Expériences
chiliennes
Sur
le territoire de l’actuel Chili, vivait une multitude de communautés
amérindiennes. Ces communautés étaient très différentes les unes des autres car
le territoire chilien a une configuration très particulière. C’est une bande de
terre de 200 km de large sur 4 300 km de long, coincée entre l’océan Pacifique
à l’ouest et la cordillère des Andes à l’est. Le nord est un désert
caniculaire, le sud, proche du Cap Horn, une région froide, très arrosée. Afin
de se rendre compte de l’étendue de ce territoire, rappelons simplement que
Paris et Moscou sont distants de 2 500 km.
Un peu
d’histoire
Au
centre vit la communauté la plus nombreuse, les Mapuches « les gens de la terre ». Contrairement aux
Amérindiens du nord du continent, dès le Xème siècle, ils se sédentarisent,
développent les cultures en terrasse, l’irrigation et la défense de leur
territoire. Au XVème siècle, les Incas, s’en rendront compte, leur prise de
possession du territoire chilien sera bloquée par les Mapuches. En 1520,
Magellan occupe le sud et le nord de l’actuel Chili, mais le territoire mapuche
résistera et restera quasiment autonome. Le navigateur rendra d’ailleurs
hommage à la ténacité, au courage de ce peuple. Pourtant, ce ne sont pas les
Indigènes, mais les colons européens, en particulier les propriétaires
fonciers, qui se dégagent de la tutelle espagnole ; celle-ci prend fin,
effectivement, en 1826, à l’issue de la guerre d’indépendance.
Début
19ème, la désignation d’un chef d’Etat était relativement simple (à en
faire rêver quelques politiciens actuels) : le plus grand propriétaire
terrien, Bernard O’Higgins, s’institue « commandeur suprême ». Il
proclame l’indépendance du Chili le 12
février 1818. Au cours de ce siècle, de grandes entreprises voient le
jour du fait de la découverte d’argent puis de salpêtre. Le secteur agricole
est florissant. L’agriculture au nord, l’élevage au sud et la pêche assurent la
souveraineté alimentaire.
Dans
les mines, le patronat impose des conditions de travail très dures. Les ouvriers
tentent de s’y opposer avec le soutien de partis politiques (Parti Ouvrier
Socialiste) et de syndicats (Fédération ouvrière régionale du Chili), très revendicatifs.
En 1907, à Iquique, les ouvriers de
l’usine de salpêtre se mettent en grève
pour protester contre leurs conditions de travail : 12 à 14 H quotidiennes,
7 jours sur 7, salaire versé en jetons qui permettaient d’acheter des produits
uniquement dans les magasins propriétés de l’entreprise. Le patronat fait appel
à l’armée qui mitraille les mineurs et leurs familles : 3 000 à
4 000 personnes y laissent la vie.
En 1938, un président « socialiste » est élu :
Pedro Aguirre Cerda. Son
gouvernement met en œuvre des réformes radicales : création d’un système
de sécurité sociale, nationalisations, accueil massif de réfugiés espagnols
fuyant le franquisme (accueil confié à une certain Pablo Neruda). Le Chili est
alors le plus avancé d’Amérique du sud en matière sociale et l’augmentation
rapide de la production de cuivre lui assure une bonne santé économique. Mais
cette embellie repose sur l’aura dont dispose Cerda auprès de la population. Il
est le premier homme d’Etat à tenir réellement ses promesses. Malheureusement,
il décède en 1941 et son successeur cèdera beaucoup plus facilement aux pressions
des Etats-Unis. Le Chili entre en guerre à leurs côtés en 1943.
Le
nationalisme socialisant
En 1950, un évènement a priori anecdotique se déroule à
Santiago. L’université privée catholique de Santiago décide d’un parrainage
avec l’université de Chicago. Des
échanges réguliers se mettent en place entre étudiants chiliens et étudiants
chicagoens. C’est dans cette université de Chicago que vont se développer les bases de la pensée néolibérale :
non-ingérence de l’Etat dans l’économie, libre échange, etc. A cette époque ces
idées vont à l’encontre des pratiques économiques de la région ; les pays
d’Amérique latine, comme beaucoup d’autres, mettent en place des taxes sur les
produits importés pour favoriser leur production intérieure. La pensée néolibérale
qui se développe est telle que Jorge
Alessandri, candidat à l’élection présidentielle chilienne en 1970,
visitant l’université privée et catholique de Santiago, après échange avec les
étudiants et leurs formateurs états-uniens dira : « Sortez-moi ces fous de là, je ne veux plus
les voir » ! Allessandri était pourtant président de la
confédération chilienne patronale et candidat de droite aux élections.
En 1970, Salvador
Allende, candidat socialiste, arrive en tête de l’élection présidentielle
avec 37 % des voix, devant le candidat conservateur (35 %) et le
démocrate-chrétien (28 %). Il obtient le soutien de la démocratie chrétienne en
échange de l’assurance du respect des libertés et de la légalité. Le 24 octobre
1970, il est nommé président de la République. Son programme socialiste (pas un
socialisme tendance Valls, Strauss Khan ou Hollande) va très rapidement faire
« grincer les dents » en particulier du côté étatsunien. Et ce
programme il va l’appliquer sans faillir. Son prédécesseur avait nationalisé
les mines de cuivre à 51 %, lui, va le faire à 100 % sans indemniser les compagnies privées, souvent états-uniennes. Il
accentue la politique de redistribution des terres en faveur des paysans les
plus pauvres. Il nationalise ou réquisitionne d’autres entreprises, dont 9
banques sur 10. Son gouvernement met en place des mesures sociales, comme
l’augmentation des salaires, la distribution gratuite de lait pour les enfants,
des aides financières aux plus pauvres… Ce régime socialiste, dans le giron étatsunien
de l’Amérique du sud, va devenir le régime
à abattre. La grande crainte des Etats-Unis est que
« l’expérience » socialiste d’Allende réussisse et se répande dans
d’autres pays d’Amérique du sud et d’ailleurs. Henry Kissinger, secrétaire
d’Etat de Nixon, déclarera, dans un grand souci de respect du choix des peuples
( !) : « Je ne vois
pas pourquoi il faudrait s’arrêter et regarder un pays devenir communiste à
cause de l’irresponsabilité de son peuple ».
Contre-révolution
néolibérale
Le
rouleau compresseur états-unien va alors se mettre en route pour écraser le régime d’Allende. Les
Etats-Unis réduisent les crédits accordés au Chili de 300 millions à 30
millions de dollars, les pièces détachées des machines-outils deviennent
impossibles à trouver (pour les entreprises chiliennes)… Entre 1970 et 1973, la
CIA dispose d’un budget de 7 milliards de dollars pour soutenir l’opposition à
Allende (financement de partis politiques d’opposition, de journaux,
d’organisations privées…). Les cours du cuivre, dont les finances chiliennes
sont très dépendantes, baissent d’un tiers entre 1970 et 1972. Après une
première année faste économiquement et socialement, le Chili connaît une crise
économique très violente. L’inflation
entre décembre 1972 et décembre 1973 est de 500 %. La valeur de la monnaie chilienne chute. Les efforts étatsuniens
pour asphyxier l’économie chilienne portent leurs fruits. Pour tenter d’enrayer
l’inflation, le gouvernement chilien fixe arbitrairement le prix des denrées de
base. Résultat : le marché noir se développe et les ménagères organisent
les « marches des casseroles vides » ; elles n’ont plus rien à
cuire. Le Chili entre, alors, dans un cercle vicieux, coupé en deux entre les
anti et les pro-Allende, la violence se répand, perturbant encore plus
l’économie du pays et créant plus de misère, de mécontentements.
Sentant
le moment propice, les Chicago boys
publient un livre exposant leur théorie économique. Surnommé « El Ladrillo » (la brique) il
est un véritable programme de recettes pratiques pour appliquer une politique à
l’opposé de celle d’Allende. La déstabilisation du gouvernement Allende prend
de l’ampleur et s’achève, dans le sang, le 11
septembre 1973. Salvador Allende
est retrouvé mort dans le palais
présidentiel bombardé par l’armée. Le coup d’Etat est mené par le général
Augusto Pinochet qui confie à son ministre des finances la mise en place du
programme économique des Chicago boys. Le
Chili devient le « laboratoire du néo-libéralisme »,
le premier pays qui applique à l’échelle nationale les idées de Milton
Friedman. Et ils ne font pas « dans la dentelle » : suppression des subventions, des aides aux défavorisés, privatisation de la santé, de
l’éducation, démantèlement du peu de sécurité sociale existante et des
syndicats, suppression des frais de
douanes, ouverture du pays à tous les produits étrangers, nouveau système
de retraite. Arrêtons-nous sur ce système (qui doit faire rêver
« nos » dirigeants actuels) : 10 % du salaire de chaque
travailleur, sans qu’il ait le choix, est systématiquement placé dans des fonds
de pension pour lui être restitué au moment de sa retraite. Chacun cotise pour
lui-même et les fonds de pension sont assurés de recevoir régulièrement des
fonds qu’ils font fructifier à leur plus grand profit durant une longue
période. Le rêve pour un financier !
Dans
un premier temps, cela fonctionne plutôt bien. Le pays attire les investisseurs
étrangers du fait de ses potentialités et de sa stabilité. Au Chili, à l’époque
Pinochet, il n’y a aucun risque de contestation sociale. Le régime est une dictature ultra-violente. Les opposants
sont arrêtés, torturés, disparaissent… Ils furent plusieurs milliers à connaître
ce sort. Ceux qui réussissent à fuir le pays sont pourchassés à l’étranger dans
le cadre de « l’opération Condor », cette campagne d’assassinats
conduite par les services secrets d’un certain nombre de pays d’Amérique du
sud, dont le Chili, avec le soutien tacite des Etats-Unis. Les Chicago boys ont
les coudées franches pour mettre en place leurs théories. La croissance du PNB
explose, l’inflation est sous contrôle et on parle alors du « miracle
chilien ». Le cuivre, l’agriculture, l’élevage, la pêche, sont un socle
solide pour l’économie chilienne.
Retour à la
démocratie… néolibérale
Après
le retour de la démocratie, en 1989, les différents présidents qui se succèdent
(Michèle Bachelet, Sébastian Pinera) continuent d’appliquer, à quelques
ajustements près, une politique néolibérale et le Chili apparaît comme le pays
d’Amérique du sud qui a le mieux réussi. Sauf sur un point : les inégalités sociales. En 2018, il est
classé par l’OCDE, comme le 3ème pays le plus inégalitaire au monde
derrière l’Afrique du Sud et le Costa Rica. Il est même en tête de classement
après redistribution des impôts avec un taux de redistribution de la richesse
d’environ 5 % alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 25 % (33 % en
France).
Vu
sous cet angle, le miracle chilien
fait beaucoup moins rêver. Les
privatisations ont rendu tout, très cher. L’éducation coûte très cher au Chili,
à ce titre, il détient la 2ème place derrière les Etats-Unis. Dans le domaine
des retraites, par capitalisation,
le néolibéralisme montre son vrai visage : 80 % des retraites versées au
Chili, en 2018, sont inférieures au salaire minimum et 50 % sous le seuil de
pauvreté. Les fonds de pension qui ont géré les 10 % des salaires pris aux
travailleurs durant toute leur carrière, font d’énormes bénéfices et reversent
des miettes à ceux qui, par leur travail, les ont enrichis.
Le
Chili apparaît comme un pays riche ayant un niveau des prix à l’occidentale
mais dont une grande partie de la population n’a pas les revenus d’un pays
développé. Le salaire moyen est
d’environ 750 € et le revenu minimum est d’environ 400 €. Plutôt que de « miracle
chilien » il faudrait plutôt parler de « mirage chilien »,
dans un pays plutôt en bonne santé économique où 70 % de la population connaît
des difficultés et constate que la richesse est très mal partagée. Ainsi, le 1
% des plus riches amassent chaque année entre un quart et un tiers des revenus,
et les 10 % plus de la moitié. Il n’existe au Chili aucun établissement
universitaire gratuit, les étudiants
s’endettent (ceux qui le peuvent) pour financer leurs études. 65 % des
étudiants les plus pauvres, obligés de travailler pour payer leurs études, les
interrompent avant leur terme. Le système éducatif chilien contribue à la
reproduction des inégalités. Dans le domaine de la santé, les inégalités sont frappantes : 20 % des Chiliens peuvent accéder
à un système privé. Outre leur coût, les mutuelles peuvent choisir leurs
patients et, à 70 € la visite du médecin il vaut mieux en posséder une. Ceux
qui ne peuvent pas, se tournent vers le système de santé public n’offrant qu’un
minimum de soins basiques.
Voilà
le résultat de 40 ans de néolibéralisme total : un pays où une infime
minorité vit bien, même très bien, un pays qui, sur le papier, présente des
résultats pouvant faire rêver, mais un pays où la grande majorité de la
population vit difficilement, sans pouvoir profiter de sa richesse. Rappelons, au
passage, que Milton Friedman a reçu en 1976, le prix nobel d’économie ! De
plus, pour nombre de Chiliens, la violence du modèle néolibéral qu’ils
subissent est la continuité de la violence sociale qu’ils ont connue sous le
régime Pinochet (la Constitution est d’ailleurs toujours celle de la
dictature).
En 2019, une grande partie de la population souhaite une
rupture avec le modèle qui leur a été imposé sous Pinochet. Il a suffi d’une étincelle pour « mettre le feu à la plaine
desséchée », ce fut l’augmentation du prix du ticket de métro (à 4€ en équivalent français). Le mécontentement
est immédiat et, dans un premier temps les étudiants puis les autres usagers,
fraudent en masse et prennent le métro sans payer. La police ferme les stations
une à une. Santiago s’embrase et toutes les rancoeurs accumulées
débordent ; des manifestations se déroulent dans toutes les grandes villes
du pays. Le 19 octobre, l’état d’urgence est décrété, l’armée est déployée dans
les rues de plusieurs villes, le couvre-feu s’applique. Le 25 octobre, des manifestations
gigantesques ont lieu dans toutes les grandes villes. Deux millions de
personnes manifestent, pour une population de 18 millions (l’équivalent de plus
de 6 millions de manifestants en France). Les manifestations s’enchaînent, une
grève générale est lancée. Les ports sont quasiment tous bloqués (85 % du PIB
chilien est lié aux exportations portuaires). A Santiago, des barricades sont
construites, des magasins sont pillés à Vina del mar ou à Valparaiso. Le
président Pinera (de droite) rappelle les policiers retraités pour appuyer les
forces de l’ordre.
L’impossible
transformation légaliste ?
Sous
la pression des manifestants et des grévistes, Pinera accepte l’organisation d’’un
référendum en 2020, pour proposer
une nouvelle Constitution rédigée par
une assemblée citoyenne : 78 % des votants (50 % des électeurs)
approuvent ce référendum. En 2021,
une assemblée constituante est élue au suffrage universel. Elle se compose de
155 membres, à parité (les Chiliens ont sans doute utilisé les grandes
compétences de leurs ancêtres Incas dans le domaine des mathématiques pour
réaliser la parité avec 155 membres (!). Dans cette assemblée constituante, 17
places sont réservées aux peuples autochtones dont 7 aux Mapuches qui n’ont pas
ménagé leurs efforts au cœur des manifestations ayant amené à ce processus. C’est
d’ailleurs une Mapuche, Elisa Loncon, qui est élue présidente de l’assemblée.
Cette élection, ainsi que la présence de 8 personnes homosexuelles ont fait
beaucoup parler dans les milieux bourgeois et conservateurs chiliens.
L’espoir, dans les couches populaires, est grand, d’autant plus qu’en 2022,
Gabriel Boric, à la tête d’une coalition de partis « de gauche »,
est élu président chilien.
L’assemblée propose une Constitution
innovante, très en pointe en ce qui concerne le respect des minorités, des
peuples autochtones, très (et peut-être trop…) en avance. Elle proposait par
exemple :
-
la suppression du
Sénat, remplacé par une Chambre plus représentative des masses populaires et
des peuples autochtones. Cela fut traduit par les opposants, ne retenant que la
suppression du Sénat, comme la volonté de concentration des pouvoirs et un déni
de démocratie
-
le droit à
l’avortement (qui n’existe au Chili qu’en cas de viol ou de malformation du
fœtus) et le mariage homosexuel. Au cours de leurs sermons, les prêtres
appelaient à voter contre la Constitution
-
l’Etat chilien
défini comme plurinational pour une pleine reconnaissance des peuples
autochtones (12 % de la population), traduit par les opposants comme une volonté
de donner plus de droits aux autochtones qu’aux autres Chiliens, voire comme
une volonté de faire éclater le Chili
-
reprise en
charge, par l’Etat, plus ou moins partiellement, de ce qui avait été privatisé
sous Pinochet, donc quasiment tout (même le droit à l’eau), traduit par la
droite : le Chili va devenir un nouveau Cuba
-
des avancées très
significatives en matière d’écologie et de féminisme.
L’élaboration
d’une nouvelle Constitution, était souhaitée par les manifestants de 2019 et
par les électeurs qui approuvèrent le référendum. Mais, au moment d’approuver
son contenu, elle fut rejetée. De
nouveaux électeurs avaient été mobilisés par la propagande médiatique et les
forces conservatrices, insistant d’une part sur les droits nouveaux accordés
aux peuples indigènes qui allaient entraîner la désintégration de l’unité du
Chili. D’autre part, la reconnaissance des droits à l’égalité des femmes, à
l’avortement, dans un pays encore très catholique, fut largement
instrumentalisée. La droite chilienne joua assez « finement » en
disant « nous en voulons pas de cette Constitution mais nous ne voulons
pas conserver celle de Pinochet, se détachant de l’image d’héritière de
l’époque de la dictature. Si l’on ajoute qu’en 2021, le Chili est entré dans
une phase de fort ralentissement économique et en période d’inflation, c’est
plutôt un verdict prévisible qui est tombé le 4 septembre 2022 : 62 %
des électeurs, qui se sont exprimés, ont refusé
la nouvelle Constitution.
Que peut réellement faire Boric, ce jeune président, de gauche, celui qui a emporté
l’élection de décembre 2021 face à un candidat d’extrême-droite ?
Elu
avec 56 % des voix, il semble désormais impuissant face au rejet de la Constitution,
proposée par référendum en 2022. D’ailleurs, si à cette occasion, la Bourse
s’est envolée (+ 3.65 %), c’est qu’elle se sent désormais rassurée. La Chambre
des députés, qui compte 16 partis différents, reste marquée à droite. Les
marges de manœuvre du Président se réduisent, d’autant que sa réforme fiscale
visant à augmenter les impôts pour les plus riches et pour les entreprises, a
été refusée (à une voix près) par la chambre des députés. Osera-t-il dissoudre la Chambre, démissionner afin d’accentuer
la crise politique ? Tout indique qu’il entend jouer le jeu légaliste en proposant, par la
voie parlementaire, une nouvelle version de la Constitution, afin de sortir du
carcan de celle de Pinochet, et d’une nouvelle réforme fiscale pour donner plus
de moyens à l’Etat pour faire face à la dégradation-suppression des services publics,
pour ce qu’il en reste. La Présidente socialiste Michèle Bachelet n’y est pas
parvenue. Elle a dû faire face à un mouvement étudiant qui, le 30 mai 2006,
mobilisa 600 000 à 1 million de manifestants. La coalition qu’elle
dirigeait a laissé pourrir ses aspirations dans un contexte de corruption
provoquant de nouveaux scandales, favorisant ainsi le retour de la droite en
2010 et l’élection de son candidat Pinera.
Il a fallu l’étincelle (augmentation du prix du ticket de métro), enflammant toutes
les rues chiliennes pour que Pinera (président de droite) consente à la
mise en place d’une nouvelle Constitution, seule avancée qu’ait connue le Chili
au cours de ces dernières années. C’est le rapport de forces créé par les
grèves et les manifestations qui l’a permis. Dès que le mouvement social s’est
arrêté, les forces de droite ont repris leur travail de propagande, de
désinformation grâce aux puissants moyens financiers dont ils disposent.
Les
« parlottes » institutionnelles face à la propagande dominante n’ont
pas pesé lourd. Elles n’ont pas entamé, loin de là, l’hégémonie idéologique et
culturelle de la classe dominante. Bref, depuis la fin de la dictature
insupportable de Pinochet (pendant 31 ans), centre-droit et centre-gauche se
sont succédé pour que rien ne change…
De
nouveaux soulèvements sont à prévoir pour déconsidérer notamment ce jeune
président qui, en toute légalité, comme Allende, en son temps, voulait bien
faire.
Jean-Louis
Lamboley, le 28.03.2023