Editorial n° 14 (mai 2015)
Pour l'Emancipation Sociale
Les
damnés de la terre et de la
mer face au cynisme européiste
Ils
fuient l’horreur de la guerre tout comme la misère. Les exilés
syriens sont 620 000 en Jordanie, 1,7 million en Turquie, 1,15
million au Liban où ils représentent le quart de la population
libanaise. Et il y a tous ceux qui fuient la Libye, les pays
africains et, parmi eux, une petite minorité qui ose s’aventurer à
traverser la Méditerranée ou la Turquie pour parvenir en Union
Européenne. 205 000 ont réussi. C’est trop !!! Même
s’ils sont ceux qui disposent de quelques ressources et sont
diplômés, qu’importe qu’ils finissent, après avoir été
rançonnés, dans des camps de pestiférés comme en Bulgarie ou
parqués comme à Sangatte près de Calais ! D’ailleurs, le
terme de leur parcours est, pour nombre d’entre eux, la mort dans
le cimetière marin ou la liquidation pure et simple. Qu’importe !
Ces hommes, ces femmes, ces enfants, tant qu’on ne les voit pas !
Les rescapés n’accusent d’ailleurs pas que les passeurs mais
pointent la responsabilité meurtrière des autorités marocaines et
espagnoles…
Récemment,
Mare Nostrum, cette opération italienne de sauvetage avait permis
d’accueillir 150 000 personnes en une année. Trop ! ça
faisait « appel d’air » pour ceux qui suffoquent !
C’est la raison pour laquelle l’opération Triton de l’UE s’y
est substituée pour, à moitié prix, contrôler et refouler…
Mais
le 1er janvier 2015, 1 800 migrants se noyèrent sous les yeux
des caméras. Ils n’ont pas épargné aux chefs d’États et de
gouvernements de l'Europe le spectacle affligeant de leur naufrage,
provoquant une telle compassion qu’il leur fallait réagir… sans
se presser. Le 23 avril, face à l’explosion médiatique, en
sommet, ils se réunirent. Dans leur immense générosité, ils
doublèrent les moyens financiers… de Triton mais… sans remettre
en cause l’accord de Dublin, obligeant les États, essentiellement
l’Italie et la Grèce où arrivent en premier lieu les migrants, à
traiter les dossiers et à subvenir aux besoins des demandeurs
d’asile. L’Europe des égoïsmes nationaux l’emporte sur toutes
les injonctions des humanitaires, comme l’ONU qui s’est ingéniée
à suggérer à l’Europe l’accueil de 20 000 réfugiés par
an. Tout à trac, la Commission européenne, dans le cadre du mandat
dont elle est dépositaire, lui a répondu : « Sur 2
ans… peut-être » et a osé formuler la règle des quotas de
répartition, se faisant requiller par Valls/Cameron, surfant sur un
racisme bien compris. OK pour bombarder les bateaux de pêcheurs et
de trafiquants ! Aie ! Il faut obtenir l’accord de l’ONU
et des gouvernements des pays de départ ? En Libye, il y en a
deux et en Syrie c’est celui du boucher Bachar Al Assad !
Mais,
enfin ! Veut-on nous faire croire que les seuls responsables
sont ceux qui vendent la promesse de sortir de l’enfer et non ceux
qui l’ont provoqué ?
Qu’en
2011, l’OTAN ait lancé en Libye plus de 200 missiles, effectué
7 000 frappes aériennes, plongé le pays dans le chaos, c’est
certain, les Ponce Pilate européens n’y sont pour rien !
Que
depuis des décennies, les guerres au Moyen-Orient, l’invasion de
l’Afghanistan et de l’Irak aient déstructuré ces pays mais,
tous comptes faits, ni les marchands d’armes, ni les responsables
européens et américains ne sauraient être mis en cause !
Que
les plans d’ajustement structurel obligeant les États à
privatiser, ruinent les petits producteurs locaux, soutiennent les
dictateurs ou les multinationales qui pillent ces pays. Non !
L’ingérence néocoloniale affublée des oripeaux humanitaires n’y
est pour rien !
La
non-assistance à personne en danger a besoin d’une bonne dose de
cynisme raciste pour se faire admettre dans l’opinion publique
formatée.