Revenu minimum garanti : réforme ou
révolution ?
A l’approche des échéances
électorales, présidentielles et législatives, voilà que resurgit, dans les
discours de droite et de « gauche », le débat sur le Revenu
d’existence, appelé aussi Revenu minimum garanti, allocation universelle,
revenu inconditionnel… Ayant admis que l’on doit vivre avec un taux élevé de
chômeurs, les tenants du libéralisme et de la marchandisation du monde
concluant qu’il est « naturel » qu’il y ait des très pauvres et des
très riches, conviennent qu’il est nécessaire de trouver des systèmes de
compensation de ces déséquilibres « inéluctables ». Le Revenu de Base
(nous le nommerons ainsi dans ce texte, englobant les autres formulations)
atténuerait les inégalités. Cette approche séduisante, au premier regard, est
peu sympathique à l’analyse.
Le Revenu de Base, outil de lutte contre la
pauvreté et contre les inégalités ?
Le plein emploi serait une valeur d’un
autre temps. Il s’agit de repenser les modèles économiques et sociaux à cause
du chômage, de la précarisation, de la soutenabilité de la croissance. Partant
de ces postulats, un certain nombre de libéraux et sociaux-libéraux sont
favorables au Revenu de Base, comme un revenu universel et individuel, attribué
à chacun sans conditions de ressources. Il libèrerait l’individu de la tutelle
de l’Etat (à la différence d’autres allocations appuyées sur des contraintes et
des justificatifs). Il remplacerait partie ou tout des allocations sociales. Il
serait instrument d’émancipation car il garantirait des moyens de subsistance
réguliers et à vie. Chacun, ainsi, pourrait choisir son mode de vie. Cette
notion, globale et aux contours flous, fait consensus chez les libéraux, comme
les candidats potentiels à la présidentielle Nathalie Kosciusko-Morizet, JP Poisson ou Frédéric Lefebvre (LR), proposant
un revenu universel en remplacement de tout ou partie des prestations sociales
et familiales. Les sociaux-libéraux ne sont pas en reste qui, de Benoît Hamon à
Valls en passant par la Fondation Jean Jaurès(1), sont sur la même longueur
d’ondes. Les divergences portent sur le montant, variant de 450€ (en-dessous du
RSA !) à 750€ par personne, avec des variantes pour les retraités et les enfants.
Ce fut même à l’ordre du jour du Sénat, le 19 octobre dernier, la commission
parlementaire rendant son rapport et préconisant de mener des expérimentations
de différentes formes dans divers territoires.
Tout le monde s’entend sur une
définition minimale du Revenu de Base. Ceux qui défendent la version libérale,
se réfèrent notamment à Milton Friedman (fondateur de l’école de Chicago) qui
développait (dès 1962 dans Capitalisme et
liberté), son programme de « combat
contre la pauvreté » qui, « tout
en fonctionnant par l’entremise du marché, ne devrait ni fausser celui-ci ni
entraver son fonctionnement ». Il proposa un revenu minimum sous forme
d’un crédit d’impôt universel, baptisé « impôt négatif ». Il s’agit
de se libérer l’emprise de l’Etat en permettant que le Revenu de Base se
substitue aux prestations sociales (assurance maladie, chômage, famille,
vieillesse), et allège, ainsi, les entreprises des cotisations
patronales !
Pour ceux qui défendent la version
plus socio-libérale, la nuance n’est guère perceptible : chaque individu
recevra de la collectivité, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, sans
condition, ni contrepartie, une somme régulière, cumulable avec d’autres
revenus dont ceux du travail.
D’autres, comme Baptiste Mylondo, du
courant de la décroissance, défendent, avec le Mouvement Utopia(2), le principe
que chacun contribue à la société de manière différente, au-delà du travail,
par la formation, l’aide à ses proches, l’engagement associatif… Pour eux, le
Revenu de base ne suffira pas pour réduire les inégalités et la pauvreté, d’autres
mesures sont nécessaires et notamment un
impôt sur le revenu fortement progressif, une taxe sur le patrimoine, un revenu
maximum (de 1 à 4).
Enfin, à l’opposé du système
capitaliste duquel l’on ne sort pas, avec les propositions évoquées ci-dessus, Bernard
Friot (3) prône le Salaire à vie, une mesure « révolutionnaire » qui
distribue à chacun un salaire, de l’âge de 18 ans à la mort, financé par la
cotisation (nous y reviendrons dans la 2ème partie).
On le voit bien, ce qui est en jeu est
un projet politique qui réorganise l’ensemble de la société et son
fonctionnement. Entre ceux qui continuent à penser qu’il faut liquider les
prestations sociales (comme la Sécurité Sociale), le Revenu de Base peut être
une aubaine : il en serait fini des cotisations patronales ! Même le Mouvement
Français pour un Revenu de Base (MFRB), affirmant « qu’il ne s’agit pas de remettre en cause les systèmes publics
d’assurances sociales mais de compléter et d‘améliorer la protection sociale
existante », admet qu’il pourrait remplacer certaines prestations du
régime de solidarité financées par l’impôt comme le RSA ou la CSG. De même, les
allocations familiales pourraient être revues. Certes, le système actuel
contraint à des contrôles des allocataires, des lourdeurs administratives, la
non réactivité lors des changements de situation, ce qui, prétend-il, disparaîtrait
avec le versement d’un Revenu de Base régulier. Ces positions sont ambivalentes
dans leurs conséquences, car elles peuvent être l’aubaine pour supprimer les
cotisations sociales ou encore réduire les dépenses publiques, en fermant des
services devenus inutiles. De même, cela pourrait encourager des salaires plus
bas ou des temps partiels sous-payés, le revenu de base servant de
compensation, se muant ainsi en subventions aux patrons.
Aux Pays Bas et en Finlande des
expériences vont être mises à l’essai. A Helsinki, le Revenu de Base est vu
comme un moyen d’améliorer l’efficacité de la protection sociale et de relancer
l’activité en poussant les inactifs à reprendre du travail puisque le cumul
sera possible ; cela permettra de « chasser les trappes à inactivité ».
En 2017, une expérience pour 2 ans sera tentée dans quelques localités. C’est
une béquille. Il n’est pas question de lutter contre la pauvreté, ni d’instaurer
un droit au revenu, encore moins de se libérer de l’emploi. Rien de
révolutionnaire mais une réforme de l’aide sociale. Et quand on apprend que même
les gourous de la Silicon Valley débordent d’enthousiasme pour le revenu
garanti pour tous !!! « Y Combinator, l’un des premiers incubateurs
de start-up de la Silicon Valley a annoncé son intention de recruter un
chercheur et une équipe de volontaires pour étudier la faisabilité du revenu
garanti. Pourquoi ? Il y a la vieille allergie à l’Etat-providence, que le
revenu universel, combiné à un démantèlement total des services publics,
pourrait définitivement réduire à néant. Ensuite, l’automatisation croissante
de l’industrie risque à terme de multiplier encore le nombre de chômeurs :
le versement à tous d’un petit pécule garanti et sans conditions permettrait
d’éloigner la menace d’un soulèvement populaire. Enfin, la nature précaire des
emplois serait mieux supportée si les employés disposaient par ailleurs d’une
ressource stable. Pour toutes ces raisons, le revenu garanti est souvent perçu
comme un cheval de Troie au service des compagnies high-tech qui cherchent à se
donner une allure altruiste. Adieu encombrantes vieilleries de l’Etat social.
Adieu, régulations qui protégeaient encore un peu les droits des travailleurs.
Adieu, questionnements pénibles sur la propriété des données personnelles
extorquées aux internautes »(4).
Le capitalisme a l’art de récupérer, à
son profit, des idées même les plus progressistes, pour mieux les torpiller.
L’idée du revenu de base avance dans un brouillard volontairement entretenu,
car il peut tout à la fois rétablir une certaine égalité, mais tout à
l’inverse, permettre de supprimer tous les conquis sociaux qui constituent le
salaire socialisé.
Le Revenu de base est suggéré par les
néolibéraux qui pensent que l’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie, que
le système de sécurité sociale doit disparaître ainsi que les services publics
et que les allocations minimales peuvent exister pour les
« pauvres ». Partant de l’idée que les inégalités dopent l’initiative
personnelle et la concurrence, ils préconisent de réduire les dépenses
publiques, de circonscrire les droits sociaux en n’en garantissant que certains
pour les plus démunis. Ainsi déconnectée de l’inégalité, la pauvreté n’est plus
l’effet de l’inégale répartition des richesses mais peut être attribuée aux
efforts insuffisants des allocataires sociaux pour réussir. Les aides sociales
entretiennent les chômeurs dans le chômage. Macron n’affirmait-il pas : « Si j’étais chômeur, je n’attendrais
pas tout de l’autre. J’essaierais de me battre d’abord »(5). Les
néolibéraux ont réussi à faire passer l’idée que la pauvreté peut être
combattue sans redistribution des richesses, renforçant l’idée qu’il suffit de
se battre pour réussir. Ils veulent nous faire oublier que si la richesse des
uns existe, c’est qu’elle se construit sur l’appauvrissement des autres.
Pour renverser le capitalisme, il faut renverser
notre pensée
N’y aurait-il que les riches et les
classes aisées qui auraient le droit de choisir leur vie ? Que vais-je
entreprendre, en matière de formation, de travail ou pas ? Comment vais-je
vivre bien ?
Devons-nous considérer que le travail
n’aurait qu’une vertu : rapporter de l’argent ? Ou peut-on imaginer
que participer à la richesse collective justifierait certains droits,
dont celui d’échapper à la misère ? Dans cet esprit, le revenu garanti
pour tous pourrait avoir du sens.
Doit-on considérer que le travail doit
être obligatoirement aliénant, pénible ? Ou peut-on avancer qu’il
participe à l’émancipation individuelle et collective, dans le sens où il donne
accès à des connaissances, à des relations, e qu’il met en oeuvre la
responsabilité collective ?
En répondant à ces quelques questions,
on inverse la perception des choses : « Le chômeur indemnisé n’est
pas un profiteur en puissance mais une personne compensée pour la privation
dont elle souffre, celle de ne pas participer à la production collective ».
.
Penser
le travail autrement : le salaire à vie
Le salaire à vie, salaire universel,
que l’on travaille ou pas, serait donné de l’âge de 18 ans à la mort,
comportant 5 niveaux, de 1 500€ net à 6 000€ net ; il introduit
le revenu maximum. Son montant serait fixé en fonction de la qualification
personnelle et non par rapport au poste de travail occupé. Il aboli le marché
du travail et, par conséquent, le chômage. C’est une reconnaissance pour toutes
celles et ceux qui ne « travaillent » pas (les mères au foyer, les
retraités, les sans travail…) et participent à la production collective,
marchande et non marchande.
Impossible ? Non nous dit Bernard
Friot. La cotisation, telle qu’elle a été conçue et mise en œuvre pour financer
les retraites, la sécurité sociale ou l’assurance chômage pourrait être étendue
aux salaires. Actuellement cette mutualisation représente l’équivalent de 40%
de la masse salariale, versés dans les caisses de la Sécu, des retraites, etc…,
soit 476 milliards en 2014, très supérieur au budget de l’Etat, représentant
22% du PIB. Ces cotisations sociales sont transformées en salaire (le salaire
socialisé) ; elles ne génèrent aucun profit, aucune accumulation marchande (sauf lorsqu’il y a des
déficits (le trou de la Sécu ou des allocations chômage), ce qui «oblige »
les institutions à emprunter sur les marchés de capitaux, générant ainsi une
rente financière). Ces cotisations peuvent être gérées par les salariés (comme
les caisses de protection sociale l’étaient à l’origine).
« Sur la base de ce déjà-là, on
peut envisager la socialisation de l’intégralité du salaire par une cotisation
qui se substituerait à la paie versée par un employeur. Il n’y aurait plus d’actionnaires,
ni de patrons payant « leurs » salariés mais des directions
d’entreprises qui verseraient une cotisation et recruteraient des salariés
qu’elles n’auraient pas à payer ». Une caisse des salaires collecterait la
cotisation. Le travail ne serait plus une marchandise que vend le salarié à son
employeur contre une rémunération. La relation d’assujettissement du premier au
second disparaîtrait.
Impossible de mettre ça en œuvre sans
sortir du capitalisme. Bernard Friot affirme qu’il ne faut pas taxer le profit,
il faut le supprimer. En supprimant le profit, on supprime la propriété
lucrative pour instaurer une propriété d’usage. Tout employé d’une entreprise
deviendrait copropriétaire d’usage de celle-ci et on ne pourrait plus faire de
profit sur la propriété.
Cerise sur le gâteau, la cotisation
pourrait aussi financer l’investissement. Actuellement, seuls les propriétaires
et dirigeants décident de l’usage des profits générés par les entreprises. Une
cotisation spécifique permettrait de financer les projets d’avenir. Les
salariés géreraient la caisse et décideraient des projets. Ce mécanisme
s’appliquerait aux services publics, financés par l’impôt, au logement, à
l’énergie, aux communications, au crédit. « A terme, affecter l’intégralité de la richesse produite à la cotisation
et donc au salaire socialisé, constituerait un acte politique
fondamental : la définition de la valeur, sa production, sa propriété
d’usage et sa destination reviendraient aux salariés, c’est-à-dire au peuple
souverain » conclut Bernard Friot. C’est la socialisation de
l’économie. Néanmoins, cette revendication structurelle ne peut être mise en
œuvre sans « révolution » au sens d’un bouleversement des rapports de
forces et des rapports sociaux dominants.
A l’issue de ce tour d’horizon rapide
(6) pour démasquer les vrais des faux amis, il ne saurait être question
d’accepter un revenu minimum pour ceux qui sont classés
« inemployables », permettant de glisser sous le tapis les conquis
sociaux, comme la Sécurité sociale, etc. Le partage de la richesse, donc la
lutte contre les inégalités et la pauvreté, passe par un changement radical et
une sortie du capitalisme. Les mesures d’aménagement proposées par la création
d’un revenu de base, peuvent être une étape, mais surtout pas dans la version
des néolibéraux et des sociaux-libéraux (à la mode Macron/Valls/Hollande). Un
long combat à mener. C’est l’une des pistes pour la réelle transformation
sociale.
Odile Mangeot, le 25 octobre 2016
PS : cet article appelle à des
commentaires, des compléments. N’hésitez pas à les écrire.
(1) Think tank socialiste
(2) Mouvement politique
de réflexion, appelant au dépassement du capitalisme (compte des membres de
EELV, du PG et du PS ainsi que des associations)
(3) Bernard Friot,
sociologue, a fondé le Réseau Salariat www.reseau-salariat.info.
A écrit notamment L’enjeu du salaire (2012)
et Emanciper le travail (2014)
(4)
Blog du Monde Diplomatique : L’utopie du revenu garanti récupérée par la
Silicon Valley (29.02.2016) Evgeny Morozov
(5) Sur BFM TV, le
18.02.2015
(6) Cf article
paru dans PES n° 16 (août 2015) « Face aux projets pour un revenu à
vie » de Jano Celle
Sources :
-
le Monde
diplomatique
juillet 2016 Une idée révolutionnaire…ou
pas. Le revenu garanti et ses faux amis de Mona Chollet
-
Manuel
d’économie critique–
hors-série du Monde Diplomatique, paru
en septembre 2016, réalisé à partir des programmes d’économie de première et de
terminale. Il a pour objectif de rendre l’économie accessible au plus grand
nombre et en souligner la nature politique. Rappeler que, comme la chose
publique, l’économie est l’affaire de tous et permettre à chacun de s’en
emparer. Loin des dogmes, il s’agit de remettre l’économie au service de la
société.
Encarts
La
Sociale,
le nouveau film de Gilles Perret
Sera diffusé à l’initiative des Amis du Monde Diplomatique Nord
Franche-Comté et les Amis de l’Emancipation Sociale les :
mardi
6 décembre
2016, au cinéma le Colisée à Montbéliard (20h15)
mercredi
7 décembre
2016 au cinéma Méliès à Lure (20h30)
jeudi
8 décembre
2016 au cinéma Majestic à Vesoul (20h30)
vendredi
9 décembre
2016 au cinéma Victor Hugo à Besançon (20h30
Après Ma mondialisation, Walter retour
en résistance, De mémoires d’ouvriers
ou encore Les jours heureux, Gilles
Perret nous transporte dans les luttes populaires et les avancées sociales
extraordinaires qu’elles ont permises. Parmi elles, la création, il y a 70 ans,
de la Sécurité Sociale. D’où elle vient, ce qu’elle est devenue et ce qu’elle
pourrait devenir. Une Histoire peu ou pas racontée jusqu’à ce jour nous
concerne tous.
Les films seront suivis d’un débat en
présence de Stephane Perriot,
monteur du film.
Direction des
Ressources Heureuses
Julien
Brygo et Olivier Cyran
Extraits d’un
article paru dans le Monde Diplomatique
d’octobre 2016
« Les patrons n’exagèrent-ils pas un peu dans leur souci de faire le
bonheur de leurs salariés ? Aux forçats du travail qui rament pour des
queues de cerise et n’auraient peut-être pas songé à se poser pareille
question, l’émission « Envoyé spécial » (…) vient d’administrer une
édifiante leçon de rattrapage. (…) Elle nous emmène sur les pas de Sophie, chief happiness officer dans une
start-up parisienne (…). Inventé aux Etats-Unis, ce nouveau métier, que l’on
pourrait traduire par « chef du
service bonheur » consiste à « créer une bonne ambiance au
bureau » en égayant le personnel par des repas, des soirées ou des sorties
propres à souder le groupe et à galvaniser son ardeur à la tâche ».
Dans le même genre, « le 4 avril dernier, en pleine mobilisation
contre la loi travail, alors que l’exaspération face aux ravages de la
précarité et à l’épidémie des boulots de merde, enflait dans la rue, l’émission
Happy boulot (…) - tous nos conseils pour bien démarrer votre journée de
travail – (…) s’inquiétait des excès de générosité auxquels en sont
réduits les employeurs.
… et
les patrons en donnent tant que ‘le risque à terme, c’est d’être à court
d’idées de gentillesses’. Voilà un
angle d’attaque que les syndicalistes utilisent trop rarement : cette
tendance lourde du patronat à gâter ses employés ».
La
mode du bien-être au travail (…) ruisselle parfois au compte-gouttes sur les
échelons inférieurs de la hiérarchie, comme l’explique le patron des salades en
sachet Florette (…), cet adepte du lean management clame son attachement aux
« théories qui encouragent les salariés à travailler avec beaucoup de
liberté »… Rappelant que « l’entreprise ne peut pas être une
démocratie » » (tout de même !) il a pris des « mesures pour encourager le bien-être(…) il a
ouvert une salle de sieste équipée de poufs Fatboy »…
Cette
surexposition médiatique des gâteries patronales ne relève pas seulement d’un
aimable dérivatif (…) elle consacre aussi la ligne de démarcation qui structure
le monde du travail. D’un côté, une aristocratie laborieuse dotée de bons
revenus (…). De l’autre, les millions de sujets d’un marché du travail que l’on
ne saurait même plus qualifier de salariat, tant y prolifèrent les statuts au
rabais …La condition des trimardeurs de l’industrie des services se dégrade au
même rythme que celle des « statutaires », pour lesquels le
« bien-être au travail se résume souvent à l’espoir de ne pas sortir trop
abîmés des techniques managériales mises en place pour les essorer. Dans les
entreprises et services publics qui l’ont adopté, le lean-management (…)
s’illustre moins par des massages de pieds que par des burnout en série…(à la
Poste et dans les hôpitaux)(…) au CHI de Toulouse où quatre membres du
personnel infirmier se sont donné la mort au cours de cet été…