Regards Aminata Traoré : « Ce qui se passe au Mali est l'illustration d'une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent »
Vendredi 10 mai
2013
Entretien. Ancienne ministre de la Culture malienne et militante
altermondialiste, Aminata Traoré a pris clairement position contre
l'intervention de la France au Mali. Nous reproduisons ici des extraits d'une
interview donnée au média Cameroonvoice.
Les autorités françaises ont refusé de vous accorder un visa d'entrée en France pour participer à une réunion publique le 22 avril dernier. Pouvez-vous nous confirmer cette information ?
En fait, j'ai été invitée par Die Linke, un parti de gauche allemand, et des militants français. Je devais faire un tour à Berlin et par la suite donner une conférence à Paris et Lille. J'avais un visa de circulation de quatre ans de l'espace Schengen qui a expiré au mois de février.
Quand je me suis rendue à l'ambassade d'Allemagne pour solliciter un droit d'entrée dans l'espace Schengen, ils m'ont accordé un visa de trois jours uniquement pour leur pays en me notifiant que la France a donné des instructions pour qu'aucun pays de l'espace Schengen ne m'accorde de visa.
Il y avait donc une interdiction de circulation dans l'espace Schengen vous concernant, dont vous ignoriez totalement l'existence ?
J'ai été autorisée à aller en Allemagne et à revenir au Mali directement sans fouler le sol de l'espace Schengen mis à part l'Allemagne. Je ne sais pas si c'était une exception allemande, ou si les autres pays de l'espace Schengen pourront m'accorder la même « faveur ».
Ma liberté de circuler est maintenant restreinte. Je ne sais pas ce que l'on me reproche. Dans mon cas, j'ai eu la chance d'avoir cette ouverture de la part de l'Allemagne. Mon compatriote Oumar Mariko (secrétaire général du Sadi, Ndlr), lui n'a pas pu voyager du tout…
Vos prises de position contre l'intervention militaire des forces étrangères au Mali, et notamment celle de la France, ne seraient pas la cause de cette interdiction ?
Certainement. Sinon je ne comprends pas pourquoi la France et surtout les membres de ce gouvernement de gauche, qui m'ont reçu et qui me connaissent parfaitement, le feraient. En principe, nous partageons les même idées.
Sauf que la France considère son intervention au Mali comme une réussite politique et militaire, qui de leur point de vue exige qu'il n' y ait pas de critiques, puisque l'unanimité leur réussit si bien ! Toutes les résolutions concernant cette guerre ont été adoptées à l'unanimité au Conseil de sécurité des Nations unies, et ils viennent aussi de voter à l'unanimité à l' Assemblée nationale et au Sénat français la prolongation de l'opération Serval au Mali.
Le pouvoir politique a changé de main en France voilà bientôt un an et on peut constater que la politique africaine de la France, demeure toujours la même.
Elle demeure inchangée et il ne nous le cache pas. Le Général De Gaulle l'a dit : « la France n'a pas d'amis mais des intérêts ». Peut-être que c'est nous qui nous faisons des illusions, François Hollande l'a d'ailleurs répété récemment quand François Bozizé l'appelait à l'aide. Il lui a fait savoir que la France défendait ses intérêts et ses ressortissants.
Comment envisagez-vous l'avenir du Mali et de la sous-région suite à cette intervention militaire française appuyée par des troupes africaines ?
Je pense que les troupes africaines sont mises à contribution, et comme je l'ai déjà dit dans mon manifeste ce n'est pas notre guerre. Nous sommes entrés dans une phase de la globalisation qui implique la diplomatie économico-offensive et la militarisarisation. Mais seulement, Al Qaida est une réalité et en même temps une aubaine, car elle permet aux dirigeants africains qui ont mal géré de dire maintenant que la priorité, c'est la lutte contre le terrorisme, et aux puissance étrangères de dire : faisons cause commune, luttons d'abord contre le terrorisme...
Le véritable terrorisme, c'est la misère, les injustices, parce que je sais qu'une bonne partie des combattants des djihadistes sont avant tout des jeunes désespérés, sans boulot. Ils n'ont pas de visas et se font recruter à la fois par les narcotrafiquants et les djihadistes. C'est cette réalité qu'il nous faut regarder maintenant de près.
Quelles leçons devrons-nous tirer de la situation au Mali et de ce qui vous arrive à vous ?
Je souhaite que les Maliens et les Africains s'ouvrent grandement les yeux et les oreilles et se disent qu'en réalité, il n'y a pas un cas malien. Ce qui se passe aujourd'hui au Mali est l'illustration d'une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l'Occident. Avec tout ce qui se passe, je considère que le Mali est humilié, il n'y a donc aucune raison d'en rajouter en gardant le silence et c'est ce que tout le monde fait, et les occidentaux le savent pertinemment.
Raison pour laquelle je me réjouis aujourd'hui de ce soutien international, parce qu'il y a énormément de gens qui ne comprennent pas, quelle que soit la différence de lecture, qu'un tel traitement me soit réservé. C'est donc une nouvelle phase de la décolonisation de l 'Afrique. Il nous appartient maintenant à nous-mêmes de voir où sont les véritables défis.
Propos recueillis le 28 avril par le média Cameroonvoice
Les autorités françaises ont refusé de vous accorder un visa d'entrée en France pour participer à une réunion publique le 22 avril dernier. Pouvez-vous nous confirmer cette information ?
En fait, j'ai été invitée par Die Linke, un parti de gauche allemand, et des militants français. Je devais faire un tour à Berlin et par la suite donner une conférence à Paris et Lille. J'avais un visa de circulation de quatre ans de l'espace Schengen qui a expiré au mois de février.
Quand je me suis rendue à l'ambassade d'Allemagne pour solliciter un droit d'entrée dans l'espace Schengen, ils m'ont accordé un visa de trois jours uniquement pour leur pays en me notifiant que la France a donné des instructions pour qu'aucun pays de l'espace Schengen ne m'accorde de visa.
Il y avait donc une interdiction de circulation dans l'espace Schengen vous concernant, dont vous ignoriez totalement l'existence ?
J'ai été autorisée à aller en Allemagne et à revenir au Mali directement sans fouler le sol de l'espace Schengen mis à part l'Allemagne. Je ne sais pas si c'était une exception allemande, ou si les autres pays de l'espace Schengen pourront m'accorder la même « faveur ».
Ma liberté de circuler est maintenant restreinte. Je ne sais pas ce que l'on me reproche. Dans mon cas, j'ai eu la chance d'avoir cette ouverture de la part de l'Allemagne. Mon compatriote Oumar Mariko (secrétaire général du Sadi, Ndlr), lui n'a pas pu voyager du tout…
Vos prises de position contre l'intervention militaire des forces étrangères au Mali, et notamment celle de la France, ne seraient pas la cause de cette interdiction ?
Certainement. Sinon je ne comprends pas pourquoi la France et surtout les membres de ce gouvernement de gauche, qui m'ont reçu et qui me connaissent parfaitement, le feraient. En principe, nous partageons les même idées.
Sauf que la France considère son intervention au Mali comme une réussite politique et militaire, qui de leur point de vue exige qu'il n' y ait pas de critiques, puisque l'unanimité leur réussit si bien ! Toutes les résolutions concernant cette guerre ont été adoptées à l'unanimité au Conseil de sécurité des Nations unies, et ils viennent aussi de voter à l'unanimité à l' Assemblée nationale et au Sénat français la prolongation de l'opération Serval au Mali.
Le pouvoir politique a changé de main en France voilà bientôt un an et on peut constater que la politique africaine de la France, demeure toujours la même.
Elle demeure inchangée et il ne nous le cache pas. Le Général De Gaulle l'a dit : « la France n'a pas d'amis mais des intérêts ». Peut-être que c'est nous qui nous faisons des illusions, François Hollande l'a d'ailleurs répété récemment quand François Bozizé l'appelait à l'aide. Il lui a fait savoir que la France défendait ses intérêts et ses ressortissants.
Comment envisagez-vous l'avenir du Mali et de la sous-région suite à cette intervention militaire française appuyée par des troupes africaines ?
Je pense que les troupes africaines sont mises à contribution, et comme je l'ai déjà dit dans mon manifeste ce n'est pas notre guerre. Nous sommes entrés dans une phase de la globalisation qui implique la diplomatie économico-offensive et la militarisarisation. Mais seulement, Al Qaida est une réalité et en même temps une aubaine, car elle permet aux dirigeants africains qui ont mal géré de dire maintenant que la priorité, c'est la lutte contre le terrorisme, et aux puissance étrangères de dire : faisons cause commune, luttons d'abord contre le terrorisme...
Le véritable terrorisme, c'est la misère, les injustices, parce que je sais qu'une bonne partie des combattants des djihadistes sont avant tout des jeunes désespérés, sans boulot. Ils n'ont pas de visas et se font recruter à la fois par les narcotrafiquants et les djihadistes. C'est cette réalité qu'il nous faut regarder maintenant de près.
Quelles leçons devrons-nous tirer de la situation au Mali et de ce qui vous arrive à vous ?
Je souhaite que les Maliens et les Africains s'ouvrent grandement les yeux et les oreilles et se disent qu'en réalité, il n'y a pas un cas malien. Ce qui se passe aujourd'hui au Mali est l'illustration d'une nouvelle étape de la politique de mainmise sur les ressources du continent, notamment les ressources énergétiques, sans lesquelles la sortie de crise, la croissance et la compétitivité ne sont pas envisageables par l'Occident. Avec tout ce qui se passe, je considère que le Mali est humilié, il n'y a donc aucune raison d'en rajouter en gardant le silence et c'est ce que tout le monde fait, et les occidentaux le savent pertinemment.
Raison pour laquelle je me réjouis aujourd'hui de ce soutien international, parce qu'il y a énormément de gens qui ne comprennent pas, quelle que soit la différence de lecture, qu'un tel traitement me soit réservé. C'est donc une nouvelle phase de la décolonisation de l 'Afrique. Il nous appartient maintenant à nous-mêmes de voir où sont les véritables défis.
Propos recueillis le 28 avril par le média Cameroonvoice