Pour l'Emancipation Sociale n° 12 est paru
Au sommaire :
l'éditorial (ci-dessous)
"Pourquoi les abstentionnistes constituent-ils le premier parti de France ?"
et les articles suivants :
- Israël, un pays uni dans la colonisation mais miné par ses divisions
- Politiques d'immigration et Droits de l'Homme
- A la racine de l'accroissement des flux migratoires
- Travaillons tous(tes) - moins - autrement !
- Historique en résumé du temps de travail et de sa réduction graduelle
- rubrique "Ils, elles luttent"
- rubrique "Nous avons lu"
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Pourquoi les abstentionnistes constituent-ils le
premier parti de France
Malgré les exhortations et les
anathèmes proférés par Valls, malgré le ton d’espérance bonhomme de Hollande,
promettant pour après-demain « la
France qui gagne » comme celle de la « baisse de la montée du chômage », près de 50% des inscrits ne
se sont pas déplacés pour aller voter. La dramatisation du scrutin agitant la
peur du FN et, pour la Droite, reprenant à son compte la xénophobie pour
siphonner les voix d’extrême-droite, cette mobilisation n’a guère effrité le
« parti » des abstentionnistes. Certes, l’abstention n’est pas un
signe de prise de conscience, ne porte que l’ambiguïté d’un rejet partagé, mais
significatif : à Lille Sud, ils étaient 70%, à Roubaix 63%, idem et même
plus en Seine-St-Denis. L’enquête journalistique de Florence Aubenas, rapporte
des propos révélateurs : « ça
sent la guerre », « le
système est en train de s’effondrer », « nous, le peuple on reste tout seul, prêt à se manger les uns les
autres », « comment faire
quand on est d’accord avec rien » de ce qu’ils nous proposent. Il y a,
écrit-elle du « désarroi »,
les gens sont aussi « perdus que
fâchés ».
Reste que le FN sortira renforcé de ce
scrutin départemental. Il va s’acharner à séduire, à « corrompre », comme
annoncé par Maréchal Le Pen, les élus UMP tentés de rejoindre le parti
xénophobe, national et social. On ne peut ignorer, en effet, ces appels certes
démagogiques à la « justice sociale »
et fiscale, à « soutenir les parents
isolés », à restaurer le « niveau
des retraites » et ses condamnations de l’oligarchie européenne. Tout
cela fait sens vis-à-vis des politiques austéritaires. Les admonestations
républicanistes semblent sans effet pour enrayer l’implantation territoriale du
FN.
Au-delà de la désespérance, des
rancoeurs d’un électorat populaire désabusé, c’est l’absence d’une alternative
d’espérance sociale qui s’affiche. L’ambiguïté du Front de Gauche, où les
alliances avec le parti solférinien perdurent, y est pour beaucoup. Plus
fondamentalement, après les défaites successives des mouvements sociaux, c’est
la volonté de lutter qui semble s’amenuiser. Et pourtant, c’est dans ces
espaces non délégataires que peuvent s’affirmer la prise de conscience et le
recul du FN, qui montrerait à ces occasions son caractère antipopulaire. De
même pour les partis dits gouvernementaux. La crise politique qui s’approfondit,
à mesure de la mise en œuvre des politiques austéritaires dictées par l’Union
Européenne, relayées nationalement, peut en effet prendre deux voies
divergentes, celle du nationalisme prétendument social à la FN, celle de
l’émancipation sociale contre la caste oligarchique au service des multinationales
et des bancocrates. Dans cette conjoncture, entre chien et loup, comme le
notait Machiavel : « le
meilleur rempart des tyrans, c’est l’inertie des peuples », cette
tendance mortifère à déléguer ou à s’abstenir. Reste, après des décennies
d’illusions entretenues, que s’engager, s’organiser, aiguiser son esprit
critique, se détacher des démagogues prétendant « lutter contre la
finance » requièrent un effort à la mesure des enjeux. Car ce dont a besoin
le mouvement ouvrier et populaire ce sont des « cadres » militants
issus de ses rangs et du ralliement d’intellectuels acquis à sa cause. Encore
faut-il, pour qu’ils surgissent, un contexte favorable de luttes déterminées.
Nous verrons ce qu’il en sera le 9 avril prochain de l’appel à la grève
interprofessionnelle et aux manifestations, lancé par les syndicats GCT, FO,
FSU et Solidaires ! Ce ne sera certainement pas encore l’avènement d’un
événement fondateur... mais il peut y contribuer.