De la misère (des contrats aidés) en milieu
non-marchand
Ce texte n’épuise
pas la problématique des dérives dont ces contrats de travail sont l’objet.
C’est un simple témoignage, lancé
à l’adresse de leurs défenseurs et
une invitation à penser hors les réflexes pavloviens de la gauche radicale, à
partir d’éléments documentés (alsaciens pour partie) et des sources crédibles.
Il s’agit surtout de rappeler, y
compris de manière polémique, que le dispositif des contrats aidés constitue
une solution douteuse parmi les normes sociales et juridiques de rigueur en
matière salariale, singulièrement dans le contexte associatif et institutionnel
où ces contrats pullulent dans un climat d’impunité sans pareil. Et que,
partant, il n’y a rien de moins normal que de
les favoriser ou les maintenir pour ce qu’ils sont (on pense notamment au
dispositif CUI-CAE(1). Quand bien même s’agirait-il d’invoquer
de fallacieux prétextes.
A la récente
annonce d’une réduction sensible du budget alloué aux contrats aidés lors du
second semestre 2017, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, provoqua
l’incompréhension, voire la colère, de nombreuses structures tributaires de
cette forme dérogatoire de contrat de travail. Pourtant, ce feu roulant
protestataire dissimule quelques omissions qu’il convient de rappeler
obligeamment aux oreilles de ces pétitionnaires démunis. En commençant par
souligner combien, de longue date, le secteur parapublic et associatif use, et
abuse, de toute la panoplie offerte par ces dispositions salariales déséquilibrées,
et à temps souvent incomplet.
Fort
heureusement, nos plaignants disposent d’un kit de plaidoirie prêt à servir,
dont voici à peu près la trame : « Ces
contrats aidés agissent comme un tremplin vers l’emploi, par les effets conjugués
de l’activité professionnelle, de l’accompagnement
et de la formation. De fait, ces contrats aidés sont destinés aux plus fragilisé-e-s
par le chômage de masse : personnes privées d’emploi
sans qualification, jeunes des quartiers, personnes âgées et handicapées».
Face à un
ramage un peu trop beau pour ne pas plumer spontanément les bonnes âmes
progressistes, il est temps d’examiner ce
dont on parle, par-delà les cris d’orfraie misérabilistes.
Aide-toi
toi-même !
Elément
central de la politique de l’emploi et du traitement social du chômage de
masse, l’Etat, au travers de Pôle-Emploi
(prescripteur dans 80 % des cas), régale depuis belle lurette les employeurs du
secteur non-marchand de ce genre de dispositifs. Plus de 30 ans déjà que les
acronymes TUC, CES, CEC, CAE, CUI-CUI et autres noms floraux surgissent au
firmament du précariat low-cost ambulant. Et ce n’est pas prêt de changer, tant
le recours à ces contrats indirectement subventionnés par l’Etat constituerait,
selon les économistes, une sorte d’amortisseur social
de circonstance (effet « contracyclique »
dans leur langage), en cas de hausse significative du niveau de chômage. Le
sous-emploi aurait donc ses raisons que la déraison admettrait.
Pour preuve,
une partie de la presse de «gauche» emboîte alors le pas de nos «sous-employeurs»
privés et publics, et s’émeut du coup de canif envisagé par le
gouvernement Macron à leur sujet. Et d’évoquer tour à
tour le rôle «socialement utile» desdits contrats,
le «coup dur pour les associations », « l’effet de lutte à court terme
contre le chômage » ou, plus hardi encore : «
l’effet sur la liste d’attente
des chômeurs ». Le soldat-chômeur, avançant péniblement
dans la file d’attente de l’armée de réserve des sans-turbin saura donc se
consoler. Car le contrat-aidé viendra à lui, aussi sûrement que le nuage de
sauterelle viendra ensemencer son avenir.
Pleureuses
enfarinées
Le niveau
local n’échappe pas plus au concert de protestation de nos employeurs-aidés.
Tonnant comme un chœur de l’Armée rouge sous tranquillisant, il aura toutefois
titillé les portugaises du journal L’Alsace, dont le numéro du 29 août 2017 leur
ouvre largement le prétoire.
Du social, du social, et encore du social,
voilà notre grand œuvre ! S’époumonent-ils, avant d’enchaîner
avec le lamento des tartuffes. Une vocalise alsacienne pour travailleurs
sociaux contrariés.
Mais alors,
que sont les estomacs de nos étudiants devenus ? S’enquiert le peuple
subalterne. Des contrats-aidés servent en effet le potage au resto-u du foyer
de l’étudiant catholique de Strasbourg. Son directeur, Etienne Troestler,
reconnaît la nécessité de «faire évoluer
le dispositif », mais pas «dans
la précipitation et sans concertation» s’étrangle-t-il, avant d’avaler
son calice de travers. Une association d’étudiants en médecine
strasbourgeoise, quant à elle, ne pourra plus «faire tourner
sa cafétéria», prévient-on. Elle employait sept
contrats-aidés, sans doute en guise de prophylaxie. Qui donc pour aller servir
le redbull à ces messieurs-dames les futurs notables ?
A Mulhouse aussi,
des soldats du contrat-aidé pointent le bout du mousqueton. Toujours relayé
par L’Alsace, Jean-Luc Wertenschlag,
directeur de « Old School »-« Radio MNE », annonce salarier 13 personnes...
dont 9 en contrats aidés. «C’est
une vocation sociale qui risque de disparaître », prévient-il.
Le patron sera-t-il encore audible sans sa cohorte d’aspirants
sociaux ? Mystère et bande FM. Quant à l’APA, une association d’aide à la
personne qui fait figure d’institution en
Alsace, elle indique employer 43 contrats-aidés. Un record d’emplois
aidés... chargés d’aider ! Tandis que l’EPHAD
de l’Arc à Mulhouse emploie un
animateur... et 19 contrats aidés... chargés de compléter l’animation ! Un
ratio optimisé de travailleurs très animés.
Traiter
le mal par le mal
Par-delà les
persiflages inspirés par les situations apparemment ubuesques engendrées par
l’inflation de ces contrats (même si, tendanciellement, il y a un peu moins de
contrats signés que lors des années 2000), voire les petits arrangements avec
la vérité quant aux activités ou missions réellement effectuées par les bénéficiaires,
la rigueur et le sérieux des employeurs devraient prévaloir en la circonstance.
Chacun sait que derrière ces chiffres, pourcentages ou acronymes, il y a la vie
de personnes en désarroi et en graves difficultés économiques. Celles-là mêmes
qui, souvent, se persuadent volontiers du bien-fondé de tels dispositifs dont
elles disent profiter. « Un contrat aidé, c’est sans doute
mieux que rien, cela permet de se sentir utile, de reprendre confiance, c’est
une opportunité pour espérer rebondir professionnellement », se
promettent-elles.
Pourtant,
cette occasion de rebond ne cesse de s’écraser contre le mur du réel, car les
faits sont obstinément têtus. Et l’argumentaire
de nos employeurs prétendant « faire dans le
social », c’est-à-dire
agir dans l’intérêt exclusif des personnes en recherche durable d’emploi,
ce à quoi est voué en principe le contrat aidé, ne résiste pas longtemps à l’examen.
Des
chiffres qui grincent
Les chiffres
fournis par la DARES (direction de l’animation de la recherche, des études et
des statistiques du Ministère du Travail) dans l’un de ses derniers rapports
sur ces contrats, sont, à ce titre, extrêmement éclairants.
Il est ici
important de distinguer entre les «contrats d’avenir», les contrats de
chantiers d’insertion (ACI), des contrats CUI-CAE («contrats d’accompagnement
dans l’emploi», les plus massivement utilisés dans les administrations et les
associations). De multiples études (dont celles de la DARES) montrent en effet
que l’accompagnement social et l’accès à la
formation sont, en règle générale, qualitatifs s’agissant des
deux premiers, a contrario de celui que nous examinons particulièrement ici, le
CUI-CAE.
Le tableau
figurant ci-dessus (source DARES) formalise un aperçu de la situation des
personnes en contrat aidé (CUI-CAE) six mois après la cessation de leur
activité :
Ces données
documentent essentiellement 2 choses. La première est que 51 % des personnes
ayant contracté un CUI-CAE du secteur non-marchand (autrement dit un contrat
aidé dans une association, une collectivité locale ou une administration) sont
au chômage 6 mois après avoir cessé leur activité sous cette forme. Par
ailleurs, il indique que 41 % parmi elles ont renouvelé un contrat de ce type,
ou au mieux un CDD. En ne prenant en compte que les CDI et les CDD de plus de
six mois, ce taux était respectivement de 26,7% dans le secteur non-marchand et
54,8% dans le secteur marchand, en 2009.
L’analyse de
ces premiers éléments permet de conclure assez sûrement que le contrat aidé est
un dispositif qui génère à la fois de la précarité (de par sa nature de CDD)
mais qu’il constitue, symétriquement, une forme achevée de précarité salariale
circulaire, d’où il est extrêmement difficile de s’extirper.
Constituant donc une sorte d’enfermement ou de cloisonnement social, presque à
l’égal d’un RSA.
Un second
tableau nous permet d’étayer ce sentiment:
Il illustre la
situation des personnes à 30 mois de la sortie du dispositif. On y apprend que
23 % des personnes issues de l’un de ces contrats y sont revenues, mais cette
fois dans le cadre d’un contrat aidé du secteur marchand (sur lequel il
faudrait se pencher dans un tout autre article, mais qui semblerait donner des
résultats légèrement supérieurs, cela pour diverses raisons). D’autre part, 31
% des personnes issues d’un contrat aidé travaillent désormais dans le cadre d’un
CDI non aidé. Moins d’un tiers des bénéficiaires qui
renouent enfin avec un véritable emploi, ce n’est certes pas
insignifiant, mais cela demeure modeste. D’autant que la seconde colonne
transcrit 2 chiffres bien plus stupéfiants. Le premier, «
-5 », indique que le bénéficiaire d’un
contrat aidé a 5 points de chance en moins d’être en «emploi
non aidé» que s’il s’était dispensé d’y
souscrire, et 8 points de chance en moins d’être en «CDI
non aidé» que s’il n’avait
jamais accepté de contrat aidé ! Autrement dit, le bénéficiaire d’un emploi aidé
subit, outre la précarité et la circularité de sa condition, des situations de
discrimination de fait à l’embauche !
Des
employeurs désolidarisés !
Mais l’étude
la DARES documente également le caractère opportuniste du dispositif aux yeux
des employeurs. Dans le secteur non-marchand, celui qui nous intéresse, près de
70 % des bénéficiaires d’un contrat aidé quittent l’institution
ou l’association, aux termes de l’aide
financière que percevait l’employeur pour
financer le poste de travail. Avec un record, encore un, dans l’Education
Nationale, avec près de 80 % d’exclus aux termes de l’aide financière !
A contrario,
plus de 80 % des bénéficiaires d’un contrat aidé demeurent dans des entreprises
du secteur marchand. Ce qui semble illustrer que la fin des incitations financières
est compensée par la productivité nouvelle et le développement du chiffre
d’affaires dégagé par la présence de ces salariés.
(Dé)formation
d’Etat
Au cœur du
dispositif des contrats aidés, sont censément actives les «
actions de formation », préalable indispensable à toute réinsertion
durable dans l’emploi, et dont la mise en pratique est une obligation légale. Pourtant,
près de 60 % des contrats ne respectaient pas ce volet de la convention signée
entre l’employeur et Pôle-emploi en 2011. Si
tous les employeurs sont responsables de cet état de fait, l’Education
Nationale, matrice institutionnelle de formation de la jeunesse française, n’est
pas même fichue de former ses propres contrats aidés ! Cela tombe à point nommé,
car l’Etat, qui a toujours fermé les yeux sur
ces négligences particulièrement coupables, a décidé de concentrer les
principaux moyens dévolus au financement des contrats aidés en 2017... vers l’Education
Nationale !
Qu’en
conclure, sinon que l’Etat, via le gouvernement Macron aujourd’hui,
continue de s’asseoir sur ses propres obligations,
et de creuser inlassablement le sillon de misère et de précarité salariale
circulaire que nous évoquions plus haut.
Un
détournement cynique
Outre le déni
de droit à la formation, le second élément à considérer est, de fait, le
cynisme bien ordinaire d’une fraction non négligeable des employeurs
associatifs ou institutionnels.
En 2011, via
l’un de ses communiqués intitulé «Les salariés en contrats aidés : des
salariés à part entière», la CGT dénonçait
déjà le juteux bénéfice que tirent les structures d’accueil,
de ce qu’elles ne sont pas tenues de comptabiliser leurs contrats aidés dans
les effectifs de l’entreprise. Moralité : pas d’accession
aux œuvres sociales et aux institutions
représentatives du personnel en leur sein, notamment. A l’occasion
d’un différend avec des employeurs privés
et publics, le tribunal d’instance de Marseille rappelait alors que : « les
travailleurs en contrats aidés doivent être des salariés à part entière».
Cela,
alors que les accusations de la CGT se faisaient très précises : « Ils [les
contrats aidés] sont censés permettre à des travailleurs en grande difficulté
d’insertion sociale de retrouver un emploi pérenne. Or, les études de la Dares
montrent un détournement de la finalité de ces contrats : les salariés qui en bénéficient
sont de plus en plus qualifiés et de moins en moins chômeurs de longue durée ou
bénéficiaires de minima sociaux».
En effet,
selon les derniers chiffres de l’institut, plus de 25 % des bénéficiaires d’un
contrat aidé employés par des associations sont diplômés de l’enseignement
supérieur. Plus de 58 %, si l’on y ajoute
les titulaires du baccalauréat !
Le détournement
du dispositif est manifeste, et le mot n’est pas trop fort. Les exemples sont légions
et internet regorge de témoignages à ce sujet. Notamment sur l’excellent
site : Le travail concrètement, on vaut
mieux que ça.
Mais le site
internet de Pôle-emploi ne démérite pas moins en la matière. La CGT rappelait d’ailleurs
récemment à son sujet que près de 50 % des annonces publiées sur celui-ci étaient
illégales ou bidons ! Aucune vérification n’étant réalisée par l’institution
quant à la nature et aux spécifications des postes proposés par les
employeurs, on y trouvera aisément toutes sortes d’annonces illustrant l’illégalité
patente des employeurs publics ou associatifs à l’égard
du dispositif CUI-CAE. Des postes d’enseignants
dans des écoles privées du premier degré, ou d’éducateurs de
jeunes enfants. Des postes équivalent à ceux de travailleurs sociaux, voire de
fonctionnaires... Tous ces exemples (non exhaustifs !) de professions qualifiées
et réglementées, supposent l’obtention de diplômes d’Etat
ou la réussite à des concours de la fonction publique. Ils sont néanmoins
proposés impunément... sous la forme de contrats aidés !
Des
temps très modernes
Comment
peut-on profiter cyniquement de tant de salariés, a fortiori de l’énergie et de
la créativité de la jeunesse universitaire, en lui assurant misère économique
et désillusions, au prétexte de la continuation d’un projet
associatif, quel qu’il soit, ou afin d’assurer
l’ordinaire d’une
administration en sous-effectif ?
Je fus moi-même
l’un de ces rouages que l’on
tord à satiété. L’Education Nationale, encore elle,
m’engagea en tant qu’« assistant de formation » en contrat aidé, chargé de
recenser les besoins de formation d’hommes incarcérés.
En réalité, dans cette maison d’arrêt, je fis
office d’enseignant. J’apprenais
le français aux étrangers en attente de jugement, et servais de professeur de
langue auprès des détenus. Trop compliqué et trop cher de créer un poste de
fonctionnaire, on appuiera donc sur le bouton « contrat aidé ».
Facile, et très bon marché. Je n’effectue pas
la prestation de travail qui figure dans mon contrat, et on ne me forme évidemment
à rien. Et si je souhaite bénéficier des vacances scolaires, ce sera 26 heures
de présence par semaine au lieu des 20 heures prévues au contrat. Rémunération :
578 euros nets. Prud’hommes et Cour d’Appel ont heureusement sifflé la fin de
la récrée pour le mammouth grimé en baudruche administrative.
Alors que plus
de la moitié des candidats tenus de s’engager par défaut dans ces contrats sont
bacheliers ou issus du supérieur, que la seconde moitié aurait besoin de se
voir proposer un parcours de formation structurant et diplômant, que dit le
rapport de la DARES sur la qualité du travail opéré par ces salariés ? Si 9
candidats sur 10 déclarent avoir « appris des
choses » au cours de leur passage en CUI-CAE,
ils sont 77 % à avoir effectué des tâches répétitives tout au long de la journée,
81 % pour l’Education Nationale, et 91 % dès lors
que l’employeur est issu du secteur
sanitaire et social...
Antonomase
ta mère !
En vérité,
l’essentiel à considérer est que dans notre pays, l’étiquette
socio-professionnelle peut être tout simplement infamante. Nous ne semblons être
que ce qu’un statut nous confère, ou ce dont il
nous prive. Diplômé ou sans formation, de quoi alors le « contrat-aidé »,
ce nom commun mué depuis en nom propre, est-il le prête-nom ? Du salarié qui n’est
porté que par le type juridique avec lequel il se confond ? Et dont la compétence,
le savoir-faire ou le métier sont indistincts, malléables ? Du handicapé
social, dont on profite au gré des circonstances économiques ? Un polymorphe
interchangeable, qui servirait à rafistoler les morceaux de société qui
sombrent aussi prestement que le Titanic, et dont il devrait, lui, jouer le
marin sauvé des eaux ?
Par-delà
l’inertie aveugle de l’administration, qui ne reflète que la lâcheté des
gouvernants, ce qui transparaît surtout dans ce débat est le court-termisme
dont se rendent coupables certaines structures associatives. Réclamer des
fonds, des subventions, créer de l’emploi qualifié et décemment rémunéré, est
devenu chose aléatoire, harassante, et presque chimérique, tant cela suppose d’énergie
et de temps consacré, dans un contexte de restrictions budgétaires croissantes.
Devant ce labeur inepte, les structures qui emploient ces travailleurs précaires
pratiquent de fait l’exploitation par omission, au prétexte que des besoins non
pourvus existent. Elles en oublient cependant que se compromettre socialement
pour survivre, alors que l’on incarne une forme d’engagement désintéressé, et
un modèle de développement alternatif, constitue une négation du projet qu’elles
animent. La condition sociale de leur développement ne peut dépendre de l’emploi
de sous-employés jetables, mais de la force de leur noyau bénévole, et avant
tout de leur rayonnement militant. L’humilité de cette approche supposerait à
tout le moins d’admettre qu’il
n’existe aucune organisation qui soit
indispensable en soi, dès lors qu’elle délaisse
l’idéal et la promesse dont elle est porteuse. Et la nécessité de survivre pour
survivre ne justifie rien, sinon que la forme associative est moribonde, et le
projet exsangue. La fin ne justifiera jamais l’utilisation d’un
volant continu de précaires, a fortiori diplômés et formés !
Capital
et jambe de bois
Avec la fin
progressive du modèle social «à la française», et le démembrement
des solidarités de classe, les dernières décennies ont fait le lit du repli sur
soi, des intolérances ethniques et religieuses. Tout cela a été largement
documenté et établi par les meilleurs analystes.
Au plus fort
de « la crise » dont nous ne sortons jamais que pour y choir, au gré des cycles
du capitalisme zombie, ni vraiment mort, ni tout à fait vivant, le modèle
marchand de surconsommation continue pourtant à cannibaliser nos imaginaires.
Une reptation qui ne connaît plus d’entraves, et
menace désormais d’engloutir nos écosystèmes matriciels,
après avoir déjà siphonné une part considérable de leurs ressources.
La logique économique
capitaliste, fondée sur la rapacité criminelle et la délinquance sociale, doit
céder le pas, de gré ou de force, devant la gravité des enjeux qui surviennent.
Et parmi les
plus impératifs de ces enjeux, figure rien moins que celui de pouvoir survivre à
ce siècle. Cela semble être le défi collectif le plus improbable que l’humanité
ait eu à affronter depuis son apparition.
Mais outre les
fondamentaux de la vie qu’il faudra préserver, ce sont les nouvelles modalités
sociales de ce renouveau éventuel qui doivent émerger au plus tôt. Avec la fin
possible, par épuisement idéologique et anthropologique, du modèle capitaliste,
il s’agira de repenser nos priorités
essentielles.
Repenser la
place du travail « productif », ainsi que sa finalité. Et surtout valoriser
celle de l’activité d’utilité
sociale. Où la seule valeur d’usage, que l’on
voit poindre aujourd’hui par le truchement de l’économie
collaborative, primerait sur toute autre considération marchande ou économique.
C’est dans
cette optique que le monde associatif trouverait naturellement de quoi irriguer
et contribuer positivement à l’émergence d’une
société fondée sur la justice et l’utilité
commune, et non servir de supplétif hypocrite au capitalisme mercenaire.
Se battre pour
faire reconnaître la valeur sociale et économique du bénévolat. Se battre
encore pour garantir l’émancipation du citoyen, par le plein épanouissement
de ses compétences. Se battre enfin pour que le temps libre devienne une
occasion matériellement reconnue de délibérer indéfiniment sur les manières
dont il conviendrait d’agir pour rendre la vie plus... vivable !
Au lieu de
cela, nous voyons des structures qui gèrent l’ordinaire, comme elles servent la
soupe au cadavre auprès de qui elles servent de jambe de bois, et dont elles
voudraient réclamer la pitance, afin de prolonger l’enfer social et économique
qu’elles appellent monde.
Les salariés
jetés aux rebuts du fait des décisions gouvernementales quant à leurs contrats
méritent que l’on se batte pour eux. Ils doivent être réellement «
aidés », et valent plus que les larmes de
crocodile qu’on leur prodigue ces temps derniers.
Sans évoquer
le sort des employeurs publics et institutionnels desquels il n’y a rien à
attendre, sinon une (r)évolution de fond en comble, les associations qui gèrent
le présent de ces salariés précaires devront décider si elles renoncent ou non
à se servir, à travers eux. A défaut de quoi, leurs atermoiements
ressembleraient plutôt à ceux de geôliers qui verraient s’écrouler
avec effroi le mur du monde qu’ils tentent
vainement de maintenir à tout prix.
Le
mot du Ruffin
Avec une
gouaille inimitable et délicieusement provocatrice, François Ruffin, député
apparenté France insoumise, a résumé
au mieux le psychodrame des hérauts
versatiles du contrat aidé après, il est vrai, avoir préalablement traité le
gouvernement de « minable »: « Le gouvernement a, sur ce dossier, commis une
nouvelle maladresse. Il va reculer. Il va se rendre compte que, au fond, ces
contrats aidés répondent plutôt à son idéologie : ils sont payés à un prix
plancher, font baisser les chiffres du chômage, rendent les travailleurs
dociles, et tout ça, pour un coût dérisoire »/
Merci à toi,
patron ! Fernando TEIVES