Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 16 octobre 2014

Hollande-Valls : la politique de l’offre au patronat

Le pacte dit de responsabilité consiste à offrir au patronat une réduction des cotisations patronales de 41 milliards d’euros. Il s’agit en fait d’un transfert de ressources publiques qui n’alimenteront plus les recettes de la sécurité sociale, compensé par une réduction des dépenses publiques de 50 milliards. Autrement dit, la politique budgétaire d’austérité allège le patronat de ces « charges » sociales et espère réduire, à terme, le déficit public et la dette de l’Etat par une relance de la croissance et de l’embauche.

Elle est fondée sur la croyance ou l’espoir d’un prétendu civisme du patronat. D’ailleurs, Hollande et Valls l’exhortent à devenir vertueux, les cadeaux devant entraîner au moins quelques contreparties en termes d’embauches et de réduction du chômage. C’est là, bien évidemment, une ineptie et un aveuglement grotesque. Ils rejoignent l’idée ou plutôt l’illusion que le patronat serait disposé à relancer l’investissement et l’accroissement de la production au vu de cette manne financière alimentant leur trésorerie afin de produire à meilleur coût : soit en partant à la reconquête du marché hexagonal, voire reconquérant des parts de marché à l’extérieur, soit en produisant moins cher, le coût du travail ayant été réduit pour ce faire, et dans le même mouvement, en embauchant !

Ce cercle de logique formelle est une aberration réelle et ce, pour plusieurs raisons. Elles tiennent pour l’essentiel à la méconnaissance apparente du caractère du capitalisme financiarisé et à sa crise. L’homme qui prétend être « l’ennemi de la finance » semble aveugle à sa réalité prédatrice.

En effet, les dividendes des actionnaires ont augmenté en un an de 30.3% en France, pays européen le plus prodigue pour les rentiers du capital. Quant à l’investissement productif, il régresse : 0.8% au 2e trimestre, 2.4% sur les quatre derniers trimestres. Qui peut ignorer que les PDG, placés à la tête des entreprises par les actionnaires, gavés de stock-options et autres prébendes, ne sont responsables que devant leurs actionnaires qui ne leur demandent qu’une chose : dégager des profits à court terme pour les redistribuer sous forme de dividendes. Comment peut-on croire qu’ils vont mordre la main qui les nourrit ? Cette cohérence prédatrice du capitalisme financiarisé n’admet d’ailleurs aucune faille parmi les entreprises du CAC 40. Les seuls risques sont les fusions-acquisitions-concentrations que font peser sur elles leurs concurrents internationaux. Pour y résister et pour garder leurs actionnaires volatiles, demeure l’adage suivant : les « dégraissages » et les licenciements d’aujourd’hui, accompagnés d’externalisations et délocalisations de la production, sont les profits de demain et les dividendes d’après-demain. Le patriotisme économique est pour elles une valeur archaïque à l’ère de la mondialisation, n’en déplaise au débarqué Montebourg !

Quant aux banques privées, largement internationalisées, disposant de filiales dans les paradis fiscaux, elles estiment, à juste titre de leur point de vue, que les taux rémunérateurs de leurs placements sur les marchés financiers sont bien plus juteux que les prêts risqués qu’elles pourraient accorder aux entreprises privées, tout particulièrement aux PME en manque de liquidités. Et ce n’est même pas la baisse du loyer de l’argent de la BCE, ramené à 0.5% par Mario Draghi, qui peut facilement les faire changer d’avis, ni même l’offre alléchante de 400 milliards à leur disposition à taux presque nul et à long terme. En effet, les bancocrates ne manquent pas de liquidités, ils demeurent surtout inquiets et frileux. Si les 255 banques européennes n’ont souscrit qu’à peine 85 milliards, c’est qu’elles sont essentiellement préoccupées par l’importance des créances pourries qu’elles détiennent ou, pour le dire à la manière de la novlangue euphémisée, elles ne sont pas sûres de la qualité de leurs actifs. Elles doutent par conséquent de leur capacité à résister à une nouvelle crise financière…

Pour l’heure, la stagnation de la machine économique, l’absence de « croissance » du capital productif, la préférence pour la rente, renvoient à ce que les économistes libéraux appellent pudiquement « surcapacité », « excès de l’offre » et « insuffisance de la demande ». Soit, en d’autres termes, la surproduction capitaliste, cause réelle de sa crise et de sa manifestation sous la forme de crack financier. Cette surproduction (relative face aux besoins réels) ne peut bien évidemment être résorbée par les 5 millions de chômeurs, les rémunérations peau de chagrin des précaires, le blocage des salaires et des pensions, ni la perte de revenus suscitée par la réduction des dépenses publiques (de santé, d’éducation) et le coût exorbitant des loyers.

On s’achemine donc vers la récession qu’aggravent les politiques d’austérité. Le débat sur l’inflation insuffisante reflète la peur de la baisse des prix qui s’articulerait avec la baisse drastique de la consommation et une mévente générale comme lors de la crise de 1929-1930.

Conscient de ces risques, Junker le nouveau président de la Commission Européenne, prétend lancer un grand plan de relance de l’investissement de 300 milliards d’euros. Pour Merkel et l’Allemagne en général, il ne s’agit pas de grands travaux publics assurés par les Etats comme le fit Roosevelt. Pas question que les Etats endettés s’endettent encore plus ; ce sont les entreprises privées qui doivent assumer. On a vu plus haut ce qu’il en est ! Pour Hollande, ne resterait que la voie espagnole ou portugaise, la diminution des salaires et l’augmentation des taux d’exploitation des travailleurs. Ne vante-t-on pas la croissance retrouvée de ces pays dont les salaires ont baissé de 20 à 25% sans pour autant que le taux de chômage en soit diminué ? Certes, à produire moins cher, ces pays trouvent des acquéreurs sur le marché européen. Et Gattaz est logique lorsqu’il demande que, toutes affaires cessantes, on en finisse avec les 35 heures, que l’on réduise les jours fériés, que l’on travaille le dimanche et que l’on supprime le SMIC.

Bref, l’on n’a pas fini de parler des offres à consentir au patronat…


GD, le 19.09.2014