L’ANI au goût amer
Hollande impuissant
ou amnésique ?
Lancée
par Ayrault en juillet 2012, la conférence sociale a accouché d’une
contre-réforme du droit du travail : l’Accord
National Interprofessionnel – ANI –
signé le 11 janvier par le Medef, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Les deux
syndicats dits représentatifs qui l’ont refusé CGT et FO, appellent à une
mobilisation contre cet accord le 5 mars, auquel s’associent FSU, Solidaires et
CNT. Cet accord a été transposé dans un
projet de loi qui sera transmis à l’assemblée nationale après l’aval du Conseil des ministres du 6 mars. La consigne
du gouvernement Ayrault semble être : il faut faire vite et n’accepter
aucun amendement à cet accord minoritaire, et éviter toute contestation
qui hérisserait Bruxelles voyant là le refus de la France de poursuivre
ses efforts de «redressement». Au long de cet article nous allons donc analyser
le contenu de l’ANI, le resituer dans la politique européenne d’austérité
révélant un Hollande impuissant ou amnésique, et, conclure par une annonce des
coups à venir dans le «tournant de la rigueur» qui ne veut pas dire son
nom.
L’ANI au goût amer
pour les salariés
Il
s’agit, affirme le 1er ministre Ayrault, de créer «un modèle français de la politique de
l’emploi… pour lutter notamment contre la peur de l’embauche pour les
employeurs», «plus accueillant à la
prise de risque et à l’innovation économique et sociale». Ces
propos font froid dans le dos mais rassurent totalement Mme Parisot qui ne
s’est jamais sentie autant écoutée, c’est mieux qu’avec Sarkozy ! Elle est
d’ailleurs tellement assurée de son utilité dans le «dialogue constructif» qui permet de «refuser les antagonismes et d’unir les réformateurs», qu’elle prépare
un putsch au Medef qui l’autoriserait à se présenter à sa tête pour un 3ème
mandat.
En
fait, le scénario des contre-réformes est bien rôdé et se reproduit depuis des
décennies : le Medef est en position de force et s’appuie sur un
syndicalisme «réformiste», incarné par la CFDT (la même méthode a été employée
en 2008 avec l’accord national de «modernisation du marché du travail» qui a
créé la rupture conventionnelle du contrat de travail. Aujourd’hui encore, la renégate CFDT permet de faire
avaliser un recul social inacceptable en matière de droit du travail,
comprenant notamment des mesures facilitant les licenciements, limitant la
protection des salariés et les moyens d’intervention de leurs représentants
dans le cas des licenciements pour motif économique, retirant aux salariés leurs
droits légitimes.
Le
patronat est près d’obtenir une déréglementation d’ampleur du droit du travail,
coût et flexibilité du travail étant les variables d’ajustement de la
compétitivité des entreprises. L’accord compétitivité-emploi, Sarko en avait
rêvé, Hollande veut le faire. Les ministres du travail et de l’économie, Sapin
et Moscovici, dès le 11 janvier, se sont mobilisés pour appeler les
parlementaires à «respecter» cet accord historique (!) lorsqu’il arrivera au
débat au Parlement en avril/ mai.
Voici
les exemples des articles les plus significatifs de cet accord que la gauche
socialiste (!) défend.
C’est un accord de chantage à l’emploi. L’article
18 dit : «accord de maintien dans l’emploi».
Un
accord d’entreprise peut prévoir (sur 2 ans) une augmentation du temps de
travail et/ou une baisse des salaires en échange du maintien de l’emploi ...
comme l’ont vécu à leurs dépens les Continental, Peugeot Motocycles ou
Goodyear ! Le salarié qui refusera sera licencié pour motif économique,
non contestable, car l’accord majoritaire lui confère une cause réelle et
sérieuse. L’employeur se voit ainsi exonéré de l’ensemble des obligations
légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif
pour motif économique. La loi Fillon de 2004 permettait déjà aux accords
d’entreprises de déroger aux accords de branches par des dispositions moins
favorables, mais le salarié pouvait encore refuser les modifications de son
contrat. En bref, les salariés acceptent de baisser leurs salaires, de
travailler plus pendant deux ans et l’entreprise peut les licencier juste
après ! Elle peut même supprimer les emplois sans attendre l’échéance des
deux ans dès lors que la situation économique de l’entreprise se dégrade. C’est la fin du principe de faveur qui
interdit qu’un accord d’entreprise soit moins favorable aux salariés que la loi
ou les accords de niveau supérieur. Et pourtant…en février 2012, Hollande en
campagne électorale avait promis aux salariés de Gandrange que ce type d’accord
«ne verrait pas le jour» !
Inutile de préciser que nulle part n’est prévue la diminution de la
rémunération des actionnaires de manière équivalente aux salaires !
C’est un accord de flexibilisation forcée. L’article 15 dit «mobilité interne» ! Qu’en
termes euphémisés de novlangue l’on veut nous amadouer ! C’est la deuxième
mesure la plus dangereuse de cet accord : il suffira à l’employeur de
signer un accord minoritaire (validé par des syndicats représentant 30% des
suffrages) pour lui permettre d’envoyer un salarié à l’autre bout de la France,
voire à l’étranger, sur un poste totalement différent du sien. En cas de refus
du salarié, il sera licencié pour motif personnel. L’employeur pourra ainsi
dissimuler derrière un refus de mobilité, des licenciements en masse. Les
salariés ne pourront plus bénéficier des garanties propres aux licenciements
économiques collectifs, le contrôle du juge sur le fondement du licenciement ne
pourra plus s’exercer.
Cet
article est contraire aux textes internationaux (Organisation Internationale du
Travail, convention européenne des Droits de l’Homme) qui disposent : «toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial».
L’article
7 prévoit la « mobilité volontaire sécurisée ». Ce droit à une
période de mobilité volontaire dans une autre entreprise sera possible dans les
entreprises de + 300 salariés. Le salarié peut revenir dans son entreprise
d’origine avant la fin de la période prévue. S’il ne souhaite pas revenir, le
contrat de travail est rompu et est assimilé à une démission, ce qui dégage
l’entreprise des obligations légales et conventionnelles attachées au
licenciement économique.
C’est un accord pour faciliter les
licenciements collectifs (art. 20, 21, 23). Aujourd’hui,
lorsque l’employeur licencie au moins 10 salariés sur une période de 30 jours
(entreprise de 50 salariés et +), il doit appliquer les dispositions relatives
au licenciement économique et mettre en œuvre un Plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE). Demain, un accord d’entreprise, signé par une ou plusieurs organisations
syndicales (ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés aux élections
professionnelles précédentes) pourra prévoir des dispositions moins favorables
que celles prévues au code du travail, l’employeur pourra imposer la
confidentialité des documents fournis en comité d’entreprise. Si les délégués sont récalcitrants, il
suffira à l’employeur de fournir un document unilatéral, qui devra être homologué par la direction du travail, dans un
délai de 21 jours. Sachant que les effectifs des Direccte[1] (ex-directions régionales
du travail) ont subi des coupes drastiques et n’ont plus les moyens de contrôle
réels, les patrons vont pouvoir licencier «sans entraves».
Cet accord est une attaque en règle contre le
CDI (art. 4, 22). Il crée le
CDII – contrat de travail intermittent à durée indéterminée – un emploi
alternant les périodes travaillées et non travaillées (dans les entreprises de
moins de 50 salariés). A priori alléchant car il est «à durée indéterminée», mais
il est encore plus précaire que le CDD car il ne garantit aucune durée
minimale de travail sur l’année. Pourquoi ne pas utiliser le CDD saisonnier
existant ? Car ce dernier permet de percevoir les allocations chômage quand
le salarié ne travaille pas, ce qui ne sera pas le cas avec le CDII. Bingo !!!
L’ANI facilite les
licenciements, précarise les CDI et fait croire à des avancées :
En matière de temps partiel (art. 11), il n’est pas question d’en prévoir la
limitation, il fixe la durée minimale de temps de travail à 24 H par semaine
(contre 20h auparavant)… mais le
texte prévoit la possibilité d’y déroger ! Cette mesure sert surtout à
conforter les dispositifs d’annualisation en légalisant des pratiques
précédemment condamnées par les juges. Un accord de branche déterminera les
dérogations possibles à la durée minimum hebdomadaire, le nombre et la durée
des périodes d’interruption d’activité, la rémunération des heures
complémentaires… dont le taux est différent des heures supplémentaires. Là
encore, l’accord est en contradiction
avec la charte des droits fondamentaux de l’UE et la Convention Européenne des
Droits de l’Homme qui posent le principe de la conciliation entre vie familiale
et vie professionnelle directement invocable devant les juridictions.
La conciliation prud’homale sera facilitée (art. 25)… mais le texte prévoit une règle d’indemnisation forfaitaire
nettement moins favorable que les indemnités auxquelles pourrait prétendre un
salarié licencié, suite à jugement prud’homal. Il s’agit de revenir sur la
jurisprudence protectrice des droits des salariés. De plus, les délais sont encore
raccourcis en matière de prescription : passés de 30 ans à 5 ans en 2008, ils
sont portés à 24 mois. Tous les 3 ans, l’employeur est amnistié de ces
manquements si le salarié n’a pas saisi le juge (les victimes de l’amiante
apprécieront !). On sait que les salariés en emploi ne saisissent jamais
le juge contre leur actuel employeur. Ces délais restreints sont contraires à
la CESDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales) qui protège le droit d’accès au juge. Il faut rappeler
que le droit du travail doit protéger la partie la plus faible, celle soumise
au lien de subordination.
La couverture complémentaire des frais de
santé sera généralisée (art. 1) mais après négociation par branche
professionnelle. A défaut d’accord le 1er janvier 2016, les
entreprises doivent faire «bénéficier» leurs salariés d’un panier de soins
minimum, cette couverture étant financée par moitié entre salariés et
employeurs. L’entreprise est libre de retenir l’organisme de son choix. Cadeau juteux
aux assurances à but lucratif peu présentes dans les accords de branches ?
Aucune garantie contre des contrats au rabais, puisque ne sont pas exigées des
mesures relatives aux salariés les plus pauvres, à une prise en charge minimale
équivalent à la CMU complémentaire !
Les droits rechargeables à l’assurance
chômage (art. 13). Cela consiste à garder le reliquat
des allocations chômage non utilisées et à l’ajouter aux futures allocations en
cas de nouvelle perte d’emploi. Les prochaines négociations UNEDIC devront
transposer ces directives, à coût constant : cela signifiera une baisse de
l’ensemble des droits des chômeurs.
Les CDD seront taxés (art. 4 et 22) mais….
L’accord préconise l’augmentation des cotisations patronales d’assurance
chômage : 7% pour un CDD de moins d’un mois, 5.5% si le CDD est de 1 à 3
mois, 0 s’il est conclu pour remplacer un salarié absent et 0 pour les agences
d’intérim ! La précarité
intérimaire va donc se développer.
Au final, c’est le quart des contrats courts qui sera taxé, soit 110 millions
d’euros à la charge du patronat. Mais ce dispositif se traduira par un solde
positif de 40 millions pour les patrons puisque les exonérations pour le CDI
jeunes (de moins de 26 ans) sont estimées à 150 millions de cotisations (autant
de recettes perdues pour l’assurance-chômage)
Bilan :
moins de protections pour les salariés, plus de facilités pour les employeurs
pour licencier, plus de précarité. Il fallait s’en douter car cet accord ne
vient pas par hasard. Il est la conséquence des engagements de Hollande et consorts
qui ont admis leur impuissance à l’intérieur d’un système qu’ils ont fabriqué à
coups de traités européens successifs. Pour
nous rafraîchir la mémoire, un petit rappel s’impose pour débusquer
quelques-unes des promesses électorales mensongères figurant dans : «Le changement c’est maintenant. Mes 60
engagements pour la France» de Hollande.
Hollande,
impuissant ou amnésique ?
«Je
proposerai à nos partenaires un pacte de
responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et
de la spirale d’austérité qui l’aggrave. Je renégocierai le traité européen en
privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la BCE dans cette direction». Qu’a-t-il
fait ? Il fait adopter le TSCG et scellé le choix de l’Europe de
l’austérité et de la récession. L’indépendance de la BCE est sacralisée,
agrippée à «un euro un peu trop fort»
reconnaît très timidement Moscovici «mais
on n’y peut pas grand-chose» ! Hollande affirme vouloir rétablir les
comptes de l’Etat pour atteindre un déficit à 3% fin 2013 (!), sur le dos
des salariés : réduction des dépenses publiques et des fonctionnaires,
impôts supplémentaires…
«J’interdirai aux banques françaises
d’exercer dans les paradis fiscaux. Je supprimerai les stock options,
j’encadrerai les bonus…Je garantirai l’épargne populaire…». Qu’a-t-il
fait ? Chute du revenu du livret A à 1.75%, 20 milliards de crédits
d’impôts pour la compétitivité des entreprises, par l’allègement de cotisations
patronales - mesures qui ont fait la preuve depuis trente ans de leur inefficacité pour l’emploi - et
ce, sans aucune condition ! La réforme dite de «séparation et régulation des activités
bancaires» du 19 février ? Un engagement qui ne prévoit que
le cantonnement, dans des filiales dédiées, des activités à risques, tout en
préservant le modèle de «banque universelle». Les banques, par leurs filiales,
peuvent continuer à spéculer avec l’argent des déposants.
«Je lutterai contre la précarité qui frappe
avant tout les jeunes, les femmes et les salariés les moins qualifiés… J’augmenterai les cotisations chômage sur
les entreprises qui abusent des emplois précaires…». Qu’a-t-il
fait ? Il crée de nouveaux emplois précaires : 100 000 emplois
d’avenir pour les jeunes sans avenir, des contrats de génération et autres
contrats «aidés» au rabais : l’Etat, donc les contribuables,
paieront !
«Je favoriserai la production et l’emploi… en orientant les
aides publiques et les allègements fiscaux vers les entreprises qui investiront
sur notre territoire… J’instaurerai pour les entreprises qui délocalisent un
remboursement des aides publiques reçues…». Qu’a-t-il fait ? A
Florange, Arcelor/Mittal décide de fermer les deux hauts fourneaux. Il refuse
de nationaliser, fût-ce temporairement, l’aciérie de Florange. Il préfère
croire dans le groupe Mittal qui promet d’investir 180 millions en 5 ans, en
oubliant que celui-ci n’a pas tenu sa promesse de 2008 d’investir 330
millions dont les salariés n’ont jamais vu la couleur !
«Pour dissuader
les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements
collectifs pour les entreprise qui versent des dividendes ou rachètent leurs
actions… Je mettrai en place la sécurisation
des parcours professionnels, pour que chaque salarié puisse se maintenir
dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelles». Interdire les licenciements boursiers ? La
CFDT, par la voix de Laurent Berger affirme «qu’il ne sait pas ce que c’est qu’un licenciement boursier»,
appuyant en cela le gouvernement qui a
estimé qu’il n’est pas nécessaire de consacrer un texte sur ce thème ! On
comprend pourquoi la CFDT a signé l’accord du 11 janvier ! Les 1 173
salariés de Goodyear à Amiens-Nord, eux, savent ce que c’est quand le groupe
Goodyear annonce la fermeture de son usine d’Amiens-nord et vise un bénéfice
record de 1.6 milliard de dollars en 2013 ! Pendant ce temps là, Hollande,
son 1er ministre et son ministre du travail, approuvent l’ANI !
L’accord ne fait
pas loi, certes, mais qui fait la loi ?
Quel
pouvoir a le Parlement face aux directives de la commission européenne, aux
injonctions des institutions financières (BCE, FMI), celles qui figurent au
Traité budgétaire européen et prévoient des sanctions financières si les Etats
ne se plient pas à la règle d’or[2] ? Certes, le TSCG
s’applique à géométrie variable, la France va dépasser les 3% de déficit public
fin 2013 : mais les «maîtres du monde» sont indulgents et accordent un
délai pour l’atteindre ; par contre, au mauvais élève Hollande, ils imposent des
mesures drastiques d’économies à appliquer
(l’ANI en est une, il est question d’autres régressions sur les
retraites…).
Alors,
serions-nous dans une 6ème République sans le savoir ? La
démocratie par le peuple et pour le peuple semble un concept bien désuet !
En effet, l’on voit apparaître, avec un pouvoir renforcé, des institutions
relayant la «nécessaire austérité»
pour réduire les déficits publics.
La Cour des comptes ne se contente plus des missions qui sont définies dans
la Constitution (article 47-2), consistant à contrôler l’action du
gouvernement, ainsi que l’exécution des lois de finances et l’application des
lois de financement de la sécurité sociale, à évaluer les politiques publiques
et à contribuer à l’information du citoyen. Les lois organiques votées fin 2012
dans la foulée de la ratification du traité budgétaire européen (TSCG) lui ont
confié en outre la certification des comptes de l’Etat et de ceux du régime
général de la sécurité sociale. Rien de plus. Pourtant, il a suffi que la Cour
des comptes juge fantaisistes les prévisions de croissance pour que Hollande
annonce une révision de ses objectifs, et les mesures d’économies qu’elle
suggère ont de grandes chances d’être reprises, comme l’a été la hausse de la
TVA, refusée pour 2013 mais déjà votée pour 2014. Ce qui fait dire à un député
UMP, ironique «Décidément, je crois qu’on
aurait dû mettre Didier Migaud (le 1er président de la Cour des comptes, ancien
député socialiste) à la place de
Jean-Marc Ayrault»[3].
Migaud,
dans son dernier rapport, préconise un effort structurel «sans précédent» qui représente 38 milliards d’euros de hausse d’impôts
et d’économies en 2013 en précisant les nouvelles économies jugées
«indispensables» à réaliser pour l’avenir. Certains s’alarment dans les rangs
du PS, tout comme le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique,
soulignant que la Cour des comptes n’a aucune légitimité pour se prononcer sur
les politiques macroéconomiques du gouvernement. Mais… ce n’est pas la seule
institution anti-démocratique : pour se conformer à la règle d’or du TSCG,
le PS va confier (le 1er mars prochain) à une structure non élue, le
Haut Conseil des Finances publiques, l’ajustement des prévisions de croissance
et de déficit françaises en fonction des résultats 2012 ainsi que la
trajectoire de redressement «assortie, si
nécessaire, de mesures correctrices» a précisé Moscovici. Le HCFP sera
présidé par le 1er Président
de la Cour des comptes, «grand prêtre de l’austérité».
Et pour
nous faire avaler que l’austérité et la rigueur sont la seule feuille de route
possible, Hollande s’est appuyé sur le rapport Gallois (cet homme de gauche
( ?), ce «grand industriel et grand
serviteur de l’Etat, homme de dialogue et de conviction») sur la compétitivité française, qui estime que
l’accord sur la sécurisation de l’emploi (ANI) va dans la bonne direction, mais
… cela ne suffit pas ; le
commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, grince
des dents et juge que ces efforts doivent être amplifiés, pour aller plus
loin : réformer le système de retraite, ou le marché du travail, il
annonce un délai au 30 avril pour que les pays, en déficit excessif, détaillent
leurs programmes de «réformes» et leurs efforts d’ajustement budgétaire.
Prochain
épisode d’accord sur notre dos : une nouvelle contre-réforme sur les
retraites. Le Medef a déjà fixé la ligne : la durée de cotisation pourrait
passer en 2020 à 43 annuités et à l’horizon 2040, l’âge légal de la retraite pourrait être relevé à 67
ans. Pour lutter contre la France qui s’appauvrit et contre les déficits
des caisses de retraite, d’assurance maladie, d’assurance chômage… «il faut passer par une union des réformateurs et
un dialogue constructif» affirme Mme Parisot. Nous étions bloqués depuis des décennies dans une philosophe de
l’antagonisme. Nous en sommes sortis grâce au paritarisme, à la volonté de
tisser un dialogue constructif entre
partenaires, à son approche plus respectueuse et génératrice de compromis
inédits. L’accord du 11 janvier est fondateur parce qu’il est transpartisan».
Et elle prévoit sans un doute, et nous en sommes, malheureusement certains qu’
«il sera voté par des députés socialistes
comme UMP» et même «Michel Rocard
parle de cet accord comme d’un nouvel art de faire ». C’est Mme
Parisot qui le dit !
Sommes-nous
encore en démocratie parlementaire? Nous vous laissons répondre à cette
question.
Alors, que
faire ?
Les
nouvelles contre-réformes, nous les connaissons, elles sont déjà annoncées par
la Cour des comptes, le Medef, le conseiller européen aux affaires économiques,
elles vont être confirmées, dans un délai proche, par le Haut Conseil des
Finances Publiques et tous les porte-voix de Hollande, lui préservant son
avenir en ne le faisant pas apparaître en pleine lumière pour des mesures
impopulaires. Il y a toujours des échéances électorales en vue ! Il vient
de s’entourer, pour ce faire, d’un spécialiste en média-mensonges : Claude
Sérillon, ancien présentateur du 20 H, vient d’être nommé «conseiller à la
présidence» avec la mission de «montrer
la cohérence de la politique menée».
Ces
contre-réformes, il nous faut immédiatement les dénoncer, sans attendre que les
mesures soient précisées. Il faut prendre l’offensive et non rester sur la
défensive chaque fois qu’une tuile nous tombe sur la tête. La seule crainte des
socialistes au pouvoir est encore la réaction du peuple, des salariés, des
chômeurs et de ceux qui, associations, syndicats et partis de la «gauche réelle»
ont volonté de s’opposer, et surtout, de mobiliser. Laisserons-nous
faire ? Comment briser les chaînes de ce système infernal qui produit chômage de masse, pauvreté, précarité ?
Il est nécessaire qu’aucune illusion ne soit entretenue. Nous sommes un certain
nombre à participer aux mouvements de «gauche réelle», engagés dans les
assemblées citoyennes ou dans des collectifs d’annulation de la dette publique,
ou autres collectifs spécifiques. Nous constatons que ceux-ci sont timides, peu
fournis en militants, à la traîne ; notre rôle de «révolutionnaires» est,
dans un premier temps de faire s’exprimer la colère publiquement et
collectivement, sinon, elle s’exprime par la haine de l’autre, la délation, le
racisme, le mépris de soi et le suicide.. ou encore par l’égoïsme «moi, je
m’débrouille , tant pis pour les autres».
Puisque
nous sommes persuadés que le changement
ne viendra pas des institutions (partis ou syndicats) qui à chaque fois
réussissent à faire une majorité (l’ANI en est le dernier avatar) pour trahir
ceux qui les ont élus pour les représenter et, même si quelques-uns au
Parlement s’opposent à l’ANI et le font savoir, cela ne suffira pas. Parmi les
parlementaires, on entend déjà ceux qui disent : nous intenterons une
action au Conseil d’Etat pour épingler un accord qui ignore les droits
internationaux du travail ou encore «le Conseil Constitutionnel va épingler les
mesures dans cet accord qui sont contraires à la loi». Mais qu’est-ce qu’une
démocratie qui ne peut s’opposer aux mesures illégales ou illégitimes pour
son peuple que par le pouvoir
judiciaire ? D’ailleurs, faut-il rappeler que même si certaines décisions
du Conseil Constitutionnel font du bruit, et notamment la toute dernière
censure de la taxation à 75% sur les hauts revenus, une large partie des
décisions (60%) ne porte que sur la procédure et non sur le fond.
Construire
une force réelle contre le rouleau compresseur de l’Europe des marchés, relayée
par les gouvernements successifs en France, est une tâche ardue et entravée par
les peurs que la gauche libérale sait utiliser contre nous : vous
favorisez la montée de l’extrême droite, il y a
la crise mondiale, la dette que nous devons absolument payer au risque
d’être bannis par les instances européennes.
Il nous
faut faire sortir de la tête de la majorité des gens que seul est possible ce
modèle économique et politique qui n’a comme bible que la croissance et ses
bienfaits. Comment ? Par des débats, des films, des rencontres et des
alliances entre des groupes isolés qui partagent les mêmes ides, même si des
divergences existent.
A ceux
qui pensent que dans la construction d’une nouvelle force politique réelle de
transformation sociale, construite par le bas et non par le haut, il vaut mieux dire ce qui unit plutôt que ce
qui divise, nous répondons qu’il faut dire les deux, c’est la seule façon de
vivre en démocratie.
Odile
Mangeot, le 3 mars 2013
Sources
Articles
parus dans Politis, le Monde et Fakir
Informations
de SUD Solidaires et CGT
Extrait d’un
article de François Ruffin
«Alliance
de crasses» dans le Fakir n n° 59
(février-avril 2013)
«…Quand je passe chez lui (un ancien militant de la CFDT
à Longwy, il cite souvent cette phrase, avec une fureur lassée : «Il faut retirer les hauts fourneaux de la
tête des sidérurgistes lorrains ». C’est une maxime de Jacques
Chérèque, un «ouvrier devenu ministre»…
et sa carrière fulgurante renseigne sur l’éternelle
prime aux renégats…Permanent de la CFDT, il participe, en 1973, à «l’affaire Lip», pendant laquelle les
ouvriers occupent leur usine et prennent en charge la production. «l’autogestion est le thème à la mode»
commente-t-il. Mais à la fin des seventies, la «mode» bouge et Jacques
Chérèque avec : dans sa région, contre une CGT combative, il se fait le
chantre du «réalisme», de la
«restructuration», «des solutions de remplacement». Et là, en 1984, coup de
théâtre… (mais en est-ce vraiment un ? : le voilà préfet délégué pour le redéploiement industriel en
Lorraine, nommé par Laurent Fabius. Les
grands esprits se rencontrent. Quatre ans plus tard, sous Rocard, il est promu
secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire et à la reconversion industrielle.
Avec les résultats qu’on sait pour la «reconversion
industrielle». En revanche, côté «reconversion
personnelle», tout se passe bien :
il sera élu conseiller général et conseiller régional, socialiste, ça va de soi. Son fils François a pris la relève. Aussitôt signé «l’accord sur l’emploi», Chérèque junior entre au service du
gouvernement, intègre l’inspection
générale des affaires sociales, hérite d’une mission sur la pauvreté. Juste rétribution, pour services rendus à
ses alliés socialistes. Une belle leçon pour les travailleurs : «Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, quant à
mes ennemis, je m’en charge».
Louis Gallois
Directeur général
de l’industrie en 1981, sous Chevènement ; PDG de Snecma en 1989 puis de
l’Aérospatiale en 1992. Appelé par Juppé en 1996 à la présidence de la SNCF,
puis grâce à Chirac, co-président d’EADS en 2006 et PDG de la branche civile
Airbus. En 2008, il est le 14ème patron le mieux payé de France (2.5
millions d’euros). En 2012, il déclare gagner 2 600 000€ et se
prononce en faveur de la limitation des hauts revenus par l’autodiscipline et la fiscalité. La même année, il est nommé
commissaire général à l’investissement par Ayrault. Celui-ci lui demande un rapport sur « Propositions pour
reconstruire notre compétitivité ». Il y préconise des mesures qui sont,
presque toutes reprises par le gouvernement (allègement des cotisations
patronales pour diminuer le «coût» du travail, hausse de la TVA, poursuite des
recherches en matière de techniques d’exploitation du gaz de schiste, etc..).
… un grand serviteur de l’Etat !!!
Source : wikipedia
[1] Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi
[2] Cf article sur le
TSCG dans le n° 235 d’ACC (juillet 2012). L’édito de ce numéro titrait «C’est bien parti. Pour que la gauche de
droite fasse mieux que la droite classique» … 9
mois plus tard …
[3] Ces informations sur la Cour des comptes sont issues de Politis (21
février 2013)