Soudan. La
contre-révolution à l’œuvre
Dans
le numéro précédent de PES, nous avons rendu compte de l’extraordinaire
mobilisation populaire au Soudan qui est parvenue à neutraliser une partie de
l’armée en sa faveur, a provoqué la chute du dictateur Al Bachir et entamé des
négociations avec le Conseil Militaire de Transition. La caste au pouvoir,
composée de généraux (y compris des génocidaires), d’islamistes prônant la
charia et d’affairistes, a décidé d’instaurer la terreur contre-révolutionnaire,
et d’abord, d’en finir avec l’immense sit-in, lieu d’effervescence démocratique campant près du
quartier général des forces armées régulières, qui protégeaient les
manifestants.
L’opération
en cours s’est déroulée en deux temps :
-
Le 31 mai,
quelque milliers de personnes entassées dans des centaines de véhicules ont
débarqué à Khartoum. Encadrées par des imams réactionnaires, ils se sont
déversés dans les rues de la capitale. Ces déshérités, manipulés, refusent
toute discussion. Leurs slogans (« le
pouvoir aux militaires », « le
pouvoir à l’islam ») et les portraits des généraux brandis, sont sans
équivoque. L’un des meneurs est explicite : « On est contre le communisme » de la Coalition pour la Liberté
et le Changement. Dresser la lie de la société contre le peuple mobilisé
n’était de fait pas suffisant.
-
Le lundi 3 juin,
à l’aube, plusieurs milliers de miliciens et de militaires, sous la direction du
commandant Dagalo, dit Hemeti, entreprennent de démanteler le sit-in, brûlant,
saccageant les tentes et tirant sans retenue : bilan provisoire, plus de
107 morts. Le général Al-Burhane à la manoeuvre avec Hemeti, déclare :
« Les négociations sont annulées »…
« Des élections… dans 6 mois ».
Précaution avait été prise, avant l’assaut, de désarmer certaines unités
militaires. Quant au quartier général près du sit-in, impuissant ( !), il
est resté spectateur.
Le
jour même (et les suivants), des barricades ont été dressées dans tous les
quartiers de la capitale. Hommes et femmes de tous âges, des enfants, tiennent
le pavé. Des révolutionnaires de la Coalition
déclarent : « C’est un nouvel épisode de la
Révolution », « On est en train de s’organiser, on repart à
zéro mais cette fois, ça va être dur, très dur »… Dans toutes les grandes
villes du Soudan-nord, la même mobilisation semble à l’œuvre. Aux dernières
nouvelles, les responsables de l’Alliance
pour le Changement ont plongé dans la clandestinité. Ils appellent à la résistance. Les tueries,
les pillages, les viols, perpétrés par les bandes paramilitaires, se
poursuivent. Des corps suppliciés sont repêchés dans le Nil. Les parrains des deux chefs du Conseil
militaire, Egypte, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis, ont donné leur feu
vert pour soutenir cette macabre répression…
Assistera-t-on
à une guerre civile de longue durée ou à un scénario à l’égyptienne ? A
suivre…. Comme les « évènements » qui se déroulent en Algérie.
GD
le 7 juin 2019