Total
irrespect
A la veille d’un nouvel été difficile la stupeur nous saisit. Le macronisme vient de battre piteusement en retraite sur le front du combat écologique. Les esprits grincheux diront qu’il n’avait jamais vraiment entamé ce combat pourtant impératif. On peut difficilement leur donner tort. Le mois de mai était depuis des lustres le mois du renouveau, celui qui annonçait des jours meilleurs, ceux de l’éclosion générale, des jours attendus avec entrain partout et par tous, petits et grands, pauvres ou riches. Tout cela est bien fini. Le mois de mai est désormais en France le mois de la fin définitive des illusions face à la crise climatique aux ravages indiscutablement grandissants. En cette matière qui ne devrait souffrir aucune défaillance, Jupiter, en dieu impuissant, et son ministre chargé de la « transition écologique » ont, à quelques jours d’intervalle, sonné le glas de nos maigres espérances. Deux hommes passifs pour deux évènements calamiteux. L’irrespect affiché pour la planète est alors à son comble. Et, le pétrolier en chef de s’en délecter en coulisses.
Le premier de ces évènements fut la
déclaration péremptoire du Président de la République française à une heure de
grande écoute télévisuelle, déclaration par laquelle il exprimait sans ambages
son souhait qu’une pause soit
prononcée dans la règlementation
environnementale européenne. A quelques jours de la réception annuelle des
« plus grands patrons du monde entier » au château de Versailles,
Emmanuel Macron s’attaquait à rien moins que le green new deal, certes
diversement appréhendé par les partenaires de la France, qu’il conviendrait de
muscler eu égard au péril climatique et non de l’affaiblir. Du reste, le
monarque qui se veut absolu déclencha la stupéfaction européenne en la circonstance.
Bien sûr il n’en a cure : son urgence à lui est de rassurer les magnats de
la finance et de l’industrie planétaire afin que dans la bonne marche des
affaires la France reste pleinement une terre d’accueil ! On se souvient
ici de la déclaration énervée de Nicolas Sarkozy en 2011, au Salon de
l’agriculture, trois petites années après le « Grenelle de
l’environnement » qu’il avait pourtant abondamment promotionné :
« l’environnement, ça commence à bien faire ». Mais, douze années
plus tard… Ces hommes sont très forts dans l’esbroufe communicationnelle et
éminemment discrets dans la mise en œuvre tangible de leurs annonces
tonitruantes. C’est que le réalisme économico-financier du capitalisme
omnipotent revient toujours à la charge porté par de vigilants gardiens du
temple.
On doit le second évènement de ce printemps
à Christophe Béchu qui porte fièrement la casquette ministérielle de la
transition écologique. Il a officiellement lancé le 22 mai dernier le processus
de « l’adaptation » au réchauffement
climatique. Jusqu’à la fin de l’été les Français sont consultés afin qu’ils
disent les efforts qu’ils sont prêts à consentir pour adapter leurs
comportements de consommation dans l’optique d’un réchauffement de 4° à la fin
de ce siècle. Rappelons que la COP 21 tenue à Paris en décembre 2015 déclarait
qu’il ne faudrait surtout pas dépasser 1,5° pour éviter
« l’emballement ». On entérine donc en haut-lieu que l’objectif est
irréaliste et qu’il faut donc se préparer au pire. Les Français pourraient en
retour demander ce que les vrais décideurs sont prêts à consentir comme efforts
d’adaptation pour changer de manière tangible la prégnance mortifère du
capitalisme sur la nature et nos vies. Va-t-on annuler les nombreux projets
autoroutiers lancés dans l’hexagone ? Va-t-on enfin décider de transformer
radicalement « notre modèle agricole ? Va-t-on un jour prochain
contraindre Total à changer profondément sa stratégie de production
d’énergie ? Non, rien de tout cela ne reçoit le début du commencement d’une
inflexion. Non, c’est aux Français de faire des efforts individuels. Le tandem
Macron-Béchu en est resté à ce qu’Aurélien Bernier avait appelé voilà quinze
ans l’écologie du brossage de dents. Désespérant !
Pire, on continue d’envoyer de mauvais
signaux à de notoires responsables de la crise écologique. Ainsi, le ministre
français de l’agriculture a demandé récemment aux préfets de ne pas verbaliser les agriculteurs
contrevenant à l’interdiction de plusieurs pesticides décidée au niveau européen. À l’initiative des
sénateurs Les Républicains, une
proposition de loi, autorisant le
recours à des drones pour l’épandage de pesticides, a été adoptée en
première lecture le 23 mai au Sénat. Cette mesure est présentée comme un « choc de compétitivité pour la ferme
"France" ». L’article 8 de cette proposition de loi envisage
d’expérimenter durant 5 ans le recours à des drones dans le cadre d’une
« agriculture de précision » sur des surfaces présentées comme «
restreintes » sans pour autant que soient fixées des limites.
L’Europe perd déjà vingt millions d’oiseaux
chaque année. Alors, la biodiversité peut bien attendre encore son hypothétique
renouveau ! La vraie raison de l’immobilisme ou de la fuite en avant est
que l’on se refuse à financer sérieusement l’énorme facture de la transition
écologique. Pour cela il faudrait faire payer les plus riches de nos
congénères. On pourrait, par exemple, taxer de 5% à cet effet les 10% des
contribuables les plus fortunés. Bruno Lemaire, ministre de l’économie gardien
scrupuleux de l’orthodoxie fiscale, se refuse farouchement à augmenter les
impôts tout en récitant la fable éternelle selon laquelle « la France a déjà la fiscalité la plus élevée
d’Europe ». Répondons-lui que les revenus des 37 contribuables
français les plus riches sont taxés à… 0,26%. Un record du monde,
probablement ! Total irrespect disions-nous.
Yann Fiévet
Leurre
de vérité
(juin 2023) dans Le Peuple Breton
yanninfo.fr