Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mardi 26 mars 2013


Réforme bancaire, beaucoup de bruit pour presque rien ?

Hollande l’avait promis, il allait protéger les salariés, les petits épargnants qui déposent en banque leurs avoirs et leurs petites économies et donc, séparer les activités dites d’investissement de celles de dépôt. Cela devait mettre un frein à la spéculation puisque, allègrement, les banques se servent de l’argent des déposants à des fins lucratives à leurs dépens.

C’était là aller dans un sens plus radical que les ratios dits de Bâle II et Bâle III, tentant d’imposer aux banques, dans la durée, une réserve en caisse équivalent à 8% de l’ensemble des sommes circulant dans les banques. Et la panique aidant, ce n’était guère rassurant, pour les banques, si tous les «petits clients» retiraient l’ensemble de l’argent leur appartenant ! On n’était plus avant la crise où les banques françaises en 2007 avaient accumulé un gain de 48 milliards d’euros permettant de distribuer des bonus extravagants et autres revenus mirobolants à 9 000 traders et dirigeants français.

Les années fortes évanouies, il fallait aussi entendre la défiance, voire rassurer l’angoisse des déposants.

De la promesse aux discours abscons

A défaut de vouloir socialiser les banques et, au surplus, à prétendre se montrer le bon élève de l’affairiste Union Européenne, Hollande dut en rabattre pour autant qu’il ait sincèrement pensé que la réforme n’était pas une manière d’appâter l’électeur de gauche.

Quand l’heure de l’action fut venue, les socio-libéraux se convainquirent qu’il fallait, par réalisme, faire preuve d’une «extraordinaire indulgence» (1) vis-à-vis du secteur bancaire. D’abord parce que celui-ci était ENORME, près de 4 fois le Produit Intérieur Brut ! Ensuite, parce qu’il était destiné à assurer de la liquidité à l’économie, même s’il ne lui octroyait sous forme de prêts que 10% de leur bilan (2), plus des ¾ relevant des «opérations de marché» lucratives. Liquidités ? Qu’est-ce à dire ? C’est la circulation du capital en quête de rentes, sous forme d’achats et de ventes d’actions. Fallait-il donc protéger les actionnaires propriétaires de parts d’entreprises, vendant leurs parts, en achetant d’autres en fonction de l’anticipation de gains mesurés en rendement actionnarial à deux chiffres ? Nos doctes gouvernants n’employèrent guère ces termes révélateurs. Ils préférèrent recourir à la notion absconse de teneur du marché, bref à défaut d’être con, il fallait comprendre que pour les actionnaires le marché devait bien se tenir afin de leur assurer le gonflement de leurs rentes. Alors, avec toute l’emphase de circonstance, Moscovici et Berger présentèrent leur solution trompe-l’œil : la loi allait imposer la filialisation des banques. 

La réforme ou comment «fouetter les banquiers avec un plumeau» (1)

Par la filialisation, il s’agissait, en apparence de «ranger» les activités spéculatives dans des filiales séparées, les dépôts des épargnants s’en trouvant ainsi sécurisés. Mais pas toutes… loin de là ! Il fallait être raisonnable : les hedge funds qui détiennent 20% des actifs financiers des banques, fallait pas y toucher ! Trop gros pour faire faillite. Or ces «banques de l’ombre» étaient bien celles-là mêmes  d’où était venue la «vérole spéculative» (1). Pour ne prendre qu’un exemple, BNP Paribas avait dû, lors de l’été 2007, fermer trois de ses hedge funds et en subir les pertes. Ainsi, les banques si peu allégées de leurs activités spéculatives devaient-elles encore et toujours disposer de la garantie de l’Etat pour, en cas de faillite, pouvoir les renflouer ? Et bien, oui ! Mais pas encore suffisant !

La holding chapeautant les banques et leurs filiales serait autorisée à intervenir pour sauver leurs filiales si, par quelques déconvenues dramatiques (dire «état de détresse» en langage socialo) elles faisaient faillite. Pour ce cas de figure, dit «hautement improbable», le projet de loi Mosco-Berger se veut rassurant. Cette holding ne pourrait utiliser «ses» fonds qu’à hauteur de 10 à 25% de «ses» actifs financiers, enfin, ceux des déposants. Eh ! 10% des actifs de BNP Paribas, c’est 7.5 milliards d’euros, 25%, 18.75 milliards ! Enorme ! De quoi accélérer la panique et, catastrophe oblige, de faire jouer la garantie de l’Etat ! Qu’à cela ne tienne, puisque les Français n’y verront que du feu ! Telle est la nature de l’entourloupe hollandiste

Quant à ceux, méfiants, qui y verraient anguille sous roche, une affirmation accolée à de la langue de bois saurait faire l’affaire : les transactions seront sécurisées par voie de «collétarisation» ou par «un dépôt de gage d’actifs d’une valeur équivalente». Du brouillard sémantique pour ne pas dire nettement ce qui se pratique déjà, à savoir que si vous ne remboursez pas votre prêt arrivant à échéance, vos biens, meubles et immeubles sont saisis à hauteur de votre créance, augmentée des intérêts de retard ! Il en est de même pour les banques et mêmes les Etats qui, endettés, vendent par privatisation le Bien public !

Les coups de fouet indolores

Filialisation, garantie de l’Etat, sécurisation, collétarisation… Le patron de la Société Générale a fait ses comptes et vendu la mèche : la réforme ne concernera que 1.5 % de ses activités. Quant aux «économistes atterrés» (3), leurs estimations globales font apparaître que les banques ne seront affectées… que sur 0.75 à 2% de leurs activités.

On en conviendra, cette rouerie qui se veut talentueuse n’abusera, en définitive, que les croyants intéressés par la prétendue vertu hollandiste. Et si par mégarde, un crack survenait, les pontifes s’en laveraient les mains. Les textes de notre sacro-sainte République ont tout prévu pour les déresponsabiliser. Deux grands argentiers sont seuls  habilités à nous faire les poches : le gouverneur de la Banque de France et le directeur général du Trésor, seuls, peuvent piocher dans le fonds de garantie des dépôts français pour sauver une banque ou un hedge fund. Et les Ponce Pilate s’en laveront les mains.

Somme toute, les banquiers rassurés peuvent continuer à pérorer. Assis sur le tas d’or des dépôts et de l’argent public dont ils continueront de disposer à leur gré, ils savent que même avec Hollande, même quand ils perdront, ils y gagneront et que tout sera fait pour «amortir leurs gamelles»(1).

Gérard Deneux, le 25 mars 2013

(1)  Les expressions sont de Frédéric Lordon, auteur notamment de «La crise de trop» édition Fayard
(2)  Je renvoie, ici, à mon texte précédent «Crise, quelles crises ? Origine et conséquences»
(3)  Collectif de chercheurs, experts en économie constitué à l’automne 2010 qui a fait paraître notamment le manifeste des économistes atterrés dans lequel ils font une critique des 10 postulats qui inspirent toujours les décisions des pouvoirs publics en Europe, malgré les cinglants démentis apportés par la crise et face auxquels ils ont mis 22 contre-propositions en débat.  www.atteres.org  


Sources pour cet article : Les analyses de Frédéric Lordon, de Michel Husson et autres «économistes atterrés»


Les Amis de l’Emancipation Sociale,  les Amis du Monde Diplomatique  Nord Franche-Comté vous invitent à une conférence-débat sur le thème

Révolution syrienne.
Quelle issue face à la barbarie ?
en présence de Jean Pierre FILIU
 Historien. Auteur de « Le nouveau Moyen-Orient. Les peuples à l’heure de la Révolution syrienne »

  Mardi 9 avril 2013

20h30 à BELFORT Maison du peuple (salle 327) - entrée libre et gratuite


Le 6 mars 2011, une vingtaine d’adolescents sont raflés puis torturés pour avoir écrit sur les murs de Deraa le slogan de la révolution arabe « Le peuple veut renverser le régime ». Deraa entre en ébullition. Au même moment circulent dans la diaspora comme en Syrie des appels à faire du 15 mars le début de « l’intifada de la liberté ». Ce jour-là une centaine de manifestants proteste dans les souks de Damas, et, depuis, les rassemblements et manifestations pacifiques n’ont cessé dans toutes les villes de Syrie. Face à ce « soulèvement démocratique », le régime Assad tue, torture. Mais là où les protestataires tunisiens et égyptiens sont parvenus à renverser leurs despotes, la contestation syrienne se heurte au système des Assad, maîtres dans la manipulation des alliances internationales à leur profit. Qui soutient Assad et pourquoi ? Quels enjeux pour l’avenir du Moyen-Orient ? Venez en débattre.           Contacts : 03 84 30 35 73






Les Amis de l’Emancipation sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Com
vous proposent de découvrir  le film


HOLLANDE, DSK, etc.
Suivi d’un débat en présence du réalisateur
Pierre CARLES
Sur le thème
Connivences entre la politique et les médias

au cinéma le Colisée à MONTBELIARD
Dimanche 7 avril 2013 à 16 h
En co-organisation avec Cinéma et Rien d’autre

et au cinéma Méliès à  LURE  
Dimanche 7 avril 2013 à 20h30
En co-organisation avec la Fédération des Œuvres laïques 70

Pierre Carles s’attache, dans ce nouveau film en matière de critique des médias, à révéler la façon dont les journaux et les télévisions ont littéralement « fabriqué » le futur candidat socialiste à la présidentielle. Pierre Carles, désormais « grillé » chez les journalistes « chiens de garde du pouvoir », envoie ses « disciples » au front, Julien Brygo et Aurore Van Opstal, qui parviennent avec une certaine espièglerie à mettre les grands noms de la presse et de la télé face à leurs connivences honteuses et à leurs contradictions innombrables.                                                                                 Contact : 03 84 30 35 73                                                              




Que se passe-t-il
 à Notre-Dame des Landes ?

Très à l’ouest de Belfort, à la même latitude, en Loire-Atlantique, à 27 kms au nord de Nantes, un projet d’aéroport menace 2 000 hectares de terres agricoles. Projet inutile, coûteux, écologiquement irresponsable, vieux projet dépassé qui renaît de ses cendres avec Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, aujourd’hui Premier Ministre. Mais la résistance s’est organisée, paysans et citoyens engagés occupent le terrain, luttent contre les expropriations, dénoncent les incohérences et sont déterminés à stopper ce projet absurde et destructeur.

Nous vous invitons à une soirée film-débat sur la lutte à Notre-Dame des landes en présence de
Emmanuelle ARAUJO
rédactrice au journal Fakir, elle s’est rendue sur place et viendra nous parler de cette lutte emblématique, après la projection du film
« Au cœur de la lutte, Notre-Dame des Landes » réalisé par l’ACIPA

  Vendredi 5 avril 2013

20h à BELFORT Maison du peuple (salle 327) - entrée libre et gratuite


Les Amis du Monde Diplomatique, les Amis de l’émancipation Sociale, EELV, Sortir du nucléaire nord Franche-Comté, NPA, Comité de soutien à Notre-Dame des Landes (contact : 03 84 30 35 73)




Crise ? Quelles crises ? Origine et conséquences

Le texte qui suit et ses annexes sont la transcription des notes qui ont servi à mes interventions lors de la diffusion du film « Le grand retournement ». Il m’a semblé utile d’en faire profiter celles et ceux qui n’ont pu assister aux débats et d’aiguiser l’esprit critique de tous ceux qui veulent poursuivre la réflexion.

« Le grand retournement » aurait pu s’écrire au pluriel dans la mesure où le film en évoque au moins trois. Le retournement des banquiers vis-à-vis de l’Etat envers lequel ils n’avaient que mépris étant entendu que les marchés s’autoréguleraient par eux-mêmes, assurant une croissance ininterrompue, répudiant toute intervention de l’Etat. Et quand la crise financière fut venue, de se retourner vers l’Etat pour les sauver de la faillite. Ce retournement en appelle un autre sur le plan du discours dominant : lors d’une crise systémique, l’Etat se devait d’intervenir pour empêcher la dégringolade de ceux qui étaient « trop gros pour faire faillite ». L’Etat se devait de s’endetter pour leur sauver la mise et faire payer « leur » crise aux peuples. On sait ce qu’il en est advenu. Les politiques d’austérité, de privatisation des services publics, se sont brusquement accélérées pour rembourser les créanciers de l’Etat. Il n’y aurait pas d’autres alternatives ! La fin du film appelle à l’image ce qui se déroule en Grèce, au Portugal, en Espagne… à un autre retournement, où les peuples, pour le moins, exigent une autre politique. Demeure entière, faute d’explications rationnelles fournies par les médias dominants, la question de l’origine de la crise et de ses conséquences.

Dès la fin des années 70, la parenthèse des 30 Glorieuses s’est refermée

Ce que nous avons vécu, c’est la mutation sauvage de la crise financière en crise des dettes publiques dites souveraines, puis la phase suivante, la crise économique prenant la forme de la stagnation-récession et, pour en sortir, la guerre des monnaies qui s’annonce (baisse du yen japonais, du dollar à l’aide de la planche à billets). En fait, cette crise est née dans l’économie « réelle » et elle y retourne. Elle est née de l’éclatement du modèle keynésien-fordiste qui fut une parenthèse dans l’histoire du capitalisme. Au sortir de la 2ème guerre mondiale, trois grands évènements incitent à sortir du « pur capitalisme »[1] : la crise de 1929/1930, la montée du fascisme et le conflit mondial qui en a résulté, un rapport de forces favorable aux travailleurs. Ajoutons à cela le prestige de l’Union soviétique de l’époque, principal artisan de la victoire contre le nazisme et les vertus supposées de la planification bureaucratique. Le « modèle » qui se met en place, non seulement entend éviter la contagion du communisme en Europe, mais il repose également sur des constats visant à éviter le retour des crises du capitalisme. Pour Keynes, économiste conservateur, il fallait notamment « euthanasier les rentiers du capital », éviter par conséquent la spéculation ; l’Etat se devait donc d’intervenir dans l’économie pour la diriger en favorisant le capital industriel. Ca tombait bien, en Europe, tout était à reconstruire et la guerre elle-même avait contraint les Etats à intervenir massivement dans l’économie. En outre, les Etats-Unis, « profiteurs » du 2ème conflit mondial, disposaient de réserves plus que suffisantes pour impulser la reconstruction (plan Marshall) et contenir ainsi toute velléité des travailleurs de mettre en cause le système.  En outre, le modèle fordiste-tayloriste semblait fournir une solution acceptable. Au prix d’une spécialisation-mécanisation du travail les ouvriers devaient être payés de manière à pouvoir acheter les produits sur le marché. Ce furent surtout les travailleurs immigrés, en France, qui en payèrent le prix sur les chaînes.

Or, ce modèle vint buter à la fin des années 70, non seulement sur le rejet du taylorisme et les luttes d’OS qui le contestaient, mais plus fondamentalement sur la saturation des marchés nationaux et les barrières douanières qui freinaient la conquête de marchés extérieurs. Cette crise de surproduction alimentée par la logique productiviste et la sous consommation des masses dans l’incapacité d’absorber les marchandises produites s’accéléra brusquement avec la hausse brutale du prix du pétrole. Pour tenter de sortir de cette crise économique des décisions politiques furent prises pour restaurer au niveau mondial la baisse du taux de profit qui résultait en partie des luttes ouvrières (1967/1970).

Pour surmonter la crise du fordisme, la mondialisation

Ce qu’on appelle la mondialisation n’est pas tombé du ciel. Elle résulte d’un certain nombre de décisions politiques concourant à modifier profondément le paysage économique et politique. On évoque à dessein, cinq d’entre elles qui, à mon sens, furent déterminantes[2] au niveau européen.

1 – Décision fut prise par le politique d’interdire à l’Etat d’emprunter auprès de sa banque nationale[3] puis au niveau européen auprès de la Banque Centrale Européenne. L’Etat se devait désormais d’emprunter auprès des créanciers privés, soit principalement auprès des banques privées, des assurances et des fonds dits d’investissement, en fait, plus ou moins spéculatifs. En revanche, les banques privées pouvaient emprunter à des taux plus bas auprès de la banque centrale. Ainsi, la rente financière fut favorisée au détriment de l’Etat et, par conséquent, des contribuables. Les banques prétendument indépendantes se mettaient au service des marchés financiers, c’est-à-dire d’elles-mêmes et de leurs acolytes. Cette nouvelle donne s’accompagna de mesures anti-inflationnistes comprimant l’évolution des salaires, afin précisément que l’augmentation de la rente ne fut point compromise. Avec des prêts à 0.75% fournis par la BCE (à 0.5% par la FED états-unienne, à pratiquement 0% au Japon) les banques face à une inflation à 2% se trouvaient toujours gagnantes lors des prêts consentis aux entreprises et aux particuliers. Pour réduire à néant les « risques » pris par le capital financier, l’Etat se porte garant. Il serait fait appel en cas de besoin aux contribuables pour renflouer les banques (faillite du Crédit Lyonnais). Mais l’accumulation exponentielle du capital financier fut surtout provoquée par les facteurs suivants.

2 – La compression de la masse salariale risquant d’aggraver par sous consommation la surproduction, quand bien même elle restaurait le taux de profit, fut compensée par la libéralisation du crédit. L’endettement des ménages en fut la conséquence d’autant que la publicité commerciale connut, dès lors, un essor agressif[4]. Ainsi en 1988, la directive européenne Delors-Lamy autorisait la pleine libéralisation des capitaux, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union Européenne et jusque dans les recoins les plus glauques de la planète, ces paradis fiscaux où l’argent sale et spéculatif pouvait prospérer tout en évitant d’être ponctionné par l’impôt. Les banques y créèrent des filiales comme elles le firent notamment dans les pays émergents. L’économie devint ainsi un casino où les crédits les plus risqués pouvaient circuler et, pour reprendre l’expression de Frédéric Lordon, « la vérole fut propagée sans préservatif ».

L’appel à boursicoter pour récolter des fonds, le recours aux nouvelles technologies de l’information permirent l’accumulation de capitaux circulant à la vitesse de la lumière. Sur les bourses mondiales, le soleil semblait ne jamais devoir se coucher. Avec la « mondialisation heureuse » tous pouvaient devenir actionnaires.

3 – Cette libéralisation des capitaux s’accompagne d’une « libéralisation des échanges » : plus question pour les pays les plus vulnérables de protéger leur propre production de celle des pays dominants plus « compétitifs ». Un processus mondial de baisse des tarifs douaniers fut enclenché. Il fut institué dès les accords de Marrakech (1995) et poursuivi sans relâche quoiqu’avec de plus en plus de difficulté et de réticences par l’Organisation Mondiale des Marchés (l’OMC). A sa tête fut placé Pascal Lamy, cet ex-membre du bureau politique du Parti Socialiste, comme pour rassurer ceux qui y voyaient une entreprise de domination des multinationales occidentales.

4 – Décision politique fut prise dans la même période d’alléger les impôts des plus riches et ceux pesant sur les entreprises. Il s’agissait toujours et encore de favoriser l’accumulation du capital et, par voie de conséquence, la concurrence entre pays. Cette concurrence du moins disant fiscal et social permit aux entreprises de choisir les lieux où les profits étaient assurés d’être le moins ponctionnés. Les pays où les travailleurs avaient acquis formation et discipline d’usine furent encensés tels l’Islande, l’Irlande puis avec l’effondrement du mur de Berlin, certains pays de l’Est. Quant aux super-riches, les impôts dont ils étaient dispensés leur permirent, en toute sûreté, d’acheter des obligations d’Etat. L’Etat s’endettant devint dépendant des rentiers du capital.    

5 – Cette énorme accumulation de capitaux permit la restructuration-expansion-concentration du capital industriel car, en définitive, ce dont il s’agissait, c’était, c’est toujours, d’augmenter le taux d’exploitation global du travail. La rengaine du «coût » du travail exorbitant put être répétée à satiété d’autant que, dans le même temps, dans les pays centraux de la Triade (USA/UE/Japon), les entreprises avec le cash fourni délocalisaient à la périphérie, dans les pays à bas coût de main d’œuvre. Celles qui restaient sur leur site national entonnèrent la chanson de la nécessité de se concentrer sur leur « cœur de métier » et d’externaliser les activités n’y figurant pas. L’externalisation, sous la forme de filialisation ou de recours aux sous-traitants dont on favorisa l’essor, brisa non seulement les usines forteresses où de fortes solidarités s’étaient construites[5] mais surtout entraîna pour une fraction des travailleurs la perte des avantages conférés par les conventions collectives des usines mères. De fait, ces dernières, en donneurs d’ordre, allaient inciter les sous-traitants, en les mettant en concurrence, à compresser les salaires ou à délocaliser pour leur fournir à plus bas prix leurs produits. On assista même, comme à un chant du cygne, à l’utopie de « l’entreprise sans usine » soit la holding financière chapeautant les usines délocalisées ou allégées.

6 – Ce chant ne faisait que traduire la goinfrerie de la finance. La bête droguée aux crédits ne connaissait plus aucune mesure : exigences de dividendes à deux chiffres, bonus, parachutes dorés et stock options, tout semblait possible et semblait l’être avec « l’innovation » financière échevelée, le recours aux traders, au boursicotage tous azimuts et même en se dispensant de l’humain, le trading à haute fréquence (spéculation à l’aide d’ordinateurs programmés pour spéculer à la vitesse de la lumière). 

Les architectes de ces structures suscitant l’émergence de mastodontes bancaires furent donc essentiellement les politiques qui se mirent au service du capital financier, les rentiers en étant les gardiens et les bénéficiaires.

Formation et éclatement de la crise financière

Le modèle néolibéral qui s’est mis en place au cours de ces 30 dernières années provoqua d’une part la formation d’une classe de super-riches de plus en plus cosmopolite et d’autre part des inégalités criantes, l’essor du chômage de masse, accompagnant la désindustrialisation des « vieux » pays capitalistes. La pauvreté réapparut avec son lot de surnuméraires, de sans logis. On retiendra que sous Mitterrand furent « inaugurés » les restos du cœur. Endettés par décision de diminuer les impôts des plus riches, les Etats et les politiciens à leur tête furent bien dépourvus quand la crise fut venue.

Une énorme bulle spéculative s’était formée. L’accumulation de capital fictif engagé mais non réalisé, en attente de ponction sur le travail, anticipant sur la production à venir qui devait s’acheter, continuait de parier sur le dopage aux crédits fournis aux ménages. Et c’est dans le secteur de l’immobilier que la bulle creva. Et pourtant tout avait été fait pour en camoufler le risque.

Certes, le risque semblait peser sur les plus vulnérables, les moins solvables, les banques aux Etats-Unis mais aussi en Espagne et ailleurs, offrant des crédits dits subprime qu’ils ne pouvaient à terme rembourser. Qu’à cela ne tienne. Les banques les expulsaient, s’emparaient de leurs biens mobiliers dont ils ne pouvaient plus payer les traites, et les revendaient. Le boom de la construction aidant, le mythe de « tous propriétaires » répondant aux illusions du bien-être pour tous, favorisant les affaires et la spéculation. Ces produits risqués, qu’on appellera par la suite pourris, furent titrisés, mélangés à d’autres créances. La planète finance s’en gava, tous les rapaces en croquèrent. Quand le marché immobilier s’effondra faute d’acheteurs à plumer, la faillite entraîna tous les secteurs interdépendants. Les banquiers firent d’autant plus appel aux Etats pour les recapitaliser qu’ils n’osaient plus se prêter entre eux tant ils possédaient des crédits pourris. Ce fut ladite crise interbancaire. De plus ils avaient utilisés les dépôts des salariés pour spéculer tous azimuts... Bref, ils n’avaient pas assez de fonds propres pour faire face à la dégringolade. Le FMI a récemment estimé les conséquences financières de la crise de 2007-2008 : 4 000 milliards de pertes bancaires et 50 000 milliards de moins values boursières. Une paille (!), cette fausse anticipation sur des gains à venir qui s’est dissipée…

Ne restait plus aux Etats que de crier à la nécessaire moralisation de la finance, de désigner des boucs émissaires, comme ces traders, ces employés de banque qui spéculaient pour le compte des entreprises et ne touchaient sous forme de bonus qu’environ 20% au plus de ce qu’ils faisaient gagner aux bancocrates. On parla même de contrôler, voire de supprimer, les paradis fiscaux. Mais ce fut pour la galerie car ce qui importait, c’était de recapitaliser les banques tout en permettant aux créanciers et aux banques les plus atteintes de vomir les crédits pourris dont ils voulaient se défaire. Ainsi, pour ne prendre que deux exemples, Dexia fut démantelée. Il en coûta 12 milliards aux contribuables français et belges. Ainsi, les crédits insolvables de l’Etat grec furent rachetés à 50 % de leur valeur par la BCE, mis au chaud en attendant le retour de la croissance et leur réévaluation éventuelle. Comment est-ce possible ? Un exemple éclairant révélé récemment suffit : des oligarques russes achètent des villas sur la Riviera espagnole réputées invendables.

En tout état de cause, sous la pression des banques à les renflouer, les politiques de droite comme de « gauche » furent prompts à sonner le tocsin et à prétendre que nous avions « vécu au-dessus de nos moyens », pour nous faire les poches. Les liquidités coulèrent à flot pour éviter la déroute systémique. Aux USA, l’Etat fédéral injecta 700 milliards de dollars. En France, en catastrophe, ce furent 97 milliards de prêts consentis, défiant toute concurrence, ainsi que 320 milliards d’euros de garantie qui furent apportés généreusement par l’Etat en notre nom sans consultation. Comme les banquiers n’osaient plus faire confiance aux marchés, ils en profitèrent pour spéculer sur les Etats les plus endettés. Après moult atermoiements et autres sommets européens, la BCE intervint en Grèce pour racheter des crédits pourris assurant ainsi aux créanciers que leur oseille ne s’évapore pas. Cette politique appelant les Etats à rembourser coûte que coûte les créanciers fut mise en œuvre sous la férule de la Troïka, ce directoire autocratique composé du FMI, de la BCE et le la commission européenne. Elle eut le soutien inconditionnel de l’orthodoxe Merkel et de tous les politiciens européens aux abois. Elle fut présentée comme une « aide » aux Etats défaillants pour mieux faire passer l’amère potion. FMI et BCE débloquaient des prêts à court terme et à des taux d’intérêt plus acceptables afin de rembourser les créances privées arrivant à terme. Les Etats accusés de manque de rigueur furent encore plus endettés mais qu’importe, en compensation de « l’aide » qui leur était fournie, ils se devaient de mettre en ordre leurs finances afin d’honorer les lourdes créances dont ils étaient lestés.  

Les services publics furent délestés des fonctionnaires, y compris dans les secteurs de la santé et de l’éducation, quand ils ne furent pas privatisés. Les salaires furent amputés. On s’attaqua d’abord au salaire socialisé (retraites, prestations sociales) avant de réduire les salaires nets. Et compétitivité et flexibilité obligent, le droit du travail commença par être lourdement ébréché. Les faux culs de la justice sociale et de la déploration hypocrite des inégalités jurèrent que ces régressions étaient nécessaires pour la croissance de demain, que nous tous devions faire des efforts courageux ! Il n’y a pas d’autre alternative ! Car, en définitive, il s’agit, par « l’austérité » de valider les droits de tirage sur la plus-value auxquels le capital se refuse à renoncer. Autrement dit, et à titre d’illustration, les banques qui ont prêté aux entreprises du bâtiment et aux particuliers n’entendent pas renoncer au retour de leurs créances gonflées des intérêts. Ainsi, en Espagne, l’Etat, malgré une décision de justice européenne, refuse de saisir les banques qui ont accaparé les biens des expulsés de leurs logements (420 000 procédures depuis 2007)  et qui leur réclament des intérêts de retard s’élevant à 18.75%.  Et ce, d’autant plus, qu’elles ont encore en écriture (et non en caisse) 640 milliards d’euros de crédits immobiliers concédés à des particuliers qui n’ont guère les moyens de les rembourser. Lorsqu’on élargit la perspective, l’on s’aperçoit que rien n’est en passe de se régler aisément comme on voudrait nous le faire croire : selon l’OCDE, huit grandes banques européennes sont proches de la faillite dont quatre françaises.


On comprend, dans ces conditions, que les politiques d’austérité doivent redoubler d’acuité… On ne sait si le seuil de tolérance des peuples est réellement dépassé malgré l’importance des manifestations de rejet de la Grèce au Portugal, en passant par l’Espagne et l’Italie. Trois décennies de décervelage et de promotion des marchés malgré leur déconfiture ont fait des ravages. Certes, les politiciens ont perdu de leur superbe tant leur légitimité à diriger est mise en cause. Il en est de même pour les cumulards et autres affairistes mais… la construction d’une force de transformation sociale radicale tarde à venir alors que pointent des mouvements d’extrême droite extrêmement actifs dans toute l’Europe. L’avenir immédiat sera certainement marqué par des crises politiques à répétition.

Gérard Deneux
Le 22 mars 2013   



[1] Expression empruntée au titre du livre de Michel Husson – édition page deux
[2] D’autres facteurs qui mériteraient des développements ne sont pas évoqués ici, ils affectent plus généralement l’économie capitaliste mondiale. On peut citer, entre autres, la dévaluation du dollar en 1985, qui en rétablissant une position de force des USA a fini par mettre à genoux le Japon, et surtout les décisions de déconnecter le dollar de l’or mais aussi l’abandon du contrôle des changes. Toutes ces mesures de dérégulation compétitive ont positionné le dollar flottant comme l’unité de compte mondiale et favorisé la concurrence entre systèmes sociaux différents. Autre facteur générant la crise des pays du Sud endettés : la brusque montée des taux d’intérêt précipitant l’intervention du FMI et de la Banque mondiale et ses politiques d’ajustements structurels.
[3] En France,  sous Valéry Giscard d’Estaing (1978)
[4] Dépense mondiale de publicité en 2012 : 470 milliards de dollars
[5] Lire à ce sujet “Histoire des ouvriers en France au 20ème  siècle » de Xavier Vigna – éd. Perrin. Du même auteur « L’insubordination ouvrière dans les années 68 » éd. Presses universitaires de Rennes  

mercredi 13 mars 2013


LE DROIT DE VIVRE..........AVEC OU SANS EMPLOI


paru dans la page "Rebonds" du quotidien LibéRation de ce jour:


Le droit de vivre, avec ou sans emploi


Pour que les immolations par le feu de chômeurs, comme celle de Djamal Chaar à Nantes, ne se reproduisent jamais plus

Il est temps de repenser le droit de vivre, avec ou sans emploi, d’ouvrir grands les yeux sur la catastrophe humanitaire qui sévit en ce moment même autour de nous, d’écouter la souffrance, le désespoir et les revendications légitimes des innombrables exclus qui n’en peuvent plus.

Djamal Chaar, ce chômeur immolé devant son agence Pôle emploi à Nantes, n’est ni le premier[1], ni le dernier[2]. Djamal s’était vu réclamer un « trop-perçu », soit des allocations de chômage versées par erreur alors qu’il avait retravaillé quelque temps comme intérimaire, cumulant ainsi de maigres allocations et un bout d’emploi précaire. Or, il estimait que ses heures de travail lui ouvrant des droits au chômage n’avaient pas été toutes prises en compte, mais il ne parvenait pas à faire réétudier son dossier par les agents de Pôle emploi, eux-mêmes débordés et soumis à une pression croissante à la rentabilité. 

Pôle emploi procède à plus de 500 000 radiations par an, dont 90 % sont dues à une absence à convocation, la plupart du temps non reçue ou envoyée par Internet à des chômeurs ne disposant pas d’équipement informatique. Combien d’hommes et de femmes, chômeurs ou travailleurs, devront-ils mourir pour que soit enfin entendu le refus de vivre dans l’indignité et dans la négation de leurs droits humains, sociaux et démocratiques ?

Pour que les « fins-de-droits » ne conduisent plus à des fins de vies, exigeons la fin des trop-perçus et des radiations iniques. Exigeons également le respect des principes fondamentaux du droit national et international inscrits dans le  Préambule de la Constitution française et la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, qui reconnaissent à chacun le droit à une activité, un travail ou une formation librement choisis, et le droit à des moyens d’existence convenables. C'est-à-dire la garantie d'un revenu décent pour tous, avec ou sans emploi.

Miguel BENASAYAG, Saïd BOUAMAMA, Paul BOUFFARTIGUE, Noëlle BURGI, Rada IVEKOVIC, Raoul Marc JENNAR, Bernard LANGLOIS, Fabienne MESSICA, Edgar MORIN, Evelyne PERRIN, Josep RAFANEL, Jacques RANCIÈRE, Vicky SKOUMBI, Yannis YOULOUNTAS

[1]  Déjà plusieurs suicides de chômeurs en 2012, notamment à Dieppe et devant la CAF de Mantes-la-Jolie.

[2] Quatre tentatives ont suivi, dont celle d'un autre chômeur à Saint-Ouen le 15 février, gravement brûlé, et un autre à Bois-Colombes le 6 mars 2013

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Sources :
Laurent G <yotogui@free.fr>


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Les derniers rendez-vous, rencontres/débats, films/débats des Amis de l'émancipation Sociale et des Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, nous ont réjouis, non seulement par la qualité des échanges mais aussi par le nombre de participants..

Le 1er  février à Vesoul, 75 participants à la soirée "Voyage en Palestine" avec les jeunes du Centre social et culturel des Résidences Bellevue de Belfort
Le 21 février, à Lure, 70 pour voir "le grand retournement" et débattre sur le thème de la crise avec Gérard Deneux
Le 26 février, à Vesoul, 80 présents pour entendre et débattre avec Vincent Liégey sur "la décroissance"
Le 8 mars, à Montbéliard, 90 pour soutenir "Justice pour Ayoub", en présence de Joachim Gatti et Pierre Douillard, tous trois ont perdu un oeil suite à tir au flash ball de policiers impunis.  

Cela nous encourage et nous conforte dans l'idée qu'il faut poursuivre cette forme de résistance au système de domination actuel qui nous impose ses modes de pensée et "sa" conception du monde.

Notez les prochains rendez-vous et faites-les connaître

Ce 13 mars, à 20h30, au cinéma Majestic à Vesoul et le 14 mars, à 20h15, au cinéma le Colisée à Montbéliard : "le grand retournement"

Le 20 mars, à 19h, au cinéma le Majestic à Vesoul, "La terre promise" un documentaire sur les paysans sans terres au Brésil, en ouverture de la semaine du cinéma latino organisée par les Amis du cinéma de Vesoul

Le 22 mars, à 20h15, au cinéma Méliès à Lure, "La pirogue" suivi d'un débat sur "les politiques d'immigration en France et en Europe " en présence de François Brun - chercheur au CNRS, spécialiste de l'immigration, membre de la revue Migrations société 

Le 5 avril, à Belfort, à la Maison du Peuple à 20h, une soirée débat sur "Notre Dame des Landes, que se passe-t-il ?" en présence de Emmanuelle Araujo - journaliste au Fakir - titulaire d'un doctorat en écologie et militante dans le collectif de soutien au mouvement de NDDL de Amiens

Le 7 avril, à Montbéliard à 16h au cinéma le Colisée et à Lure à 20h30 au cinéma Méliès, le film "Hollande, DSK, etc." suivi d'un débat en présence de son réalisateur Pierre Carles

Le 9 avril, à Belfort, à la maison du Peuple, à 20h30 : "La révolution syrienne. Quelle issue ?" avec Jean-Pierre Filiu - historien - auteur de "Le nouveau Moyen-Orient. Les peuples à l'heure de la Révolution syrienne".    

L'équipe des AES 


Le vent des tempêtes vient du Sud

Il souffle en rafales tourbillonnantes, stupéfiant les amis de Ben Ali et autre Moubarak qui crurent «chevaucher le tigre» en proclamant que les peuples tunisien et égyptien étaient désormais mûrs pour la démocratie occidentale. Puis ils firent grise mine lorsque les Frères musulmans furent portés à la tête de ces pays. Ensuite, s’en accommodant, ils crurent que ces néolibéraux d’un nouveau genre seraient aussi complaisants à leur égard que leurs comparses du Qatar et d’Arabie Saoudite. Ils en profitèrent d’ailleurs pour intervenir militairement en Libye, assurés qu’ainsi les affaires allaient reprendre comme avant.
Aveuglés par leur propre outrecuidance, ils ne pouvaient discerner que ce sirocco dévastateur trouvait sa force dans les déchirures sociales qu’ils avaient eux-mêmes suscitées : chômage, pauvreté et humiliations quotidiennes. La désespérance sociale s’est muée en sursaut de dignité, en manifestations d’indignation puis en révolte contre l’incurie des dirigeants islamistes. Contre la barbarie du régime les Syriens sont devenus des insurgés. Toute cette région est une zone de tempêtes que s’efforcent de contenir les castes dominantes et leurs alliés occidentaux, russes et iraniens.
La tourmente, en bourrasques successives, a ensuite franchi d’autant plus aisément la Méditerranée que les adorateurs des liquidités pour les marchés croient pouvoir, à coups de régressions sociales,  désendetter les Etats. A la faveur de la crise, ils «s’obstinent ces cannibales» à accélérer leurs remèdes délétères : en Grèce d’abord puis dans tous les pays européens. Craquements, fissures dans les appareils d’Etat, des banquiers experts appelés à la rescousse, tels les Mario Draghi et Monti, les socio-libéraux succèdent à la droite libérale et vice-versa. Rien n’y fait. Les bourrasques s’insinuent dans les failles. En Grèce, le rejet des politiciens a fait surgir Syriza et en contre-feu, les nazillons d’Aube dorée. En Espagne, les fractures déglinguent le fédéralisme régional. Au Portugal 1,5 million de manifestants évoquant la révolution des Œillets conspuent Merkel et la Troïka. L’Italie ingouvernable l’est encore plus. Le Royaume Uni sous la férule de Cameron se dégage de l’Europe vacillante. Merkel dominatrice reste inflexible. Hollande, l’austère pépère, s’applique à garder une sérénité de façade.
Ce vent du Sud provoque pour l’heure le chaos. «Le vieux ne veut pas mourir et le neuf peine à naître». Des entrailles des peuples n’émergent pas encore des politiques de transformation sociale radicale. Face aux vents contraires provoquant en Syrie une tourmente dantesque, ou ailleurs un zéphyr plus ou moins apaisant afin que les classes populaires se résignent, les querelles byzantines sont contre productives, l’heure est à la solidarité active. 
Le 11 mars 2013  Gérard Deneux pour l’édito du n° 242 d’ACC

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La course aux richesses


Elle cause inégalité, destruction et appauvrissement
Elle dessine la souffrance du monde
C’est une maladie qui ronge les entrailles de la terre
Et recrache son lot de misères
Elle carbonise nos vies éphémères
Elle calcine la pensée originale
Pour bousculer la morale,
Ce monde n’avance pas sur le bon rail
C’est la zizanie la pagaille
Nous engraissons de gros chacals
Réagissons c’est vital
Dans un esprit global
Redonnons la main à notre terre natale
Celle d’un monde original

Hassen 

Les enjeux de la guerre au Mali

Quitte à revenir sur le processus ayant conduit Hollande et la classe dirigeante française à intervenir militairement au Mali, cet article se propose d’en souligner les raisons profondes occultées par les médias. Elles tiennent essentiellement à la défense des intérêts des grands groupes industriels et financiers nationaux. En effet, au-delà de la réalité tragique des «prises d’otages», du terrorisme instrumentalisé avec plus ou moins d’efficacité par le DRS algérien ou les prêcheurs financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, au-delà de la marginalisation économique et sociale des Touaregs du Nord-Mali, au-delà de la posture de chef de guerre adoptée par Hollande pour la civilisation, les droits de l’Homme et la démocratie, se profilent, derrière le masque des apparences médiatiques, des enjeux réels sonnants et trébuchants.

Si l’impérialisme français n’a pas adopté l’attitude prudente conseillée par Juppé, orfèvre en la matière, c’est qu’il y avait en quelque sorte urgence. Sa déclaration sonnait pourtant comme un avertissement : «Nous n’avons certainement pas les moyens (surtout par temps d’austérité budgétaire) de nous déplacer (militairement) sur un territoire 2 à 3 fois comme la France», d’autant que cette région du Sahel débordant le Mali est grande comme l’Europe. Qui plus est, sur fond de  rivalités inter-impérialistes et régionales, cette région est minée par la misère sociale au sein d’Etats en déliquescence avancée car y prospèrent la corruption, les trafics en tous genres et des petits seigneurs de guerre illuminés, sur fond de marginalisation des populations touaregs.

C’est dans ces circonstances que Hollande, nouveau galonné, s’est lancé dans une aventure militaire périlleuse. La classe dominante lui a dit qu’il en avait les moyens et les appuis. Malgré l’influence de nos rivaux dans cette partie de l’Afrique, il faut poursuivre le retour néocolonial dans cette zone, inauguré par Sarko en Côte d’Ivoire ainsi qu’en janvier 2012 où fut sauvé «notre ami» Bozizé en Centrafrique et sauvegardé son régime corrompu et népotique, installé dix ans plus tôt avec «notre» bénédiction logistique : 600 paras largués sur Bangui n’ont-ils pas stoppé la marche de la rébellion sur cette capitale ? Pour eux, la gestion politico-militaire et affairiste entre la France et le Mali doit être poursuivie tout comme la lutte obsessionnelle contre les flux migratoires. Certes, l’apport de cette diaspora représente pour cette économie étranglée par les politiques néolibérales d’ajustements structurels, plus que l’aide au développement, soit 189 milliards de francs CFA mais le problème n’est pas là ! Par conséquent, la politique de gribouille et de convoitise dans un Mali fantoche et assujetti doit être poursuivie, il en va de la sauvegarde de «nos» bijoux de famille.

Pauvre Mali assis sur un tas d’or

Attali ne s’y est pas trompé. Sur son blog, le 28 mai 2012, il écrivait : «La France doit agir car les gisements d’uranium au Niger ne sont pas loin. (Il faut) mettre en place une coalition du type de celle qui a fonctionné en Afghanistan» (!) et, par conséquent, sous-traiter les premières lignes d’affrontement à la CEDEAO et aux Tchadiens comme nous avons su le faire, en son temps, avec les tirailleurs sénégalais. Et Hollande de lui répondre le 27 août : «Au nord-Mali s’est constituée une entité terroriste… qui lance un défi à nos intérêts… et à notre population (sic)».

Pauvre Mali,  «bénéficiaire» des avantages du colonialisme, pays de 14 millions d’habitants dont 75% sont analphabètes et 92% ne maîtrisent pas le français, langue nationale néocoloniale. Ils vivent dans la misère, à 70% en milieu rural et  n’ont pour seule consolation pour nombre d’entre eux que l’invocation du Dieu de l’Islam que les prêcheurs malakites et wahhabites leur distillent[1]. Leur espérance de vie est de 51 ans ; quant à leur indice de développement, il place leur pays au 175ème rang sur 187.

Et pourtant, ils sont assis sur un tas d’or qui ne leur appartient pas ! Leur pays est en effet le 3ème producteur d’or après l’Afrique du Sud et le Ghana. Outre le bétail, l’arachide et la monoculture «recommandée» par le FMI et la Banque Mondiale qui ont imposé privatisations, fermetures d’entreprises, diminution des maigres prestations sociales, saccagé le réseau d’écoles et de santé publiques, leur sous-sol est riche en fer, terres rares et pétrole. Ces richesses, pour l’essentiel, restent à exploiter à «l’aide» des 6 000 ressortissants français et quelque 1 000 européens qui squattent les postes dirigeants dans les entreprises et les banques. Il reste aux Maliens l’exode rural et l’émigration.

Si le pétrole malien doit bientôt être exploité, d’autres richesses minières sont encore plus prometteuses : au sud-ouest du Mali, à Faléa, la société canadienne Rockgate possède des permis d’exploration sur 1/3 de la surface de cette commune pour y implanter des mines d’uranium, d’argent et de cuivre. Sur les 2/3 restants, c’est à une société sud africaine qu’est confiée l’exploration de l’or et de la bauxite. Les rôles, à en croire l’ambassadeur français du Mali, sont déjà répartis : «le futur exploitant de la mine d’uranium sera AREVA» ; c’est à faire pâlir d’envie Montebourg, lui le ministre dit du redressement productif,  déclarant : «cette filiale a de l’avenir». Quant au paysage dévasté, lunaire, promis aux habitants de Faléa, mieux vaut ne pas en parler…     

Sahel, le grand jeu

L’intervention néocoloniale française ne se réduit pas au Mali. Sur le gâteau sahélien lorgnent les USA, l’Algérie, la Chine qui a ouvert en 2010 la mine d’uranium à Azelit au Nord-Niger ; Total y est en concurrence avec Qatar Petroleum dans le bassin Taoudeni en Mauritanie qui, sous 1.5 million de km2, recèlerait pétrole et gaz. Ce désert est pour les multinationales un véritable eldorado, y compris futuriste dans les vastes déserts d’Algérie, de Mauritanie et du Mali.

La société de renseignements américaine Stratfor le recommandait en novembre 2009 : «L’Europe a besoin d’alternatives à l’énergie russe… le rapport de forces (qu’elle a) avec l’Afrique est positif. En d’autres mots, si le Mali emmerde les fermes solaires, l’Europe peut démolir le Mali ». «Ce projet exigerait le développement d’une infrastructure de sécurité compétente pour intervenir en profondeur contre les tribus berbères (sic) et les réfractaires d’Al Qaïda». Le projet a séduit l’allemand Siemens : des panneaux solaires répartis sur une surface de 900 km2 coûteraient 400 milliards d’euros. A cette fin, cette entreprise a créé la société Désertec. Saint Gobain s’y est associé en entraînant Alstom, AREVA, EDF, GDF Suez et a mis au point le consortium Medgrid en 2010. Désertec et Medgrid associés-concurrents sollicitent des financements publics dans le cadre du plan solaire européen. Des câbles sous la Méditerranée transportant de l’électricité en Europe, ce serait pour demain. Pour l’heure, en France, l’énergie nucléaire a encore de l’avenir via l’Afrique. 

En 2009, en pleine préparation du putsch qui allait porter à la tête de l’Etat du Niger, Mahamadou Issoufou, Areva a obtenu le contrat d’exploitation d’un gisement d’uranium exploité à ciel ouvert. Sa surface : 8 kms sur 2,5kms. La roche miraculeuse est à une profondeur maximale de 130 mètres. Depuis, ce sont des milliers de m3 de roches qui sont broyées, traitées avec des produits chimiques, lavées avec 12 à 13 millions de m3 d’eau par an. L’uranate produit est ensuite exporté en France. L’eau dans le désert ? Elle est prélevée dans une nappe phréatique très profonde et qu’importe si les puits traditionnels sont, pour certains d’entre eux, déjà asséchés, qu’importe si cette nappe n’est pas prête de se renouveler ! D’ailleurs, des précautions ont été prises : hormis aux ouvriers, la zone a été interdite au bétail comme aux populations sur un «périmètre sanitaire» (!) de 450 km2 autour du complexe industriel d’Imouraren, d’autant que l’aire de stockage des résidus radioactifs et la présence de bassins d’évaporation l’exigent. Politiquement, dans ce pays, à part «les bandes de terroristes», rien à craindre pour AREVA : Issoufou est un ancien dirigeant de la SOMAïR, une de ses deux filiales, l’eau du sous-sol en quantité démesurée, dit-on, est gratuite et les profits permettent d’entretenir la corruption de la caste dirigeante et de l’armée nigérienne. Quant à la police elle a l’habitude du racket auprès des populations. D’ailleurs, le 11 juin 2012, le Président Issoufou, reçu à l’Elysée par Hollande, a ravi ce dernier en lui annonçant l’accélération de la production d’uranium, une croissance de 15% de son pays lui ayant permis d’augmenter son budget de 30% de 2011 à 2012 grâce aux revenus du pétrole et de l’uranium. On ne sait s’il a évoqué la situation alimentaire critique de «ses» populations et la baisse du budget de la santé publique et encore moins la situation des travailleurs dans les mines. Sur place en effet c’est un système semi-esclavagiste qui fonctionne : AREVA «gère la population comme des prisonniers», «décide qui doit déguerpir, qui doit avoir de l’eau le matin ou le soir, qui va être soigné». Quant aux ouvriers, ils triment 12 heures sur 24 et les conditions de travail sont dramatiques. La grève déclenchée le 25 avril 2012, pour non respect de la réglementation du travail, n’a pas fait la une des médias, ni la marche de protestation à Arlit le 9 juin, ni la nouvelle grève qui, le 21 août 2012, a affecté la société de l’Aïr exploitée par SOMAïR. Pour les dirigeants de cette entreprise, les grévistes sont des «ennemis du développement» et il n’est pas question, ou si peu, d’améliorer les conditions de travail.

En février 2011, Raphaël Granvaud[2] écrivait : «Le quadrillage militaire du Sahel opéré depuis plusieurs années par les USA et la France ne fait que renforcer la crédibilité d’AQMI et son attrait auprès des populations tenues à l’écart des richesses (minières et pétrolifères) que cet arsenal militaire entend sécuriser. Tant que le terreau (de misère) sur lequel prospèrent les réseaux terroristes… n’aura pas disparu on pourra continuer à rouler des mécaniques et déplorer les morts». Mais dans la Françafrique qui se renouvelle pour que rien ne change, l’impérialisme français dispose «d’amis», de moyens militaires pour y défendre sa présence à cette porte d’entrée du Nord-Mali au Sahel afin de sécuriser l’accès à son pré carré de matières premières et éviter que nos rivaux ne nous prennent de vitesse.

«Nos» amis, «nos»  moyens et «nos» rivaux

Des «amis»,  bien qu’infréquentables et parfois difficilement contrôlables, la classe dominante française n’en manque pas dans son ancienne Afrique occidentale française (AOF) : Ouattara en Côte d’Ivoire fraîchement installé, Denis Sassou Nguesso au Congo Brazzaville, Bozizé en Centrafrique, Paul Biya au Cameroun, Bongo au Gabon et au Niger Issoufou, Compaoré au Burkina Faso lui qui a liquidé le leader indépendantiste Sankara. Il y a également, quoiqu’il sente le souffre, le Mauritanien Mohammed Ould Abdel Aziz, plus qu’irrité par les accusations de Noël Mamère, qui a osé, pensez- donc, affirmer ce que tous savaient, à savoir qu’il est le «parrain de la drogue» dans la région, la Guinée Bissau lui servant de base arrière. Enfin, il y a le guerrier dictateur Idriss Deby, lui à qui «nos» forces spéciales ont plusieurs fois sauvé la mise. Ses troupes aguerries sont en première ligne au Mali (déjà plus de 30 Tchadiens tués depuis le début de l’intervention). Certes, toutes ces marionnettes sont versatiles, elles ont tendance à se revendre au plus offrant mais, sur place depuis longtemps, les «conseillers militaires et autres espions» les surveillent et possèdent, au cas où, des hommes de rechange. Certes, la partie devient serrée depuis que «nos» alliés rivaux s’en mêlent.

Mais le gouvernement français, quel qu’il soit, dispose, sur place, «pré-positionnées» au Burkina Faso, au Niger, en Mauritanie et au Mali (le 1er RPIMA de Bayonne s’y est installé avant l’intervention), de forces spéciales d’intervention rapide et de troupes récemment évacuées d’Afghanistan. La base militaire de Djibouti, bien qu’éloignée du «théâtre des opérations» peut toujours servir, les transports aériens ça existe même si «nous» n’en disposons pas suffisamment.

Enfin, c’est indéniable, la «République française» de type bonapartiste possède un avantage certain sur toutes les autres. Décision d’entrer en guerre peut être prise en moins de 24 heures, sans passer par le Parlement, même s’il est composé d’un grand nombre de godillots bien disposés vis-à-vis des intérêts des grands groupes industriels et financiers. Quant à l’opinion publique, les médias s’en chargent en distillant la charge émotionnelle : sauvez les otages et les «ressortissants français » aux mains des  terroristes !

Quant aux pays de l’Union Européenne, ils sont, c’est selon, indifférents faute de moyens ou intéressés tout en étant compréhensifs… Ils vont laisser la France, qui connaît le terrain, aller au charbon pour mieux tirer les marrons du feu ensuite. C’est le cas de l’Allemagne notamment : sa classe dirigeante, Merkel en tête, attend de saisir les opportunités qui se présenteront pour mieux assurer son leadership dans l’Union. Et une guerre ne peut que conforter sa 3ème place de vendeur d’armes dans le monde !

A court terme, la coalition France-CEDEAO peut annihiler ou réduire les «bandes terroristes et djihadistes», cette bataille peut être gagnée avec la puissance de feu. Quant à la guerre, elle risque politiquement d’être perdue. A moyen terme, en effet, reste une inconnue de taille : les ethnies marginalisées, les peuples qui n’en peuvent plus de la misère, de la corruption de leurs élites népotiques, de la caste militaire qui les réprime et les rackette…

Gérard Deneux, le 5 mars 2013 

Prochain article «La décision chaotique d’entrer en guerre».

Les sources pour cet article sont  essentiellement extraites de
«Billets d’Afrique et d’ailleurs», revue mensuelle édité par Survie

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[1] Ce sera abordé dans le prochain article
[2] «Areva en Afrique. Une face cachée du nucléaire français» Raphaël Granvaud – édition Agone
Du même auteur, lire «Que fait l’armée française en Afrique ?» édition Agone (2009)