Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 13 mars 2013


L’ANI au goût amer
Hollande impuissant ou amnésique ?

Lancée par Ayrault en juillet 2012, la conférence sociale a accouché d’une contre-réforme du droit du travail : l’Accord National InterprofessionnelANI – signé le 11 janvier par le Medef, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Les deux syndicats dits représentatifs qui l’ont refusé CGT et FO, appellent à une mobilisation contre cet accord le 5 mars, auquel s’associent FSU, Solidaires et CNT. Cet accord  a été transposé dans un projet de loi qui sera transmis à l’assemblée nationale après l’aval du  Conseil des ministres du 6 mars. La consigne du gouvernement Ayrault semble être : il faut faire vite et n’accepter aucun amendement à cet accord minoritaire, et éviter toute contestation qui hérisserait Bruxelles voyant là le refus de la France de poursuivre ses efforts de «redressement». Au long de cet article nous allons donc analyser le contenu de l’ANI, le resituer dans la politique européenne d’austérité révélant un Hollande impuissant ou amnésique, et, conclure par une annonce des coups à venir dans le «tournant de la rigueur» qui ne veut pas dire son nom.     


L’ANI au goût amer pour les salariés

Il s’agit, affirme le 1er ministre Ayrault, de créer «un modèle français de la politique de l’emploi… pour lutter notamment contre la peur de l’embauche pour les employeurs», «plus accueillant à la prise de risque et à l’innovation économique et sociale». Ces propos font froid dans le dos mais rassurent totalement Mme Parisot qui ne s’est jamais sentie autant écoutée, c’est mieux qu’avec Sarkozy ! Elle est d’ailleurs tellement assurée de son utilité dans le «dialogue constructif»  qui permet de «refuser les antagonismes et d’unir les réformateurs», qu’elle prépare un putsch au Medef qui l’autoriserait à se présenter à sa tête pour un 3ème mandat.

En fait, le scénario des contre-réformes est bien rôdé et se reproduit depuis des décennies : le Medef est en position de force et s’appuie sur un syndicalisme «réformiste», incarné par la CFDT (la même méthode a été employée en 2008 avec l’accord national de «modernisation du marché du travail» qui a créé la rupture conventionnelle du contrat de travail. Aujourd’hui encore, la renégate CFDT permet de faire avaliser un recul social inacceptable en matière de droit du travail, comprenant notamment des mesures facilitant les licenciements, limitant la protection des salariés et les moyens d’intervention de leurs représentants dans le cas des licenciements pour motif économique, retirant aux salariés leurs droits légitimes.

Le patronat est près d’obtenir une déréglementation d’ampleur du droit du travail, coût et flexibilité du travail étant les variables d’ajustement de la compétitivité des entreprises. L’accord compétitivité-emploi, Sarko en avait rêvé, Hollande veut le faire. Les ministres du travail et de l’économie, Sapin et Moscovici, dès le 11 janvier, se sont mobilisés pour appeler les parlementaires à «respecter» cet accord historique (!) lorsqu’il arrivera au débat au Parlement en avril/ mai.

Voici les exemples des articles les plus significatifs de cet accord que la gauche socialiste (!) défend.

C’est un accord de chantage à l’emploi. L’article 18 dit : «accord de maintien dans l’emploi».
Un accord d’entreprise peut prévoir (sur 2 ans) une augmentation du temps de travail et/ou une baisse des salaires en échange du maintien de l’emploi ... comme l’ont vécu à leurs dépens les Continental, Peugeot Motocycles ou Goodyear ! Le salarié qui refusera sera licencié pour motif économique, non contestable, car l’accord majoritaire lui confère une cause réelle et sérieuse. L’employeur se voit ainsi exonéré de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique. La loi Fillon de 2004 permettait déjà aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branches par des dispositions moins favorables, mais le salarié pouvait encore refuser les modifications de son contrat. En bref, les salariés acceptent de baisser leurs salaires, de travailler plus pendant deux ans et l’entreprise peut les licencier juste après ! Elle peut même supprimer les emplois sans attendre l’échéance des deux ans dès lors que la situation économique de l’entreprise se dégrade.  C’est la fin du principe de faveur qui interdit qu’un accord d’entreprise soit moins favorable aux salariés que la loi ou les accords de niveau supérieur. Et pourtant…en février 2012, Hollande en campagne électorale avait promis aux salariés de Gandrange que ce type d’accord «ne verrait pas le jour» ! Inutile de préciser que nulle part n’est prévue la diminution de la rémunération des actionnaires de manière équivalente aux salaires !

C’est un accord de flexibilisation forcée. L’article 15 dit «mobilité interne» ! Qu’en termes euphémisés de novlangue l’on veut nous amadouer ! C’est la deuxième mesure la plus dangereuse de cet accord : il suffira à l’employeur de signer un accord minoritaire (validé par des syndicats représentant 30% des suffrages) pour lui permettre d’envoyer un salarié à l’autre bout de la France, voire à l’étranger, sur un poste totalement différent du sien. En cas de refus du salarié, il sera licencié pour motif personnel. L’employeur pourra ainsi dissimuler derrière un refus de mobilité, des licenciements en masse. Les salariés ne pourront plus bénéficier des garanties propres aux licenciements économiques collectifs, le contrôle du juge sur le fondement du licenciement ne pourra plus s’exercer.
Cet article est contraire aux textes internationaux (Organisation Internationale du Travail, convention européenne des Droits de l’Homme) qui disposent : «toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial».
L’article 7 prévoit la « mobilité volontaire sécurisée ». Ce droit à une période de mobilité volontaire dans une autre entreprise sera possible dans les entreprises de + 300 salariés. Le salarié peut revenir dans son entreprise d’origine avant la fin de la période prévue. S’il ne souhaite pas revenir, le contrat de travail est rompu et est assimilé à une démission, ce qui dégage l’entreprise des obligations légales et conventionnelles attachées au licenciement économique.

C’est un accord pour faciliter les licenciements collectifs (art. 20, 21, 23). Aujourd’hui, lorsque l’employeur licencie au moins 10 salariés sur une période de 30 jours (entreprise de 50 salariés et +), il doit appliquer les dispositions relatives au licenciement économique et mettre en œuvre un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Demain, un accord d’entreprise, signé par une ou plusieurs organisations syndicales (ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés aux élections professionnelles précédentes) pourra prévoir des dispositions moins favorables que celles prévues au code du travail, l’employeur pourra imposer la confidentialité des documents fournis en comité d’entreprise.  Si les délégués sont récalcitrants, il suffira à l’employeur de fournir un document unilatéral, qui devra être  homologué par la direction du travail, dans un délai de 21 jours. Sachant que les effectifs des Direccte[1] (ex-directions régionales du travail) ont subi des coupes drastiques et n’ont plus les moyens de contrôle réels, les patrons vont pouvoir licencier «sans entraves».

Cet accord est une attaque en règle contre le CDI (art. 4, 22). Il crée  le CDII – contrat de travail intermittent à durée indéterminée – un emploi alternant les périodes travaillées et non travaillées (dans les entreprises de moins de 50 salariés). A priori alléchant car il est «à durée indéterminée», mais il est encore plus précaire que le CDD car il ne garantit aucune durée minimale de travail sur l’année. Pourquoi ne pas utiliser le CDD saisonnier existant ? Car ce dernier permet de percevoir les allocations chômage quand le salarié ne travaille pas, ce qui ne sera pas le cas avec le CDII. Bingo !!!


L’ANI facilite les licenciements, précarise les CDI et fait croire à des avancées :

En matière de temps partiel (art. 11), il n’est pas question d’en prévoir la limitation, il fixe la durée minimale de temps de travail à 24 H par semaine (contre 20h auparavant)… mais le texte prévoit la possibilité d’y déroger ! Cette mesure sert surtout à conforter les dispositifs d’annualisation en légalisant des pratiques précédemment condamnées par les juges. Un accord de branche déterminera les dérogations possibles à la durée minimum hebdomadaire, le nombre et la durée des périodes d’interruption d’activité, la rémunération des heures complémentaires… dont le taux est différent des heures supplémentaires. Là encore, l’accord est en  contradiction avec la charte des droits fondamentaux de l’UE et la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui posent le principe de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle directement invocable devant les juridictions.    

La conciliation prud’homale sera facilitée (art. 25)… mais le texte  prévoit une règle d’indemnisation forfaitaire nettement moins favorable que les indemnités auxquelles pourrait prétendre un salarié licencié, suite à jugement prud’homal. Il s’agit de revenir sur la jurisprudence protectrice des droits des salariés. De plus, les délais sont encore raccourcis en matière de prescription : passés de 30 ans à 5 ans en 2008, ils sont portés à 24 mois. Tous les 3 ans, l’employeur est amnistié de ces manquements si le salarié n’a pas saisi le juge (les victimes de l’amiante apprécieront !). On sait que les salariés en emploi ne saisissent jamais le juge contre leur actuel employeur. Ces délais restreints sont contraires à la CESDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales) qui protège le droit d’accès au juge. Il faut rappeler que le droit du travail doit protéger la partie la plus faible, celle soumise au lien de subordination.

La couverture complémentaire des frais de santé sera généralisée (art. 1) mais après négociation par branche professionnelle. A défaut d’accord le 1er janvier 2016, les entreprises doivent faire «bénéficier» leurs salariés d’un panier de soins minimum, cette couverture étant financée par moitié entre salariés et employeurs. L’entreprise est libre de retenir l’organisme de son choix. Cadeau juteux aux assurances à but lucratif  peu présentes dans les accords de branches ? Aucune garantie contre des contrats au rabais, puisque ne sont pas exigées des mesures relatives aux salariés les plus pauvres, à une prise en charge minimale équivalent à la CMU complémentaire !

Les droits rechargeables à l’assurance chômage (art. 13). Cela consiste à garder le reliquat des allocations chômage non utilisées et à l’ajouter aux futures allocations en cas de nouvelle perte d’emploi. Les prochaines négociations UNEDIC devront transposer ces directives, à coût constant : cela signifiera une baisse de l’ensemble des droits des chômeurs.

Les CDD seront taxés (art. 4 et 22) mais…. L’accord préconise l’augmentation des cotisations patronales d’assurance chômage : 7% pour un CDD de moins d’un mois, 5.5% si le CDD est de 1 à 3 mois, 0 s’il est conclu pour remplacer un salarié absent et 0 pour les agences d’intérim ! La précarité intérimaire va donc se développer. Au final, c’est le quart des contrats courts qui sera taxé, soit 110 millions d’euros à la charge du patronat. Mais ce dispositif se traduira par un solde positif de 40 millions pour les patrons puisque les exonérations pour le CDI jeunes (de moins de 26 ans) sont estimées à 150 millions de cotisations (autant de recettes perdues pour l’assurance-chômage)    

Bilan : moins de protections pour les salariés, plus de facilités pour les employeurs pour licencier, plus de précarité. Il fallait s’en douter car cet accord ne vient pas par hasard. Il est la conséquence des engagements de Hollande et consorts qui ont admis leur impuissance à l’intérieur d’un système qu’ils ont fabriqué à coups de traités européens successifs.  Pour nous rafraîchir la mémoire, un petit rappel s’impose pour débusquer quelques-unes des promesses électorales mensongères figurant dans : «Le changement c’est maintenant. Mes 60 engagements pour la France» de Hollande.

Hollande, impuissant ou amnésique ?

 «Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave. Je renégocierai le traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la BCE dans cette direction». Qu’a-t-il fait ? Il fait adopter le TSCG et scellé le choix de l’Europe de l’austérité et de la récession. L’indépendance de la BCE est sacralisée, agrippée à «un euro un peu trop fort» reconnaît très timidement Moscovici «mais on n’y peut pas grand-chose» ! Hollande affirme vouloir rétablir les comptes de l’Etat pour atteindre un déficit à 3% fin 2013 (!), sur le dos des salariés : réduction des dépenses publiques et des fonctionnaires, impôts supplémentaires…

«J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Je supprimerai les stock options, j’encadrerai les bonus…Je garantirai l’épargne populaire…». Qu’a-t-il fait ? Chute du revenu du livret A à 1.75%, 20 milliards de crédits d’impôts pour la compétitivité des entreprises, par l’allègement de cotisations patronales - mesures qui ont fait la preuve depuis trente  ans de leur inefficacité pour l’emploi - et ce, sans aucune condition ! La réforme dite  de «séparation et régulation des activités bancaires»  du 19 février ? Un engagement qui ne prévoit que le cantonnement, dans des filiales dédiées, des activités à risques, tout en préservant le modèle de «banque universelle». Les banques, par leurs filiales, peuvent continuer à spéculer avec l’argent des déposants.

«Je lutterai contre la précarité qui frappe avant tout les jeunes, les femmes et les salariés les moins qualifiés… J’augmenterai les cotisations chômage sur les entreprises qui abusent des emplois précaires…». Qu’a-t-il fait ? Il crée de nouveaux emplois précaires : 100 000 emplois d’avenir pour les jeunes sans avenir, des contrats de génération et autres contrats «aidés» au rabais : l’Etat, donc les contribuables, paieront !

«Je favoriserai la production et l’emploien orientant les aides publiques et les allègements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire… J’instaurerai pour les entreprises qui délocalisent un remboursement des aides publiques reçues…». Qu’a-t-il fait ? A Florange, Arcelor/Mittal décide de fermer les deux hauts fourneaux. Il refuse de nationaliser, fût-ce temporairement, l’aciérie de Florange. Il préfère croire dans le groupe Mittal qui promet d’investir 180 millions en 5 ans, en oubliant que celui-ci n’a pas tenu sa promesse de 2008 d’investir 330 millions dont les salariés n’ont jamais vu la couleur ! 

«Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprise qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions… Je mettrai en place la sécurisation des parcours professionnels, pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelles».  Interdire les licenciements boursiers ? La CFDT, par la voix de Laurent Berger affirme «qu’il ne sait pas ce que c’est qu’un licenciement boursier», appuyant en cela le gouvernement qui  a estimé qu’il n’est pas nécessaire de consacrer un texte sur ce thème ! On comprend pourquoi la CFDT a signé l’accord du 11 janvier ! Les 1 173 salariés de Goodyear à Amiens-Nord, eux, savent ce que c’est quand le groupe Goodyear annonce la fermeture de son usine d’Amiens-nord et vise un bénéfice record de 1.6 milliard de dollars en 2013 ! Pendant ce temps là, Hollande, son 1er ministre et son ministre du travail, approuvent l’ANI !

L’accord ne fait pas loi, certes, mais qui fait la loi ?

Quel pouvoir a le Parlement face aux directives de la commission européenne, aux injonctions des institutions financières (BCE, FMI), celles qui figurent au Traité budgétaire européen et prévoient des sanctions financières si les Etats ne se plient pas à la règle d’or[2] ? Certes, le TSCG s’applique à géométrie variable, la France va dépasser les 3% de déficit public fin 2013 : mais les «maîtres du monde» sont indulgents et accordent un délai pour l’atteindre ; par contre,  au mauvais élève Hollande, ils imposent des mesures drastiques d’économies à appliquer  (l’ANI en est une, il est question d’autres régressions sur les retraites…).

Alors, serions-nous dans une 6ème République sans le savoir ? La démocratie par le peuple et pour le peuple semble un concept bien désuet ! En effet, l’on voit apparaître, avec un pouvoir renforcé, des institutions relayant la «nécessaire austérité» pour réduire les déficits publics.

La Cour des comptes ne se contente plus des missions qui sont définies dans la Constitution (article 47-2), consistant à contrôler l’action du gouvernement, ainsi que l’exécution des lois de finances et l’application des lois de financement de la sécurité sociale, à évaluer les politiques publiques et à contribuer à l’information du citoyen. Les lois organiques votées fin 2012 dans la foulée de la ratification du traité budgétaire européen (TSCG) lui ont confié en outre la certification des comptes de l’Etat et de ceux du régime général de la sécurité sociale. Rien de plus. Pourtant, il a suffi que la Cour des comptes juge fantaisistes les prévisions de croissance pour que Hollande annonce une révision de ses objectifs, et les mesures d’économies qu’elle suggère ont de grandes chances d’être reprises, comme l’a été la hausse de la TVA, refusée pour 2013 mais déjà votée pour 2014. Ce qui fait dire à un député UMP, ironique «Décidément, je crois qu’on aurait dû mettre Didier Migaud (le 1er  président de la Cour des comptes, ancien député socialiste) à la place de Jean-Marc Ayrault»[3].

Migaud, dans son dernier rapport, préconise un effort structurel «sans précédent» qui représente 38 milliards d’euros de hausse d’impôts et d’économies en 2013 en précisant les nouvelles économies jugées «indispensables» à réaliser pour l’avenir. Certains s’alarment dans les rangs du PS, tout comme le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, soulignant que la Cour des comptes n’a aucune légitimité pour se prononcer sur les politiques macroéconomiques du gouvernement. Mais… ce n’est pas la seule institution anti-démocratique : pour se conformer à la règle d’or du TSCG, le PS va confier (le 1er mars prochain) à une structure non élue, le Haut Conseil des Finances publiques, l’ajustement des prévisions de croissance et de déficit françaises en fonction des résultats 2012 ainsi que la trajectoire de redressement «assortie, si nécessaire, de mesures correctrices» a précisé Moscovici. Le HCFP sera présidé par le 1er  Président de la Cour des comptes, «grand prêtre de l’austérité».

Et pour nous faire avaler que l’austérité et la rigueur sont la seule feuille de route possible, Hollande s’est appuyé sur le rapport Gallois (cet homme de gauche ( ?), ce «grand industriel et grand serviteur de l’Etat, homme de dialogue et de conviction»)  sur la compétitivité française, qui estime que l’accord sur la sécurisation de l’emploi (ANI) va dans la bonne direction, mais …  cela ne suffit pas ; le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, grince des dents et juge que ces efforts doivent être amplifiés, pour aller plus loin : réformer le système de retraite, ou le marché du travail, il annonce un délai au 30 avril pour que les pays, en déficit excessif, détaillent leurs programmes de «réformes» et leurs efforts d’ajustement budgétaire.

Prochain épisode d’accord sur notre dos : une nouvelle contre-réforme sur les retraites. Le Medef a déjà fixé la ligne : la durée de cotisation pourrait passer en 2020 à 43 annuités et à l’horizon 2040, l’âge légal de  la retraite pourrait être relevé à 67 ans. Pour lutter contre la France qui s’appauvrit et contre les déficits des caisses de retraite, d’assurance maladie, d’assurance chômage… «il  faut passer par une union des réformateurs et un dialogue constructif» affirme Mme Parisot. Nous étions bloqués depuis des décennies dans une philosophe de l’antagonisme. Nous en sommes sortis grâce au paritarisme, à la volonté de tisser un dialogue  constructif entre partenaires, à son approche plus respectueuse et génératrice de compromis inédits. L’accord du 11 janvier est fondateur parce qu’il est transpartisan». Et elle prévoit sans un doute, et nous en sommes, malheureusement certains qu’ «il sera voté par des députés socialistes comme UMP» et même «Michel Rocard parle de cet accord comme d’un nouvel art de faire ». C’est Mme Parisot qui le dit !

Sommes-nous encore en démocratie parlementaire? Nous vous laissons répondre à cette question.

Alors, que faire ?

Les nouvelles contre-réformes, nous les connaissons, elles sont déjà annoncées par la Cour des comptes, le Medef, le conseiller européen aux affaires économiques, elles vont être confirmées, dans un délai proche, par le Haut Conseil des Finances Publiques et tous les porte-voix de Hollande, lui préservant son avenir en ne le faisant pas apparaître en pleine lumière pour des mesures impopulaires. Il y a toujours des échéances électorales en vue ! Il vient de s’entourer, pour ce faire, d’un spécialiste en média-mensonges : Claude Sérillon, ancien présentateur du 20 H, vient d’être nommé «conseiller à la présidence» avec la mission de «montrer la cohérence de la politique menée».

Ces contre-réformes, il nous faut immédiatement les dénoncer, sans attendre que les mesures soient précisées. Il faut prendre l’offensive et non rester sur la défensive chaque fois qu’une tuile nous tombe sur la tête. La seule crainte des socialistes au pouvoir est encore la réaction du peuple, des salariés, des chômeurs et de ceux qui, associations, syndicats et partis de la «gauche réelle» ont volonté de s’opposer, et surtout, de mobiliser. Laisserons-nous faire ? Comment briser les chaînes de ce système infernal qui produit  chômage de masse, pauvreté, précarité ? Il est nécessaire qu’aucune illusion ne soit entretenue. Nous sommes un certain nombre à participer aux mouvements de «gauche réelle», engagés dans les assemblées citoyennes ou dans des collectifs d’annulation de la dette publique, ou autres collectifs spécifiques. Nous constatons que ceux-ci sont timides, peu fournis en militants, à la traîne ; notre rôle de «révolutionnaires» est, dans un premier temps de faire s’exprimer la colère publiquement et collectivement, sinon, elle s’exprime par la haine de l’autre, la délation, le racisme, le mépris de soi et le suicide.. ou encore par l’égoïsme «moi, je m’débrouille , tant pis pour les autres».
Puisque  nous sommes persuadés que le changement ne viendra pas des institutions (partis ou syndicats) qui à chaque fois réussissent à faire une majorité (l’ANI en est le dernier avatar) pour trahir ceux qui les ont élus pour les représenter et, même si quelques-uns au Parlement s’opposent à l’ANI et le font savoir, cela ne suffira pas. Parmi les parlementaires, on entend déjà ceux qui disent : nous intenterons une action au Conseil d’Etat pour épingler un accord qui ignore les droits internationaux du travail ou encore «le Conseil Constitutionnel va épingler les mesures dans cet accord qui sont contraires à la loi». Mais qu’est-ce qu’une démocratie qui ne peut s’opposer aux mesures illégales ou illégitimes pour son  peuple que par le pouvoir judiciaire ? D’ailleurs, faut-il rappeler que même si certaines décisions du Conseil Constitutionnel font du bruit, et notamment la toute dernière censure de la taxation à 75% sur les hauts revenus, une large partie des décisions (60%) ne porte que sur la procédure et non sur le fond.

Construire une force réelle contre le rouleau compresseur de l’Europe des marchés, relayée par les gouvernements successifs en France, est une tâche ardue et entravée par les peurs que la gauche libérale sait utiliser contre nous : vous favorisez la montée de l’extrême droite, il y a  la crise mondiale, la dette que nous devons absolument payer au risque d’être bannis par les instances européennes.

Il nous faut faire sortir de la tête de la majorité des gens que seul est possible ce modèle économique et politique qui n’a comme bible que la croissance et ses bienfaits. Comment ? Par des débats, des films, des rencontres et des alliances entre des groupes isolés qui partagent les mêmes ides, même si des divergences existent.       

A ceux qui pensent que dans la construction d’une nouvelle force politique réelle de transformation sociale, construite par le bas et non par le haut,  il vaut mieux dire ce qui unit plutôt que ce qui divise, nous répondons qu’il faut dire les deux, c’est la seule façon de vivre en démocratie.

Odile Mangeot, le 3 mars 2013

Sources
Articles parus dans Politis, le Monde et Fakir
Informations de SUD Solidaires et CGT  

Extrait d’un article de François Ruffin
 «Alliance de crasses» dans le Fakir n n° 59  (février-avril 2013)

«…Quand je passe chez lui (un ancien militant de la CFDT à Longwy, il cite souvent cette phrase, avec une fureur lassée : «Il faut retirer les hauts fourneaux de la tête des sidérurgistes lorrains ». C’est une maxime de Jacques Chérèque, un «ouvrier devenu ministre»… et sa carrière fulgurante renseigne sur l’éternelle prime aux renégats…Permanent de la CFDT, il participe, en 1973, à «l’affaire Lip», pendant laquelle les ouvriers occupent leur usine et prennent en charge la production. «l’autogestion est le thème à la mode» commente-t-il. Mais à la fin des seventies, la «mode» bouge et Jacques Chérèque avec : dans sa région, contre une CGT combative, il se fait le chantre du «réalisme», de la «restructuration», «des solutions de remplacement». Et là, en 1984, coup de théâtre… (mais en est-ce vraiment un ? : le voilà préfet délégué pour le redéploiement industriel en Lorraine, nommé par Laurent Fabius. Les grands esprits se rencontrent. Quatre ans plus tard, sous Rocard, il est promu secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire et à la reconversion industrielle. Avec les résultats qu’on sait pour la «reconversion industrielle». En revanche, côté «reconversion personnelle», tout se passe bien : il sera élu conseiller général et conseiller régional, socialiste, ça va de soi. Son fils François a pris la relève. Aussitôt signé «l’accord sur l’emploi», Chérèque junior entre au service du gouvernement, intègre l’inspection générale des affaires sociales, hérite d’une mission sur la pauvreté. Juste rétribution, pour services rendus à ses alliés socialistes. Une belle leçon pour les travailleurs : «Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge». 

Louis Gallois
Directeur général de l’industrie en 1981, sous Chevènement ; PDG de Snecma en 1989 puis de l’Aérospatiale en 1992. Appelé par Juppé en 1996 à la présidence de la SNCF, puis grâce à Chirac, co-président d’EADS en 2006 et PDG de la branche civile Airbus. En 2008, il est le 14ème patron le mieux payé de France (2.5 millions d’euros). En 2012, il déclare gagner 2 600 000€ et se prononce en faveur de la limitation des hauts revenus par l’autodiscipline et la fiscalité. La même année, il est nommé commissaire général à l’investissement par Ayrault. Celui-ci lui demande un  rapport sur « Propositions pour reconstruire notre compétitivité ». Il y préconise des mesures qui sont, presque toutes reprises par le gouvernement (allègement des cotisations patronales pour diminuer le «coût» du travail, hausse de la TVA, poursuite des recherches en matière de techniques d’exploitation du gaz de schiste, etc..).  

… un grand serviteur de l’Etat !!!

Source : wikipedia 












[1] Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
[2] Cf article sur le TSCG dans le n° 235 d’ACC (juillet 2012). L’édito de ce numéro titrait «C’est bien parti. Pour que la gauche de droite fasse mieux que la droite classique» …  9 mois plus tard …   
[3] Ces informations sur la Cour des comptes sont issues de Politis (21 février 2013)