Hollande-Valls :
la politique de l’offre au patronat
Le
pacte dit de responsabilité consiste à offrir au patronat une
réduction des cotisations patronales de 41 milliards d’euros. Il
s’agit en fait d’un transfert de ressources publiques qui
n’alimenteront plus les recettes de la sécurité sociale, compensé
par une réduction des dépenses publiques de 50 milliards. Autrement
dit, la politique budgétaire d’austérité allège le patronat de
ces « charges » sociales et espère réduire, à terme,
le déficit public et la dette de l’Etat par une relance de la
croissance et de l’embauche.
Elle
est fondée sur la croyance ou l’espoir d’un prétendu civisme du
patronat. D’ailleurs, Hollande et Valls l’exhortent à devenir
vertueux, les cadeaux devant entraîner au moins quelques
contreparties en termes d’embauches et de réduction du chômage.
C’est là, bien évidemment, une ineptie et un aveuglement
grotesque. Ils rejoignent l’idée ou plutôt l’illusion que le
patronat serait disposé à relancer l’investissement et
l’accroissement de la production au vu de cette manne financière
alimentant leur trésorerie afin de produire à meilleur coût :
soit en partant à la reconquête du marché hexagonal, voire
reconquérant des parts de marché à l’extérieur, soit en
produisant moins cher, le coût du travail ayant été réduit pour
ce faire, et dans le même mouvement, en embauchant !
Ce
cercle de logique formelle est une aberration réelle et ce, pour
plusieurs raisons. Elles tiennent pour l’essentiel à la
méconnaissance apparente du caractère du capitalisme financiarisé
et à sa crise. L’homme qui prétend être « l’ennemi de la
finance » semble aveugle à sa réalité prédatrice.
En
effet, les dividendes des actionnaires ont augmenté en un an de
30.3% en
France,
pays européen le
plus prodigue pour les rentiers du capital.
Quant à l’investissement productif, il régresse : 0.8% au 2e
trimestre, 2.4% sur les quatre derniers trimestres. Qui peut ignorer
que les PDG, placés à la tête des entreprises par les
actionnaires, gavés de stock-options et autres prébendes, ne sont
responsables que devant leurs actionnaires qui ne leur demandent
qu’une chose : dégager des profits à court terme pour les
redistribuer sous forme de dividendes. Comment peut-on croire qu’ils
vont mordre la main qui les nourrit ? Cette cohérence
prédatrice du capitalisme financiarisé n’admet d’ailleurs
aucune faille parmi les entreprises du CAC 40. Les seuls risques sont
les fusions-acquisitions-concentrations que font peser sur elles
leurs concurrents internationaux. Pour y résister et pour garder
leurs actionnaires volatiles, demeure l’adage suivant : les
« dégraissages » et les licenciements d’aujourd’hui,
accompagnés d’externalisations et délocalisations de la
production, sont les profits de demain et les dividendes
d’après-demain. Le patriotisme économique est pour elles une
valeur archaïque à l’ère de la mondialisation, n’en déplaise
au débarqué Montebourg !
Quant
aux
banques privées,
largement internationalisées, disposant de filiales dans les paradis
fiscaux, elles estiment, à juste titre de leur point de vue, que les
taux rémunérateurs de leurs placements sur les marchés financiers
sont bien plus juteux que les prêts risqués qu’elles pourraient
accorder aux entreprises privées, tout particulièrement aux PME en
manque de liquidités. Et ce n’est même pas la baisse du loyer de
l’argent de la BCE, ramené à 0.5% par Mario Draghi, qui peut
facilement les faire changer d’avis, ni même l’offre alléchante
de 400 milliards à leur disposition à taux presque nul et à long
terme. En effet, les bancocrates ne manquent pas de liquidités, ils
demeurent surtout inquiets et frileux. Si les 255 banques européennes
n’ont souscrit qu’à peine 85 milliards, c’est qu’elles sont
essentiellement préoccupées par l’importance des créances
pourries qu’elles détiennent ou, pour le dire à la manière de la
novlangue euphémisée, elles ne sont pas sûres de la qualité de
leurs actifs. Elles doutent par conséquent de leur capacité à
résister à une nouvelle crise financière…
Pour
l’heure, la stagnation de la machine économique, l’absence de
« croissance » du capital productif, la préférence pour
la rente, renvoient à ce que les économistes libéraux appellent
pudiquement « surcapacité », « excès de l’offre »
et « insuffisance de la demande ». Soit, en d’autres
termes, la
surproduction capitaliste,
cause réelle de sa crise et de sa manifestation sous la forme de
crack financier. Cette surproduction (relative face aux besoins
réels) ne peut bien évidemment être résorbée par les 5 millions
de chômeurs, les rémunérations peau de chagrin des précaires, le
blocage des salaires et des pensions, ni la perte de revenus suscitée
par la réduction des dépenses publiques (de santé, d’éducation)
et le coût exorbitant des loyers.
On
s’achemine donc vers la récession qu’aggravent les politiques
d’austérité. Le débat sur l’inflation insuffisante reflète la
peur de la baisse des prix qui s’articulerait avec la baisse
drastique de la consommation et une mévente générale comme lors de
la crise de 1929-1930.
Conscient
de ces risques, Junker le nouveau président de la Commission
Européenne, prétend lancer un grand plan de relance de
l’investissement de 300 milliards d’euros. Pour Merkel et
l’Allemagne en général, il ne s’agit pas de grands travaux
publics assurés par les Etats comme le fit Roosevelt. Pas question
que les Etats endettés s’endettent encore plus ; ce sont les
entreprises privées qui doivent assumer. On a vu plus haut ce qu’il
en est ! Pour Hollande, ne resterait que la voie espagnole ou
portugaise, la diminution des salaires et l’augmentation des taux
d’exploitation des travailleurs. Ne vante-t-on pas la croissance
retrouvée de ces pays dont les salaires ont baissé de 20 à 25%
sans pour autant que le taux de chômage en soit diminué ?
Certes, à produire moins cher, ces pays trouvent des acquéreurs sur
le marché européen. Et Gattaz est logique lorsqu’il demande que,
toutes affaires cessantes, on en finisse avec les 35 heures, que l’on
réduise les jours fériés, que l’on travaille le dimanche et que
l’on supprime le SMIC.
Bref,
l’on n’a pas fini de parler des offres à consentir au patronat…
GD,
le 19.09.2014