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Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 13 juin 2019


La Guinée Conakry

Nous publions ci-après le contenu synthétique d’une des interventions radiophoniques « Itin’errances »,  réalisées par le Comité d’Aide et de Défense des Migrants de Haute-Saône (CADM 70)(1), sur Fréquence Amitié Vesoul (2) à raison d’une fois par mois. Cette association, en liaison avec les migrants et déboutés du droit d’asile, entend faire connaître la situation des pays d’exil afin de combattre les préjugés et de développer la solidarité internationaliste, fondée sur des connaissances historiques, sociales et économiques, tout en épinglant les responsabilités des gouvernements d’ici et de là-bas. Précisions que les exilés de la Guinée Conakry ont dû fuir, pour la plupart, pour des raisons d’opposition au régime en place. Si, parmi nous, beaucoup ignorent le massacre de masse perpétré le 28 septembre 2009 (157 morts), lors d’une manifestation-monstre au stade Conakry, tous les Guinéens s’en souviennent comme d’un cri pour la liberté à conquérir.


La Guinée Conadry est un charmant petit pays de l’Afrique de l’Ouest situé au Sud du Sénégal et du Mali : 150 kms de façade atlantique, l’équivalent de la moitié de la France en superficie et 13 millions d’habitants. Sa population compte de nombreuses ethnies dont les principales sont les Peuls (30%), les Malinkés (30%), les Soussous (10%). Elle est très jeune, 60 % a moins de 25 ans, et de confession musulmane à 85 %.
La Guinée Conakry est riche en ressources naturelles : elle est le 2° producteur mondial de bauxite, elle a aussi du diamant, de l’or… L’agriculture est facile à pratiquer : de nombreux fleuves la parcourent ; on la décrit  souvent comme le château d’eau de l’Afrique de l’Ouest. 75% de la population travaille dans ce secteur, qui représente 25% du PIB. On y cultive du riz, du café, on y produit ananas, pommes, raisins, tomates… Les 150 kms de littoral atlantique permettent la pratique de la pêche.
La Guinée Conakry est un pays dans lequel on devrait bien vivre, pourtant 55% de la population vit sous le seuil de pauvreté (en France 15 %). L’indice de développement humain la classe 179° sur 190.

Pourquoi tant de misères dans ce pays riche ?

Les ressources naturelles (bauxite, or, diamant…) sont exploitées, accaparées, pillées par les compagnies étrangères canadiennes, françaises, australiennes, anglaises… et surtout chinoises, selon un processus hélas récurrent en Afrique : le gâteau pour les multinationales, les grosses miettes pour les dirigeants locaux, les petites miettes pour la population.

Les régimes politiques successifs qu’ont eus à subir les Guinéens  sont  la 2° cause de la misère dans ce pays. Pour comprendre, un retour en arrière est nécessaire. Après la colonisation française, en 1958, le Général De Gaulle proposa aux différentes colonies d’adhérer par référendum à une communauté française. Celles qui accepteraient, seraient indépendantes quelques années plus tard en conservant des liens commerciaux privilégiés  avec la France ;  en échange, si le futur pouvoir en place avait des problèmes avec son opposition dans son pays ou était en guerre avec  d’autres Etats, la France s’engageait à intervenir pour soutenir les dirigeants en place. C’était donc un accord gagnant-gagnant pour la France et pour les dirigeants de ces futurs Etats, PAS POUR LE PEUPLE. De Gaulle proposait en fait une indépendance de façade. Toutes les colonies de l’Afrique de l’Ouest acceptèrent d’adhérer à cette communauté française SAUF la Guinée Conakry qui choisit l’indépendance immédiate et la rupture radicale avec l’Etat colonisateur. Le leader du Parti du NON, Sékou Touré était un syndicaliste, député français et disait à cette époque : « je préfère la liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude ». De Gaulle reçut ce NON comme un camouflet, comme une humiliation et s’appliqua à  torpiller l’économie du pays  pour punir ce peuple résistant.

Donc, le 2 octobre 1958, la Guinée Conakry devenait indépendante avec à sa tête Sékou Touré. En quelques semaines, tous les fonctionnaires et coopérants français quittèrent le pays, paralysant brutalement les administrations, l’économie, les transports… La France poussa le vice jusqu’à inonder la Guinée Conakry de fausses monnaies. Face à cela, Sékou Touré se tourna vers les pays du bloc communiste et durcit son régime qui devint rapidement une dictature sanglante : police secrète, Parti Unique, camps de détention, régime de terreur. Entre 1958 et 1984, Amnesty International dénombra 50 000 morts. A la fin de sa vie Sékou Touré dira lui-même : « J’ai tué tous les cadres de la Guinée et tous mes amis ». En 1984,  lui succèdera Lansana Conté, qui, sous la pression internationale instaura le multipartisme  « à la guinéenne ». En fait, grâce à un pouvoir répressif et liberticide, il restera au pouvoir 24 ans et sera réélu en 2003 avec 95,63 % des voix.

En 2010, arrive au pouvoir Alpha Condé, le Président actuel qui continue sur la même ligne : régime autoritaire, violent, ne tolérant aucune opposition, surtout si elle vient de l’ethnie des Peuls.
Les Peuls sont une ethnie, qui depuis  le découpage postcolonial ; elle est disséminée sur une quinzaine d’Etats, dont la Guinée Conakry, où elle est surtout présente dans le domaine du commerce, alors que l’ethnie Malinké a toujours dirigé le pays (tous les présidents  ont toujours été issus de celle-ci.) On dit en Guinée Conakry que la devise du Président est : « Tout ce qui ne va pas c’est de la faute des Peuls ».  Depuis 2010, Amnesty International a dénombré la mort de 100 opposants politique assassinés : tous étaient Peuls. Sabine Cessou dans le Monde Diplomatique, disait, en 2018 : « Que se passe-t-il en Guinée Conakry ? La répression est à l’œuvre, régulièrement épinglée par Amnesty International, avec la tentation d’attiser une haine ethnique… Un discours anti-peul s’est propagé depuis  de la présidentielle de 2010 ». Elle rapporte les paroles d’un leader de l’opposition : « C’est la première fois en Guinée que nous connaissons des violences de cette nature. Les Peuls sont accusés de tous les maux, de la même manière que les Juifs ont été accusés d’avoir empoisonné les puits au Moyen-Age ».

Depuis l’Indépendance, des régimes autoritaires tout aussi  violents les uns que les autres se sont succédé en Guinée Conakry pour le plus grand malheur de la population, en particulier des Peuls. Pour les jeunes, l’alternative est simple : rester au pays au risque d’être emprisonnés, torturés, tués surtout s’ils sont Peuls et dans l’opposition, ou bien quitter la Guinée Conakry au risque de leur vie pour demander l’asile politique aléatoire dans un autre pays. Ils se tournent naturellement vers la France car ils parlent français… En 2017 (source OFPRA), les Guinéens étaient le 2ème pays d’Afrique (3 780 demandes), derrière les Soudanais à demander l’asile en France, où malgré la situation politique extrêmement répressive dans leur pays, ils ont d’énormes difficultés à obtenir le statut de réfugié politique.
Jean-Louis L.

(1)   CADM 70 sur facebook https://www.facebook.com/cadm70/
(2)   Pour écouter les émissions Itin’errances en replay : www.frequenceamitievesoul.fr/ (grille des programmes).


Extrait du témoignage de Baldé de Guinée Conakry,  lors de la 11ème émission Itin’errances du 24 avril 2019)  «  … Si la jeunesse avait eu de bons dirigeants, soucieux, responsables, qui travaillent pour leur pays, qui ne modifient pas la Constitution à leur guise, l’Afrique serait un continent plus riche. Malheureusement, c’est la pensée unique qui domine comme si on était dans un Royaume. Les chefs et leurs entourages… profitent et manipulent pour que les Communautés s’affrontent et qu’ils puissent, eux, faire leur sale besogne. Ce que je veux dire à la jeunesse c’est de prendre son destin en mains pour montrer aux Présidents voleurs, sanguinaires, pilleurs de biens publics que tôt ou tard ils paieront les exactions commises.  La jeunesse de 2019 n’est plus celle de 2000. Ils n’ont qu’à prendre l’exemple de l’Algérie et le Soudan dont la jeunesse a pris sa responsabilité pour mettre hors d’état de nuire les deux anciens présidents ».