Faire plier Macron
(édito de PES n° 91)
Est-ce
possible ? Inflexible, il l’est vis-à-vis du vaste mouvement populaire qui le
désapprouve : plus de 70 % de la population sondée et, parmi eux, 90 % des
actifs. Docile, il l’est vis-à-vis
des instructions européennes, des commanditaires qui réprouvent les 3 000
milliards de dette publique alors même que pointe une nouvelle crise financière
assortie d’une montée des taux d’intérêt. Son ex-premier ministre, Edouard
Philippe, ne disait-il pas que, depuis 2017, les régressions, « ça passe » « on se dit, ça va être terrible, mais ça
passe ». Enfin, depuis, il y a eu les Gilets Jaunes.
Dans
un premier temps, l’entêté de
l’Elysée y a cru. Siphonner les LR pour atteindre une majorité semblait
probable mais le nombre des ralliés a fait défaut. Il pouvait également être
conforté par les sages déambulations autorisées, bien encadrées et ce, malgré
le nombre impressionnant de protestataires.
Et
puis, le recours au 49-3 a indigné, renforcé la radicalisation, amené les
confédérations à appeler au blocage de l’économie. Irascible, le bonimenteur
de l’Elysée a dépassé les bornes, affirmant d’une part que sa contre-réforme
était juste et nécessaire et que les femmes et les séniors seraient mieux
lotis.
Et
les villes, notamment Paris, se sont garnies de poubelles… Et la violence
policière en fut décuplée… Dépité, le méprisant de la République dut
modifier son agenda monarchiste. Lui, le
roitelet de l’Elysée qui avait prévu d’accueillir le monarque anglais,
Charles III, du 26 au 29 mars, a dû annuler les agapes programmées : le dîner
fastueux à la résidence du roi Soleil, dans la galerie des glaces à Versailles,
le bain de foule à Paris (le fumet des effluences des sacs poubelles n’était
pas très appétissant pour sa majesté). Annulés, également, le discours au
Sénat, le voyage en TGV – évitant les émissions de CO2 - jusqu’à Bordeaux…
Macron avait rêvé d’être intronisé aux côtés de la suite royale…
Fâché, le roquet de l’Elysée se mit à aboyer contre tous ces factieux et contre cette foule, le privant de son lustre
international, lui, devenu la risée de tous les chefs d’Etats qu’il côtoie.
Dès
lors, ce fut Macron, le baston,
organisant la répression sur les rétifs à la soumission : coups, gaz lacrymo,
grenades de désencerclement, tirs LBD, arrestations en masse et des blessés par
centaines, pour certains très graves, y compris en plein champ. Les
manifestants écolos contre les mégabassines n’en sont pas revenus. Le
déploiement massif des gardes mobiles, des Brav’M et autres Brigades
anti-criminalité contre eux fut d’une brutalité inégalée : deux d’entre-eux
sont entre la vie et la mort. En fait, ce qui se joue, par cette violence policière,
c’est le droit de manifester et la montée d’un Etat policier.
Macron,
le parvenu, issu de la Banque
Rothschild, le fondé de pouvoir du Capital, est chargé de
défendre l’intérêt général de la classe dominante. Si elle sent que son
chargé de mission ne parvient plus à ce que ça passe et que le personnage met,
par son intransigeance, ses profits en danger, elle s’en débarrassera. Ce n’est
pas encore le cas, loin de là.
Ça
va être dur de déloger le forcené de
l’Elysée et de le renvoyer au Touquet. Les dirigeants des confédérations qui
demandent à être entendus, lui ont même proposé de nommer un médiateur entre
eux et lui. Jupiter peut-il se mettre au même niveau que ses interlocuteurs ?
Impossible, il est sourd et dingue à la fois. Le sourdingue est prêt à mettre de l’huile sur le feu pour mieux
jouer au pompier. Et il continue à jouer sa partition jusqu’au-boutiste :
j’attends la décision du recours du Conseil Constitutionnel pour ne pas perdre
la face et je m’en vais parader au lac de Serre-Ponçon pour me présenter en
défenseur de l’eau de cette super bassine naturelle…
En
outre, on assiste à un débat dérisoire opposant la légalité électorale et
institutionnelle à la légitimité des aspirations populaires, tout en s’en
remettant au Conseil Constitutionnel qui a, plus que rarement, désavoué le
pouvoir en place, sinon sur des détails. Faut-il rappeler que lors du 2ème
tour des législatives, en juin 2022, 53 % des inscrits se sont abstenus, sans
compter les 5 à 6 % de non-inscrits. C’est donc un électeur sur six qui ne vote
plus.
Faute
d’un mouvement gréviste d’ampleur suffisante, le mouvement populaire va-t-il
battre en retraite? Qu’en sera-t-il de la mobilisation du 6 avril ? En
tout état de cause, les temps changent : « Il semble de plus en plus difficile de subordonner les syndicats au
pouvoir de la finance, comme en ont rêvé nombre de gouvernements depuis 1983 »
(1). Une fraction de la jeunesse s’est également mise en mouvement. Reste que
les grèves par procuration isolent et fatiguent les plus déterminés. Nombre de
travailleurs leur adressent bien des messages de soutien… qui ne se
convertissent pas en débrayages ou grèves sur les lieux de travail. Macron mise
là-dessus : l’essoufflement des plus mobilisés.
On
peut espérer que les illusions sur ce système vont continuer à s’effondrer.
L’inflation, la hausse des prix, la crise bancaire qui menace, peuvent y
contribuer. Quoique… Les fachos du RN attendent au coin du bois et
l’ultra-droite, dans les cortèges des manifestants, n’hésite pas à agresser les
étudiants, les lycéens et la gauche radicale.
GD,
le 30.03.2023
(1)
voir l’article de
Sophie Beroud et Martin Thibault ainsi que le dossier constitué par le Monde Diplomatique d’avril 2023