Nous avons lu
Contre le
développement personnel
Authentique
et Toc
Le
développement personnel (DP) nous arrive des Etats-Unis. Il serait injuste de
ne pas lui accorder l’attention qu’il mérite. Qui n’a pas rêvé d’être heureux
et de trouver des recettes pour y parvenir dans sa vie personnelle et
professionnelle? « Vivre selon son cœur », « Comment cultiver de
vrais liens », « savoir-être »
ou « croire en soi »…. autant de titres racoleurs qui portent
une idéologie politique du bonheur, du bien-être, qui serait uniquement un
choix individuel, gommant les inégalités sociales et économiques. Le DP, comme
le coaching, le management, la novlangue qui l’irrigue, participe d’un vaste
mouvement qui agit sur notre capacité à devenir des individualités autonomes.
Chacun d’entre nous possèderait en lui-même une sorte de capital intrinsèque
qu’il suffirait de faire fructifier.
Grâce à des méthodes simples et concrètes nous pourrions accéder à ce
trésor intérieur. Il suffirait d’en prendre conscience : parce que je suis
bien, je fais le bien autour de moi et si tout le monde fait comme moi, tout le
monde ira bien. C’est simple, c’est beau, c’est faux. Le DP n’est que la face
avenante d’un large mouvement d’autocontrôle et d’auto-exploitation. DP et
management sont les bras armés du néolibéralisme dans son entreprise de
façonnement des esprits : plus de chef mais un manager, plus de salariés
mais des collaborateurs, des espaces de travail plus ouverts, plus de
vouvoiement, on se tutoie tous… Au diable, la lutte des classes ! Place au
management par la confiance ! Quand on confie au salarié un projet, on lui assigne un objectif et on lui accorde
(magnanimement) toute l’autonomie qu’il souhaite pour y parvenir. Ainsi, il se
l’approprie davantage et intériorise la contrainte de réussite. Tout repose sur
l’individu et son adaptation, indépendamment du contexte économique et social.
Ainsi, l’individu se forge lui-même ses propres chaînes. Quel dictateur n’en a
pas rêvé ? Sans le savoir, nous baignons dans une idéologie, paralysés par
la peur du déclassement mais assurés de l’excellence de notre régime dit
démocratique. Le collectif disparaît pour ne laisser que des individus
responsables de tout, à 100% : de leur destin, de leur emploi et même de
leur santé ! C’est à cette vaste supercherie que s’en prend l’auteur,
preuves à l’appui… OM
Thierry Jobard, ed. Rue de l’échiquier,
décembre 2022, 11€