A trop avoir
la tête près du bonnet, on peut se boucher les yeux !
Certes, il n’est
pas simple de comprendre, dans l’immédiat, ce qui se passe dans un mouvement de
rébellion sociale qui s’impose sur la scène qu’elle soit nationale ou internationale.
Traumatisés que nous sommes par le syndrome du manipulé, le premier réflexe n’est pas l’enthousiasme du «révolutionnaire»
mais le doute : qui est derrière ça ?
Suite aux
révélations de manipulations, tels le faux charnier de Timisoara, les nouveaux
nés sortis de leurs couveuses Koweït city, ou encore les armes de destruction
massive en Irak, notre prudence de chat
échaudé, soit nous tétanise «attendons
pour voir», soit nous fait prendre parti sans discernement : «c’est le complot impérialiste états-unien
qui est à l’œuvre» ou inversement «c’est
l’islamisation du monde qui est en marche». C’est ce doute qui s’est
insinué lors des révoltes dans les quartiers populaires en 2005, ou lorsque les
peuples tunisien et égyptien ont «dégagé» leurs dictateurs ou encore lorsque les
rebelles syriens se sont dressés contre le tyran Assad et, plus récemment,
quand Hollande se précipite au Mali et en Centrafrique pour «terrasser le terrorisme». C’est le même scepticisme
qui peut nous rendre frileux quand il
est question de soutenir un mouvement social.
Faut-il ou non
prendre parti pour les Bretons en colère contre la politique productiviste et
la concurrence effrénée, poursuivies par le Président
normal à la suite de ses prédécesseurs, bonnet
blanc et blanc bonnet, non ? Aussitôt le doute est là : qu’est-ce qui
se cache sous le bonnet ? Sont-ce de vrais révolutionnaires ? Au
fait, ça se reconnaît comment un «vrai» ? A son bonnet ou à ce qu’il exprime ?
Certes, il est souvent bien plus confortable de se positionner dans un camp :
«mon parti a dit» ou «ma centrale syndicale affirme» que de se
donner les moyens pour comprendre ce qui se passe. Ce qui est incontestable,
c’est la colère et le ras-le-bol de ceux qui manifestent. Les bonnets ne
sont pas phrygiens, certes, mais ne défendent-ils pas de justes
causes démocratiques ou anti-productivistes…? Quand des dizaines de
milliers de personnes sont dans la rue il ne peut être question de les ranger,
tous, dans le camp des réactionnaires, des manipulés par les patrons, voire par
l’extrême droite. Agiter les chiffons, les bonnets ou les foulards sans se
donner la peine de lire, d’écouter, de comprendre ce qui se passe, c’est se
boucher les yeux sur les processus en cours.
Odile Mangeot