AIR France KLM. Malfaisante dérégulation et saine
colère !
La
colère, plus que justifiée des personnels de la compagnie nationale Air
France-KLM, qui a explosé le 5 octobre, est toujours là. Elle est la réponse à
la violence exercée par les dirigeants, en connivence avec l’Etat français,
actionnaire à hauteur de 16%). Le PdG d’Air France annonçait le 5 octobre un
résultat d’exploitation très positif, « supérieur à 123 millions d’euros », et la nécessité de
poursuivre « les efforts »,
en sortant 14 avions Long Courrier de la flotte, en fermant 5 lignes (surtout
vers l’Est), en réduisant les fréquences sur les Longs Courriers… Il déclarait
que cette baisse d’activités allait générer du sureffectif : 1 700
salariés pour le Personnel au Sol (PAN), 900 PNC (contact, hôtesse de l’air,
steward) et 300 pilotes ! Annonce d’un nouveau plan Perform 2020, de suppression de 2900 emplois, s’ajoutant aux
8 000 supprimés précédemment dans les plans comme Transform 2015. Ce que révèle l’explosion sociale ce sont les
conséquences du modèle économique européen et du choix politique de dérégulation et d’ouverture à la
concurrence totale du marché des transports. Benjamin Coriat (comité
d’animation des Economistes atterrés) l’explique dans un article récent, Air France : derrière la crise, le
pactole d’Aéroport de Paris, dont
nous reprenons des extraits.
« Air
France est pris en tenaille entre les compagnies Low cost (Easy jet et Ryanair
pour l’essentiel) qui saturent les lignes européennes, et les compagnies du
Golfe pour les longs courriers. Dans les deux cas les dés sont pipés. Car les
conditions de concurrence « saines et non faussées » ne sont
nullement établies. Nombre de Low cost
jouent avec les limites du droit social... Le champion du contournement est
sans doute Ryanair, spécialisée dans
le recrutement des pilotes « autoentrepreneurs » sur lesquels elle ne
paie pas de « charges ». De plus, elle est devenue experte dans la
collecte de subventions et fonds régionaux, en posant ces versements comme
conditions pour implanter ses dessertes… quelquefois en toute illégalité… Elle
a d’ailleurs été condamnée à une amende de 10 millions par la commission
européenne, toujours non recouvrés… Quant à Easy
Jet, les montages financiers lui permettent… de ne pas payer de TVA et
« d’optimiser » l’impôt sur les sociétés…
Les
compagnies du Golfe, quant à elles, « sont assises sur la rente pétrolière
étatique de leurs pays d’origine, elles peuvent se permette » (encore) « des
investissements de long terme », modèle, pour l’heure qu’elles sont seules
à l’utiliser (déréglementation des transports en Europe oblige) qui fait des
ravages sur les parts de marché des concurrents… ».
Par
ailleurs, les compagnies du Golfe ont vu s’ajouter au soutien de leurs Etats, le
concours de … l’Etat français ! En effet, « pour favoriser la vente
du Rafale (produit d’une compagnie 100%
privée…), l’Etat français n’a rien trouvé de mieux à faire que de lever le
moratoire qu’il avait prononcé sur la cession de lignes aux compagnies du Golfe… »
Il annonçait triomphalement la vente des premiers Rafales de Dassault et, sans
le claironner cédait deux lignes supplémentaires aux compagnies du Golfe… « Les
salariés d’Air France ont bien malgré eux, contribué à la vente des Rafales, en
payant sur leurs salaires présents et futurs, la cession de parts de marché à
des compagnies rivales et concurrentes directes d’Air France ».
Enfin,
l’on assiste, de la part de l’Etat, à « un arbitrage systématiquement favorable
à Aéroport de Paris (ADP) contre Air
France… Le « contrat économique de régulation » autorise ADP à
prélever chaque année une taxe élevée sur les billets d’avion… De même, ADP est autorisée à prélever pour
son bénéfice exclusif une taxe sur l’installation et les ventes des boutiques
de l’aéroport quand la quasi-totalité des clients y sont acheminés par les transporteurs,
dont le principal pour ADP est Air France… « Il se susurre que l’Etat
actionnaire d’ADP à hauteur de 40% veille à ses dividendes ! Par contrat,
ADP est tenu de verser 60% de ses revenus aux actionnaires »… « Mais,
surtout, tout se met en place pour privatiser ADP après Toulouse et Nice. Il
faut donc doter la future mariée. Et tant pis si la dote est largement payée
par le transporteur Air France… qui demande à ses salariés de remplir la corbeille
de la mariée… alors même que ceux-ci estiment avoir largement contribué à la
restauration des équilibres puisqu’un retour aux bénéfices est annoncé pour cette
année et que la dette du groupe a été abaissée d’un milliard d’euros ».
C’est
donc bien le modèle économique qu’il faut remettre en cause en soutenant la
lutte des salariés d’Air France. Les patrons d’air France-KLM ont compté sur la
division des personnels, mais ça ne marche pas ! Les salariés, toutes catégories confondues, sont prêts à poursuivre
leur mouvement, malgré les intimidations. CGT, FO et SUD aérien ont lancé
un appel commun à la grève jusqu’au 6 novembre exigeant l’abandon des sanctions
contre 18 salariés « pris par hasard et condamnés par avance » et
menacent d’un conflit sans précédent » si la direction venait à licencier
les salariés visés. OM
Quand Berger singe Sarko
La
collaboration de classe permet d’être choyé. En récompense pour services
rendus…, Alexandre de Juniac, PdG d’Air France, a eu le bon goût d’offrir au leader de la CFDT, le sieur Berger, un
voyage en Nouvelle-Calédonie. Non pas en classe économique à 2 800€
aller-retour, avec le tout-venant. Un homme bien en cour se doit d’être
transporté avec la dignité qu’impose son rang, voyons ! Le tout s’est
conclu lors d’une table ronde de « dialogue social » sur le thème
« Peut-on réformer la France ? ». Et donc, le Berger des moutons
de panurge bénéficiera d’une première classe « CAC 40 » à 12 000
euros, dotée, excusez du peu, d’un salon réservé et d’un gigantesque
fauteuil-lit. Selon la pub de la compagnie, les riches voyageurs dans son cas
connaîtront en outre « une
expérience gastronomique inoubliable »… à faire vomir les cédétistes
de base qui, à Air France, tentent de négocier la réduction des 2 900
suppressions d’emplois programmées… On pourrait susurrer à ce félon de rencontrer Bolloré pour qu’il lui octroie, comme à
Sarko, une croisière sur son superbe yacht… Pa sûr que les salariés apprécient
ces faveurs ! GD le 5.11.2015