisme des « droits rechargeables », qui permet à un demandeur d’emploi d’étoffer son capital de droits à indemnisation, chaque fois qu’il retravaille. Pour la Cour des Comptes, sollicitée, les modalités d’indemnisation sont « trop favorables » aux individus signataires d’un contrat de moins d’un mois, du fait du cumul salaire/prestation sans limite de durée. En outre, la Cour estime que la base de calcul de l’allocation doit être changée, pour n’être plus calculée sur le salaire journalier - qui peut s’avérer plus avantageux pour ceux travaillant de façon fractionnée par rapport à d’autres, employés d’une manière continue – mais sur le salaire mensuel. De même,  affirme-t-elle, les modalités de calcul et d’octroi de la prestation doivent être plus incitatives à accepter un poste.

Alors, plutôt que de pénaliser les droits des chômeurs, pourquoi ne pas interdire les contrats courts abusifs (moins d’un mois) quand on sait que 80 % des salariés sont réembauchés par les mêmes employeurs (ce qui représente 400 000 personnes) ? L’institution d’un bonus-malus appliqué à l’encontre des employeurs, majorant les cotisations des sociétés où le personnel tourne fréquemment, diminuant celles des employeurs dont les effectifs sont stables ? Cette mesure a fait, immédiatement, bondir le Medef !

Bref, les syndicats craignent que les personnes en activité réduite – donc les plus précaires – soient particulièrement visées par la modification des modalités de l’indemnisation : la base de calcul mensuelle engendrera des  économies très importantes, se traduisant par une baisse significative de l’allocation versée. Le représentant de la CGT estime que la Cour des comptes « préconise une baisse des droits des chômeurs » et tient  « le même discours que le Medef et la ministre du travail ». Elle dénonce un « nivellement par le bas » et une « visée financière au détriment des demandeurs d’emploi ». Déjà, en septembre 2018, les agents et syndicats de Pôle Emploi dénonçaient la loi « sur la liberté du choix de son avenir professionnel » (sic !) qui a servi à durcir les sanctions contre les chômeurs : suppression des indemnités-chômage pour rendez-vous manqués, offres d’emplois refusées, connexions à son espace personnel insuffisamment fréquentes… Aujourd’hui, Pôle Emploi dispose de tous pouvoirs sur les chômeurs et privilégie le métier de « contrôleur » à celui de « conseiller », tout en supprimant des emplois (800 à l’automne, pouvant atteindre 4 000 dans les années qui viennent). La dématérialisation permet des contrôles « froids » et nombreux : dernière invention, le carnet de bord numérique, que chaque Demandeur d’Emploi doit mettre à jour, sous peine de radiation. Tout cela n’a qu’un objectif : radier pour faire baisser les chiffres du chômage. Tout cela est très violent… Et voici que se profile le chantier du  revenu universel d’activité (regroupant les prestations sociales) pour « plus de simplification et de lisibilité »...

Pour conclure,

Les « malaises » se multiplient dans tous les services publics, sans que, jusqu’à ce jour, les appels à mobilisation ne réussissent à coaguler la colère entre eux, et encore moins avec celle des salariés de General Electric, d’Ascoval, etc… C’est pourtant la même politique du « libre » marché et de la concurrence qui dévaste tout, dans le secteur privé et public. Au nom de la non rentabilité, ils ferment les usines, les classes, les hôpitaux ; ils exploitent les personnels aux finances, dans les tribunaux, dans la pénitentiaire… Toutes les « réformes » sont marquées du sceau de l’ultralibéralisme. Ils font « craquer » les services publics, les agents qui y travaillent et les  usagers qui n’y ont plus accès, car ils sont  de plus en plus éloignés, de plus en plus dématérialisés, de plus en plus déshumanisés, de plus en plus chers… Jusqu’à quand ? Jusqu’à leur suppression totale pour que tout soit payant et rémunérateur… au profit de qui ? Il est plus qu’urgent de poursuivre le combat pour renverser le système qui nous domine et nous soumet à la concurrence de tous contre tous… et de faire comprendre que lorsque les agents défendent leur statut c’est aussi pour défendre la cohésion sociale et l’égalité entre tous ceux qui vivent sur un même territoire. Le mot d’ordre des Gilets Jaunes « Macron dégage ! » est toujours d’actualité ; il doit devenir « le système dégage » comme le clament les Soudanais et les Algériens. 
  
Odile Mangeot
Le 3 juin 2019


La casse du « contrat social » par l’ultralibéralisme oligarchique

Les services publics n’existent déjà plus ! Dans le service public, il ne peut pas y avoir de « considérations économiques dictées par des comptables » ! Sauf pour le véritable gâchis par de mauvaises utilisations ou le laisser-aller (et qui ne serait pas de la propagande du pouvoir !). Ce qui dicte le fonctionnement d’un service public, c’est la somme des besoins utiles qu’une société démocratique s’est donnée, quel qu’en soit le prix ! Il suffit de prendre les recettes nécessaires à son fonctionnement par des impôts progressifs suffisants, sans prélever les revenus nécessaires à la satisfaction des besoins essentiels. Donc, « exempter le nécessaire pour ne taxer que le superflu ». C’est ce qu’on appelle la redistribution qui est redistribuée à tous les citoyen-ne-s !
La politique néolibérale mondialisée, que nous instille Macron, ne veut plus de ça, elle veut affirmer « l’irrémédiable, fructueuse et bienfaisante inégalité des hommes » comme l’affirmait Mussolini !
Alain Mouetaux (un abonné)


Des asticots dans les Verts

Sur la liste EELV de Jadot sont trois transfuges dont deux en bonne place, en provenance de l’Alliance écologiste indépendante, cette dernière n’hésitant pas à s’afficher avec la fachosphère.

Governati, dirigeant de ce parti vert de gris, est un adepte du changement. Il est passé du CNI au RPR, puis à l’UDF, avant de servir de banquier aux organisations en mal d’écus. Ce drôle d’asticot recycle ainsi trois de ses adeptes contre des prêts à 3,5 %... mieux que le livret A. Après avoir fait fortune dans les magasins de meubles, il a investi dans le bricolage électoral juteux. Cet homme a de la ressource humaine. Il a fondé une dizaine de partis, dispose d’une aide publique de 145 000€/an octroyée au titre de son savoir-faire : aux élections de 2012 et de 2017, il a réussi à présenter 500 candidats dans plus de 50 circonscriptions et obtenu le sésame de plus de 1 % des suffrages exprimés.

Pour payer les 500 000 € d’affiches et de 45 millions de bulletins de vote, fallait bien chercher l’argent contre contrepartie… pour, comme dit Jadot, qui enfle du jabot, « rassembler la famille écolo ». Gageons qu’il aura quelque mal à régurgiter cette drôle d’engeance d’asticot. 

Précisions encore que le chanteur Lalanne, de l’Alliance Jaune, a bénéficié également des prêts Governati et s’est retrouvé sans voix.

Serge Victor, d’après l’article de Didier Hassou, le Canard Enchaîné du 15 mai 2019


La Guinée Conakry

Nous publions ci-après le contenu synthétique d’une des interventions radiophoniques « Itin’errances »,  réalisées par le Comité d’Aide et de Défense des Migrants de Haute-Saône (CADM 70)(1), sur Fréquence Amitié Vesoul (2) à raison d’une fois par mois. Cette association, en liaison avec les migrants et déboutés du droit d’asile, entend faire connaître la situation des pays d’exil afin de combattre les préjugés et de développer la solidarité internationaliste, fondée sur des connaissances historiques, sociales et économiques, tout en épinglant les responsabilités des gouvernements d’ici et de là-bas. Précisions que les exilés de la Guinée Conakry ont dû fuir, pour la plupart, pour des raisons d’opposition au régime en place. Si, parmi nous, beaucoup ignorent le massacre de masse perpétré le 28 septembre 2009 (157 morts), lors d’une manifestation-monstre au stade Conakry, tous les Guinéens s’en souviennent comme d’un cri pour la liberté à conquérir.


La Guinée Conadry est un charmant petit pays de l’Afrique de l’Ouest situé au Sud du Sénégal et du Mali : 150 kms de façade atlantique, l’équivalent de la moitié de la France en superficie et 13 millions d’habitants. Sa population compte de nombreuses ethnies dont les principales sont les Peuls (30%), les Malinkés (30%), les Soussous (10%). Elle est très jeune, 60 % a moins de 25 ans, et de confession musulmane à 85 %.
La Guinée Conakry est riche en ressources naturelles : elle est le 2° producteur mondial de bauxite, elle a aussi du diamant, de l’or… L’agriculture est facile à pratiquer : de nombreux fleuves la parcourent ; on la décrit  souvent comme le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. 75% de la population travaille dans ce secteur, qui représente 25% du PIB. On y cultive du riz, du café, on y produit ananas, pommes, raisins, tomates… Les 150 kms de littoral atlantique permettent la pratique de la pêche.
La Guinée Conakry est un pays dans lequel on devrait bien vivre, pourtant 55% de la population vit sous le seuil de pauvreté (en France 15 %). L’indice de développement humain la classe 179° sur 190.

Pourquoi tant de misères dans ce pays riche ?

Les ressources naturelles (bauxite, or, diamant…) sont exploitées, accaparées, pillées par les compagnies étrangères canadiennes, françaises, australiennes, anglaises… et surtout chinoises, selon un processus hélas récurrent en Afrique : le gâteau pour les multinationales, les grosses miettes pour les dirigeants locaux, les petites miettes pour la population.

Les régimes politiques successifs qu’ont eus à subir les Guinéens  sont  la 2° cause de la misère dans ce pays. Pour comprendre, un retour en arrière est nécessaire. Après la colonisation française, en 1958, le Général De Gaulle proposa aux différentes colonies d’adhérer par référendum à une communauté française. Celles qui accepteraient, seraient indépendantes quelques années plus tard en conservant des liens commerciaux privilégiés  avec la France ;  en échange, si le futur pouvoir en place avait des problèmes avec son opposition dans son pays ou était en guerre avec  d’autres Etats, la France s’engageait à intervenir pour soutenir les dirigeants en place. C’était donc un accord gagnant-gagnant pour la France et pour les dirigeants de ces futurs Etats, PAS POUR LE PEUPLE. De Gaulle proposait en fait une indépendance de façade. Toutes les colonies de l’Afrique de l’Ouest acceptèrent d’adhérer à cette communauté française SAUF la Guinée Conakry qui choisit l’indépendance immédiate et la rupture radicale avec l’Etat colonisateur. Le leader du Parti du NON, Sékou Touré était un syndicaliste, député français et disait à cette époque : « je préfère la liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude ». De Gaulle reçut ce NON comme un camouflet, comme une humiliation et s’appliqua à  torpiller l’économie du pays  pour punir ce peuple résistant.

Donc, le 2 octobre 1958, la Guinée Conakry devenait indépendante avec à sa tête Sékou Touré. En quelques semaines, tous les fonctionnaires et coopérants français quittèrent le pays, paralysant brutalement les administrations, l’économie, les transports… La France poussa le vice jusqu’à inonder la Guinée Conakry de fausses monnaies. Face à cela, Sékou Touré se tourna vers les pays du bloc communiste et durcit son régime qui devint rapidement une dictature sanglante : police secrète, Parti Unique, camps de détention, régime de terreur. Entre 1958 et 1984, Amnesty International dénombra 50 000 morts. A la fin de sa vie Sékou Touré dira lui-même : « J’ai tué tous les cadres de la Guinée et tous mes amis ». En 1984,  lui succèdera Lansana Conté, qui, sous la pression internationale instaura le multipartisme  « à la guinéenne ». En fait, grâce à un pouvoir répressif et liberticide, il restera au pouvoir 24 ans et sera réélu en 2003 avec 95,63 % des voix.

En 2010, arrive au pouvoir Alpha Condé, le Président actuel qui continue sur la même ligne : régime autoritaire, violent, ne tolérant aucune opposition, surtout si elle vient de l’ethnie des Peuls.
Les Peuls sont une ethnie, qui depuis  le découpage postcolonial ; elle est disséminée sur une quinzaine d’Etats, dont la Guinée Conakry, où elle est surtout présente dans le domaine du commerce, alors que l’ethnie Malinké a toujours dirigé le pays (tous les présidents  ont toujours été issus de celle-ci.) On dit en Guinée Conakry que la devise du Président est : « Tout ce qui ne va pas c’est de la faute des Peuls ».  Depuis 2010, Amnesty International a dénombré la mort de 100 opposants politique assassinés : tous étaient Peuls. Sabine Cessou dans le Monde Diplomatique, disait, en 2018 : « Que se passe-t-il en Guinée Conakry ? La répression est à l’œuvre, régulièrement épinglée par Amnesty International, avec la tentation d’attiser une haine ethnique… Un discours anti-peul s’est propagé depuis  de la présidentielle de 2010 ». Elle rapporte les paroles d’un leader de l’opposition : « C’est la première fois en Guinée que nous connaissons des violences de cette nature. Les Peuls sont accusés de tous les maux, de la même manière que les Juifs ont été accusés d’avoir empoisonné les puits au Moyen-Age ».

Depuis l’Indépendance, des régimes autoritaires tout aussi  violents les uns que les autres se sont succédé en Guinée Conakry pour le plus grand malheur de la population, en particulier des Peuls. Pour les jeunes, l’alternative est simple : rester au pays au risque d’être emprisonnés, torturés, tués surtout s’ils sont Peuls et dans l’opposition, ou bien quitter la Guinée Conakry au risque de leur vie pour demander l’asile politique aléatoire dans un autre pays. Ils se tournent naturellement vers la France car ils parlent français… En 2017 (source OFPRA), les Guinéens étaient le 2ème pays d’Afrique (3 780 demandes), derrière les Soudanais à demander l’asile en France, où malgré la situation politique extrêmement répressive dans leur pays, ils ont d’énormes difficultés à obtenir le statut de réfugié politique.
Jean-Louis L.

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(2)   Pour écouter les émissions Itin’errances en replay : www.frequenceamitievesoul.fr/ (grille des programmes).


Extrait du témoignage de Baldé de Guinée Conakry,  lors de la 11ème émission Itin’errances du 24 avril 2019)  «  … Si la jeunesse avait eu de bons dirigeants, soucieux, responsables, qui travaillent pour leur pays, qui ne modifient pas la Constitution à leur guise, l’Afrique serait un continent plus riche. Malheureusement, c’est la pensée unique qui domine comme si on était dans un Royaume. Les chefs et leurs entourages… profitent et manipulent pour que les Communautés s’affrontent et qu’ils puissent, eux, faire leur sale besogne. Ce que je veux dire à la jeunesse c’est de prendre son destin en mains pour montrer aux Présidents voleurs, sanguinaires, pilleurs de biens publics que tôt ou tard ils paieront les exactions commises.  La jeunesse de 2019 n’est plus celle de 2000. Ils n’ont qu’à prendre l’exemple de l’Algérie et le Soudan dont la jeunesse a pris sa responsabilité pour mettre hors d’état de nuire les deux anciens présidents ».