Après le
choc Charlie… le Syriza choc ?
C'est l'éditorial du n° 10 de Pour l'Emancipation Sociale
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L’unanimisme,
né de l’effroi et de la compassion suite au choc des attentats terroristes,
est-il déjà en train de s’effriter ? La concorde nationale orchestrée par
Hollande trouvait pourtant sa source dans la condamnation muette de plus de 3
millions de personnes. Cette réprobation, Hollande voulut la transformer en
approbation de sa politique sécuritaire-austéritaire. Il se voyait déjà en
homme-orchestre d’une Sainte Alliance interventionniste contre le « djihadisme ».
La feuille de route prescrite : une loi sur les suspects, les
contre-réformes poursuivies. Toutefois, Valls s’angoissait des dégâts que
lui-même et ses prédécesseurs avaient provoqués dans les couches populaires
déshéritées et stigmatisées. Comment résorber cet « apartheid »
social ? Malek Bouti surenchérissait en prônant l’état d’exception
militaire dans les « zones » incontrôlables. A peine disparue sous le
voile de la « communauté nationale », la réalité sociale fracturée
réapparaissait. La cécité organisée n’était plus de mise, d’autant que les
routiers dont les salaires de début de carrière stagnent sous le SMIC, bloquaient
ici et là la prétendue douce « France réconciliée » dont rêvaient les
nostalgiques d’un temps mythique.
Et
ce fut le choc Syriza. Aux cortèges
muets ici, répondait là-bas la libération de la parole. Ce contre-choc est
surtout source d’angoisse pour les oligarchies financières et les castes qui
les défendent mordicus. La victoire électorale de cette gauche de gauche, est celle du rejet des politiques d’austérité,
prétendant mettre à genoux les peuples face aux banquiers assistés et ce, à
coups de baisse des salaires, de paupérisation, de suppression des droits et
prestations sociales, de privatisation et de bradage de la chose publique. La
purge administrée par la Troïka sous la houlette de Merkel, si elle a conduit à
l’effondrement de la richesse produite (- 20%), à l’augmentation de la dette
publique ( !), a suscité à travers les tourments subis, l’éveil du peuple
grec. Le PASOK effondré, la droite rejetée, c’est donc la possibilité d’une brèche
qui s’ouvre, un nouveau chemin à explorer… semé d’embuches. Les pressions de la
Commission Européenne et de la BCE, pour faire rentrer Syriza dans le rang,
vont être à la mesure de la rapacité des banquiers. Mais, il y a le possible
effet domino qui, d’Espagne au Portugal et ailleurs, doit aider le peuple grec à déjouer tous les
chantages. Syriza est au défi : osera-t-il abolir la dette grecque, mettre
en cause les traités européens, et pour financer les mesures de reconquête
sociale qu’il promet, nationaliser les banques, socialiser les secteurs
stratégiques de l’économie, soumettre à l’impôt les propriétés foncières de
l’Eglise orthodoxe, exproprier les armateurs avant qu’ils ne voguent sous
d’autres pavillons ?
Etre,
en France, solidaire du peuple grec, c’est mettre en cause, ici, le gouvernement,
faire craquer cet unanimisme de façade qui voudrait, tout en faisant trébucher
Syriza, en récolter quelques lauriers afin de ne pas disparaître comme son
compère le PASOK. Déjà, les rapaces sont à l’œuvre. Le FN surfe sur le chaos
pour s’approprier ce rejet de l’Europe du capitalisme financiarisé.
L’épouvantail d’un autre traumatisme va être agité. Seul l’esprit critique, la
lucidité retrouvée, l’auto-organisation dans une gauche de transformation
sociale peuvent faire reculer les tentatives d’étouffer ce qui vient de naître.
(le 26.01.2015)