Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


mercredi 23 décembre 2015

Assignez-moi !
Lettre ouverte à envoyer à

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Je demande mon assignation à résidence, dans les meilleurs délais.
Il se trouve en effet que je partage l’essentiel des convictions de nombre de militants écologistes, altermondialistes et autres squatteurs qui ont fait tout récemment, par dizaines, l’objet de cette mesure administrative, dans le cadre de l’état d’urgence mis en place à l’issue des attentats du 13 novembre 2015 :

     Je suis l’adversaire déclaré des aventures militaires néocoloniales actuellement conduites au nom de la France et d’un « droit de légitime défense » parfaitement nébuleux.
     Je trouve abject votre projet d’inscrire dans la Constitution de notre pays la possibilité de déchoir de leur nationalité des binationaux présumés coupables, mesure distinctement inspirée par le Front National auquel, au demeurant, vous prétendez « faire barrage ».
     Je trouve odieux que des musulmans fassent l’objet d’une assignation à résidence du simple fait qu’ils tiennent une sandwicherie halal ou fréquentent une mosquée estampillée comme suspecte – ou du simple fait qu’ils sont musulmans ou étiquetés comme tels.
     Je me refuse à me désolidariser des réfugiés (aujourd’hui par vous assimilés à des terroristes) avec lesquels je me bats pour qu’ils-elles puissent vivre là où bon leur semble.
     Je ne renoncerai pas à manifester auprès des collectifs des quartiers populaires qui, de Saint-Denis à Moellenbeek, n’ont pas attendu le 13 novembre pour vivre en état d’urgence (et, depuis des décennies, pour  pleurer leurs morts des suites de « bavures policières »).
     Je m’oppose formellement au projet de construction d’un nouvel aéroport dans la région de Nantes et, pour cette raison, me déclare solidaire des Zadistes qui occupent la zone contestée.
     Je suis scandalisé-e par le fait que l’enquête concernant la mort de Rémi Fraisse, tué par un gendarme, ait été confiée à la gendarmerie.
     Je me suis délibérément abstenu-e de pavoiser au jour dit, ceci au mépris des consignes expressément dispensées aux citoyens par les services de l’Etat.
     Je considère que l’état d’urgence rendant possible, dans les conditions expéditives que vous savez, ma propre assignation à résidence (comme celle de tant d’autres) constitue une atteinte caractérisée aux droits des citoyens et aux libertés publiques – à commencer par l’interdiction de manifester. J’y vois l’ébauche d’un régime policier du plus mauvais aloi. Ce simple fait devrait suffire amplement à justifier l’exécution de la mesure susmentionnée.

Je ne doute pas un instant que vos services sauront utilement compléter ce tableau attestant ma dangerosité et rendant nécessaire mon assignation à résidence – ceci que mon nom figure ou non parmi ceux des suspects enregistrés sou la lettre »S ».

Si ces messieurs-dames de la police pouvaient, simplement, lorsqu’ils viendront me notifier cette mesure de salubrité publique, se dispenser de faire voler en éclats ma porte (que je suis tout-e disposé-e à leur ouvrir dès le premier coup de sonnette, à toute heure du jour ou de la nuit) et de dévaster mon logement dans lequel les livres, les ustensiles de cuisine et les kits de jardinage comptent en plus grand nombre que les armes de guerre, je leur (et vous) en vouerais une reconnaissance durable.

Dans l’espoir que ma démarche saura retenir votre attention, je vous prie, Monsieur le Ministre, etc., etc.

Lettre ouverte à monsieur le ministre de l’Intérieur. Liste des premiers signataires
Olivier Le Cour Grandmaison, Alain Brossat, Sidi Mohamed Barkat, Philippe Bazin, Jean-Claude Amara, Jean-Cyril Vadi, Michèle Sibony, Laurent Cauwet, Sylvie Tissot, Catherine Samary, Isabelle Bettinger-Théaud, Farid Bennaï, M’hamed Kaki, André Rosevègue, Saïd Bouamama, Jacques et Françoise Salles, Orgest Azizaj, Michelle Chadeisson, François Gèze, Sandrine Amy, Christiane Passevant, Norman Ajari, Gilbert Achcar…