Gaz et huiles de schiste
Intervention d’ Eva Lacoste à la
foire Bio de Vuillafans
Journaliste à Golias Hebdo et
dans la revue des Zindigné(e)s
Le gaz et les
huiles de schiste (proches du pétrole) tiennent leur nom de la roche qui les
emprisonne, le schiste argileux. Ils sont présents dans les roches-mères
organiques, partie superficielle de la croûte terrestre, et non pas dans des
cavités. Ils ne peuvent par conséquent être extraits par les moyens de forage
classiques, et sont appelés pour cette raison hydrocarbures non conventionnels.
On doit faire appel à un forage vertical associé à une fracturation
horizontale. A 2 500 m, c’est un mini-séisme pour réunir les micro-poches
en une unique poche de gaz ou d’huiles.
La méthode
particulièrement agressive de la fracturation hydraulique (fracking en anglais, seule opérationnelle à ce jour) consiste à
propulser à très haute tension (600 bars) des millions de litres d’eau –
10 000 à 15 000 m3 par puits, soit 7 à 15 millions de litres, avec
des conséquences particulièrement dramatiques pour les régions qui souffrent de
sécheresse endémique. L’eau est mélangée à des produits chimiques très toxiques
et du sable, afin de garder les fissures ouvertes suffisamment longtemps et
récupérer les gaz ou les huiles de schiste à la surface. La méthode a été mise
au point par le géant de l’armement texan Halliburton, qui s’est illustré en
Irak.
Les conséquences de
la fracturation hydraulique se sont en particulier manifestées aux Etats-Unis
et au Canada, avec destruction de paysages, pollution des nappes phréatiques,
émission massive de gaz à effet de serre. Des sources qui coulent directement
dans le réseau d’eau potable ont-elles aussi été contaminées. Dans le Wyoming,
l’éther de glycol a été jugé responsable de la neuropathie d’une consommatrice.
Les grands groupes n’hésitent pas à recourir à l’arme de la corruption. On a
l’exemple de la Pennsylvanie où Tom Corbett, élu au poste de gouverneur en
2011, a reçu un million de dollars pour financer sa campagne.
La France : sous le signe
de l’ambiguïté
Dès le départ, la question des hydrocarbures non
conventionnels a été placée sous le signe du cynisme et de l’ambiguïté, en
éloignant de toute concertation citoyens et élus des collectivités concernées.
En 2008 et en 2009,
Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Environnement de Nicolas Sarkozy,
accordait des permis d’explorer les huiles de schistes dans le Bassin parisien
(départements de la Seine-et-Marne, de la Marne et de l’Aisne). En 2010,
toujours dans une grande discrétion et sans consultation préalable des
populations concernées et des élus, des permis d’explorer le gaz de schiste
étaient accordés dans cinq départements du sud de la France : Gard,
Ardèche, Aveyron, Drôme et Vaucluse. Environ 10 % du territoire national
étaient dès lors livrés à l’appétit des multinationales françaises et
étrangères. Sans se préoccuper de la catastrophe environnementale et sanitaire
causée par la fracturation hydraulique, notamment aux Etats-Unis et au Canada,
qui demeure à ce jour la seule technique opérationnelle.
Face à la
mobilisation de milliers de citoyens et de collectifs, le gouvernement faisait
voter la loi du 13 juillet 2011, dite loi Jacob du nom de son rapporteur.
Adoptée par 287 voix contre 186, celle-ci interdit (articles 1 et 3) «l’exploration et l’exploitation des mines
d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation
hydraulique». Mais dans son article 4, la loi rend possible des «expérimentations réalisées à seules fins de
recherche scientifique sous contrôle public». Déjà, l’ambiguïté s’annonce…
On a une loi sur mesure qui ouvre la voie aux multinationales.
Deux opérations poudre aux
yeux.
Et comme décidément
la contestation ne faiblissait pas, les permis de Montélimar (Total), Nant et
Villeneuve-de-Berg (Schuepbach Energy), accordés le 1er mars 2010,
étaient abrogés le 12 octobre 2011 et présentés comme les seuls à faire appel à
la fracturation hydraulique. Alors que dans le même temps, les collectifs en
détectaient quatorze en fracturation hydraulique (la liste n’est peut-être pas
exhaustive) avant la loi Jacob sur les soixante et un accordés. Les autres
passent à travers les mailles du filet. Opération poudre aux yeux, est-on tenté
de dire.
Autre opération
largement médiatisée, au moment de la conférence environnementale fin 2012 à
Paris : le 14 septembre, le président de la République annonçait le rejet
de sept demandes de permis… pas choisis au hasard. Le permis de
Montélimar-extension était mal parti, alors que celui de Montélimar avait été
abrogé. Il était également difficile d’accorder ceux de Montfalcon, Valence et
Lyon-Annecy situés dans la continuité géologique de Montélimar. Pour ce qui est
des permis de Brignoles, Cahors et Beaumont-de-Lomagne, ils se trouvaient dans
des régions à forte mobilisation. Il n’y avait donc aucune raison de se laisser
abuser par ces rejets. Outre les 61 permis déjà accordés, y compris les permis
maritimes (Aquitaine, Finistère, Méditerranée, Antilles, Guyane), il en restait
110 en cours d’instruction.
Le lobby pétro-gazier à
l’offensive
Delphine Batho,
deuxième ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
depuis mai 2012, était limogée le 2 juillet 2013 après s’être heurtée à de
hauts fonctionnaires en charge de l’énergie et très proches des lobbies. Sa
circulaire du 21 septembre 2012 mettait concrètement en œuvre les annonces
présidentielles (cf. discours de François Hollande à la conférence
environnementale de septembre 2012 à Paris) et demandait entre autres la
vérification de la conformité des forages aux objectifs exposés dans les demandes
de permis.
Les pétroliers et
gaziers se sont vu pousser des ailes. En particulier dans le Bassin parisien.
Le rapport final du 2 mars 2012 de la mission d’inspection, issue des
ministères de l’Industrie et de l’Ecologie, avait annoncé que des «expérimentations réalisées à seules fins de
recherche scientifique sous contrôle public» seraient réalisées
prioritairement dans le Bassin parisien. Référence à l’article 4 de la loi
Jacob qui permet ce tour de passe-passe. Mais des permis de soi-disant
recherche accordés à des sociétés guidées par le profit, et qui s’attendent à
un retour sur investissement, conduiront immanquablement à l’exploitation. Le
pétrolier Hess en est une parfaite illustration, dans sa volonté d’ignorer les
barrières.
Le pétrolier Hess passe en
force
Le géant Hess avait
déposé un recours devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne
(Marne). Celui-ci reconnaissait la mutation de son permis de Mairy accordé en
2010 à la société Toréador, mais rejetait sa demande de prolongation. Mais la
prolongation de son permis de Mairy était accordée le 12 juillet 2013, après
son pourvoi devant le Conseil d’Etat dont la décision pointe les capacités du
lobby pétro-gazier à défendre ses intérêts, en même temps que la connivence du
Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative de France. Le Conseil
d’Etat semble ignorer que Hess avait déjà dressé des plates-formes et foré à
Huiron (Marne) dès janvier 2013, sur le permis de Mairy. Et pas
seulement : le pétrolier avait poursuivi en Seine-et-Marne à Chartronge
(permis de Leudon) et à Jouarre (permis de Château-Thierry) le 14 juillet. Le
cynisme de Hess et sa certitude d’être au-dessus des lois laissent présager la
mise en œuvre d’autres projets de forage sur l’ensemble du Bassin parisien.
Schuepbach Energy
La société texane
se bat contre l’abrogation, par le gouvernement Fillon en octobre 2011, de ses
deux permis de Nant et de Villeneuve-de-Berg pour non-conformité avec la loi du
13 juillet 2011 dite loi Jacob qui interdit la fracturation hydraulique. Le
tribunal administratif de Cergy-Pontoise transmettait une «question prioritaire de constitutionnalité» au Conseil d’Etat.
Lequel, le 26 juin 2013, recommandait le renvoi au Conseil constitutionnel,
institution qui se prononce sur la conformité à la loi des lois et règlements
dont il est saisi. Une victoire pour Schuepbach et un jugement qui devrait être
rendu le 10 octobre 2013. Si la loi Jacob est déclarée inconstitutionnelle, il
n’y aura plus aucun obstacle législatif à la fracturation hydraulique. La
promesse du président de la République à Auch le 3 août – pas d’exploitation de
gaz et huiles de schiste, maintien de l’interdiction de la fracturation
hydraulique – un peu plus d’un mois après le renvoi au Conseil constitutionnel,
peut sembler pour le moins hasardeuse…
Si la loi Jacob est
recalée, l’abrogation de tous les permis ne serait plus justifiée : ceux
de Schuepbach (Nant et Villeneuve-de-Berg) comme celui de Total (Montélimar)
abrogés en même temps. Les entreprises pourraient alors représenter leurs
dossiers, notamment les sept demandes de permis rejetées le 26 septembre 2012.
Dans cette affaire, il est manifeste que Schuepbach est monté au créneau en
accord avec les pétroliers et gaziers.
Dans le cas où la
loi Jacob ne serait pas invalidée dans ses articles 1 et 3 interdisant la
fracturation hydraulique, le Conseil constitutionnel pourrait exiger que la loi
soit appliquée totalement et que soient nommés tous les membres de la
commission nationale d’orientation évoquée dans les articles 2 et 4, qui doit
émettre un avis sur les expérimentations «réalisées
à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public».
Si le Conseil
constitutionnel maintient l’interdiction de la fracturation hydraulique, il est
probable que des groupes vont s’engouffrer dans la mise en œuvre de programmes
d’expérimentation qui ouvriront la porte à l’exploitation des hydrocarbures non
conventionnels et à la fracturation hydraulique. Et pour ce qui est du contrôle
public, il est plutôt aléatoire étant donné le manque de personnels adaptés
dans les DREAL – Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et
du Logement.
Une autre réponse
aurait été dans la préparation d’une nouvelle loi. Mais il n’en est rien et
rien ne dit qu’une majorité serait prête à la voter.
Un avant-goût du traité
transatlantique
Très au-dessus des
considérations environnementales et de prise en compte des habitants,
pétroliers et gaziers entendent contourner la directive Reach de juin 2007 mise
en place par l’Union Européenne et concernant l’utilisation des substances
chimiques, ainsi que le Code de l’environnement qui ne reconnaît pas le secret
commercial et industriel auquel les compagnies s’accrochent. Ils se
positionnent dans l’attente d’accords qui leur seraient supérieurs : le
traité transatlantique, objet de toutes les convoitises (Union
européenne et Canada, Union européenne et Etats-Unis), qui briserait
toutes les barrières, balayerait les juridictions nationales, leur donnerait la
possibilité de s’opposer en justice à des mesures contraignantes et d’exiger
d’énormes pénalités.
Les recours Hess et
Schuepbach constituent un avant-goût d’un futur traité transatlantique. Toutes
les sociétés sont confiantes dans de nouvelles opportunités, et les demandes de
permis n’ont jamais été aussi nombreuses : 115 à la fin juillet 2013.
La France s’est
engagée sur une diminution d’au moins 20 % de ses rejets de gaz à effet de
serre d’ici 2050, mais on assiste à un véritable reniement. Le débat sur la
transition énergétique a été repoussé à 2014. Et pour ce qui est de
l’avant-projet de loi réformant le Code minier, qui aurait dû être présenté à
l’actuelle session parlementaire de l’automne 2013, il est lui aussi reporté à
2014. En repoussant l’examen de ce projet de loi sur le Code minier, le
gouvernement ouvre aux pétroliers et gaziers la possibilité de faire valoir
sans délais leurs droits à octroi, mutation et prolongation de permis. Voire à
saisir la juridiction administrative de procédures de recours. Là encore, on
est en droit de suspecter une connivence gouvernementale.
Code minier : une notion
inquiétante
Le projet de réforme du Code minier contient une notion jugée
inquiétante : l’intéressement des collectivités locales aux recettes
générées par les entreprises d’extractions minières et d’hydrocarbures. Etant
donné des budgets toujours plus réduits des collectivités locales et des
charges financières toujours plus importantes, on peut craindre que des maires
aient du mal à résister à une manne providentielle. Reste à leur demander leur
position à l’approche d’élections par exemple.
D’autre part, les entreprises à la recherche d’hydrocarbures conventionnels
pourraient être amenées à creuser plus profondément pour trouver des
hydrocarbures non conventionnels. Le risque a été soulevé par des
collectifs.
Quelques conséquences graves de cette
exploration/exploitation
Les produits chimiques
Sur l’utilisation
des produits chimiques, les pétroliers et gaziers se retranchent derrière le
secret industriel. Mais le secret en matière commerciale et industrielle n’est
pas opposable aux informations relatives à des émissions de substances dans
l’environnement. L’injection des produits de fracturation ne relève pas
seulement du Code minier mais aussi du Code de l’environnement. La liste des
produits chimiques dans les opérations de forage doit être communiquée avant
l’octroi des permis. Théoriquement du moins…
Les boues
Que va-t-il advenir
des boues chargées de produits chimiques ? Elles sont placées dans des
bassins de décantation durant des mois à l’air et laissent échapper des
produits volatils comme le benzène, inflammable, toxique, avec des risques
avérés pour la santé. Elles remontent des métaux lourds, des produits
radioactifs, et comme on ne sait pas les traiter, l’idée est de les réinjecter
dans des puits perdus, des «endroits
adaptés» selon les déclarations de forage. Mais existe-t-il en France des
méthodes capables d’enlever la radioactivité ? Lorsque des collectifs
demandent où vont les camions qui vont emporter les boues, la question reste
sans réponse.
Les boues ne sont
jamais complètement remontées. Celles qui restent au fond vont entraîner une
remontée des produits chimiques et de la radioactivité qui pollueront les
nappes phréatiques à travers les failles et les mouvements de terrain, ainsi
que les terres et les eaux de surface.
Séismes
Dans les régions
qui n’ont pas l’habitude des séismes, des mini-séismes ont été ressentis en
2009 à Cleburn près de Dallas, e n2010 à Guy dans l’Arkansas, en 2011 près de
Blackpool, au nord-ouest de la Grande-Bretagne. La moindre des précautions
consisterait à ne pas faire appel à la fracturation hydraulique à proximité
d’une centrale nucléaire.
Les entreprises privées assureront-elles la gestion et le
coût des conséquences de l’après exploitation ?
Rien n’est moins
sûr, si on se souvient du scandale de la décontamination du site de la fonderie
Métaleurop dans le Pas-de-Calais, fermé en 2003. Le site de l’usine, gorgé de
rejets de plomb, de cadmium et de zinc, avait été abandonné en l’état. Dix ans
après, le 10 septembre 2013, 136 employés étaient indemnisés…
Qu’est-ce que le
gaz de houille ?
La confusion est
généralement entretenue en parlant de «gaz de houille», terme générique pour
désigner les gaz (méthane) issus du charbon. Il fait référence au gaz de mine
exploité dans la région nord, où il s’échappe passivement des puits des
anciennes mines de charbon et peut être dangereux, à l’origine de coups de
grisou. Constitué de méthane, le gaz de mine est capté dans les galeries, sans
forage, aussi les collectifs ne sont-ils pas opposés à son exploitation.
Le gaz de houille
fait également référence au gaz de couche, contre lequel se battent les
collectifs. Il est contenu dans des couches de charbon beaucoup plus profondes
(1000 à 4000 m), qui n’avaient pas été exploitées pour le charbon. Il
nécessite, pour plus d’efficacité, de recourir à la fracturation hydraulique,
le rendement d’un puits de forage diminuant généralement de 50 % dès la fin de
la deuxième année. L’utilisation des additifs chimiques est aussi polluante que
pour les gaz et huiles de schiste, et des secousses ou mini-séismes peuvent
être observés. La pression des lobbies sera grandissante pour autoriser cette
fracturation, sachant que le Nord-Pas-de-Calais est une région densément
peuplée qui ne permet pas la multiplication des puits.
Le 7 septembre
2013, à Lille, à l’initiative du collectif Houille Ouille-Ouille 59-62 (Nord et
Pas-de-Calais), une cinquantaine de délégués réunis en coordination nationale,
débattaient sur le risque jusqu’alors méconnu du gaz contenu dans les couches
de charbon, dits gaz de couche.
L’entreprise
Gazonor, ex-Charbonnage de France, appartient aujourd’hui à la société European
Gas Limited. Celle-ci possède deux permis d’exploration dans le
Nord-Pas-de-Calais sur une surface totale de 1 400 m2 : le permis de
Valenciennois délivré en octobre 2009 et le permis du Sud-Midi délivré en
juillet 2010.
European Gas
Limited a déposé un permis de forage sur une surface d’environ 400 km2 dans la
région de Cambrai et elle a par ailleurs des projets d’exploration gazière en
Lorraine (permis accordé en 2007, 3 795 km2), à Gardanne
(Bouches-du-Rhône) et dans le Jura. Le permis du Valenciennois est valable
jusqu’en octobre 2014, celui du Sud-Midi jusqu’en juillet 2015, et en Lorraine,
où deux puits d’exploration ont été réalisés, des permis arrivent à expiration.
Les travaux ne devraient donc pas tarder et des demandes de prolongation vont
être déposées. Un puits expérimental, prévu dans l’article 4 de la loi Jacob,
pourrait être accordé à European Gas Limited. Le Nord-Cambrai est lui aussi en
ligne de mire, puisqu’un avis de mise en concurrence a été émis le 6 septembre
2013.
Le gaz et le pétrole de schiste pourront-ils répondre à
nos besoins énergétiques ?
Les pétroliers
comparent le Bassin parisien au Dakota du Nord qui lui est proche
géologiquement. Dans cet Etat des Etats-Unis, 7 000 forages par
fracturation hydraulique produisent l’équivalent du tiers de notre
consommation. Il faudrait des dizaines de milliers de forages et quadriller
tout le Bassin parisien, mais on sait qu’un tel nombre n’est pas envisageable.
Reste l’hypothèse de quelques forages qui vont enrichir les compagnies et leurs
actionnaires.
Quand on nous dit
que la facture énergétique baisserait, c’est un argument fallacieux. Des études
économiques démontrent que le pétrole sera en trop faible quantité pour influer
sur le prix de l’essence, et que le gaz de schiste ou de houille serait plus
cher que le gaz que nous importons.
Comble de cynisme,
l’électricité qui serait produite à partir du gaz de houille (gaz de couche)
sera, selon EDF, subventionnée par le Conseil régional de Lorraine et par la
contribution du service public de l’électricité, prélevée sur les factures des
usagers et censée être consacrée aux énergies renouvelables.
Les avantages parfois avancés sur l’emploi
Lorsque 300
personnes par an sont suffisantes pour une centaine de forages, les retombées
sont marginales. L’exploitation d’un puits ruinerait l’économie agricole et touristique
des zones d’extraction. Elle supprimerait définitivement plus d’emplois dans
les zones rurales désertifiées qu’elle n’en aurait créés provisoirement.
D’autre part, elle pourrait amener une baisse du prix des terrains et
habitations alentour.
Sur toutes ces
questions environnementales, les citoyens entendent bien avoir leur mot à dire.
Deux victoires juridiques en Seine-et-Marne (recours de la municipalité de
Nonville et de la communauté de communes de Moret-Seine-et-Loing et recours de
France Nature Environnement) pourraient avoir une incidence sur le projet de
loi réformant le Code minier où des dispositions de la Charte de
l’environnement doivent être introduites. Pour rappel, le conseil des ministres
du 6 février 2013 a évoqué la nécessité d’un Code minier respectant la Charte
de l’environnement.
Un remède miracle à la crise ?
Le miracle n’a eu
lieu ni en Roumanie, ni en République tchèque. La Suède et l’Autriche arrêtent
l’exploitation et la Pologne a dû revoir à la baisse ses réserves exploitables.
La France n’est pas isolée et l’opposition citoyenne s’amplifie. En Australie,
en Nouvelle-Zélande, au Québec, on s’achemine vers un moratoire.
La question du réchauffement climatique
Les risques sur la
ressource en eau, l’air et les paysages sont énormes. A tel point que pour une
plate-forme de deux hectares, dix hectares sont atteints par la pollution. Même
si on pouvait résoudre ces problèmes de contamination, la fracturation
hydraulique est grande consommatrice d’énergie. On sait dès à présent qu’on va
dépasser les deux degrés de réchauffement, et si on ajoute les ressources
carbonées non conventionnelles, on est parti pour 3-4-5-6 degrés et plus, comme
l’affirme le rapport du GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat créé par l’ONU. C’est une menace directe et immédiate et
sur le long terme, en France et dans le monde, dont les conséquences seraient
dramatiques et incontrôlables pour les générations à venir.
La Seine-et-Marne dans la bataille
Pour rappel :
dans son rapport final du 22 mars 2012, la mission d’inspection, issue des
ministères de l’Industrie et de l’Ecologie, avait annoncé que des
« expérimentations réalisées à seules fins de recherche sous contrôle
public » (art. 4 de la loi Jacob qui interdit la fracturation hydraulique)
seraient prioritairement entreprises dans le Bassin parisien où actuellement le
pétrolier Hess passe en force.
La municipalité de
Nonville et la communauté de communes de Moret-Seine-et-Loing ont déposé un
recours devant le tribunal administratif de Melun, contre l’arrêté préfectoral
autorisant le forage de la compagnie Toréador. Les élus considèrent que
l’article 9 de l’ancien Code minier, qui régit le programme des travaux, est
contraire aux droits garantis par la charte constitutionnelle de
l’environnement. Ils contestent donc que le forage de recherche d’hydrocarbures
de Nonville, sur le permis de Nemours (Seine-et-Marne et Loiret), ait pu être
délivré sans évaluation environnementale et sans information des élus locaux et
du public.
Le tribunal
administratif de Melun décidait, le 5 juillet 2013, de transmettre au Conseil
d’Etat (la plus haute juridiction administrative de France) une question
prioritaire de constitutionnalité. Si le Conseil d’Etat décide la transmission
au Conseil constitutionnel (institution qui veille à la conformité des lois et
règlements dont il est saisi), ce dernier dispose d’un délai de trois mois pour
statuer. Si l’article 9 de l’ancien Code minier est déclaré contraire à la
Charte environnementale, seraient attaquables les autorisations de forages
délivrées sur ces permis.
Mais le 19
septembre, le rapporteur public du Conseil d’Etat se prononçait négativement
sur la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil
constitutionnel. Et comme c’est souvent le cas, le Conseil d’Etat pourrait
suivre l’avis de son rapporteur dans son délibéré d’ici deux à trois semaines.
Etrange… alors que la question prioritaire de constitutionnalité déposée par le
pétrolier Schuepbach (contre l’interdiction de la fracturation hydraulique) a
été transmise au Conseil constitutionnel. In
fine, le grand gagnant immédiat serait le pétrolier Hess.
Forage : de la déclaration à l’autorisation
Le forage envisagé
à Jouarre, comme tous les forages à ce jour, a fait l’objet d’une simple
procédure de déclaration auprès du préfet qui délivre un récépissé actant la
réalisation des travaux. L’ONG France Nature Environnement a déposé un recours
contre le décret du 2 juin 2006-649 relatif aux travaux miniers. Est visé l’alinéa
1 de l’article 4 qui soumet les travaux de recherche de gisements
d’hydrocarbures à la procédure de simple déclaration, et n’oblige pas le
titulaire à réaliser une étude d’impact, à se soumettre à une consultation
publique en contradiction avec la Charte de l’environnement (art. 2005-2006) et
à présenter in fine ses projets à une
commission préfectorale.
Le 17 juillet 2013,
le Conseil d’Etat jugeait que ce type de forage ne pouvait être mené sous le
régime de la déclaration en raison des risques graves qu’il présente pour
l’environnement. Le décret relatif aux travaux miniers n’étant pas conforme à
la Charte de l’environnement, le Conseil d’Etat a enjoint le premier ministre à
modifier ou abroger l’article visé dans les trois mois à venir, soit jusqu’au
17 janvier 2014.