Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 2 mai 2013


Démystifications (1)

Les médias et formations politiques dominantes emploient des expressions destinées à rendre impossible le doute, voire à étouffer toute critique ou contestation. Celles-ci procèdent souvent à une inversion de sens qui, par répétition, ont un effet performatif. Ainsi, dernièrement, l’accord de « sécurisation de l’emploi » n’est en fait qu’une procédure d’acceptation de l’insécurité, sous prétexte d’accroître la rentabilité de l’entreprise afin de regagner des parts de marché sur ses concurrents. Elle occulte la baisse des salaires, l’accroissement du temps de travail et les suppressions de poste qui sont requises pour « sécuriser » un certain nombre d’emplois au détriment d’autres (mutations d’office, licenciements…).

Si le recours à cette novlangue est possible sans répudiation massive, c’est que les conditions de l’hégémonie de la pensée dominante le permettent. Il n’existe pas de contre-discours suffisamment puissant ou de failles dans le discours des gouvernants qui puissent opérer des brèches. La faillite du capitalisme d’Etat à l’Est, ou du « socialisme réel » ainsi que de la social-démocratie y sont pour beaucoup, tout comme l’apparente « mondialisation heureuse » avant la crise de 2007-2008 et les politiques « d’austérité » qui ont suivi.

Ce qui suit voudrait démystifier, à titre d’illustration, certaines expressions passées dans le langage courant qui, rabâchées, sont plus ou moins incorporées dans les consciences car « les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes ». (Karl Marx)


« Le capital humain »

Est employé comme son équivalent plus euphèmisé, la notion de « ressources humaines ». Dans sa mise en discours, cette expression entend faire croire que chacun serait pourvu de « capital humain », la responsabilité des individus, indépendamment de leurs positions sociales, consisterait à le faire prospérer. Chacun serait donc un « entrepreneur de lui-même ». Notons d’abord que « capital humain » est une contradiction dans les termes. Le capital est une accumulation de « travail mort », de marchandises et d’argent. L’humain, au contraire, c’est la force de travail mise en vente sur le marché du travail qui s’oppose et permet l’accumulation du capital.

Cette expression s’est opposée jusqu’à la faire disparaître à celles de « relations humaines » dans les années 1970. Son émergence puis sa prépondérance dans le discours dominant renvoient à la fin des « Trente Glorieuses », à un rapport de forces devenu défavorable au monde du travail et à la suprématie du néo-libéralisme.

Le recours à cette expression consiste
-         à faire croire, à répandre l’illusion que chacun pourrait revaloriser, gérer sa propre personne comme un capitaliste, à devenir un bon produit valorisé dans un monde concurrentiel,
-         à culpabiliser ceux qui galèrent et par conséquent à les persuader qu’ils sont responsables de leurs échecs dans la mesure où la mobilisation de leur capital humain serait insuffisante. Il y a là, évidemment, de la part de ceux qui diffusent un tel discours, un profond cynisme vis-à-vis de ceux qui vivent la précarité, le chômage, la pauvreté. Mais également une part d’instrumentalisation des masses. Que l’on pense à tous les discours qui, dans le même sens, désignent à la vindicte les « assistés »,
-         à occulter les inégalités sociales et, par conséquent, l’appropriation inégale des ressources matérielles, sociales, culturelles et symboliques. Il s’ensuit que les « mécanismes » de l’exploitation capitaliste sont ignorés, voire niés. Le capital produirait par lui-même du capital, cette illusion entretenue s’articule avec l’expression de « coût du travail » et inverse la réalité : lors de la vente de la force de travail, ce « coût » n’est que le salaire à diminuer pour accroitre l’extorsion de la plus value, le surtravail qui n’est pas payé et qui, par son accumulation, se constitue en profit et donc en capital. Dans le même mouvement le « coût » de la « force de travail » renvoie à la marchandisation du « capital » humain sur le marché du travail et donc ce que Marx appelle le fétichisme de la marchandise qui renvoie aux rapports sociaux caractérisant le système capitaliste.   


Dettes publiques

Lorsque les néolibéraux y font référence, ils l’enrobent d’un discours qui lui donne un sens tout en occultant son origine. En effet, si les dettes publiques sont un « gouffre sans fond », « une mauvaise graisse de l’Etat », s’il y aurait « trop de fonctionnaires » et trop de « dépenses d’assistance », la réponse tombe sous le sens : il conviendrait de mettre l’Etat au régime sec…. De même, si « les impôts dissuadent de travailler et d’entreprendre » la solution toute trouvée est de les diminuer. Ainsi seraient résorbées les dettes publiques. CQFD.

La réalité est tout autre. Les dettes publiques résultent de la différence entre recettes et dépenses de l’Etat. Les recettes sont des impôts et des taxes, et les dépenses permettent le fonctionnement de services publics et d’équipements publics. Les routes, le rail, les télécommunications accélèrent la circulation des marchandises et du capital, tout en étant financés par la collectivité. Démanteler les services publics c’set en extraire les secteurs qui, pour le capital, seraient source de rentabilité et donc d’accumulation.

L’endettement public provient fondamentalement de décisions politiques consistant à restreindre les impôts sur les plus riches, sur le capital industriel, commercial et financier. Ce manque de recettes est compensé par le recours à l’emprunt auprès de ceux qui possèdent des revenus excédentaires, c’est-à-dire les catégories les plus fortunées, qui les placent en obligations d’Etat, en capital porteur d’intérêts. Cette rente financière, sous forme de créances publiques, est un à valoir sur le revenu futur de l’ensemble de la société qui se concrétisera (si la « croissance » est au rendez-vous) sous forme d’impôts et taxes. Ce sont les grandes banques, les compagnies d’assurances, les fonds dits d’investissement qui servent d’intermédiaires pour ces catégories les plus aisées, leur permettant ainsi de diversifier leurs placements financiers et d’en réduire les risques. 

L’Etat, déjà investi par les classes dominantes dans les hauteurs de son appareil, devenu client obligé du capital financier est donc mis sous pression, instrumentalisé pour mieux servir les intérêts de cette fraction parasitaire du capital.

Du point de vue des classes ouvrières et populaires, l’extinction des créances publiques ne peut résulter que de l’annulation des dettes publiques tout en excluant les petits porteurs. Un audit de la dette est donc nécessaire. Dans cette optique radicale qui prend les choses à la racine, les banques privées ne se justifient pas, l’expropriation n’est qu’un moyen de recouvrer les impôts que l’on était en droit d’exiger des catégories les plus fortunées, tout en leur faisant grâce des pénalités de retard.

La réforme

L’idéologie dominante, celle qui s’est imposée depuis la fin des années 1970, inverse le sens du mot réforme. Proclamer que « la France est irréformable », « archaïque », « rétive », qu’elle n’accepterait pas le changement et, par conséquent, les « réformes » néolibérales, consiste, sous le masque de la modernité, voire du progrès, à prôner des mesures de régression sociale contraires au contenu initial inscrit dans l’expression réforme.

En effet, originellement, on trouve l’opposition entre réforme et révolution, entre ceux qui entendent imposer la transformation progressive du capitalisme pour en sortir et ceux qui prônent une transformation radicale.

Sous la 3ème République, les premiers socialistes prônent des réformes de structure radicales : la municipalisation des sols vise à éviter la spéculation et à annihiler la rente foncière. L’encadrement du crédit et la nationalisation des grands secteurs industriels et financiers poursuivent le même but, provoquer la sortie du capitalisme.

Avant 1914, un premier glissement de sens s’opère. Pour la social-démocratie, il s’agit de rechercher un compromis entre le capital et le travail, de s’installer dans un système capitaliste à visage humain. La réforme est réduite à la conquête et à la préservation d’acquis sociaux par les travailleurs. Ce « gradualisme » s’oppose à la rupture dont étaient porteuses les réformes de structure. Cette compromission avec le capital conduit à l’union sacrée au cours de la 1ère guerre mondiale et à la rupture de 1920, au congrès de Tours, entre sociaux-démocrates et communistes.

Après la 2ème guerre mondiale, le compromis entre le capital et le travail trouve une nouvelle assise dans le modèle keynésien-fordiste de la reconstruction et le partage du monde en deux blocs. Pour Thorez, il ne s’agit plus de faire la révolution, ou de prôner la rupture, mais « de retrousser ses manches » pour relancer la production capitaliste tout en espérant une redistribution des richesses concédées par le système. Là s’arrête la réforme issue du programme national de la Résistance.

A la fin des années 1970, la classe dominante face à la crise et dans le souci de la surmonter, entend casser le modèle keynésien-fordiste à bout de souffle afin de développer le capital financier permettant de gagner, en dehors de la sphère nationale, des parts de marchés. Ce processus, entamé avec la construction européenne et par les multinationales, va connaître une accélération sans précédent. Briser les protections sociales suppose le recours à l’idéologie pour produire une nouvelle forme de consentement. La réforme prend dès lors un autre sens. Elle consiste, en effet, dans la destruction des acquis du compromis fordiste, dans le démantèlement de la réglementation légale et conventionnelle qui seraient autant d’entraves, de lourdeurs plombant la compétitivité. Autrement dit, la flexibilisation du travail est requise, tout comme le démantèlement du système de protection sociale.

Par l’emploi du mot réforme, il s’agit, en fait, de convaincre les victimes de la régression sociale qu’il s’agit aujourd’hui de consentir à des efforts, des sacrifices qui, demain, permettront le retour de la croissance.  Il s’agit là, sous le couvert de progressisme apparent, d’une entreprise fondamentalement réactionnaire inaugurée par la «contre- révolution » néoconservatrice de Reagan et Thatcher, impulsée dès 1983 par Mitterrand. La gauche social-démocrate convertie au néo-libéralisme (Blair, Schroeder) va participer à ce marché de dupes et nier son réformisme antérieur.

Cette gauche de droite ne peut que s’aliéner le monde salarial qui constitue sa base électorale. La crise s’approfondissant laisse augurer d’un retour de la lutte des classes, de l’émergence de revendications porteuses de réformes de structure, voire d’un nouveau projet révolutionnaire.


L’égalité des chances

Alors même que les inégalités explosent, le discours dominant consiste en une charge contre « l’égalitarisme » conduisant au totalitarisme pour mieux faire accepter l’ordre social réellement existant. Il se conjugue avec la diffusion de la croyance à « l’égalité des chances » que le système permettrait à tout un chacun.

« L’égalitarisme » conduirait à l’uniformité et à la négation de la différence des talents. Ce « nivellement par le bas » serait, non seulement stérilisant, mais inefficace. En effet, contraire à l’émulation des individus, il démotiverait et briserait, par conséquent, l’esprit d’entreprise. Par le recours à ce terme  (l’égalitarisme), il s’agit de confondre l’égalité avec l’identité, à faire croire que l’égalité de condition conduit à l’uniformité (tous pareils) et à occulter par là-même les inégalités sociales et de pouvoir, sous prétexte d’efficacité économique ; c’est la guerre de tous contre tous qui est prônée. Cette inégalité, ressort de la concurrence d’où surgiraient les meilleurs, occulte les pesanteurs de la hiérarchie bureaucratique et le despotisme d’usine qui aliènent l’autonomie des sujets. Cette oppression pour ceux qui la subissent, comme l’actualité ne manque pas de la faire sourdre, peut conduire à une perte de sens, à une vie sans issue et au désespoir individuel d’autant que « l’ascenseur social » (je progresse et mes enfants vivront mieux que leurs parents), induit par le modèle keynésien fordiste, disparaît de l’horizon générationnel.

Pour compenser cette réalité confondante, cette explosion des inégalités réelles, la pensée dominante a recours à une autre locution : « l’égalité des chances ». Egaux formellement, nous aurions les mêmes chances d’accéder dans le haut de la hiérarchie sociale par le recours à l’école qui distinguerait les meilleurs. Bien que l’on sache, depuis Bourdieu, que l’école ne fait que reproduire les inégalités sociales, le recours à l’expression « égalité des chances » consiste à entretenir l’illusion que chacun, quelle que soit sa position sociale, peut accéder aux meilleurs places dans la société, les exceptions confirmant la règle. Il s’agit, de fait, de cautionner la hiérarchie sociale et la concurrence qui la régulent. L’inégalité aussi profonde soit-elle serait donc un fait de nature, une essence de la condition humaine que l’on ne pourrait modifier. Les individus, quelle que soit leur position de départ, pourraient tenter individuellement contre tous les autres leurs chances. L’égalité dans cette acception devient une question de chances, se confond avec la roue de la fortune, le destin, le hasard. Cette vision est la négation de l’action solidaire et collective, visant à réduire les inégalités.  

En fait, là où il y a égalité, il n’y a pas besoin de chance. Elle réduit les possibilités de domination et d’oppression en favorisant la coopération d’égal à égal. Les possibilités d’action en sont décuplées : parler, agir d’égal à égal, c’est exercer sa liberté, les conditions matérielles n’étant plus un frein, la créativité, le développement des personnalités dans leur singularité pourraient se déployer dans de bien meilleures conditions. Reste qu’il ne peut y avoir d’égalité réelle sans remise en cause de la propriété des moyens de production et de l’accumulation des moyens monétaires. La République égalitaire ou sociale ne peut coexister avec les privilèges de l’appropriation des moyens de domination réservés à une classe, une caste, qu’elle soit privée ou étatique.


Liberté, libéralisme, libéralisation.

Confondre la liberté et le libéralisme, le libéralisme politique et le libéralisme économique est propre au système capitaliste. La liberté politique serait fondée sur l’existence de plusieurs partis concurrents sans que l’on s’interroge sur le contenu de leurs programmes et sur la place dévolue aux travailleurs dans le système parlementaire d’alternance. Quant à la liberté économique, elle renverrait également à la libre concurrence, sans que l’on s’interroge sur la place prédominante, voire écrasante, des grands groupes cotés au CAC 40, sur leurs sous-traitants, les petits commerçants et artisans. Dans le contexte de la mondialisation financière, le discours dominant s’est emparé de la notion de libéralisation pour faire le procès de l’Etat keynésien, pour réduire ses capacités interventionnistes et contraignantes.

L’Etat serait inefficace en se mêlant d’économie. Il s’agit donc de rendre, dans cette perspective, la liberté aux entreprises. La liberté des échanges sans entraves, sans taxes douanières, serait la garantie de la baisse des prix et de l’accès pour tous à la consommation. Tout le monde y gagnerait. Inversement, le protectionnisme, ce serait la pénurie voire le goulag.

Derrière cette charge idéologique, ce qui est visé, c’est le compromis qui s’est tissé après la 2ème guerre mondiale entre le capital et le travail qui était censé garantir la reconstruction, le plein emploi, la hausse du niveau de vie et la baisse tendancielle du temps de travail, permises par le développement de la productivité, l’intensification du travail sous forme de taylorisation généralisée, la prolétarisation des paysans et le recours massif à l’immigration. Ce compromis possédait plusieurs caractéristiques qui sont désormais remises en cause, à savoir
-         l’Etat interventionniste qui a permis une socialisation accrue des conditions générales de la production capitaliste
-         la politique d’encadrement du crédit, de création monétaire, de régulation du taux de change visant à juguler dans la perspective keynésienne l’expansion du capitalisme financier.
-         l’encadrement de la concurrence par des monopoles d’Etat et une volonté de planification de l’essor industriel.

Ce modèle, vite contrecarré par le marché commun européen, répondait à une configuration historique particulière, l’existence d’un système hiérarchisé d’Etats sous domination états-unienne à l’ouest, et à l’est, sous domination du système dit soviétique. C’est ce cadre qui s’est effrité puis à éclaté à la fin des années 1970 sous les effets conjugués de la crise de surproduction et de l’effondrement des pays de l’Est.

Dans le périmètre des Etats-nations, à l’ouest, les marchés de renouvellement sont saturés et l’insuffisance des salaires (tout comme les conditions de travail des OS) ne permettent plus d’absorber les marchandises produites. Pour contrecarrer cette crise de surproduction ainsi que la baisse tendancielle du taux de profit et le restaurer, les pays capitalistes se lancent à la conquête de  nouveaux marchés, là où la force de travail à bas coût permet l’extraction d’un surplus de plus value. Cette extension-mondialisation nécessite le recours massif à des capitaux ; la déréglementation financière et la domination du capital financier qui s’en suivent vont le permettre. Dans le même mouvement, le système de protection sociale est progressivement démantelé tout en rencontrant de fortes résistances. 

Bien que les deux phénomènes soient liés, il y a lieu de distinguer la « libéralisation » interne de l’externe pour en saisir les spécificités.

La « libéralisation » interne se caractérise par l’abandon de la souveraineté monétaire au profit des banques privées. Décision politique fut prise d’obliger les Etats à ne plus emprunter auprès de leur banque nationale mais auprès des marchés, donc, pour l’essentiel, les banques privées. Au niveau européen, la Banque Centrale Européenne « indépendante » des pouvoirs politiques est devenue le prêteur des banques privées, favorisant ainsi, au détriment des Etats, le capital financier détenu dans les institutions financières privées (banques, assurances, fonds d’investissement). Dans le même esprit, la BCE et les institutions européennes, en accord avec les gouvernements, ont institué une politique anti-inflationniste favorisant la rente financière qui, en définitive, n’est qu’un prélèvement sur la richesse produite.

Quant à la privatisation des services publics ou leur démantèlement, en délimitant les secteurs rentables, ouvraient à la fois de nouvelles opportunités de valorisation du capital dans des secteurs lui échappant tout en rassurant par la vente de ces actifs, aux créanciers de l’Etat qu’ils seraient effectivement remboursés malgré l’importance des emprunts souscrits.

Cette « libéralisation », notion à multiples sens, s’est ensuite attaquée au salaire socialisé (les retraites, les prestations sociales), tout en précarisant le travail (recours à l’intérim, aux CDD). Ce qui est visé c’est la baisse de la masse salariale et, consécutivement, la déréglementation du droit du travail, qu’elle soit légale ou conventionnelle. La restauration des marges de profitabilité qui en résultent se doit dans la même foulée de restreindre les capacités de riposte des travailleurs. En ce sens, la substitution de la négociation collective par branche à la négociation par entreprise, voire l’individualisation du rapport salarial, prétend enrayer toute mobilisation collective d’ampleur. Toutes ces mesures, indépendamment des conséquences désastreuses pour les travailleurs, impulsent une concurrence exacerbée entre les travailleurs eux-mêmes, mais également entre les entreprises, et on a assisté à des concentrations-éliminations gigantesques qui, sous le terme de « fusions-acquisitions » nécessitaient de lever des capitaux considérables.

La « libéralisation » externe. Elle est toujours en cours et menée par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) même si elle rencontre désormais, du fait de la crise, du surgissement des pays émergents et du déclin relatif des Etats-Unis, des difficultés réelles. Lors des accords de Marrakech en 1995, il s’agissait d’abaisser les barrières douanières afin de permettre aux transnationales, délocalisant dans les pays à bas salaires, de vendre dans les pays centraux leurs marchandises sans être ponctionnés. Inversement, les profits nationaux pouvaient, dans la même optique, être réinvestis à l’étranger. L’Accord Général du Commerce et des Services allait dans le même sens et concernait les produits immatériels. Quant à la libéralisation du capital, elle a donné lieu à des « innovations » financières favorisant l’envolée de la spéculation et donc l’accroissement de la rente financière et, au cours des crises, à une concentration bancaire sans précédent. Les pays du sud de l’Europe, au bord du gouffre (Espagne, Grèce…) voient leur système bancaire restructuré sous la houlette de la Troïka.

Quelles en sont aujourd’hui les conséquences ?

Indépendamment des effets de la crise de 2007-2008 qui nécessiteraient des développements particuliers (2), on a assisté à une modification de l’appareil productif, concentré jusque dans les années 1970 dans les pays capitalistes centraux. Les délocalisations  sont des transferts de pans entiers de secteurs industriels qui ont favorisé le procès de production dans les formations périphériques puis les capitalismes nationaux dans les pays dits émergents (Chine, Inde, Brésil). Il s’en est suivi une prolétarisation au niveau mondial qui se poursuit et qui touche également les Etats centraux, sous la forme des externalisations. Les grandes usines, quand elles ne fermaient pas, furent restructurées, délestées des tâches et services qui ne constituaient pas le « cœur de métier » de leur production. Se sont développées les usines de sous-traitance ou les phénomènes de filialisation dans le but inavoué de se débarrasser des travailleurs en les confiant à des entreprises où les conventions collectives sont inexistantes. Globalement, l’exploitation du travail en est sortie renforcée d’autant que délocalisations et externalisations se conjuguaient avec chômage et précarisation du travail, créant une pression à la baisse des salaires.

Les décisions politiques favorisant les transnationales et le capital financier, interdisant toute intervention de l’Etat sur le développement économique, les Etats et les politiques se trouvent bien démunis pour rendre attractifs leurs territoires nationaux. Il ne leur reste que la course au moins-disant social, fiscal et écologique qui les livre à la merci d’institutions mondiales au service du capitalisme financiarisé.

C’est le rôle que jouent, sous l’appellation de « gouvernance mondiale » le FMI, la Banque Mondiale, la BCE et les rencontres des gouvernements (G8, G20) dont l’objectif, peu ou prou, compte tenu des contradictions qui s’exacerbent entre pays dominants, consiste à accroître la mise en concurrence mondiale des travailleurs.

Si le libéralisme économique classique (qu’il ne faut pas confondre avec le libéralisme politique, liberté concurrentielle des partis et des opinions) a permis de démanteler les structures précapitalistes (artisans, petits paysans), le néolibéralisme entend démanteler les structures mises en place dans le cadre du compromis fordiste dont la parenthèse ouverte après guerre s’est refermée. Pour reprendre la formule de Michel Husson, nous sommes revenus au « pur capitalisme » (titre de son livre paru aux éditions Page 2).

Gérard Deneux, le 30.04.2013

(1)  Il s’agit d’une reprise de notes prises dans le cadre de la préparation du débat initié par l’assemblée citoyenne de Lure/Ronchamp/Champagney. Pour l’essentiel, elles sont issues de la lecture de l’ouvrage d’Alain Bihr « La novlangue néolibérale » éditions Page Deux
(2)  Voir en particulier les articles sur la crise parus sur le blog des Amis de l’Emancipation Sociale http://les-amis-emancipation-sociale.blogspot.fr/ ou dans la revue A Contre Courant http://www.acontrecourant.org