Le Brexit et
après… (suite)
Vers une nouvelle crise financière ?
Comme annoncé dans le précédent
numéro, le Brexit n’est que l’une des
formes que prend la crise du capitalisme financiarisé. Il n’est pas question,
dans le contenu limité de cet article, de rendre compte de toutes les
fragmentations, contradictions qui accompagnent le processus de délitement
actuel qui parcourt le monde. Certes, ce qui occupe le devant de la scène, la
fièvre nationaliste et xénophobe, les guerres et ce que l’on dénomme sous le
vocable de terrorisme, sont dramatiques. Mais, de façon plus souterraine,
l’état de l’économie financiarisée après la crise de 2007-2008 est tout aussi
alarmant. Quoiqu‘on en dise, la crise est toujours là, les banques privées
toujours malades ; quant aux banques centrales, tout comme les Etats,
elles n’arrivent pas à la maîtriser, pire, elles aggravent pour partie le mal
endémique du système, accentuant l’exacerbation des contradictions sociales.
Les éléments d’analyse qui suivent se limiteront pour l’essentiel à la situation
européenne.
1 – Des banques prives toujours malades
Dans sa dernière estimation - les
fameux stress-tests - l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) déclarait à son
issue que 51 banques sur 130, représentant 70% des actifs bancaires, sont défaillantes.
30% de leurs crédits sont « pourris », « le scénario catastrophe est toujours à l’ordre du jour ». Ce
rapport n’a toutefois pas rendu publics les prêts défaillants. La Banque
Centrale Européenne (BCE), échaudée peut-être par l’échec de cette institution
l’ABE n’ayant pas détecté en 2010-2011 les failles des établissements bancaires
irlandais et grecs au bord de l’implosion, a estimé, pour sa part, que 56 banques étaient défaillantes, dont
25 complètement « vérolées ». Les exemples qui suivent, en mettant
sous le boisseau les plus connus (Grèce, Portugal, Chypre, Irlande(1),
Autriche(2), indiquent l’ampleur du phénomène et les tentatives désespérées,
voire désespérantes, pour y faire face.
Au
Royaume Uni
On sait que la City est pratiquement
la première place financière mondiale. Sans examiner l’état d’une banque
particulière, mise à part la suppression de 3 000 postes à la Lloyds ainsi
que la fermeture de 200 agences dans le pays, force est de constater l’effort (démesuré ?)
de la banque centrale, la Banque d’Angleterre, pour sauver les banques
privées(3) : injection massive de liquidités et, dernièrement, 70
milliards de livres en plus (82 milliards d’euros), ce qui porte la manne à 445
milliards de livres ; soutien aux banques
en difficultés de 100 milliards de livres pour qu’elles puissent continuer à
accorder des crédits notamment dans le bâtiment, l’industrie et les
services ; rachat d’obligations (emprunts) d’entreprises pour un montant
de 10 milliards. Et ça n’a pas l’air de suffire puisqu’il a été question
d’imposer un taux négatif pour les
comptes d’épargne. Ce véritable racket des épargnants n’a pas eu lieu… sous
prétexte euphémisant de la « peur
d’effets pervers ». Le taux d’emprunt à la banque centrale, dit taux
directeur, a été quant à lui baissé de 0,50 à 0,20%.
En
Italie
360 milliards d’euros de créances
douteuses accumulées dans ce pays. Le cas le plus emblématique, c’est Monte dei
Paschi (MDP). Cette banque la plus vieille du monde créée en 1472, possèderait
27,7 milliards de crédits irrécouvrables, la BCE lui ordonnant de se
débarrasser au plus vite de 9,2 milliards de crédits pourris. Pour ce faire
(comme dans le cas de Daxia en France et en Belgique), une banque pourrie
appelée « véhicule spécial »… accumulerait tous ces
« déchets », en espérant à l’avenir pouvoir les recycler par la
revente et… la spéculation(4). Pour avoir prêté à des PME désormais en faillite
et de manière inconsidérée, cette banque chute dans un trou noir. Ses actions
ont perdu 80% de leur valeur entre janvier et juillet de cette année et, au
troisième trimestre, ses pertes nettes représentent 1,15 milliard d’euros. Le
plan de sauvetage prévoit 5 milliards d’euros à trouver pour la renflouer, la
suppression de 2 600 postes et la fermeture de 500 agences. Malgré tout,
et au-delà de cet exemple, les classes dirigeantes européennes craignent la
contagion de la crise bancaire italienne au reste de la zone euro. Mais « ça va mieux » comme dirait
Hollande !
En
Allemagne
La célèbre Deutsche Bank est au bord
du gouffre. Cette banque mondialisée (plus de 100 000 salariés dont
4 000 en Allemagne) dont le bilan représenterait (virtuellement !)
58% du PIB du pays, est non seulement menacée d’une amende de 14 milliards
d’euros par l’administration états-unienne et ce, pour « fraude » au
sub-primes, mais elle est devenue, aux dires des commentateurs, « un énorme fonds spéculatif » dirigé
par un « club d’arrogants »,
un « repaire de parieurs ».
En fait, tout a commencé dans les années 80 de dérégulation financière, cette
banque, fierté nationale, adoptant la culture anglo-saxonne néo-libérale, s’est
lancée à la conquête de la bancocratie mondiale par les moyens de fusions-acquisitions
(Morgan Grenfell anglaise, les Bankers Trust US), tout en se dotant de traders
aux bonus mirobolants et afin de spéculer sur des produits financiers à risques.
Avant même la crise trop d’investissements spéculatifs et de crédits hypothécaires
US ont été revendus à prix d’or ; et puis ce processus s’est accumulé sous
forme de manipulations sur les marchés des devises, du carbone et sur le taux
interbancaire Libor. La rigueur allemande, cette illusion propagandiste,
masquait la grande fraude systémique de la première banque allemande qui est
l’objet de 7 000 litiges. L’abcès purulent du rapace a été crevé, des milliards
d’euros dépréciés et des milliers d’emplois vont être supprimés. Mais, à vrai
dire, la Commerce Bank n’est guère dans un meilleur état. Malgré l’entêtement
rigoriste affiché par Merkel, on voit difficilement le gouvernement allemand
rester passif face à l’insolvabilité potentielle de ses plus grandes banques.
Quoique, élections obligent, il semble temps d’attendre… la catastrophe
annoncée.
2 – Mais que fait la BCE… tout ce qu’elle
peut ?
Cette institution qui fait partie et
doit soutenir la bancocratie européenne connaît une situation ambigüe. Les
banques privées redoutent les exigences nouvelles, lui imposant la détention de
fonds propres qui les bride, refusent la séparation des banques de dépôt et des
banques d’investissement. Elles entendent continuer à utiliser l’argent des
déposants pour spéculer. Elles s’opposent par ailleurs à la suppression des
paradis fiscaux qui leur permettent, par l’intermédiaire de leurs filiales, de
s’exonérer d’une imposition qu’elles jugent trop lourde. Elles réclament des
liquidités pour se recapitaliser face aux pertes qu’elles ont subies à cause de
leur propre cupidité. Elles s’effraient de voir leurs actionnaires les déserter
au profit d’emprunts d’Etat peu rémunérateurs mais… plus sûrs.
La BCE, elle, fait tout ce qu’elle
peut pour tenter de relancer les affaires, la fameuse croissance. Son taux
directeur, les prêts qu’elle consent aux banques privées, a été ramené à 0%,
comme pour dire aux banques privées, avec
cet argent scriptural vous pouvez prêter à des taux bien plus avantageux.
Las, les banques n’osent plus d’où leurs excédents qu’elles replacent à la BCE
pour les faire fructifier. Las, la BCE s’est fâchée, désormais ces placements
seraient inscrits à des taux négatifs pour les inciter à prêter plutôt qu’à
thésauriser. Mais, hélas, ça ne marche pas ! Alors la BCE s’est lancée
dans un programme dit ambitieux de rachat
de dettes privées détenues par les banques puis par les grandes entreprises,
et ce, excusez du peu, à raison de 80 milliards d’euros par… mois. Mais ce
jusque mars 2017… enfin décembre, et puis, après, ce sera une réduction
progressive de ces rachats. Elle a entrepris de fixer la liste de 175
multinationales qui peuvent en profiter dont AXA, TOTAL, LVMH, SANOFI, BMW,
BASM, Daimler, La Poste, EDF… JC Decaux… Et pourtant, ceux-ci n’ont aucune
difficulté à se financer auprès des marchés mais on espère, en haut lieu de
l’expertocratie, que ce coup de pouce lucratif pourrait se diffuser sur les PME
et sous-traitants qui se financent auprès des banques. L’objectif affiché est
d’arriver à faire baisser le coût de financement des grandes entreprises, en
espérant que cet effet dopant leur permettra d’accroître leur production et de
gagner de nouveaux marchés… au détriment d’autres concurrents. Mais toutes les
banques centrales mettent en œuvre cette même politique à somme nulle, sauf
dégâts collatéraux de faillites et de concentration capitaliste. Objection !
Cette politique en Europe va faire baisser l’euro par rapport au dollar et donc
diminuer le coût des produits importés… mais augmenter le prix des produits
exportés : concurrence vous dis-je ! En tout état de cause,
l’addiction à ces mesures et à l’argent facile rend la tâche de retrait difficile.
Ces béquilles, si elles étaient ôtées, feraient remonter le coût des emprunts
et mettraient encore plus en difficultés des pays comme le Portugal.
Bref, face à la stagnation, la crainte
de la récession, la mévente et la baisse des prix qui pourrait s’enclencher, il
faut bien faire quelque chose monétairement parlant et même se réjouir d’une
remontée du prix du pétrole pour augmenter un peu l’inflation et éviter la
déflation catastrophique. Et Draghi, le monseigneur de la BCE, de tempêter :
la BCE ne peut pas tout, c’est aux gouvernements de faire des réformes
structurelles pour baisser le prix de la force des travailleurs, ces manants
coûtent trop cher. Pas si simple pour les gouvernants !
3 – D’autres moyens pour tenter de juguler
l’apparition d’une nouvelle crise ?
Certes, la BCE n’est pas responsable
de tous les maux, même si ses interventions risquent d’aggraver le mal en
provoquant l’éclatement de bulles financières au sein de cette institution.
Face à la gravité de la situation on entend même des néo-libéraux entonner des
chants keynésiens, les grands travaux, la hausse des rémunérations en
Allemagne… mais l’appel aux Etats
surendettés ne rencontre pour l’heure aucun écho. Pour la plupart, sauver
une nouvelle fois les banques semble impensable au regard de leurs opinions
publiques ou impossible vu leur situation financière. De nouvelles
nationalisations temporaires ou des garanties d’Etat sont improbables pour
l’heure. En France, pour ne prendre que cet exemple, la dette publique s’élève
à 2 137,6 milliards d’euros, elle a doublé depuis 2002 pour atteindre
97,5% du PIB. Malgré la baisse du taux d’emprunt, les intérêts de la dette sont
passés de 37 à 42 milliards d’euros.
Reste l’accentuation de la déréglementation pour relancer le commerce
mondial. Les faillites récentes de sociétés de tankers et la
concentration-absorption dans ce secteur inquiètent tout autant que le
ralentissement chinois. Alors plus que jamais, pour l’Europe et l’Amérique, le
Grand Marché Transatlantique (TAFTA), le CETA (Canada/UE) semblent la solution
pour l’oligarchie occidentale. L’épisode wallon et l’espoir qu’il a fait
naître, furent de courte durée. Pour Jean Claude Junker, président de la
commission européenne, « il n’y a
rien de changé, tout est affaire d’interprétation » comme l’assurance
que la protection sociale ne serait pas affectée ou la possible clause de retrait
si les produits agricoles européens venaient à en souffrir. Quant aux tribunaux
d’arbitrage, ils ne seraient mis en place qu’après la période dite
d’application transitoire ; Charles Michel, le premier ministre belge, a
été encore plus catégorique « pas
une ligne du traité n’a été modifiée ». Mais la messe n’est pas dite.
Le Parlement européen donnera certainement son feu vert. La ratification des 28
parlements nationaux semble plus problématique car la mobilisation va
s’amplifier. Le néo-libéralisme a désormais du plomb dans l’aile et nombreux
sont convaincus que le CETA est le cheval de Troie du TAFTA étatsunien.
D’autant que l’Union européenne a d’autres traités bilatéraux en instance.
Demeure également pour le Conseil des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, la
baisse drastique de la masse salariale : réduction du nombre de
fonctionnaires, baisse des prestations sociales et des salaires. Tous s’y
essaient en rencontrant plus ou moins des résistances défensives. Le recours
aux mini-jobs, aux contrats courts, bref, à la précarité, semble une voie plus
assurée car elle ne rencontre pas la même vivacité d’opposition syndicale dans
un milieu atomisé. Quoique l’exemple des travailleurs détachés, cette
concurrence entre nationaux et étrangers est venu buter sur les protestations
syndicales. Cette forme de surexploitation occasionnant la baisse des salaires
a profité aux capitalistes allemands (400 000 travailleurs détachés),
français (229 000), belges (160 000). Le recours à des sociétés
boîtes aux lettres loueurs de bras venus d’ailleurs provoquant de la sous-traitance
en cascades, ce dumping social est devenu trop scandaleux. La vertu outragée de
la Commission, face aux prétendus abus sur lesquels elle se voilait la face,
l’a amenée à réagir. Un projet de révision de la directive de 1996 prévoit que
ces travailleurs détachés, outre qu’ils devraient être payés au SMIC,
pourraient prétendre à un treizième mois, à des anciennetés de carrière… voire
à la prime de Noël. Tollé des gouvernements croate, roumain, lituanien, lettonien,
slovaque. Contre cette pudique avancée sociale annoncée, ils invoquent la
subsidiarité (c’est à nous seuls de décider),
prétendent que « leurs » nationaux sont stigmatisés. Ces nationalistes n’entendent pas que s’installent, à
l’ouest, ces expatriés, y fassent venir leurs familles ce qui priverait ces
pays et leurs dirigeants de précieuses devises qu’ils envoient à leurs
familles. La paix sociale nationale est à ce prix. La Hongrie d'Orban compte
400 000 détachés expatriés ! C’est pas la veille que la directive de
1996 va être réformée.
Entretemps, les licenciements et la
précarité s’amplifieront. Certains pensent que c’est la seule solution, il
suffit de mettre au rencart définitivement les inaptes, les déclassés, les
surnuméraires en leur laissant un revenu minimum, baptisé universel. Ainsi les
prestations sociales et les administrations qui les servent seraient
« dégraissées ». Ces libertariens gagnent du terrain idéologique (5),
ils appuient d’ailleurs leurs propos sur le développement des nouvelles
technologies.
Modernisation, vous dis-je ! Il y
a bien sûr le recours à cette nouvelle
économie dite collaborative où ceux qui gèrent les plateformes encaissent
les dividendes des ordres qu’ils donnent à ceux qu’ils emploient sans aucune
couverture sociale. Mais des autoentrepreneurs fictifs ont porté plainte. La
condamnation de ces sociétés en Grande-Bretagne pourrait être un sérieux coup
de frein à l’expansion de cette nouvelle forme d’exploitation(6). On envisagera
peut-être demain que ces bricoleurs informatiques avaient un train de retard.
Le mieux n’est-il pas de remplacer l’homme toujours rétif par la machine
passive. Et c’est bien ce processus qui semble en marche aux USA. Remplacer l’homme par des algorithmes a
d’abord frappé les cols bleus, désormais sont touchés les avocats, les
comptables, les analystes financiers. Les camions sans conducteur sont apparus
sur les routes du Nevada en 2015. Or, les sociétés de chauffeurs de camions
sont les premiers pourvoyeurs d’emplois dans 29 Etats. D’après Andrew Stern,
ex-président du syndicat des employés de services, 3,9 millions d’emplois sont
menacés ainsi que plusieurs milliers dans les assurances, la réparation
mécanique, la restauration… Autrement dit, la crise financière pourrait se
conjuguer avec une crise sociale d’ampleur, voire une crise économique déstabilisant
l’industrie. Des effets de déséquilibre entre le secteur de construction des
moyens de production et de transport d’un côté et le secteur de production des
biens de consommation de l’autre sont susceptibles d’affecter toute l’économie.
Mais le pire n’est jamais certain.
<<<>>>
Les éléments financiers et économiques
relatés ci-dessus suggèrent qu’une crise financière de plus grande ampleur que
celle de 2007-2008 pourrait survenir à tout moment. Le Brexit, dès qu’il sera mis en œuvre, sera-t-il une accélération ;
la bulle immobilière dans ce pays ou en Chine sera-t-elle l’élément déclencheur
ou s’agira-t-il des prêts-étudiants aux USA, voire l’effondrement des valeurs
technologiques boostées jusqu’à la déraison dans leur mise en Bourse ? Il
est pour l’heure impossible de répondre à ces questions d’autant que le système
peut trouver des solutions provisoires pour différer, restreindre le cataclysme
à venir. L’un des remèdes majeurs que nous avons évoqué consiste à surexploiter
la force de travail employée qui appelle, contradictoirement, la résistance, la
mobilisation des salariés. Toutefois, au-delà de cette lutte de classe, les
surcapacités productives bridées par la difficulté à écouler les marchandises
produites demeureront. En tout état de cause en effet, le fait d’injecter un
tombereau de liquidités (de capital « fictif », ce que font les
banques centrales et les banques privées avant la crise) repose sur une hypothèse
des plus fragile. La finance introduite ainsi n’est en effet qu’un à valoir sur
la richesse produite en fin de course. Le cycle emprunt-production-vente s’il
n’est pas poursuivi jusqu’à son terme, produit inévitablement des dérèglements
du système même si, en aval, la finance a pu de manière illusoire, ponctionner
le capital industriel et le capital commercial.
D’autres phénomènes propres à ces
dérèglements sont tout aussi inquiétants. Les résistances quant aux effets sur
les corps sociaux, comme on le sait, peuvent prendre la forme de replis
égoïstes, nationalistes et xénophobes, plutôt que de se concentrer, notamment,
sur la réduction du temps de travail et la contestation radicale des castes politiciennes
qui prétendent continuer à prôner des solutions contre le Bien commun. Crises
financière, économique, sociale sont intimement liées. Encore faut-il y ajouter
la crise écologique dont, d’ailleurs, nous ne parlons pas assez dans notre
périodique.
Gérard Deneux, le 31 octobre 2016
(1) Sont
particulièrement sur le grill, Allied
Irish Bank, Bank of Ireland
(2)
En Espagne, Banco
Popular et en Autriche, Raiffeisen
(3) N’ayant pas
accepté l’euro, le Royaume « Uni » dispose toujours de sa banque
centrale et de banques privées émettant des livres.
(4) Pour illustrer
ce mode de recyclage, il suffit d’évoquer le cas de l’Espagne. Des villes
vides, voire inachevées, ont pu être vendues à des résidents étrangers, Russes,
Français… sans pouvoir éponger toutes ces créances.
(5) Lire l’article
d’Odile Mangeot sur ce thème, dans ce numéro
(6) Cf encart L’économie « collaborative »
sanctionnée
Encarts
La 5ème bulle dans la Silicon
Valley ?
C’est ce que prévoit Stuart
Graaler(1). Les plateformes numériques de services, Facebook, Twiter, Uber,
Airbus ont des valorisations boursières hors de toute proportion raisonnée.
Twiter, par exemple, déficitaire de 470 millions de dollars en 2014, a creusé
ce trou à 1,27 milliard au 1er trimestre 2016. Uber Chine, quant à
lui, s’est effondré après une perte d’un milliard par an. Ce système de
valorisation repose sur l’espoir de profits mirobolants à venir, mais,
désormais, les « investisseurs » boudent devant la poule qui ne pond
pas les oeufs d’or attendus. Serait-ce une bulle comme celle d’internet en 2000
à la puissance démultipliée ? L’indice Nasdaq qui relatait cette montée en
puissance de ces valeurs a également mesuré leur effondrement : 78% de
perte en 30 mois ! Pour l’auteur, le monde numérique porté par des
start-up, valorisé jusqu’à la démesure par des stock-options n’est qu’une
pyramide de Ponzi d’un nouveau genre.
(1) Le Monde du 27.10.2016
L’économie
« collaborative » sanctionnée !
Sous
cette appellation se dissimulent des plateformes numériques, loueuses de bras,
en l’occurrence des chauffeurs dits autoentrepreneurs. Sauf qu’à l’issue d’une
plainte de deux chauffeurs londoniens, le tribunal en a jugé autrement.
L’entreprise californienne qui sévit au Royaume-Uni, elle qui est valorisée en
Bourse à hauteur de 62 millions de dollars, emploie 30 000 chauffeurs
Uber, rien qu’à Londres. Elle devrait, au terme du jugement, payer salaire
minimum, prendre en charge les cotisations patronales, les congés, instituer
des pauses régulières. Et régler le fisc. La firme a fait appel, prétextant que
« ses » chauffeurs ne sont pas ses employés mais des clients auxquels
elle vend des services. Qui plus est, elle n’est pas britannique, son
entreprise est enregistrée aux Pays-Bas et ne doit rien au trésor britannique…
Le juge a pourtant démonté cette fiction juridique : ces soi- disants
autoentrepreneurs rémunérés 5,60 livres par heure, loin du salaire minimal fixé
à 7,20 livres, ne peuvent développer « leur » entreprise. Les
contrats qu’ils signent avec Uber, outre leur caractère ésotérique propre à la
novlangue, sont des contrats de louage de main d’oeuvre. Ainsi, le
licenciement, détourné de son sens, devient une « désactivation »,
ou une « déconnection » si
le « client-chauffeur » refuse 3 courses prescrites. Quant à
l’embauche, elle n’est qu’un enrôlement
volontaire. Ces autoentrepreneurs à qui on dicte des ordres ne connaissent ni
leurs clients, ni le prix de la course et comme de « vulgaires »
exécutants doivent suivre l’itinéraire prescrit.
Pour
les syndicats qui ont soutenu les deux chauffeurs londoniens, l’affaire est
d’importance pour les 450 000 chauffeurs qui, à travers le Royaume-Uni,
dépendent de 9 entreprises du même type qu’Uber. Ils s‘attendent toutefois à
une longue bataille judiciaire dans ce pays jusqu’ici, champion du néolibéralisme.