Nous avons lu
Sobriété (la
vraie)
Pénuries d’énergie, coupure
d’approvisionnement, inflation… Dans un environnement économique, social,
géopolitique tourmenté, notre bulle de confort est atteinte de nouvelles
adversités. Face à ces bouleversements, le concept de Sobriété prend une
nouvelle réalité. Celle-ci, dont la traduction se perd au gré de multiples
affirmations, ne doit pas être comprise comme une politique punitive afin de
surmonter telle ou telle crise, mais le retour d’une consommation plus rationnelle,
avoir de tout, mais sans excès. Faire avec moins. Mais moins de quoi ? Et
comment ? La sobriété n’est pas la fin de l’abondance, c’est la fin d’une
addiction de surconsommation, gaspilleuse et insoutenable. Il ne s’agit pas
d’en finir avec une certaine insouciance, mais de redécouvrir la coopération
avec son entourage, avec convivialité. Faire moins pour faire mieux et être
entièrement acteur de ses besoins émancipateurs. Les auteurs ont mis au point un
manuel émancipateur explorant des alternatives autonomes et joyeuses. Il
regroupe conseils, astuces et bonnes pratiques au quotidien afin de faire des
économies tout en réduisant son empreinte carbone. Tous les postes de
consommation sont examinés : logement, alimentation, numérique, culture et
loisirs, transport. Nombre de pratiques « tombent sous le sens »
et ne sont que des rappels d’une économie qu’utilisent déjà et en particulier
les ménages modestes ; d’autres, moins courantes, complètent un
comportement économe et anti-gaspi. Si à la lecture, le sentiment d’une
expression d’« écolo-bobo » se révèle par moment, le caractère social
du guide ne laisse aucun doute : rejet du productivisme, malsain pour
l’économie, pour la santé, pour la satisfaction du travail bien fait ; en
finir avec le burn-out et le bullshit-job (emploi inutile, superflu ou néfaste).
La sobriété est le socle sur lequel nous devons inventer un nouveau vivre
ensemble : moins de biens, plus de liens. JC
Isabelle Brokman et Vincent
Liegey. Editions Tana, février 2023, 13,90€
Minerais
de sang : les esclaves du monde moderne
L’auteur nous embarque dans un long voyage, celui de
la cassitérite (principal minerai de l’étain), depuis son extraction dans des
conditions esclavagistes dans les mines de Bisie au Nord-Kivu en République
Démocratique du Congo, mais aussi au Rwanda, en Tanzanie et jusqu’en Malaisie
où elle est transformée pour se retrouver dans tous les objets électroniques de
notre quotidien. Ce livre est l’aboutissement d’une enquête internationale de
deux ans, allant à la rencontre des creuseurs à mains nues qui ne comptent pour
personne telles des taupes s’enfonçant à 200 ou 300 mètres sous terre pour extraire le minerai précieux, payé une
misère au prix du kilo de haricots (3 dollars), juste de quoi « renouveler
sa force de travail » par multiples
« prédateurs » qui guettent sa remontée. L’enquêteur a bien des
difficultés à retrouver la trace du minerai transformé en Malaisie pour être
vendu à la Bourse, au London Metal Exchange, pouvant atteindre près de 30
dollars. Après des détours par l’Asie, l’Europe, les Etats-Unis, l’étain
congolais revient en Afrique, au Ghana notamment, où le monde entier déverse
ses rebuts, ordinateurs, consoles de jeux…que les enfants ghanéens décortiquent pour récupérer
le cuivre, les plaques d’aluminium, tout ce qui peut se vendre à « la balance ».
Ce lieu, où les enfants collectent les articles dont plus personne ne veut, ce
lieu qui autrefois attirait les pêcheurs et les flamants blancs, s’appelle
Sodome et Gomorrhe. La cassitérite, c’est la mondialisation telle qu’elle est. Ce
livre se lit comme un roman, l’écriture est remarquable et nous saisit de
colère face à l’injustice ou de sourires face à des scènes cocasses. L’auteur
nous démontre, une fois de plus, la part tragique de la participation des
populations africaines à la mondialisation capitaliste. OM
Christophe Boltanski. Gallimard/Folio actuel, 2014, 8.40€
Le
jour où la Chine va gagner
La
fin de la suprématie américaine
L’auteur, d’origine indienne,
vivant à Singapour, est un fin connaisseur de la confrontation des Etats-Unis
et de la Chine. Il a occupé pendant 33 ans différentes fonctions diplomatiques
et a même présidé le Conseil de sécurité de l’ONU. Il explicite les deux
visions du monde et les pratiques qui s’affrontent. Les USA revendiquent la liberté du capitalisme néolibéral,
aggravant les inégalités, l’ingérence dans les affaires des pays, l’agressivité
en mer de Chine... Promouvant l’harmonie et le développement économique
maîtrisé sous l’égide du Parti-Etat, la
Chine développe une sorte de méritocratie et se prévaut du principe de non-ingérence.
Elle pratique des alliances de revers avec la Russie, tente de réconcilier
l’Iran et l’Arabie Saoudite, sapant l’influence des Etats-Unis. Son
multilatéralisme, sa politique commerciale mercantile, les routes de la soie,
sont autant de facteurs qui assurent son influence et sa conquête des marchés.
Peut-on pronostiquer « la fin de la suprématie américaine » ?
Malgré le titre de l’ouvrage, rien n’est
encore assuré. « Si les USA souffrent d’un déficit d’infrastructure, leur
richesse par habitant reste bien supérieure à celle de la Chine, même si la situation
de la moitié la plus pauvre de ses habitants s’est détériorée au cours des
dernières décennies »… A lire pour l’importance des données et des
références suscitant la réflexion. GD
Kishore Mahbubani, édition Saint-Simon, 2022, 23€