Nous publions
le texte ci-dessous, témoignage d’un militant proche qui s’est rendu, il y a
quelques mois, à Gaza. Il nous livre son analyse de la situation là-bas
(certains mots ou passages sont soulignés par
nous).
GAZA,
ON N’OUBLIE PAS !
Ces
mots nous les avons criés à pleins poumons chaque fois que la barbarie
israélienne s'est acharnée sur la population palestinienne de Gaza, notamment
en décembre 2008-janvier 2009 et en novembre 2012. Mais l'actualité dramatique
en Egypte et en Syrie pourrait nous faire oublier la situation en Palestine.
Ayant
eu la chance de pouvoir aller à Gaza début
mai 2013, je souhaite témoigner de ce que j'y ai vu et entendu et des
enseignements que j'en tire.
Un
territoire sous blocus depuis 2007
La
bande de Gaza est un territoire situé au sud-ouest de la Palestine longeant la
Méditerranée et la frontière égyptienne. Sur 360 km² (40 km de long sur moins
de 10 km de large) survivent et résistent plus
de 1,6 million d'habitants enfermés depuis juin 2007. Le blocus imposé par
Israël avec la complicité active des grandes puissances qui dominent le monde,
est perceptible avant même d'arriver à Gaza. Alors qu'on est à 5H d'avion de la
France, il faut deux jours pour aller à Gaza et autant pour rentrer. On entend
parfois que Gaza est une prison à
ciel ouvert. Cette formule n'est pas exacte, il s'agit bien d'une prison mais dans le ciel on peut y voir certains
jours les chasseurs bombardiers, les hélicoptères de combat, les drones
israéliens ou quelquefois même la lune et les étoiles mais pas d'avions civils
qui relieraient les Gazaouis au vaste monde.
L'aéroport réalisé sur financement européen a été détruit par l'armée
israélienne en 2005. Il ne reste que l'avion de Yasser Arafat exposé pour le souvenir.
L'accès
par la mer est impossible aussi, comme on l'a vu en mai 2010 où les commandos
de Tsahal ont attaqué sauvagement, dans les eaux internationales, le Marwi
Marmara, bateau civil turc transportant une mission internationale humanitaire
qui se dirigeait vers Gaza. Neuf militants ont été tués et beaucoup d'autres
blessés. En 2011 la deuxième tentative avec la flotille pour Gaza s'est
terminée de manière moins dramatique mais plusieurs bateaux ont été bloqués et
sabotés dans les ports de départ, en Grèce, à Malte et à Chypre, et celui qui a
pu approcher des côtes de Gaza a été intercepté, le matériel et le bateau
confisqués et les occupants incarcérés une semaine en Israël.
Ceux
qui souffrent le plus du blocus maritime sont les pêcheurs Gazaouis. Ils ne peuvent aller
au-delà de 3 miles nautiques, alors que les accords d'Oslo leur permettaient
théoriquement d'aller jusqu'à 20 miles nautiques. Des bateaux de l'armée
israélienne leur tirent dessus s'ils s'approchent de la limite des 3 miles. Et
s'ils s'en sortent vivants, ils sont emprisonnés durablement en Israël et leur
bateau saisi. Le nombre de pêcheurs a en conséquence
fortement diminué et de nombreuses familles sont condamnées à la grande
pauvreté.
Quant
à l'accès terrestre, il n'est guerre
plus facile. Déjà parce qu'il faut passer par Israël
et aller en Palestine, surtout à Gaza, y est interdit à cause du blocus. Et si
on est sur la liste noire du Mossad comme militant du mouvement de
solidarité avec les Palestiniens, on peut même être interdit de monter dans
l'avion pour Tel Aviv dans n'importe quel aéroport européen, comme on l'a vu au
printemps 2012.
Gaza est ceinturée depuis 2007 par une ligne de démarcation
infranchissable comprenant miradors,
chemin de ronde avec patrouille de blindés, tranchée, surveillance par caméras
vidéo et infrarouge, tours munies de mitrailleuses télécommandées. Ce
dispositif est complété par un mur,
semblable à celui de Cisjordanie, dans les zones
urbanisées à Rafah au sud et à Eretz au nord, où on voit aussi un ballon
d'observation. Dans les zones rurales le dispositif est le même mais un
grillage renforcé remplace le mur. A l'intérieur de cette ligne de démarcation
une zone tampon de 300 m est strictement interdite d'accès et la zone de tir,
donc de danger de mort réel, va jusqu'à 1500 m. Ainsi 35% des terres agricoles
de Gaza sont totalement inaccessibles alors qu'il y en a déjà bien peu.
Nous
avons vu une famille de petits paysans, dont la ferme
a été réduite à un tas de pierres lors des bombardements de l'hiver 2008-2009,
être obligée de faire la moisson à la main à proximité de la zone des
1500 m. En effet le matériel agricole est très coûteux et donc inabordable pour
ces familles pauvres mais, de plus, quand des paysans ont du matériel agricole,
les soldats israéliens, par pur sadisme, le détruisent en le mitraillant. Nous
avons fait partie des militants
internationaux qui «protègent» ces familles palestiniennes en jouant le
rôle de boucliers humains portant des gilets jaunes fluorescents, pendant leurs
travaux dans les champs. L'idée que les soldats israéliens pourraient hésiter
davantage à tuer ou blesser des pacifistes occidentaux alors qu'ils le
font quasiment tous les jours à
l'encontre des Palestiniens, doit cependant être relativisée, on se rappelle de
la jeune américaine Rachel Corrie,
écrasée délibérément par un bulldozer israélien détruisant des maisons
palestiniennes. Nous garderons longtemps en mémoire cette famille coupant le
blé à main nue en avançant à genoux sous la menace des mitrailleuses et de la
ronde des blindés ennemis. Le travail a lieu de 5H à 9H du matin. Par temps de
brouillard il faut attendre la levée de celui-ci pour raison de sécurité. Un
peu avant 9H des tirs sporadiques d'avertissement retentissent et quand les
rafales sont de plus en plus fréquentes, il convient de quitter les lieux sans
délai.
Le 17 novembre 2012, alors que la bande de Gaza subissait
huit jours de bombardements meurtriers,
le ministre de l’intérieur israélien Eli Yishai déclarait : «Le but de cette opération est de renvoyer
Gaza au Moyen Age. Alors seulement, nous serons tranquilles pour quarante ans».
Ce n'était pas une parole en l'air, ils ont montré
qu'ils en sont capables!
Le passage d'Eretz au nord est fermé sauf à quelques personnes
autorisées. Celui de Kerem Shalom au sud est ouvert uniquement pour quelques importations de produits
venant d'Israël, à grands frais et au compte gouttes, pour éviter une crise
humanitaire de grande ampleur qui ternirait l'image d'Israël aux yeux des bien
pensants. En revanche les exportations sont interdites ce qui nuit évidemment à
l'économie gazaouie, notamment pour les productions agricoles.
Le passage de Rafah côté égyptien était lui aussi totalement fermé
sous le régime Moubarak, allié aux USA et à Israël. Seuls les tunnels creusés par les Palestiniens sous la frontière
permettaient quelques approvisionnements permettant la survie de la population gazaouie. Mais les accidents y sont
nombreux sans compter les bombardements périodiques par les Israéliens avec des
bombes perforantes. Et les Egyptiens y avaient même ajouté avec l'aide d'Israël
et des Européens des parois de palplanches en acier pour couper les tunnels.
L'arrivée du régime Morsi avait permis une ouverture partielle mais réellement
bienvenue du passage de Rafah en surface.
C'est par cette seule porte d'entrée à Gaza que nous avons pu
passer début mai en venant du Caire et après une traversée périlleuse du nord
Sinaï par Al Arish entre Ismailia et Rafah (1).
Réfugiés dans leur pays
La bande de Gaza comprend 1.630.000 habitants dont 1.260.000 sont des réfugiés et leurs descendants. En 1948 , lors de la Naqka
(catastrophe) que l'historien israélien Ilan Pappe a qualifié de nettoyage
ethnique de la Palestine, plus de 700.000 habitants de la Palestine mandataire (2) chassés de
leurs villes et villages ont été regroupés dans des camps de réfugiés par
l'ONU, au Liban, en Jordanie, en Syrie et en Palestine même, aussi bien en
Cisjordanie qu'à Gaza, où sont situés huit camps dont celui de Jabalya, au nord
de Gaza et celui d'Al Chateh dans la ville de Gaza, que nous avons visités.
Villages de tentes à l'origine, ces camps sont devenus des
quartiers de ville hyper-denses. En général la superficie de chaque camp est
d'environ 1 km², celui d'Al Chateh, le plus petit, accueille une population de 87000 habitants sur 0,5 km² et celui
de Jabalya, le plus grand, 110.000 habitants sur 1,4 km²! Au fil des années, le
retour se faisant toujours attendre en dépit du droit international, les
familles de réfugiés ont eu des enfants et des petits enfants et le béton a
remplacé les tentes. D'abord des plaques de béton sans fenêtres sur une
ossature de tubes métalliques comme il en existe encore un certain nombre puis
au fur et à mesure des possibilités des familles des constructions plus solides
et plus hautes ont été réalisées. Ainsi dans le camp d'Al Chateh, dont il est
originaire, le Premier ministre Ismail Hanieh a construit une imposante
propriété où il a sa résidence familiale. Comme les camps ont une superficie
limitée, les extensions se sont faites non seulement en hauteur mais aussi sur
les rues qui sont en conséquence devenues des ruelles de moins de 1,5 m, à
l'exception de quelques rues principales.
On imagine avec effroi les résultats sur ces quartiers des bombardements massifs comme en 2009 et 2012 ou même des attentats
ciblés par drone ou hélicoptère, assez fréquents! On peut d'ailleurs encore
voir de nombreux immeubles détruits par les bombardements qui n'ont pu être
déblayés ou d'autres secteurs, aujourd'hui terrains libres, où avant 2009
s'élevaient une école, un hôpital, un stade, et même la prison de Gaza,... La
barbarie israélienne a montré qu'elle n'avait pas de limites.
En revanche nous avons constaté, avec une certaine surprise, un boom de la construction immobilière en
plusieurs endroits de la ville de Gaza, notamment sur une partie du front de
mer. Hôtels de
luxe, immeubles de
standing et de nouvelles mosquées magnifiques. Le régime Morsi a permis à la
fois l'ouverture du passage de Rafah aux camions de ciment et de matériaux venant d'Egypte mais aussi aux capitaux qataris, investis chez leurs
amis dirigeants du Hamas, qui rêvent peut-être d'une Gaza centre d'affaires du
Proche-Orient le jour où le sionisme aura été vaincu.
On sait maintenant que Rafah
est à nouveau fermé depuis juillet et tous les chantiers arrêtés. Cette
nouvelle fermeture aggrave les difficultés de la population.
Il faut noter toutefois que le blocus est profitable pour les
dignitaires du Hamas et quelques familles proches qui contrôlent les tunnels et
qui perçoivent une taxe sur tout ce qui y passe.
Une population dans la précarité
Depuis le début du blocus en juin 2007, 60% des entreprises et
commerces ont fermé. 80% de la population est au chômage et dépend entièrement
de l'assistance humanitaire et 44% des familles vivent dans l'insécurité
alimentaire.
Le taux de natalité est très élevé, les femmes mettant au monde
souvent plus de 8 enfants. La population est très jeune, 48% de la population a moins
de 15 ans !
L' UNWRA ( programme des nations unies pour les réfugiés
palestiniens ) distribue des aides alimentaires en nature, organise une partie
du système scolaire et des services sociaux. Cette organisation, créée par
l'ONU en 1948, gère, dans la bande de Gaza, près de 250 écoles comprenant environ
1000 élèves chacune, une vingtaine de centres de santé et 12 centres de
distribution de nourriture.
Les équipements publics,
notamment en matière d'eau potable, d'assainissement et d'énergie, essentiels
pour la population, ont subi les bombardements
massifs, comme la voirie et les constructions. Le manque de financement
dans ces domaines est manifeste. Les capitaux qataris vont aux investissements
privés et aux mosquées alors que ce sont les financements, insuffisants face
aux besoins et en réduction, de l'ONU et de l'Europe, qui vont aux équipements
publics.
Les problèmes
d'assainissement sont inquiétants. Une partie des égouts de Gaza se rejette
directement à la mer, polluant encore la zone de pêche déjà très réduite. Les
Israéliens avant d'évacuer leurs
colonies de la bande de Gaza ont créé un énorme bassin de rétention d'eaux
usées à l'air libre en ville qui a fini par déborder et inonder les habitations
environnantes sur plusieurs mètres de hauteur! Ils ont réalisé en outre
d'immenses bassins sur des terrains libres au nord de la ville de Gaza, qui,
quand ils débordent, inondent les villages bédouins situés à proximité
(plusieurs habitants ont été noyés récemment), polluent la nappe phréatique et attirent des nuées de moustiques.
De plus ils ont transformé en égout à ciel ouvert le Wadi, une rivière qui
prend sa source en Cisjordanie et qui
traverse la bande de Gaza avant de se jeter à la mer. A Tel Aviv les systèmes
d'assainissement qu'ils réalisent, sont différents, évidemment!
La nappe phréatique est aussi polluée par l'eau salée de la mer
qui rentre dans l'eau douce de la nappe, dans le sous-sol de la bande de Gaza,
parce que les Israéliens pompent avec des puits à grand débit, dans
la nappe de l'autre côté de la ligne de démarcation. La population doit donc
boire de l'eau en bouteille importée et coûteuse.
Mais comme tous n'en ont pas les moyens, les maladies infectieuses sont fréquentes. Pour l'alimentation en eau
non potable, chaque immeuble possède en toiture des tonneaux en plastique dans
lesquels l'eau est montée par des pompes électriques quand il y a de
l'électricité et qui alimente la robinetterie par gravité. Ce système simple
est toutefois fragile en cas de bombardement mais simple à réparer.
La production d'électricité est assurée par une seule centrale thermique
au fuel. Elle subit périodiquement les bombardements ennemis et les restrictions de carburant. De plus sa
puissance est insuffisante pour alimenter 24H/24 toute la population de la
bande de Gaza. Il y a donc une alimentation à mi-temps par quartier à tour de
rôle. Dans un même quartier vous pouvez avoir de l'électricité tel jour dans la
journée, le lendemain la nuit...Les plus fortunés ont un groupe électrogène à
moteur thermique qui tourne dans la rue ou dans les entrées de jour comme de
nuit, selon les besoins pendant des heures, avec le bruit et les fumées qui
vont avec! Les plus modestes ont un système moins bruyant et moins polluant, de
lampe au néon avec chargeur et accumulateur intégrés qui charge quand il y a de
l'électricité en journée et peut alors être utilisé la nuit quand il n'y a pas
d'alimentation électrique.
S'agissant des bouteilles de gaz, il y a des problèmes de coût, de
qualité et de pénurie pour la majorité de la population mais auxquels échappent
les mieux placés.
Toutes ces décennies de lutte, de résistance depuis 1948, en
passant par1956, 1967, les deux intifada et les derniers massacres
de 2008-2009 et 2012, ont laissé des traces
durables dans les corps et les coeurs. Toutes les familles sont touchées par des
morts, des blessés gravement handicapés à vie, des prisonniers.
Beaucoup de rencontres resteront pour moi inoubliables. Comme ce
couple de vieux réfugiés dans le camp de Jabalya qui a vécu la Naqba dans sa
jeunesse qui nous a raconté divers souvenirs. Par exemple quand des soldats
israéliens se sont déguisés en soldats arabes demandant aux jeunes Palestiniens
de venir chercher des armes pour se défendre et que tous ceux qui y sont allés
ont tous été sauvagement massacrés.
Parmi les nombreux moments émouvants de ce voyage, je peux citer
le rassemblement hebdomadaire des familles des prisonniers. Il y a en
effet encore 5000 prisonniers
politiques palestiniens dans les geôles israéliennes dont plusieurs centaines
d'enfants. Cette manifestation est
unitaire avec la participation entre autres, de militants du Fatah, du
FPLP, du FDLP, du Hamas et même du Djihad islamique. Les témoignages des
anciens prisonniers, dont certains ont subi 25 et 28 ans d'incarcération, ne
peuvent laisser indifférent. Des hommes, des femmes, des jeunes qui ont subi la
torture... Nous avons eu ce jour là le plaisir de parler avec Mahmoud Sarsak,
jeune footballeur gazaoui kidnappé et incarcéré sans jugement (ils appellent ça
la détention administrative) et qui a dû faire 93 jours de grève de la faim
pour être libéré après une campagne internationale de solidarité ! Il
était venu à Paris à l'invitation d' Europalestine après sa libération.
Malgré les énormes difficultés, notamment le manque de moyens, des
médecins, des kinésithérapeutes, des éducateurs font un travail remarquable
pour soigner et réinsérer dans la société les nombreux handicapés.
Une initiative qui nous a émerveillés, c'est la création d'une
radio d'enfants gravement traumatisés par la guerre et les massacres subis par
leurs parents ou frères et soeurs et dont ils ont eux-mêmes réchappé. Avec
l'aide de jeunes journalistes, ils ont créé une radio au service des enfants et
participent ainsi à leur propre thérapie avec de meilleurs résultats qu'une
psychothérapie classique. Leur joie de vivre était réellement réconfortante
face à tant de souffrances.
Le peuple palestinien à Gaza, comme en Cisjordanie, fait preuve d'énormes
capacités de résilience et de
résistance depuis 65 ans.
Ben Gourion, le premier dirigeant de l'Etat d'Israël, ce criminel de guerre,
comme tous ceux qui lui ont succédé jusqu'à ce jour, d'ailleurs, disait des
Palestiniens: «les vieux mourront et les jeunes oublieront» mais les Palestiniens sont toujours là qui résistent à la barbarie
sioniste et nous sommes toujours et plus que jamais à leurs côtés.
La situation politique interne
Elle reste marquée par la division
entre le Hamas et le Fatah. Tout le monde en parle, tout le monde la
déplore, mais elle perdure au détriment du peuple palestinien et pour le plus
grand profit de l'ennemi israélien. Une grande fresque murale sur une des
places de Gaza, regroupant les visages de Yasser Arafat et de Cheik Yassine,
exprime l'aspiration populaire à l'unité.
En janvier 2006 le Hamas a gagné les élections législatives en
bénéficiant à la fois de sa popularité dans le domaine social, de sa relative nouveauté sur le terrain politique comme dans la résistance armée et dans le
même temps de l'impopularité des principaux dirigeants du Fatah sanctionnés
pour leur échec à défendre efficacement les intérêts du peuple palestinien
depuis 1993 (accords d'Oslo) et leur corruption
croissante. Entre janvier 2006 et juin 2007 Gaza a vécu avec une dualité de
pouvoir, une administration dirigée par l'Autorité palestinienne donc de fait
par le Fatah et une majorité politique donc un gouvernement et un premier
ministre Hamas. Cette période est marquée par une situation de plus en plus
dramatique où les services de sécurité
du Hamas et du Fatah s'entretuent pendant que des bandes mafieuses armées font leur loi ici ou là. Pendant ce temps
la situation se dégrade pour la population, le début du blocus entraîne une
crise humanitaire et l'armée israélienne en profite pour mener son offensive
« Pluie d'été» (où le soldat Shalit est capturé avant d'attaquer le Liban à l'été 2006. En
juin 2007, alors que le Fatah, avec la
complicité de la CIA et d'Israël, se prépare à écarter militairement le
Hamas du pouvoir, c'est celui-ci qui prend les devant et l'emporte. Les forces
de sécurité du Hamas éradiquent les milices mafieuses et répriment sauvagement
les forces armées du Fatah. Porter le keffieh, symbole de la résistance
palestinienne depuis les années 1930 et surtout depuis la création de l'OLP en
1964, ou brandir un drapeau du Fatah, du FPLP ou du FDLP, pouvait conduire à se
faire assassiner ou au moins blesser et incarcérer. A partir de cette date
Israël soutenu par les grandes puissances et une partie des pays arabes
(Egypte, Arabie saoudite, Jordanie) ont renforcé le blocus de la bande de Gaza.
Il est utile de rappeler ces faits pour comprendre l'état de
division qui perdure entre les militants et responsables de l'OLP et du Hamas.
Il faut en tout cas se garder de l'idée que le Hamas serait aujourd'hui le seul
mouvement authentique de résistance et le Fatah réduit à un groupe de notables
corrompus qui collaborent avec Israël. Il y a encore des forces à l'intérieur
du Fatah qui combattent réellement l'Etat sioniste, c'est le cas, par exemple,
des brigades des martyrs d'Al Aqsa. Marwan
Barghouti est le plus célèbre et ce n'est pas un hasard s'il est incarcéré
en quartier de haute sécurité en Israël depuis 2002 et condamné à perpétuité (5
fois !). Nous avons rencontré des militants de l'OLP, du comité des
réfugiés, qui oeuvrent quotidiennement au service de la population. Quant aux
dirigeants du Hamas, y compris des ministres, que nous avons rencontrés,
ingénieurs, médecins, architectes, qui ont fait leurs études et le début de
leur carrière dans les pays du Golfe et en Arabie saoudite, ils gèrent les affaires,
mais aussi leurs affaires, en écoutant
les directives du Qatar, et en montrant peu d'impatience à une évolution de la
situation, notamment à la levée du blocus.
Mais les enjeux sont considérables, à la fois internes à la
Palestine, au niveau du Proche et Moyen-Orient et au delà, au niveau mondial.
La coupure territoriale et la division
politique entre Gaza et la Cisjordanie, sans oublier les millions de
réfugiés palestiniens en Jordanie, au Liban et en Syrie, le rôle du Qatar, du
Hezbollah, de l'Iran, la situation en Egypte et en Syrie, et bien sûr le rôle
des USA et des pays européens qui maintiennent leur appui politique, économique
et militaire à cet Etat colonial et criminel d'Israël, donnent un aperçu de la
complexité de la situation. Le risque est
grand d'un éclatement et même d’une disparition irrémédiable de la
Palestine. La bande de Gaza reléguée à une dépendance égyptienne et la
Cisjordanie définitivement gangrenée par l'Etat sioniste jusqu'au Jourdain. Les
forces politiques qui poussent dans ce sens sont multiples. Les pays arabes
n'ont jamais vraiment admis l'idée d'une Palestine libre.
Heureusement quelques petits signes de changement apparaissent
dans la société palestinienne, à Gaza notamment. Le régime Hamas reste un
régime autoritaire, mais est-il possible d'avoir une démocratie quand on subit
la guerre menée sans relâche par un Etat aussi redoutable qu'Israël? On a vu
dans certains quartiers des drapeaux du Fatah aux fenêtres, ailleurs ceux du
FPLP ou ceux du FDLP. Les manifestations pour fêter l'anniversaire du début de
la résistance armée (1er janvier 1965 par le Fatah) étaient interdites dans la
bande de Gaza ces dernières années. En
janvier 2013, les militants de l'OLP ont osé appeler au rassemblement et celui-ci a été si
massivement suivi par des milliers de
personnes que le Hamas n'a pas pu intervenir pour l'empêcher. Les
soulèvements en Egypte et dans les autres pays arabes ont sans doute joué dans
la décision du Hamas. Plus récemment, le 21 juin 2013, un jeune chanteur originaire de Gaza, Mohammad Assaf, a gagné à Beyrouth un prix de la chanson arabe pour
son interprétation du chant patriotique palestinien «Brandis le keffieh». Des manifestations de joie ont eu lieu dans
toute la Palestine. Son retour à Gaza a reçu un accueil populaire
triomphal. Le Hamas ne l'a pas mis en
taule et n'a pas réprimé les rassemblements.
Un manifeste avait déjà été lancé avec un large succès en décembre 2010
sur Internet par un collectif de jeunes artistes et militants associatifs de
Gaza qui déclaraient d'entrée « Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde
au Fatah. Merde à l’ONU et à l’UNWRA. Merde à l’Amérique ! Nous, les jeunes de
Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations
permanentes des droits de l’Homme et de l’indifférence de la communauté
internationale» ; ils expliquaient toutes leurs souffrances et
exprimaient leurs «trois exigences : nous voulons être libres, nous voulons
être en mesure de vivre normalement et nous voulons la paix ».
Si une hirondelle ne fait pas le printemps, ces indices sont porteurs d'espoir. On peut penser que l'unité
populaire indispensable se reconstruira par la base et sur de nouvelles bases.
La société palestinienne a une grande culture politique et une longue
expérience de la résistance, notamment à Gaza, où a démarré la première
intifada en 1987. La jeunesse, très nombreuse, est pleine d'énergie et
d'imagination.
Boycott d'Israël-Libération de la Palestine
De retour en France, après avoir vu ce que vivent ces hommes, ces
femmes, ces jeunes, on est encore plus motivé pour poursuivre le combat en
solidarité avec eux jusqu'à la libération de la Palestine. Mais on revient
aussi plus conscient de notre devoir. Parmi nos rencontres, beaucoup
connaissent la France, certains y sont venus, à Paris, et quelquefois même à
Strasbourg, d'autres y ont une fille, un frère qui y ont fait des études,
beaucoup connaissent les valeurs de la République, certains n'ont pas perdu
espoir que notre pays joue un rôle positif pour la Palestine, tous apprécient
les actions militantes que nous menons chez nous pour élargir et renforcer le
mouvement de solidarité et infléchir la politique de nos dirigeants.
Une des principales avenues de la ville de Gaza porte le nom de
Charles de Gaulle. Et elle n'a pas été débaptisée depuis, même par le Hamas. On
comprend pourquoi quand on prend le plaisir de réécouter sur internet
l'intégralité de sa conférence de presse de
novembre 1967!
On mesure l'énorme régression dans ce domaine en France depuis au
moins dix ans avec des gouvernements infestés par le lobby sioniste et des
présidents qui prennent des ordres à Tel-Aviv.
On est bien loin de l'Etat démocratique de Palestine sur
l'ensemble du territoire de la Palestine mandataire, revendiqué légitimement
par l'OLP, avant qu'elle y renonce en 1996. Et du temps (1975) où l'assemblée
générale de l'ONU, elle-même, assimilait, à juste titre, le sionisme au
racisme, avant de rectifier sous la pression du lobby en 1991. Mais nous
devons, sans état d'âme, démasquer cet Etat d'Israël, colonial et criminel dès
sa création, d'ailleurs illégitime et en contradiction avec le droit. En effet,
l'ONU n'avait pas la compétence pour créer un Etat et, en novembre 1947, les
USA ont fait revoter l'assemblée générale des Nations Unies ( 3 ) pour obtenir
la majorité requise après avoir exercé des pressions très fortes sur certains
Etats qui n'avaient pas voté, la première fois, pour le plan de partage de la
Palestine. Quant aux Palestiniens eux-mêmes, personne ne leur a demandé leur
avis. Et de plus, il a fallu la livraison d'armes lourdes américaines et de
chars tchèques fournis par Staline aux milices terroristes sionistes face à des
armées arabes mal organisées, mal équipées et subissant l'embargo sur les
armes. Israël, dont les méthodes s'apparentent à celles des nazis ( 4 ) et qui
ronge la Palestine comme un cancer ( 5 ) depuis plus de 65 ans, joue incontestablement le rôle de pitbull de
l'impérialisme américain au Proche-Orient.
Notre devoir est aussi de défendre
sans relâche tous les droits fondamentaux,
inaliénables et imprescriptibles, de l'ensemble du peuple palestinien, à
Gaza, en Cisjordanie, contre l'apartheid en Israël et dans les camps de
réfugiés. Et le droit au retour en fait partie assurément. Ben Gourion, encore
lui, disait aussi en 1948 : « nous devons tout faire pour
nous assurer qu'ils ne reviendront jamais ». Ces gens là parlaient
clairement, n'est-ce pas ? A la différence de nos politiciens actuels. Il
convient de rappeler le droit international. En ce qui concerne le droit au retour, la résolution 194
de l'ONU en 1948, confirmée en 1974 et chaque année depuis, précise que
l'assemblée générale des Nations Unies: "réaffirme également le droit
inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs
biens, d'où ils ont été déplacés et déracinés, et demande leur retour ".
Le
droit international n'est déjà pas si souvent favorable aux Palestiniens mais
quand c'est le cas, il n'est jamais respecté. Ce droit au retour gêne certains,
y compris parmi les organisations favorables à la cause palestinienne qui
veulent ménager les Israéliens. Et on a vu
récemment Mahmoud Abbas, qui n'en est plus à une honte près, y renoncer, pour
lui-même, a-t-il ajouté, pour atténuer le scandale provoqué par sa déclaration.
Pourtant ce droit au retour est véritablement essentiel pour les 5,3 millions de réfugiés palestiniens. A Gaza, tout
le monde nous en a parlé spontanément qu'ils soient Fatah, Hamas, ou autre. Le
respect de ce droit serait déterminant pour la construction d'une autre
Palestine.
Aller
en Palestine et dans les camps de réfugiés dans les pays voisins, témoigner le
plus largement en rentrant, c'est bien évidemment utile, quand c'est possible.
Mais pour mobiliser le plus grand nombre de personnes et faire pression sur
Israël, c'est la campagne de boycott
qui doit être amplifiée et développée partout.
Il
s'agit d'une campagne internationale lancée par la société civile palestinienne
depuis 2005. Saisie par l'assemblée générale des Nations
Unies, la Cour internationale de justice avait rendu en 2004 un avis
déclarant illégal le mur de séparation
construit par Israël en Cisjordanie et demandé sa démolition. Constatant
que rien n'était fait un an après, en juillet 2005, plus de 170 organisations
représentant toutes les composantes du peuple palestinien (de Cisjordanie, de
Gaza, d'Israël et des camps de réfugiés) ont lancé un appel au boycott
d'Israël, au désinvestissement et aux sanctions (BDS). Cette campagne s'est
surtout développée en Europe depuis 2009, après les trois semaines de massacres
israéliens sur Gaza, qui ont fait près de 1500 morts, dont le tiers d'enfants.
Les
sanctions sont celles que devraient subir notamment les dirigeants d'Israël
pour crimes contre l'humanité, si la justice internationale était appliquée.
L'initiative de tribunal Russell pour la
Palestine a été un élément de popularisation de cette campagne pour faire pression sur les Etats et l'ONU.
Le
désinvestissement consiste à faire pression sur les entreprises occidentales et
les banques qui investissent en Israël et dans les colonies pour qu'ils se
retirent. Cette campagne commence à porter.
Le
boycott c'est celui de tous les produits exportés par Israël, mais aussi le
boycott culturel et universitaire. De plus en plus de personnalités y compris
des cinéastes, des scientifiques, des
musiciens et des chanteurs prennent position en faveur de ce boycott. Des
personnalités israéliennes elles-mêmes ont le courage de lancer aussi cet
appel.
Cette campagne de boycott, inspirée de ce que nous avons fait
pendant plus de vingt ans pour faire cesser l'apartheid en Afrique
du sud, est une action citoyenne et non violente qui permet à tout le monde
d'agir, puisque l'ONU et les grandes puissances n'interviennent pas
efficacement pour mettre les israéliens hors d'état de nuire.
Cette mobilisation doit être maintenue jusqu'à ce que tous les
droits fondamentaux des Palestiniens soient respectés et que le vœu des
altermondialistes soit réalisé:
From
the river to the sea
Palestine will be free*
*« De la rivière (le Jourdain) à la mer (Méditerranée), la
Palestine sera libre »
Elsa Richting
1) Le trajet du Caire à Rafah passe par le nord du Sinaï qui est
une zone de plus en plus dangereuse. La route est surveillée par des postes de
garde de l'armée. Mais les attaques de djihadistes et de bandes mafieuses ont
déjà fait des dizaines de morts parmi les militaires depuis plusieurs mois. A
l'aller nous avons du être escortés par un blindé à l'avant et un autre à
l'arrière de notre minibus égyptien. Au retour, menacés, nous avons du nous
réfugier dans une caserne avant d'être escortés à nouveau jusqu'à
Ismaïlia !
2) La Palestine était un Etat reconnu comme tel de 1922 à 1947
même s'il était sous mandat britannique. Il ne s'agissait pas « d'une terre sans peuple pour un peuple sans
terre » comme voulaient le faire croire les sionistes et leurs
supporters. Les villes de Palestine existent depuis plusieurs millénaires,
c'est notamment le cas de Gaza. Lire, à ce sujet « Histoire de Gaza » de Jean-Pierre Filiu – éditions Fayard
3) Voir le livre « Israël-Palestine
Les enjeux d'un conflit » Sous la direction d'Esther Benbassa CNRS
Editions et « La question de
Palestine » tome II, Henri Laurens, Fayard
5) Voir sur le site du Monde
Diplomatique les cartes de la Palestine en 1947, en 1949, en 1967 et
aujourd'hui
NB : cet article ne tient pas compte des évènements récents
liés à la nouvelle situation égyptienne depuis début juillet 2013.