Le pouvoir de la finance et des
transnationales
Si le capitalisme
fait système c’est qu’il résulte dans ses superstructures d’une organisation
souple assurant la suprématie de son fonctionnement et les tentatives toujours
renouvelées d’en résoudre les contradictions. A la différence de ce qui
existait avant la 2ème guerre mondiale, et encore plus avec la fin
de la parenthèse keynésienne fordiste, le pouvoir du capital dispose désormais
d’une énorme bureaucratie pyramidale, horizontale et sectorielle. A sa tête
cette «aristocratie» mondialisée est constituée de grandes sociétés, de banques
multinationales et de fonds spéculatifs. Ce pouvoir des gérants des
multinationales est organisé au sein de lieux de rencontres et de multiples
organes où sont définis les stratégies à mettre en œuvre et les conflits à
résoudre. On voudrait ici rappeler la fonction des plus emblématiques afin de
suggérer que la rupture avec ce système, compte tenu de sa puissance et de ses
moyens de rétorsion, ne peut s’opérer dans un seul pays et, à tout le moins,
que les politiciens de droite et de gauche, intégrés dans ce système, sont
autant de leurres pour que rien ne change.
Le forum de Davos, sponsorisé
par plus de 1 000 grandes entreprises multinationales, est surtout un lieu
de rencontres entre super-riches et gouvernants qui, entourés d’une piétaille
de journaleux de connivences, orchestrent les grandes orientations de
l’économie globalisée. Malgré les craquements du système on y glose sur la
moralisation des excès, sur la «nécessaire
croissance forte, soutenable et équilibrée» et, par voie de conséquence….
sur la réduction des impôts des plus riches et des dépenses publiques. Mais,
derrière les gesticulations d’autocongratulation, cette grand’messe de la
valeur actionnariale, s’esquisse, se conclut en catimini de juteuses alliances.
Pour ceux qui se prétendent les «maîtres du monde», ce forum est
essentiellement un lieu de socialisation des grands capitaines de l’industrie
et de la finance.
Le G 8 et le G 20 sont aussi des
lieux informels mais beaucoup plus opérationnels. Ces rencontres de chefs
d’Etat les plus puissants qui doivent désormais compter avec les pays émergents
(G20) tentent de résoudre, de calmer le jeu des affrontements entre puissances
tout en assumant toujours la suprématie de la triade (USA/Europe/Japon) quoique
avec de plus en plus de difficultés.
L’Organisation Mondiale du Commerce possède un pouvoir d’influence et de nuisance réel. Dirigée par Pascal Lamy
(ex-dirigeant du PS), elle est chargée de libéraliser tous les échanges en
incitant les pays à réduire leurs tarifs douaniers. Elle met ainsi les pays les
plus fragiles sous la dépendance des pays dominants et des transnationales.
Elle possède son bureau des règlements des différends qui peut imposer des amendes,
des sanctions à la demande des Etats (exemples : les bananes antillaises
protégées, le roquefort…).
Le FMI et la Banque Mondiale sont spécialisés dans les prêts dits «sous conditionnalités». Lorsque les
Etats endettés comme ce fut le cas pour les pays du Sud et désormais pour
l’Europe, ils appliquent des mesures «d’ajustement structurel». Pour le dire en
langage clair : on vous prête à condition que vous prouviez que vous
privatisez, réduisez les dépenses publiques pour être en capacité de rembourser
les créanciers privés. Bref, on vous endette à des taux moindres que ceux que
vous pourriez trouver sur le marché, et ce, en plusieurs fois parce qu’à chaque
étape on veut mesurer la politique coercitive que vous menez. Ces politiques
asphyxient par conséquent la souveraineté des Etats, organisent le pillage des
biens publics ce qui permet aux multinationales d’y faire leur marché.
Le Club de Londres. Il s’agit
d’un cartel de créditeurs constitué de grandes banques internationales. En
étroite relation avec le FMI, elles s’entendent pour rééchelonner les dettes
des Etats tout en s’assurant qu’à terme, leurs créances augmentées de leurs
intérêts, leur reviennent.
L’ONU avec le poids déterminant des
USA, de l’UE et du Japon (triade) et l’organisation du pouvoir que lui confère
le Conseil de Sécurité (droit de veto et ce, malgré les tentatives de réformes
qui dans leur dimension démocratique ont toutes avorté) fait désormais partie
de la domination de l’ordre capitaliste à maintenir. Toutefois, comme l’ont
prouvé le démembrement de la Yougoslavie et les guerres dites préventives
(Irak, Afghanistan), l’OTAN constitue le bras armé de la puissance du maintien
du système dans ses finalités néolibérales. Les fauteurs de troubles dans la
marche des affaires ne doivent pas être «exagérément» troublés. Les
contradictions entre Etats, le déclin relatif des USA peuvent conduire
également à des coalitions plus restreintes ou à des actions dites unilatérales
pour autant comme l’a indiqué Obama que les Etats-Unis puissent les «diriger de l’arrière» (Libye, Mali).
Il y a bien encore d’autres
organismes (Table ronde, groupe Bildenberg) (1) qui ont pour fonction de
déterminer les orientations, les recommandations, exercer les pressions
nécessaires au maintien et au développement du capitalisme financiarisé.
De fait, tous les
dirigeants de ces organismes, à des degrés divers, sont les grands prêtres de
l’ordre mondial réellement existant. Ils disposent non seulement des moyens du
complexe militaro-industriel (1) mais surtout d’une armée de bureaucrates
parasitaires, d’une armada de hauts fonctionnaires internationaux, régionaux,
nationaux, de traders, de think tanks
( 3 465 à l’échelle de la planète), de faiseurs d’opinion (médias), voire
d’ONG et de chercheurs serviles. Formatés dans les mêmes écoles, chantres du
néo-libéralisme, sans aucune légitimité populaire, ils sont en quelque sorte
les organisateurs de l’hégémonie de l’oligarchie capitaliste mondiale, les
dispensateurs d’un prêt-à-penser qu’on ne saurait remettre en cause. Ils furent
et sont toujours les acteurs de la formidable expansion des dérivés de crédits
de ladite innovation financière, de l’effet levier… qui a conduit à la crise
financière du système.
Ce pouvoir opaque
de la «mondialisation financière» est une organisation en réseaux
transnationaux et trans-sectoriels, ce qui ne signifie pas qu’elle ne soit pas
traversée par des contradictions.
Gérard Deneux, le
3.04.2013
(1)
«Europe INC.
Comment les multinationales construisent l’Europe et l’économie mondial »
Collectif – éditions Agone
Pour en savoir
plus :
-
«Le nouveau
gouvernement du monde» de Georges Corm – éd. la Découverte
-
«Le G8 illégitime»
ATTAC – éd. Mille et une nuits
-
«Au mépris du
monde. G8, G20, peuples en lutte» ATTAC – éd. les liens qui libèrent
-
«OMC. Le pouvoir
invisible» Agnès Bertrand – éd. Fayard
-
Et l’article du Monde Diplomatique (avril 2013) «Les Nations Unies sous le charme du privé»
de Chloé Maurel