Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 28 août 2017

« Salauds de pauvres !»

Pendant la campagne électorale présidentielle, les discours anti-pauvres et anti-immigrés ont fleuri. La « pauvrophobie » liée souvent à « l’immigraphobie » prend diverses formes : de la culpabilisation des chômeurs qui se complairaient dans l’assistanat sur le dos de ceux qui travaillent, aux arrêts anti-mendicité édictés par plusieurs villes, jusqu’aux incendies volontaires de centres d’hébergement. Pour combattre les idées reçues… et répandues, ATD Quart Monde a publié « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté »(1), rappelant quelques évidences… trop souvent oubliées par les colporteurs de préjugés.

Préjugé n° 1 : les pauvres pourraient travailler s’ils le voulaient. Près des 2/3 des Français seraient convaincus que « si l’on veut travailler, on trouve ». Les ex-ministres du Travail Rebsamen et El Khomri ont déclaré, pour le premier que 400 000 postes, pour la seconde 300 000, étaient « abandonnés » chaque année faute de candidats.
CQFD - Ce qu’il faut dire : Ce qui freine la reprise d’emploi, c’est le manque de moyens de transport, de formations adaptées, de modes de garde accessibles pour les enfants, les problèmes de santé et surtout le manque d’emplois décents et suffisamment rémunérés. Les personnes pauvres sont aussi victimes de discrimination à l’embauche : à qualification égale, un Français perçu comme étant « d’origine immigrée », postulant pour un emploi, a 5 fois moins de chance qu’un autre d’obtenir un entretien. Une personne qui fait apparaître sur son CV un emploi en insertion ou un domicile en foyer d’hébergement a également moins de chance de décrocher un rendez-vous. Entre 2007 et 2011, un demi-million de personnes ont renoncé à un poste en raison de problèmes de logement et du surcoût de la mobilité exigée. Il y a enfin des offres d’emploi farfelues : par ex. une heure de ménage par semaine, en pleine campagne, le dimanche.

Préjugé n°2 : les pauvres ne paient pas d’impôts alors que les classes moyennes seraient matraquées par le fisc ?
CQFD : Oui, les personnes en situation de pauvreté échappent à l’impôt sur le revenu. Elles paient cependant comme tout le monde le principal impôt, la TVA, sur tous les produits et services qu’elles achètent, qui constitue 50% des recettes fiscales de l’Etat. Les célibataires gagnant plus de 10 700 €/an (plus de 892€/mois) paient aussi la CSG et la CRDS, contribuant au financement de la sécurité sociale.
Résultat : les 10% de la population française qui ont les revenus les plus bas paient en moyenne 40% d’impôts quand les 0.1% les plus riches en paient environ 35%. Une personne avec 1 000€ de revenu/mois contribue aux cotisations sociales, aux impôts sur la consommation, à l’impôt sur le revenu qui mobilisent une proportion beaucoup plus grande de ses maigres revenus que les 0.1% les plus aisés (plus de 250 000€/an). Et ces données ne prennent pas en compte les niches fiscales, permettant aux plus hauts revenus de diminuer encore leur taux d’imposition.

Préjugé n° 3 : Les pauvres touchent des aides indûment ou fraudent massivement.
CQFD : Si elle est bien réelle, la fraude aux prestations sociales est très faible par rapport aux autres types de fraudes. En 2016, la fraude au RSA a coûté 100 millions€ à l’Etat, soit 30 fois moins que la fraude fiscale qui a amputé le budget de la France de plus de 3 milliards€. Et 168 fois moins que la fraude patronale aux cotisations sociales, estimées par la Cour des comptes à 16.8 milliards en 2012. La fraude douanière coûte, elle, plus de 400 millions€.
Les fraudes aux prestations familiales sont estimées à 1 milliard€. A ce chiffre, il faut les 11 milliards/an d’économies de l’Etat du fait des non-recours à ces prestations, soit 5.3 milliards pour le RSA, 4.7 milliards pour les prestations familiales et le logement, 828 millions pour l’allocation personnalisée d’autonomie ». Nombre de personnes renoncent à leurs droits du fait de la complexité des démarches, de leur dématérialisation croissante, de la volonté de ne pas dépendre de l’aide publique, du manque d’information…   

Préjugé n° 4 : les pauvres profitent des logements HLM et du RSA.
CQFD : 65% des familles vivant dans la pauvreté sont logées dans le parc privé, souvent dans des logements dégradés et surpeuplés et ce, du fait du coût sans cesse croissant des logements HLM. La part du loyer et charges dans les revenus des locataires HLM est passé de 16% en 1984 à 23% en  2011.
On ne peut pas gagner plus avec le RSA qu’avec le Smic. Le montant du Smic net mensuel est de 1 144€ (2016), celui du RSA de 525€ (461 en cas d’aide au logement). Un couple avec 2 enfants de moins de 14 ans, percevant chacun le RSA et une aide au logement vit avec 1 523€/mois. S’ils travaillaient chacun payé au Smic, ils gagneraient 2 211€/mois soit une augmentation de 45%. Non, les pauvres ne font pas d’enfants pour s’enrichir. Le taux de fécondité des familles ouvrières françaises est à peine plus élevé que celui des familles cadres : 2,3 enfants contre 2,2 !

Préjugé sur les immigrés. Ils viennent massivement en France pour  l’aide sociale.
CQFD : entre 1975 et 2013, l’immigration a augmenté de 1,4 point. De 6.6% en 1931, la part de la population immigrée est passée à 7,4% en 1975 à 8,8% en 2013. Nous sommes très loin des 23% qu’imagine une partie des Français. La France a accueilli très peu de réfugiés syriens, ils ont été seulement 10 000, entre 2011 et 2015, à obtenir le statut de réfugié, soit 2 000 en moyenne/an alors que l’Allemagne en a accueilli plus d’un million rien qu’en 2015 ! La France n’attire guère : en 2014, elle a rejeté 83% des demandes d’asile, de plus, les demandeurs sont soumis à des démarches complexes, opaques, sans droit de travailler, sans autre aide que la faible allocation pour demandeur l’asile (200 à 340€/mois) et l’aide médicale de l’Etat. Il n’y a pas d’accès automatique aux aides sociales : pour prétendre au RSA, ils doivent être titulaires depuis au moins 5 ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler ; pour le minimum vieillesse, il faut un titre de séjour depuis 10 ans avec autorisation de travailler et résider régulièrement en France. Personne ne peut donc débarquer en France et toucher le minimum vieillesse ou le RSA du jour au lendemain.

Rien de tel pour répondre à ceux qui  répandent la peur et la haine du pauvre et de l’immigré.

Signalé par Alain Mouetaux


(1)   Edition 2017, de Claire Hédon, Jean-Christophe Sarrot, Marie-France Zimmer,  éd. l’Atelier