Le fond de l’air est gris (1)
Sur la signification de la
mobilisation bretonne
Morosité, colère,
résignation… et, de nouveau, explosion de colère. Les sondages le disent, les
préfets s’alarment. Selon l’étude menée par l’institut CSA, 58% des Français
perçoivent la mondialisation libérale comme un danger pour eux-mêmes, 77%
constatent que les inégalités se sont aggravées, 88% pensent que les
gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne se préoccupent pas des
gens comme eux, 30% se disent devenir pauvres dont 55% parmi les classes
populaires. Quant à l’institut BVA, chargé de définir les aspirations des
Français dans 10 ans, il note que 55% souhaitent que l’Union Européenne ait
moins de pouvoir, voire la fin de l’UE (23%). Pour 75%, la prise en charge de
la protection sociale et pour 70%
l’emploi sont prioritaires. Les partis seraient-ils «discrédités» et les syndicats «dépassés» ? Assiste-t-on comme le
disent les médias à une poussée poujadiste ? Voire ! L’historien
Garrigues renvoie ce phénomène politique aux mécontents et victimes des Trente
Glorieuses et affirme que nous vivons «une
crise économique et sociale sans précédent» qui «frappe toutes les régions et catégories populaires et moyennes»,
l’on assisterait à une coupure entre ceux d’en haut et ceux d’en bas.
La chronique des
évènements de Bretagne et leur enchaînement sont à cet égard significatifs pour
autant que l’on ne se laisse pas enfumer par les manœuvres et récupérations qui
les ont marqués.
Ambiguïtés, mobilisations,
divisions
Appel de Pontivy, le 16 juin, dans le Morbihan. Il est
pratiquement passé inaperçu. Trente patrons locaux se sont réunis pour fonder
un comité de convergence des intérêts bretons. Face à la crise du système
agro-industriel breton (voir plus loin), ils réclament un «droit à l’expérimentation régionale». Partisans de l’Europe des
régions, ils entendent transformer la Bretagne en zone franche, leur permettant
d’utiliser dumping social et fiscal pour faire face à leurs concurrents
brésiliens, allemands, polonais… Dans ce cadre, ils s’insurgent contre
l’écotaxe… FO Finistère réagit : «nous
ne voulons pas d’une régionalisation du droit social et des conventions
collectives».
Début octobre est connu le
rapport confidentiel demandé aux préfets : il note la montée de
l’exaspération des Français, leur sentiment d’abandon et le «choc psychologique dû au matraquage fiscal
des foyers jusque là non imposables». En Bretagne, les licenciements se
succèdent. Chez Gad (poulets), c’est près de 900 emplois supprimés. Le 25 octobre,
après 3 semaines de mobilisation contre la fermeture d’un abattoir,
l’occupation de l’aéroport de Brest, le blocage du pont de Rennes, le blocage
d’autres abattoirs où la surcharge de travail a nécessité l’embauche en
catimini de Roumains sous-payés, ils obtiennent 400€ de prime de licenciement
par année d’ancienneté et le paiement des jours de grève. Mais rien sur la
possibilité de la reprise du site de Lampaul, encore moins sur sa dépollution. Le 14 octobre, les licenciés
s’unissent, ceux de Gad, ceux de Tilly-Sabco (poulets) de Marine-Harvest (saumon)….
car toute la filière agro-alimentaire est touchée. Ils manifestent à Brest, à
Morlaix…. Les confédérations syndicales semblent ( ?) aux abonnés absents.
700 salariés de Marine-Harvest appellent à la coordination des luttes. Ils
s’adressent au Maire de Carhaix (8000 habitants), «l’homme» qui a empêché la
fermeture de la maternité et de la chirurgie de l’hôpital de cette ville. Le 18 octobre, ce sont 600 travailleurs
de Doux, Gad, Tilly-Sabco qui lancent un appel à la «levée en masse» pour «vivre,
décider et travailler au pays». Cet appel est relayé par le NPA, les
Alternatifs, l’UDB (Union Démocratique Bretonne), ATTAC, les Zadistes de
l’aéroport Ayrault et même par le Front de Gauche. L’initiative échappe aux
états-majors des partis et des syndicats, pire, elle prend un caractère
antigouvernemental qui les effraie. Un appel est lancé pour une grande
manifestation à Quimper contre les licenciements.
Le 26 octobre, la FDSEA lance
ses opérations contre les portiques de l’écotaxe. Plus de 1 000 personnes
y participent avec plusieurs centaines de camions, de tracteurs remplis de
pneus, de choux-fleurs, d’œufs, de bottes de paille. L’UMP soutient. Des heurts
violents se produisent avec les CRS. La FDSEA, forte de ces relatifs succès,
appelle à manifester à Quimper avec les licenciés. La direction de la CGT s’en
saisit pour s’y opposer et appelle à manifester à Carhaix. La division
va-t-elle s’installer, faut-il manifester avec les agriculteurs et les
patrons ?
Le 28 octobre, la Fédération du
PS «souhaite l’annulation (interdiction ?) de la manifestation à Quimper
et « l’ajournement de l’écotaxe ».
Le 30 octobre, réunion des
états-majors syndicaux CGT, FSU, Solidaires pour l’organisation de la manif à
Carhaix. PC et PG favorables. SUD propose de participer aux deux manifs, à 10h
à Carhaix et à 15h à Quimper. Refus catégorique.
Les deux manifs du 2 novembre.
Quimper. Carhaix.
A Quimper, 30 000
salariés, précaires, chômeurs, jeunes, retraités, artisans, paysans, ceux de Marine-Harvest,
Gad, Doux, Tilly-Sabco, la CGT Marine-Harvest, des syndicalistes. Toute la
gauche bretonne et toute la gauche radicale sont là (NPA, Alternatifs, Breizh
Résistance, UDB) et même des antilibéraux, des Zadistes, des Front de Gauche et
aussi, des Verts. C’est la plus grande
manif, qui plus est dynamique, qu’ait connue Quimper avec pour thématiques :
«Pour l’emploi, vivre et travailler en
Bretagne», «contre le productivisme
et contre le gouvernement Hollande-Ayrault». Les patrons sont discrets, les
Identitaires esseulés. Les chants entonnés comme les prises de paroles sont
significatifs : Bella Ciao, la blanche hermine, la rage du peuple de Keny
Arkana, puis, après quelques échauffourées avec les CRS, les propos tenus par
les délégués FO de Doux, de Marine-Harvest, de la CGT des pêcheurs, de SBFM
(Société bretonne de Fonderie et Mécanique), ne laissent pas place au doute.
C’est une manifestation d’unité populaire, même si l’on peut noter quelques
ambiguïtés.
A Carhaix, à 75 kms de là,
toute la bureaucratie syndicale et politique mobilise 10 000 personnes
dont ceux d’Ile et Vilaine, de Loire Atlantique, des Côtes d’Armor. Le défilé
un peu tristounet affirme qu’il faut faire pression sur les députés (PS ?)
car se battre contre le gouvernement c’est renforcer la droite (air
connu !), d’ailleurs, à Quimper, c’est une manif patronale…
Tentative de reprise en mains,
divisions et récupération électoraliste.
Les évènements qui
suivent, largement relayés par les médias, font état des mobilisations contre
les portiques, initiées par la FNSEA et les patrons routiers bretons.
L’occupation de la sous-préfecture de Quimper pendant 12 heures et le blocus de
l’aéroport de Brest sont pratiquement ignorés. Les directions confédérales, toutes
unies - CGT, CFDT ( !), CFTC, CGC, FSU, Solidaires - veulent rattraper la
colère pour mieux l’étouffer. Objectif : 30 000 manifestants dans
toute la Bretagne et dans 4 endroits différents, le 23 novembre. FO se
désolidarise et appelle à un grand meeting… parisien ( !) le 29 janvier
2014 ( !). Pour les autres, il s’agit «d’appuyer
le pacte d’avenir pour la Bretagne» proclamé par le gouvernement, même s’il
est «jugé insuffisant». De fait,
l’opération consiste surtout à casser la mobilisation prévue, cette fois à
Carhaix, le 30 novembre. La division est en marche. Mais le 23 novembre, le succès n’est guère au rendez-vous : les 4
manifs départementales ne mobilisent, au mieux, que 10 000 personnes,
essentiellement des militants des confédérations : 3 à 4 000 à
Rennes, 3 000 à Morlaix, 1 500 à Lorient, 600 à Saint Brieuc. Ce sont
des déambulations sans envergure malgré le
main dans la main de Le Berger (CFDT) et Le Paon (CGT)…
Mais, à Carhaix, le 30 novembre, ils sont
encore 30 000, dans une ambiance festive, à réclamer la fin du dumping social, l’arrêt
des licenciements et la suppression de l’écotaxe. Mais le mal est fait.
Le Medef Finistère
s’est retiré, «satisfait de la suspension
de l’écotaxe», préoccupé de discuter du pacte d’avenir et des subventions
publiques attendues. Même si la CGT des marins du grand-ouest bien esseulée
après le retrait de FO-Doux témoigne que les salariés licenciés ne sont pas
absents de cette manifestation festive, dans ces conditions l’on comprend que
les députés PS du Finistère se réjouissent : «la mobilisation commence à faiblir», nous allons «retrouver une
dynamique plus vertueuse». Quant au NPA, il s’obstine, malgré les
difficultés, à constituer un «pôle
ouvrier pour l’emploi».
Et l’épisode va se
clore le 1er décembre, momentanément ( ?), par la manifestation
antifiscale parisienne, initiée par Mélenchon contre la hausse de la TVA et
pour la suppression du crédit d’impôt aux entreprises. 20 000 à
30 000 ( ?), mais certainement ni 7 000, ni 100 000
personnes défileront pour des raisons de promotion électoraliste. La
«révolution citoyenne» semble bien appelée à se noyer dans les urnes.
Malgré toutes ces
manœuvres, les racines de la mobilisation bretonne ne sont pas prêtes de
pourrir. L’accalmie pourrait bien être de courte durée.
En Bretagne, un système
agro-industriel en fin de course. Une région en crise.
C’est en fait la
fin des subventions européennes à l’exportation, et surtout la concurrence des
pays à bas salaires, comme le Brésil ou la Pologne, ou de ceux qui recourent,
comme l’Allemagne ou le Danemark, aux travailleurs détachés des pays de
l’Europe centrale qui viennent percuter un modèle productiviste tourné vers
l’exportation. Même la pratique du lobby porcin qui, en 2012, a exporté
750 000 bêtes vivantes pour les faire abattre et découper dans les pays à
bas salaires, quitte à assurer leur conditionnement en Bretagne, ne peut plus
guère faire face à la concurrence. Cette croissance de la production bas de
gamme qui recoure à l’élevage intensif et au transport routier des porcs et des
volailles congelés (ces dernières sont surtout exportées au Moyen Orient) est
obsolète. Non seulement, il est source d’une pollution prolifique (taux de
nitrates dans l’eau, algues vertes sur les plages) mais, même les «dégraissages compétitifs» ne suffiront
plus à lui redonner vie. Certes, la
famille Doux reste la 144ème fortune de France après avoir bénéficié
d’un milliard de subventions en 15 ans. Certes, Tilly-Sabco a encore engrangé 2
millions d’euros et Marine-Harvest 113 millions
rien qu’au 1er trimestre 2013, mais tout porte à croire que
leurs capitaux vont s’investir dans des climats plus cléments…
Dans cette région,
jusqu’ici moins touchée par la crise (9% de chômage), l’on a dénombré
6 000 suppressions d’emplois en 2012 dont la perte d’un tiers des
effectifs de PSA Rennes et déjà plus de 800 plans de licenciements sur l’année
2013. Toutes les classes sociales sont touchées, brutalement, salariés
licenciés, agriculteurs endettés dont les revenus s’effondrent, petits
commerçants, artisans y compris les transporteurs régionaux. On assiste à un
délitement du tissu social dans une région bastion du PS où l’immigration est
pratiquement absente et où le FN était (jusque là) inexistant. C’est dire que
l’interprétation de ces manifestations d’ampleur en termes d’autonomisme breton
est absurde (cf encart A Carhaix le 30
novembre, l’ambiguïté populaire), tout comme les invectives mélenchonistes
contre «les esclaves qui (à Quimper) manifestent pour les droits de leurs
maîtres». Quant aux propos de la CFDT qui s’en prennent aux patrons, ils
sont «hallucinants » alors même que cette direction confédérale vient de
signer l’ANI (Accord National Interprofessionnel)(2) consistant à rendre le
«travail plus flexible» en facilitant les licenciements, les pertes de salaires
et d’avantages sociaux. Ces organisations, dites de gauche, pourraient bien
payer leurs insultes au prix fort… même si elles consentent à dire qu’elles
comprennent cette colère «poujadiste» ( ?). Certes, l’ère des tables
rondes, consultations et discussions autour d’un pacte d’avenir peau de chagrin
risque de calmer la colère mais jusqu’à quand ? Car les pilules amères à
ingurgiter sont légion et ne concernent pas que la Bretagne.
Contre-révolution fiscale.
Endettement. Compétitivité et ponctions fiscales.
Le Hollandisme :
un régime qui dispose d’une base électorale populaire pour tenter de satisfaire
à la fois les grandes entreprises françaises en difficultés face à la
concurrence mondiale, tout en rassurant les créanciers de l’Etat sur ses capacités
à rembourser les dettes de l’Etat. Pour ce faire, il doit abuser de la croyance
populaire sur ses bonnes dispositions de gauche, tout en rognant a minima sur
les privilèges des nantis.
Tout d’abord, en
mettant le moins possible en cause la diminution des impôts consentis aux
classes privilégiées. La tranche des plus hauts revenus taxés à 65% en 1986, baissés à 40% sont augmentés à 45%. Le
taux de l’impôt sur les sociétés fixés théoriquement à 33% après avoir connu
multiples baisses, pas question d’y toucher, ni même aux multiples dérogations
qui permettent en moyenne aux entreprises du CAC 40 d’être taxées à 8% voire
pas du tout, alors que les PME versent 28%. Toute cette contre-révolution
fiscale a été chiffrée par le Conseil des prélèvements obligatoires :
perte de recettes de 150 milliards d’euros. Quant aux niches fiscales, elles
représentaient 150 milliards pour l’année 2010. Pas question non plus de
revenir, et encore moins d’abroger le gel du barème de l’impôt sur le revenu
(par rapport à l’inflation), instauré par Sarko-Fillon. Le changement dans la
continuité doit prévaloir. Ainsi, nombre de ménages sont devenus imposables et
d’autres (des couches moyennes salariées) ont payé plus. Au total, pour 2013,
c’est une ponction de 3,4 milliards pour 16 millions de foyers fiscaux sur 36.4
millions.
Faut-il évoquer les
fraudes aux cotisations patronales pour travail dissimulé (16 milliards), les
80 milliards qui auraient pu être perçus mais se dissimulent dans les paradis
fiscaux… car il n’est aucunement question de taxer les 140 filiales, pour ne
prendre que cet exemple, de LVMH de Bernard Arnault, ce PdG français qui
voulait être belge et dont la fortune personnelle se monte à 24.3 milliards
d’euros. Non ! «Compétitivité» oblige, on ne touche pas à ce grisbi, on en
rajoute en ponctionnant le populo, en comptant sur son image de gauche moderne
pour qu’il ne crie pas : Assez !
La mission confiée par
la classe dominante française et bruxelloise à Hollande et ses pairs consiste à
parvenir à résorber les quelques 1 800 milliards de dettes de l’Etat, accumulés
suite à la contre-révolution fiscale, à la crise et au renflouement des
banquiers qui, désormais, se portent on ne peut mieux, même s’ils restent
frileux pour prêter. Cette deuxième droite se doit, dans le même mouvement, de
prendre des dispositions pour assurer la flexibilité et la compétitivité
suffisantes aux entreprises françaises. Et ce sera l’accord sur l’ANI et les
crédits d’impôt de 20 milliards consentis aux entreprises afin qu’elles soient
plus vigoureuses face à la concurrence mondiale. Les caisses sont vides, qu’à cela ne tienne,
les consommateurs paieront et l’augmentation de la TVA au 1er
janvier 2014 n’a pas d’autre objet (les
taux passent de 19.6% à 20% et de 7 à 10%). Bien qu’il y ait eu le passage
d’ici 2020 à 41 ans et 3 trimestres travaillés pour bénéficier d’une retraite à
taux plein dont peu bénéficieront, cela ne suffit pas à résorber la dette
sociale. Déjà la Commission Européenne relève que «l’effort» n’est pas
suffisant, qu’il faut passer à 42, voire 43 années de cotisation, augmenter la
CSG. Attentifs à ces remarques sourcilleuses, Ayrault et sa «bande de godillots »,
bien que réticents, ont voté les prélèvements sociaux sur les plans d’épargne logement
et l’épargne salariale et ont porté leur
taux à 15.5%. Rien n’est laissé au hasard, ainsi la baisse du quotient familial
qui va toucher 883 000 foyers fiscaux. Ils verront leurs impôts augmenter
de 555 euros … en moyenne. Et pépère Hollande que l’on dit «mollasson» et «sans
conviction» (3) s’est engagé à réduire les dépenses publiques de 60 milliards
sur 4 ans, soit 15 milliards par an jusqu’à la fin du quinquennat. Le mollasson
n’y va pas avec le dos de la petite cuillère ! Les services publics vont
trinquer, tout comme les collectivités territoriales. La nouvelle appellation
de la RGPP sarkozyste, rebaptisée MAP (Modernisation de l’action publique) s’est
érodée à gratter jusqu’à l’os, paraît-il. Paraît que l’on peut encore rogner en réduisant les dotations aux collectivités
locales et en instaurant un malus pour celles qui seraient en sureffectifs…
Face à
l’endettement massif de l’Etat, à la nécessité de conquérir de nouveaux marchés
sur les concurrents en période de surproduction (dans la novlangue parlez de surcapacité), il n’est pas d’autre
logique à l’ère néolibérale que de servir au mieux les créanciers, actionnaires
et autres rentiers du capital en attendant le retour hypothétique de la
croissance… à la japonaise, soit la stagnation voire la récession. Dans ce
cycle qui se poursuit, les requins sont appelés à grossir et le peuple à subir.
La révolte bretonne, un
prélude ?
L’hécatombe a
commencé sur l’ensemble du territoire. Sur les 12 derniers mois, 44 000
entreprises, essentiellement des PME, sont, après dépôt de bilan, en
liquidation, 62 431 en procédure de sauvegarde. Il paraît que c’est un
record historique ! Quant à la précarité des salariés, elle a des allures
d’emballement : en 2003, il y avait 1.8 million de salariés en CDD, ils
sont désormais 3.7 millions, dont 1 million possède ( !) un CDD de moins d’un
mois. Au 1er trimestre 2013, selon les comptes de l’URSSAF, 86% des
recrutements en entreprises sont des CDD.
Faut-il encore
s’étonner de la révolte bretonne et du «ras-le-bol fiscal» ? Ce
gouvernement et son Président qui joue les matamores guerriers, savent qu’ils
scient la branche sur laquelle ils sont assis. Leur politique ne s’attaque plus
seulement aux salariés, chômeurs, précaires, mais également à la petite
bourgeoisie et aux classes moyennes, dont DKS disait que c’était le fonds de
commerce du PS. Ils comptent sur leurs relais pour agiter, selon les saisons, les
spectres des étrangers, de la droite qui serait pire (on nous a déjà fait le
coup !), voire plus sûrement de l’extrême droite fascisante. Divisions,
diversions : n’y aurait-il pas encore un nouveau mariage pour tous pour ressouder
le peuple de gauche ? Il y a mieux désormais, les boucs émissaires
populistes, tous confondus dans la même réprobation, même si, au bout du compte,
cette deuxième droite, pour faire mieux que l’ancienne, compte sur une
désaffection par voie d’abstention massive. Ne peut-on pas gouverner avec 50%,
voire moins, de votants ?
Au fur et à mesure
que la crise économique se transforme en crise sociale, la lente décomposition-recomposition
difficile du paysage politique va se poursuivre, le défi réside dans la
capacité des classes ouvrières et populaires à conquérir leur autonomie pour
faire surgir une unité populaire dont on a peut-être entrevu les prémisses en
Bretagne.
Gérard Deneux, le
9.12.2013
(1)
En référence au film de Chris Marker «Le fond de l’air est rouge» sur les
années 1968-1974
(2)
Cf article «L’ANI
au goût amer» paru dans ACC n° 242 – mars 2013
(3)
Chantal Delson, philosophe, dans une tribune du Monde du 23 novembre 2013
Encart
A Carhaix, le 30 novembre, l’ambiguïté populaire
C’était la fête
populaire, les artistes se sont succédé devant plus de 30 000 personnes,
il y avait des «marins, des ouvriers, des
paysans», des précaires, jeunes pour la plupart, mais aussi des patrons et
des représentants de la FDSEA. Tous étaient plus ou moins venus en famille. Tous
bonnets rouges… pour la solidarité… bretonne. Troadec, le Maire de Carhaix, maintenait
l’ambiguïté, lui, le leader du mouvement
Bretagne et Progrès. Il s’agit pour les patrons bretonnants, au-delà des chants
chaleureux, de refroidir la colère populaire tout en quémandant de nouvelles
subventions et subsides.
Face à cette
hégémonie sur le mouvement social breton qui tend à s’instaurer, des collectifs
pour l’emploi contre les patrons licencieurs tentent de faire entendre leurs
voix. Gageons qu’ils ne seront pas présents aux tables rondes discutant du
pacte d’avenir de la Bretagne. A moins que dans la rue…
Encart
L’écotaxe. Une arnaque néolibérale
Présentée comme une
taxe écologique censée assurer la transition énergétique, cette taxe Borloo,
votée à l’unanimité par la droite, le PS et les Verts, est en fait un cadeau
supplémentaire au capital financier. Elle n’entend pas favoriser le ferroutage,
mais la réfection des routes départementales, ce qui explique que nombre de
conseils généraux s’en sont dits preneurs.
Elle concerne
600 000 véhicules français et 200 000 étrangers de plus de 3.5 tonnes
qui circulent sur des routes non payantes. En sont en effet exclues les autoroutes
et les routes nationales entre la France et l’Italie, ainsi que la Corse
(abattement de 50% pour la Bretagne). Elle favorise ainsi le transport à grande
distance sur autoroutes, donc l’agrobusiness, les géants de la logistique et de
la grande distribution. En revanche, elle pénalise le transport de proximité et
les petites exploitations agricoles.
Ce sont de nouveaux
fermiers généraux qui, grassement payés, la recouvrent et installent des
portiques (les nouveaux octrois !). La perception de la taxe est
privatisée sous forme d’une convention dite de «partenariat public privé).
L’Etat a en effet confié à un groupe financier privé italien, Autostrade, cette
mission, lequel a engagé 30 millions pour un projet évalué à 800 millions.
L’emprunt de 770 millions consenti par des banques à 7% (excusez du peu) assure
ainsi une rente confortable aux banquiers. L’Etat s’est par ailleurs engagé à
reverser 20% de la recette à
Autostrade, soit sur 1.2 milliard, 280 millions, soit, nous dit-on, 20 millions par mois et ce, pendant 13 ans….
et, en cas de non mise en œuvre de l’écotaxe, la bagatelle de 800 millions
d’indemnités. Quant aux portiques détruits… le coût reste à ajuster comme celui
de sa suspension… provisoire. N’en rajoutez pas !!!
Et les âmes bien
intentionnées nous disent qu’il ne faudrait pas remettre en cause cette
arnaque… ou pour faire bonne figure,
s’en tenir à une renégociation... difficile !