Révolution
russe de 1917
Pour tenter
de mieux comprendre
Le
centenaire de la révolution en Russie a fait resurgir nombre de contre-vérités
contrebalancées par des mises au point et des révélations, issues notamment des
archives soviétiques. S’y intéresser n’est pas vain, même si la situation
d’aujourd’hui face à celle d’alors ne permet pas d’envisager la répétition
d’évènements semblables ; en effet, connaître ce passé flamboyant, au
destin tragique, aide à penser les drames qui agitent notre monde. Le passé
hante toujours le présent et souvent obscurcit les perspectives d’avenir.
D’entrée,
précisons qu’il y eut, en Russie, deux révolutions successives, celle de
février et celle d’octobre 17 : dans une certaine mesure la première
contenait déjà la deuxième. Cette spécificité trouve son fondement, non
seulement dans les configurations des classes sociales dans cet immense pays,
mais surtout, en ce qu’elles furent jetées dans la grande boucherie que fut la
guerre 14-18. Dans le système de confrontation des impérialismes (1), en
Russie, l’aspiration à la paix fut irrésistible et toutes les forces politiques
qui s’y opposèrent furent balayées de la scène historique. Ce ne fut pas le cas
dans d’autres pays, y compris en Allemagne (2). Il y a bien là une particularité
qu’il conviendrait de creuser, notamment sur les responsabilités des
social-démocraties de l’époque, embourbées dans l’union sacrée nationaliste.
On
ne peut répondre que succinctement à cette question de la dérive du mouvement
ouvrier d’avant-14 dans le cadre de cet exposé qui consiste essentiellement à
affirmer cinq thèses susceptibles
d’amener à comprendre la Révolution russe et son échec qui, pour les Russes, a
tourné au cauchemar. Il n’empêche, ce socialisme, qui dès octobre 1917 advenait
comme un espoir, portait en lui-même le dépassement d’un parlementarisme
étriqué, en ce sens qu’il vit surgir l’extension de la démocratie, celle des
conseils d’ouvriers, de soldats, de paysans. Ces organisations de débats, de
prises de positions et d’actions furent l’objet de confrontations idéologiques
acharnées. Fallait-il conclure ou non la paix tout de suite avec l’Allemagne au
détriment de l’alliance conclue avec la France et le Royaume Uni, au risque
d’être envahi par les troupes du Kaiser ? Fallait-il ou non se contenter
d’une alliance parlementaire avec les forces bourgeoises ou donner tout le
pouvoir aux soviets ? Ce furent les faits et circonstances qui répondirent
à ces questions, tout autant que la volonté de Lénine d’y répondre
positivement, et ce, de fait, en accord avec ce qu’attendaient les masses
populaires encore sous l’influence de partis et courants plus timorés, y
compris au sein du parti bolchevik. Mais le volontarisme ne peut prévaloir qu’à
condition de correspondre à une situation concrète qui lui permet de déployer
ses effets. Et c’est bien l’objet des 5 thèses qui suivent qui en démontrent
également les limites.
Thèse 1. Le
processus révolutionnaire difficilement concevable sans la guerre
La
période d’avant-14 est celle de la confrontation des différents impérialismes
pour la suprématie mondiale face à la perte d’influence relative de la Grande
Bretagne. Cette dernière se heurte à l’émergence du Japon et des USA notamment
en Asie ; elle est, par ailleurs, en concurrence avec la France dans le
partage des colonies, mais surtout avec l’Allemagne qui est la seule puissance
qui n’en dispose guère et entend tout faire pour obtenir sa part. En outre, les
autres empires à caractère encore semi-féodaux (Austro-Hongrois, Ottomans et la
Russie) sont des plus fragiles. Si la Russie a connu son extension maximale, tant à l’ouest en se partageant des
territoires avec la Prusse et l’Autriche-Hongrie (la Pologne n’existe plus)
après la fin des guerres napoléoniennes et les démembrements qui ont suivi, qu’à l’est
jusqu’à Vladivostok, elle connaît un régime à la fois rétrograde et
« modernisateur ». L’industrie s’y est développée, notamment celle de
l’armement, favorisée par l’implantation et le recours au capital étranger
(« emprunts russes »). Au regard des dangers d’interventions
militaires, des alliances se nouent pour faire face aux puissances montantes,
le Japon et l’Allemagne.
Premier ébranlement de la puissance
tsariste. 1905.
L’Empire
chinois est une proie à portée des impérialismes concurrents : la Russie,
le Japon et les puissances occidentales. En 1900, on assiste à l’intervention
conjointe des forces japonaises et occidentales pour mater la révolte des Boxers
qui avaient assiégé les légations occidentales (encart « la guerre de
l’opium »). Tout change lorsque le Japon s’en prend à la Russie. En 1904,
la flotte russe est bloquée à Port Arthur ; le 1er janvier
1905, la ville est prise, la flotte russe coulée après des affrontements
meurtriers (300 000 morts russes, 120 000 japonais). La médiation étatsunienne
permet le retour d’une paix fragile, affaiblissant la puissance tsariste qui
reconnaît la prépondérance du Japon en Corée, annexée en 1910. Le Japon accepte
de se retirer de Mandchourie et reconnaît la colonisation des Philippines et
d’Hawaï par les Etats-Unis. De ce partage colonial, au détriment du tsarisme,
de sa défaite et de la saignée qu’elle a occasionnée, va surgir une révolte
longtemps contenue. Des mutineries éclatent, c’est la révolte du cuirassé
Potemkine ; en octobre, c’est la grève générale, des barricades sont
dressées. A Petrograd, le comité ouvrier prend la direction de la grève puis
cède la place au conseil des délégués ouvriers : les soviets sont nés. La monarchie craque. Une immense
manifestation avec à sa tête le pope Gapone vient réclamer la liberté et du
pain. C’est le dimanche sanglant, la troupe tire sur la foule (3) : le
prestige de la monarchie de droit divin est atteint. Le tsar octroie un régime
constitutionnel (restreint) : la Douma (le parlement) n’est qu’une assemblée
consultative mais les libertés publiques concédées permettent l’éclosion de la
presse, tout particulièrement des journaux révolutionnaires. Aux élections, les
Bolcheviks refusent d’y participer devant l’absence de pouvoirs réels de la
Douma. Malgré l’échec des insurgés et les répressions, les grèves et
l’agitation révolutionnaire se poursuivent : le tsar dissout la Douma le 8
juillet 1906.
L’écroulement du tsarisme. 1914-1917.
La
guerre 14-18, c’est l’affrontement de 2 blocs : celui des
« Alliés » : Russie, Grande-Bretagne, France puis USA entendant
conserver leur hégémonie sur les parties du monde qu’ils occupent, et celui de
l’Allemagne lésée dans le partage du monde avec l’Autriche-Hongrie toujours ferraillant
contre l’empire ottoman qui cède du terrain.
Si
le tsarisme a pu réussir, au début du déclenchement du conflit, à ressouder
provisoirement le peuple russe autour des valeurs patriotiques, très vite les
défaites successives ont provoqué des mutineries puis des fraternisations avec
l’ennemi. Plus que dans d’autres pays, la haine vis-à-vis des généraux et
officiers se manifesta sous forme de révoltes. Mais c’est surtout la longueur
meurtrière du conflit et la nature du régime qui furent explosives. Outre la
propagande menée par l’ensemble des forces socialistes révolutionnaires,
mencheviks et tout particulièrement les bolcheviks, voire plus tardivement les
anarchistes en Ukraine, ce furent les aspirations à la paix, au
« pain » et au partage des terres qui furent décisives dans
l’effondrement du tsarisme. Et ce fut l’éclosion de la révolution de février
1917. Mais il y avait également au sein d’énormes usines, notamment à
Petrograd, une classe ouvrière combative, concentrée, qui réclamait le contrôle
de la production et de la distribution ainsi que la journée de 8 heures face à un
Etat failli. Le ver était dans le fruit d’autant que les partis de
« gauche » avaient refusé, à la différence de la France et de
l’Allemagne (à l’exception de Karl Liebknecht) d’approuver ou voter les crédits
de guerre.
Ceci
dit, on se doit d’insister sur le caractère cataclysmique du conflit : 13
millions de morts et deux fois plus de blessés et, pour la seule Russie, 3
millions de morts dont ¼ dans les forces armées, 3 millions de prisonniers, 1
million de déserteurs. En outre, le prolétariat russe, travaillé par les forces
du POSDR (Parti Ouvrier Social- Démocrate de Russie, mencheviks et bolcheviks),
était, pour une grande partie, conscient des enjeux et de sa force relative.
Thèse 2. Pas
de processus révolutionnaire sans mobilisation populaire et sans organes
révolutionnaires
De
mars à décembre 1917, les évènements qui se succédèrent prirent l’allure d’un
torrent balayant tout sur son passage malgré les obstacles répressifs et
idéologiques rencontrés. Pendant cette période, manifestations, mutineries se multiplièrent.
On dénombra plus de 1 200 000 grévistes. La combativité paysanne prit
la forme de jacqueries. Partout explosa la haine longtemps contenue, contre la
bourgeoisie, les officiers et les propriétaires fonciers. La succession des
faits vaut démonstration.
Le 8 mars, les ouvrières du textile de Petrograd débrayent et
manifestent en réclamant du pain et le droit de vote. Elles sont rejointes par
150 000 ouvriers. Dans un premier temps, les cosaques refusent de tirer
sur les femmes et les enfants. Les manifestations se poursuivent jusqu’au 12
mars. La répression fait plus de 1 000 morts. Des mutineries éclatent, des
ouvriers prennent les armes, occupent à Petrograd les points stratégiques. Nicolas II abdique.
Au
sein de la 4ème Douma élue en 1912, censitaire et corporatiste, et
donc non représentative, les forces conservatrices prétendent imposer un
gouvernement provisoire. A l’initiative de quelques députés Socialistes
Révolutionnaires et Mencheviks, rassemblés en un comité exécutif provisoire,
est lancé un appel à des élections au sein des usines et des unités de l’armée.
Des soviets se constituent pour, dans l’esprit de ceux qui les dirigent,
pallier l’effondrement de l’Etat. En effet, sont largement majoritaires les
mencheviks et les socialistes révolutionnaires ; les bolcheviks,
minoritaires dans ces instances, sont dans un premier temps bienveillants
vis-à-vis de leurs « adversaires ». Tous, plus ou moins, pensent que
cette révolution dite de février (calendrier russe de l’époque) est une
révolution bourgeoise démocratique et antiféodale. Certes, sont proclamés les
libertés fondamentales, le suffrage universel, y compris pour les femmes,
l’amnistie générale des prisonniers politiques, l’abolition de la peine de mort
et le droit des peuples à l’autodétermination ainsi que la suppression des
discriminations. S’instaure, dès lors, un double
pouvoir, une phase d’irrésolution
entre le gouvernement provisoire et les soviets ; mais l’essentiel réside
dans l’accord général des forces politiques dans la prétendue nécessité de la
poursuite de la guerre, contrairement à l’aspiration générale à la paix.
Le 17 avril, à son arrivée à Petrograd, Lénine proclame contre la
majorité du parti bolchevik « A bas
la guerre ! A bas le gouvernement provisoire ! Tout le pouvoir aux
soviets ! ». Mais c’est surtout la révélation faite les 20 et 21
avril d’une note secrète envoyée par le gouvernement provisoire aux Alliés
(France et Grande-Bretagne) qui donne corps à cette proclamation minoritaire.
Le gouvernement provisoire s’est en effet engagé à « se battre contre l’Allemagne jusqu’à la victoire finale ». Comme
pour pallier ce désaveu et maintenir la fiction du gouvernement provisoire, le 5 mai, six socialistes
révolutionnaires et mencheviks entrent au gouvernement. Quant aux bolcheviks,
ils s’y refusent…
Kerenski
qui dirige le nouveau gouvernement (alors qu’il siégeait auparavant dans les
instances dirigeantes des soviets) prépare immédiatement une offensive
militaire contre l’Allemagne. Le 18 juin,
elle est déclenchée et après des premiers succès, elle s’enlise avant de
connaître le 2 juillet une déroute complète suite à la contre-offensive
allemande. C’en est trop. Les 3 et 4
juillet, éclate une insurrection populaire déclenchée par les marins de
Cronstadt, animée par des cellules bolcheviques. Le comité central de ce parti
n’ose les désavouer. Lénine peste : « c’est prématuré ». La répression est massive, nombre de
bolcheviks arrêtés sont emprisonnés, tous sont accusés de défaitisme, d’être
les alliés des allemands. La Pravda est interdite. Le parti plonge dans la
clandestinité mais l’agitation, les grèves et manifestations se poursuivent.
Pour Kerenski, il faut mater Petrograd, il en confie le soin au général
Kornilov qui, lui, prétend instaurer une dictature militaire et dissoudre le
gouvernement provisoire et les soviets. Le
27 août, la tentative de putsch avorte : les cheminots ont bloqué les
trains, des ouvriers, des soldats se sont portés au-devant des troupes pour
organiser la fraternisation, les bolcheviks qui sont aux avant-postes de cette
organisation de déminage des velléités de répression apparaissent, dès lors,
comme les seuls défenseurs des acquis de la révolution.
Fin août, c’est une immense jacquerie qui embrase toute la Russie
contre les propriétaires fonciers et les seigneurs. Las d’attendre,
spontanément, des paysans se partagent les terres. Comment dès lors juguler,
maîtriser cet énorme torrent chaotique ? Sur les socialistes
révolutionnaires et les mencheviks, la pression démocratique et le désarroi de
leurs partisans sont énormes. Longtemps différée, ils conviennent de procéder à
une nouvelle élection des soviets, puis de réunir le 2ème Congrès panrusse
des soviets (organe centralisateur de tous les délégués des soviets locaux). Les
bolcheviks sont majoritaires dans tous les centres industriels, Trotski est élu
président du Soviet de Petrograd.
Le 25 octobre, les bolcheviks, plus précisément le comité militaire
révolutionnaire de Petrograd, occupent les points stratégiques, et dans la
soirée attaquent le Palais d’Hiver (siège du gouvernement) pratiquement déserté
(cf thèse 3). C’est la révolution d’octobre. Le 26 octobre, se réunit le Congrès panrusse des soviets. Les
bolcheviks représentent 60% des délégués. Refusant ce principe majoritaire, les
socialistes révolutionnaires (SR) et les mencheviks quittent la séance et
réclament la réunion d’une Assemblée constituante. De fait, ils sont en
désaccord avec les proclamations de Lénine et du décret qu’il a présenté,
contenant l’abolition de la grande propriété privée, la paix séparée immédiate,
avec la seule Allemagne, et l’instauration de tout le pouvoir aux soviets. La
fiction du double pouvoir (gouvernement provisoire et soviets des députés
ouvriers et délégués de soldats et paysans) peut-elle encore prévaloir ?
De fait il est impossible de s’opposer aux élections d’une assemblée
constituante, longtemps réclamées. Le 12
novembre, suite aux élections, les SR sont largement majoritaires, les
paysans au sein desquels ils sont implantés leur font encore largement
confiance. Les bolcheviks n’obtiennent que 175 sièges sur les 703. Devant le
refus obstiné d’approuver le partage des terres et la paix séparée, Lénine
dissout l’Assemblée constituante en s’appuyant sur la volonté des soviets à qui
tout le pouvoir doit revenir. Les SR de gauche se rallient aux bolcheviks ainsi
que les mencheviks internationalistes. Le
15 novembre, le comité exécutif des soviets décrète notamment le droit au
divorce, la souveraineté des nationalités, légitimant ainsi des prises de
pouvoir dans les provinces éloignées (4)
Fin décembre, se constituent les premières armées blanches à
l’initiative parfois des SR de droite ( !).
Thèse 3. La
révolution d’octobre, impossible sans « l’acharnement » de Lénine
L’un
des mythes diffusés qui ont la peau dure, consiste à affirmer que le parti
bolchevik était anti-démocratique, discipliné, et un autre, que la révolution
d’octobre 17 ne serait que le résultat d’un coup d’Etat. En fait, il était bien
un parti ouvrier, même s’il était dirigé en grande partie par des intellectuels
déclassés, où régnaient de vifs débats en particulier celui de savoir s’il
était possible de passer d’une révolution bourgeoise à une démocratie ouvrière
et paysanne.
Avant
son arrivée à Petrograd, Lénine publie ses Lettres
de loin. Il y affirme que la bourgeoisie, en particulier le parti Cadet
(KD) qui en représente les intérêts, est trop faible pour mener une révolution
démocratique donnant la terre aux paysans et satisfaisant les revendications
ouvrières. En conséquence, il préconise : aucune compromission avec le gouvernement provisoire.
Il n’est guère entendu. Revenu en
Russie, ses Thèses d’avril reprennent
les mêmes termes (le pain, la terre, tout le pouvoir aux soviets). Il est mis en minorité au comité central du
parti. Ses thèses ne sont pas publiées.
Le 10 juin, il appelle avec la majorité du parti à manifester contre le
gouvernement provisoire. Le comité exécutif des soviets interdit cette
manifestation et en propose une autre le 18 juin, pensant étouffer les voix
bolcheviques, qui se rallient à cette date. C’est le contraire qui se
produit : dans leur grande masse, les ouvriers et soldats qui y
participent scandent : « A bas
le gouvernement provisoire !». Ce qui suscite le remaniement de ce
gouvernement avec la participation de 6 SR et mencheviks, face à 10 membres des
Cadets. Kerenski raille les « enfantillages
de Lénine ».
Les 3 et 4 juillet (voir thèse précédente), Lénine, l’ensemble du comité
central, sont débordés par leur gauche. Face aux atermoiements du gouvernement
et à sa volonté de poursuivre la guerre, sous l’impulsion des cellules du
parti, des milliers de soldats et d’ouvriers manifestent à Petrograd et dans de
nombreuses villes. Si les dirigeants du POSDR bolcheviks ne s’y opposent pas,
Lénine déclare avec d’autres : « c’est
prématuré, nous ne sommes majoritaires ni dans les soviets ni parmi les soldats
du front ». La répression qui s’en suit ainsi que la reprise de
l’offensive militaire lui donnent raison. Mais le parti qui plonge dans la
clandestinité semble abattu d’autant qu’une intense propagande présente Lénine
comme un agent du Kaiser. Ce n’est que l’échec de l’offensive militaire suivi
de l’avortement du putsch de Kornilov qui permet aux bolcheviks de gagner en popularité
auprès des soldats et paysans.
Le 6 octobre, au vu des résultats obtenus dans les différents
soviets locaux et en particulier à Petrograd, Lénine préconise la préparation
de l’insurrection pour prendre le pouvoir avant même la réunion du 2ème
Congrès panrusse des soviets afin d’éviter
tout retour en arrière et briser
ce qui reste de l’appareil d’Etat
tsariste. Il est mis sur la touche
par la très grande majorité du comité central, dirigé par Kamenev. Dans
l’esprit des dirigeants, comme d’ailleurs de toutes les autres formations, il
faut attendre la réunion de l’assemblée constituante. Le 9 octobre, la
discussion fait rage parmi les membres du comité central, cette instance semble
paralysée, attentiste, donne apparemment raison à Lénine mais préconise
d’attendre la réunion du congrès des soviets. Lénine, toujours dans
l’impossibilité de participer physiquement aux réunions de l’instance
dirigeante (dans la clandestinité et menacé d’arrestation en tant qu’agent du
Kaiser), adresse une Lettre aux camarades
où il fustige « les adversaires de
l’insurrection qui rejettent sur les masses leur propre veulerie ».
Puis, la position de Lénine est adoptée, un comité militaire constitué. Kamenev
mis en minorité, révèle dans le journal de Gorki les « plans de l’insurrection ».
Lénine crie à la trahison, traite Kamenev de briseur de grève. Kamenev ne sera
pas pour autant exclu du Comité central ( !).
Le 24 octobre, le gouvernement ordonne l’arrestation des bolcheviks
liés à l’insurrection de juillet, la fermeture des imprimeries bolcheviques et
l’interdiction de la diffusion de leurs journaux. Il tente de nouveau de
mobiliser l’armée, mais c’est trop tard. La riposte du comité militaire
révolutionnaire rend caduques ces velléités de répression. Toutefois, le comité
militaire révolutionnaire hésite, s’en tient à une position défensive,
« il ne faut pas aller trop loin, trop vite » et refuse d’appeler les
masses dans la rue. Il craint une scission lors du congrès des soviets. Cette
fois encore, l’intervention de Lénine est décisive
et le comité militaire, essentiellement bolchévique, occupe les lieux
stratégiques. Le 25 octobre, le gouvernement est privé d’électricité et de
téléphone.
Le 26 octobre, à l’ouverture, en début d’après-midi après la
conquête du Palais d’hiver, sur 670 délégués, 505 se prononcent pour « tout
le pouvoir aux soviets ». 55 souhaitent toujours et encore une
conciliation avec les Cadets. Dans l’assemblée, on dénombre 300 bolcheviks, 193
SR (dont la moitié de SR de gauche), 68 mencheviks de droite et 14 mencheviks
internationalistes ainsi qu’un marais de 95 indécis et sans parti. Après
élection, le Présidium du Congrès se compose de 14 bolcheviks, 7 SR de gauche
et 4 mencheviks. Ces derniers, refusant de siéger, entraînent avec eux une
toute petite minorité de délégués. Ils sont traités de déserteurs. A une
majorité écrasante et par des acclamations délirantes, le manifeste de Lénine
est approuvé. Bref, un gouvernement pluraliste, révolutionnaire est possible, mais
c’est sans compter avec la peur de la contre-révolution et le légitimisme qui
entravent nombre de révolutionnaires.
Le 29 octobre, à l’instigation des mencheviks, les postiers se
mettent en grève, les cheminots bloquent les trains. Les élèves officiers se
soulèvent. Un comité de salut public prétend se substituer au gouvernement
provisoire « anéanti », invite les bolcheviks à y siéger sans Lénine
et Trotski ( !) tout en ne leur réservant que 5 postes sur 18. Pendant ces
pourparlers, le parti bolchevik est au bord de la scission. Lénine, après avoir été mis en minorité,
l’emporte de nouveau et il est mis fin aux pourparlers avec ce comité. Les
faits lui donnent raison, car après bien plus de difficultés qu’à Petrograd,
l’insurrection l’emporte à Moscou.
Le 3 novembre, le comité central des mencheviks se réunit et prône
la capitulation des bolcheviks en reportant ses espoirs sur la réunion de
l’assemblée constituante. Sur les 90 millions d’électeurs, dont 80% sont des
paysans, 48.5% participent au vote. Et les bolcheviks sont minoritaires (24.5%
des suffrages), les SR emportent 60%, les mencheviks 3.5%, les partis
« bourgeois » 12% dont 7.5 pour les Cadets ; mais ce résultat
est trompeur car les 4/5èmes de la population sont pour la paix, le partage des
terres, l’égalité et la justice sociale. Or, l’assemblée constituante qui se
réunit le 5 novembre, refuse d’entériner les décrets du congrès des soviets.
Les SR de gauche et les bolcheviks quittent la séance. Lénine déclare cette
assemblée « dépassée ». Elle est dissoute dans la presqu’indifférence
générale.
Demeure
la question de la paix et la peur d’une offensive allemande. Lénine propose la
paix immédiate arguant que le peuple est épuisé et veut la paix. Il est de nouveau mis en minorité. Trotski
propose un compromis qui est accepté : cesser la guerre sans la paix,
gagner du temps dans l’espoir d’une révolution à l’ouest. Mais, lors des
négociations, à Brest-Litovsk, les Allemands sont intransigeants ; ils
sont impatients de renforcer le front de l’ouest et s’alarment d’une possible
contagion révolutionnaire de leurs propres troupes. Le 30 janvier 1918, Trotski et Radek quittent la séance des
négociations. A leur retour, une faible majorité consent à la paix si les
Allemands passent à l’offensive. Et c’est ce qui semble se passer.
Le 5 mars 1918, le congrès du parti bolchevik se prononce pour la
paix de Brest-Litovsk ainsi que la perte de territoires qu’elle signifie. Le
Parti à Moscou, dirigé entre autres par Boukharine, prône la guerre
révolutionnaire des partisans ; il est au bord de la scission. Sverdlov et
Zinoviev, envoyés sur place, parviennent à convaincre que la seule voix pour
préserver les acquis de la révolution, c’est la paix. Le 15 mars, le congrès des soviets qui réunit 1 232 délégués,
par 64% des voix, ratifie la paix.
Comme
en conviendra Trotski en 1924 : « Sans
l’acharnement de Lénine, la révolution aurait été vouée à l’échec, la masse
désillusionnée, apathique aurait accepté la dictature militaire et la poursuite
de la guerre ». Mais de fait, c’est une autre guerre, la guerre civile
que vont devoir affronter les communistes.
Thèse 4. La
révolution s’est pervertie dans la guerre civile
Cette
période, qui court de 1918 à 1921-22, est celle de la sortie des espoirs
révolutionnaires, y compris ceux d’une révolution à l’ouest et pour le moins en
Allemagne. Ce qui s’est produit pour l’empire ottoman, suite à la guerre 14-18,
à savoir son dépeçage, a été évité pour la Russie. Et pourtant, beaucoup a été
fait pour y parvenir.
En
effet, outre les armées blanches, encadrées par des officiers et généraux
tsaristes, les interventions armées étrangères, suite à la fin de la 1ère
guerre mondiale, vont se multiplier jusqu’à menacer Petrograd et Moscou. Au
nord, ce sont les troupes françaises, britanniques, étasuniennes qui occupent Arkhangelsk.
Depuis la Finlande, après avoir écrasé la révolution dans ce pays (29 000
morts, 80 000 travailleurs et socialistes jetés dans des camps de
concentration) (5), les Allemands et l’armée blanche finlandaise menacent
Petrograd. En 18-19, la flotte britannique encercle Kronstadt ; les
Polonais envahissent la Biélorussie ; les Allemands, depuis la Roumanie,
apportent leur soutien aux généraux blancs Denikine et Krasnov. Les Français,
aidés de troupes grecques, font de même à partir de Sébastopol et occupent la
Crimée. Les Britanniques sont en Géorgie. A l’est, ce sont les Japonais qui
progressent jusqu’au lac Baïkal. Quant aux Américains, ils sont à Khabarovsk
pour soutenir l’armée cosaque de Semenov. A l’est toujours, l’armée blanche
dirigée par Koltchak, est épaulée par une légion tchécoslovaque.
Pendant
ces années dévastatrices, les meilleurs éléments de la classe ouvrière et des
bolcheviks sont envoyés en première ligne. Il faut durer, en espérant toujours
une révolution à l’ouest. La famine menace puis s’installe, les réquisitions
des Rouges auprès des paysans pour nourrir les villes, développent
l’autoritarisme et la bureaucratie. Des paysans passent chez les Blancs puis
face aux exactions, à la restauration de la grande propriété, repassent chez
les Rouges. Finalement, leur basculement au profit des bolcheviks permet au
pouvoir rouge de l’emporter. Mais des armées vertes, composées de paysans,
exigent la restauration des soviets sans bolcheviks… et c’est la tragédie de
Cronstadt, écrasée, malgré la tentative de médiation de l’anarchiste Emma
Goldman.
Pendant
la guerre civile, le processus révolutionnaire (faisant vivre la démocratie
ouvrière et paysanne) s’est inversé, sur fond de délabrement économique et
social du pays et de recours aux méthodes autoritaristes.
Lénine,
conscient de l’état du pays, prend l’initiative, contre les partisans du
« communisme de guerre » de mettre fin aux réquisitions forcées, les
remplaçant par un impôt en nature. Il préconise le retour au marché pour la
paysannerie notamment, tout en maintenant les nationalisations des usines.
C’est la NEP (Nouvelle Politique Economique) qui instaure un capitalisme
d’Etat, dirigé par le parti communiste et ses organes bureaucratiques et
hiérarchiques. De fait, en tant qu’instance de débat, dès 1920, le parti
bolchevik n’existait plus. Lorsque la NEP, plus tard, fut abolie, la dernière
opposition (dite ouvrière) avait été éliminée. Et l’organe dit
d’inspection ouvrière et paysanne de lutte contre la bureaucratie ne contredira
pas le système de commande administrative qui s’instaure…
Thèse 5. Le
socialisme n’a jamais existé en Russie
Certes,
la révolution ouvrière et paysanne a bien eu lieu. La démocratie sociale et
politique jusqu’en 1918 a bel et bien fonctionné. Mais, suite à la guerre
civile, c’est un capitalisme d’Etat archaïque qui s’est instauré. Pendant la
courte période de la NEP, caractérisée par la résurgence de la petite propriété
privée et l’atomisation de la classe ouvrière, ses éléments les plus
conscients, s’ils n’avaient pas succombé à la guerre civile, auraient intégré
les appareils du parti et de l’Etat.
Toutefois,
malgré l’absence de révolution à l’ouest, malgré la bureaucratie régnante et
l’épuisement de la population, l’expérience révolutionnaire ne conduisait pas
automatiquement au grand tournant qui s’est opéré après la mort de Lénine. « L’utopie »
stalinienne de socialisme dans un seul pays imposa non seulement, un despotisme
draconien, mais surtout une répression politique sans égale. La
collectivisation forcée des terres aliéna définitivement les paysans au pouvoir
qui, pour s’imposer, recourut à la coercition et aux déportations. Le goulag,
ces camps de prisonniers, réduisit ces derniers à un semi-esclavage, pour
entreprendre de grands travaux dont nombre d’entre eux se sont avérés
nuisibles. Quant à l’industrialisation à marche forcée, l’instauration du
livret de travail pour contrecarrer la démission d’ouvriers, le recours au stakhanovisme,
ce ne furent que des modalités d’instauration de la dictature du parti sur la
classe ouvrière et le peuple. Sans omettre la période de courte durée
(1919-1920) d’éclosion culturelle prometteuse (6), il y a lieu de distinguer
plusieurs périodes dans ce qu’il est convenu d’appeler, à tort, le stalinisme
ou le « socialisme réellement existant ».
1-
De 1930 à 1953,
l’autocratie stalinienne règne en maître absolu. La terreur et les grands
procès exterminant la vieille garde bolchevique ne peuvent se maintenir qu’en
se fabriquant une succession d’ennemis. En déstabilisant périodiquement la
bureaucratie et en développant un chauvinisme grand-russien qui connaît son
apothéose pendant la guerre 39-45. Toutefois, pendant la 2ème guerre
mondiale, la bureaucratie se stabilise et la tentative de la déstabiliser de
nouveau par une nouvelle purge (comme le procès antisémite dit « le
complot des blouses blanches ») tournera court.
2-
Après la mort de
Staline, Khrouchtchev tente de libéraliser le régime, le « capitalisme
primitif » du goulag est progressivement supprimé, la nomenklatura se
stabilise, la société est majoritairement urbaine et éduquée. Les fissures
apparaissent… le système est impossible à rénover
3-
Les années 1960 à
1986 sont caractérisées par la stagnation brejnevienne et la mise au pas des
régimes de l’est « soviétiques » (répressions en Pologne, en Tchécoslovaquie).
Au sein d’un monolithisme de façade des différents clans, cliques, des courants
nationalistes s’affrontent sourdement.
4-
L’effondrement de
l’URSS s’accomplit entre 1986 et 1991. La Perestroïka est la vaine tentative de
combler le divorce qui s’est creusé irrémédiablement entre la bureaucratie et
ce qu’il est convenu d‘appeler la société civile. En fait, au sein de la
nomenklatura, s’opposent des politiciens dépolitisés et des libéraux qui
l’emporteront. La thérapie du choc, qu’ils instaureront avec l’aide d’experts étatsuniens
(les golden boys) (7), accomplira, par les privatisations sauvages, le « hold-up du siècle ».
Parler
du socialisme soviétique est un « erreur d’étiquetage »
entretenue à l’ouest comme un épouvantail. Mieux vaut parler d’un étatisme où
la caste régnante est elle-même la classe dominante. Quant au goulag, il
s’apparente au mode de production asiatique tel que décrit par Marx. Par
ailleurs, la notion de totalitarisme doit être elle-même questionnée. Elle est anhistorique,
nie les quatre périodes susmentionnées, ignore la lutte des classes et tout particulièrement
les résistances individuelles et collectives, les grèves, les manifestations,
les émeutes qui se sont succédé pendant toutes ces périodes.
Quelques
éléments de conclusion
Si
le socialisme, au sens de Marx, consiste à croire que la classe ouvrière en
s’émancipant peut libérer l’humanité tout entière, en instaurant la démocratie
sociale et politique, on est loin du compte lorsqu’il s’agit d’appréhender ce
qu’il est advenu de la révolution d’octobre. L’une des raisons pour lesquelles
il n’en fut pas ainsi est l’absence de révolution du même type en Occident. Y a-t-il
des raisons de désespérer a priori ou non, si l’on considère la façon dont les
dirigeants qui se réclamaient du socialisme, ont failli en Allemagne et en
France notamment ? Par ailleurs, la classe ouvrière en soi semble aujourd’hui
en voie d’émiettement dans les pays industrialisés et d’expansion dans les pays
dits émergents mais, pour l’heure, nulle part, elle n’apparaît comme une classe
pour soi, en capacité de défendre ses propres intérêts et encore moins de
rallier autour d’elle les couches sociales victimes du système réellement
existant. En outre, les luttes de libération nationale n’ont produit que
différentes formes d’étatisme nationaliste qui ont toutes sombré dans différents
modèles de restauration larvée du capitalisme.
Il
n’empêche, l’émancipation des producteurs de la domination des oligarchies,
qu’elles soient financières ou étatiques, reste d’actualité, ainsi que
l’appropriation des moyens de production et de distribution des richesses pour
le bien commun de tous. De même, l’élimination des structures contraignantes et
hiérarchiques restent à l’ordre du jour, pour autant que l’Etat soit de fait
remplacé par des formes d’organisation où la libre-organisation, l’existence d’intellectuels
indépendants fassent régner une vie politique démocratique. Demeurent les questions
du passage d’un système à un autre et de la manière de s’opposer aux menées
contre-révolutionnaires Sinon, comme en Russie, ce n’est pas la société qui se
sert des résidus de l’Etat mais l’Etat qui emploie et asservit toute la
société.
Gérard
Deneux, le 1.01.2018
NB.
Ce texte est la réécriture d’une intervention-débat réalisée par Gérard lors de
l’assemblée générale des Amis de l’émancipation Sociale de Franche-Comté
(1)
Dans la chaîne de
confrontation des différents impérialismes, l’empire tsariste peut être
considéré comme le maillon faible. Pour en savoir plus sur le monde qui
prévalait avant la 1ère guerre mondiale, lire L’ère des Empires. 1875-1914 d’Eric Hobsbawm, ed. Pluriel
(2)
En Allemagne, au
sortir de la guerre, la classe régnante, y
compris les sociaux-démocrates qui avaient voté les crédits de guerre, répand
l’idée d’un nécessaire retour à la paix et à la démocratie. L’épuisement de la
population, des soldats, favorisait difficilement l’émergence d’une révolution.
Certes, il y eut des mutineries au début de la guerre civile et des soviets
mais ils furent dirigés par des sociaux-démocrates qui entendaient juguler
toutes les aspirations révolutionnaires. Les généraux et officiers vaincus
accusaient l’arrière, soit l’agitation révolutionnaire, d’avoir asséné un coup
de poignard dans le dos à l’armée allemande. Et, militaristes alliés aux sociaux-démocrates
s’unirent pour écraser la révolution naissante, tout particulièrement les
Spartakistes : Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent assassinés. Pour
en savoir plus, lire Allemagne 1918. Une
révolution trahie de Sébastien Haffner, ed. Complexe
(3)
Lire Le dimanche rouge de Jean-Jacques Marie,
édition Larousse
(4)
A ce sujet, lire L’emprise de la révolution de Mathieu Renault, éd. Syllepse
(5)
Révolution et écrasement de la révolution finlandaise. Lire à ce sujet l’article remarquable d’Eric Blanc
sur le site alencontre.org. Dans ce pays, les atermoiements et le retard pris
dans la prise du pouvoir par un parti social-démocrate qui avait gagné les
élections et accepté la dissolution du parlement, furent dramatiques (avril 1918).
Les bolcheviks s’attendaient à connaître le même sort mais… ils en refusèrent
le « destin ».
(6)
Pour en savoir
plus sur cette éclosion culturelle de l’art figuratif, de la poésie
(Maïakovski), de la peinture (Chagall, Kandinsky), du cinéma (Sergueï Eisenstein),
de l’éducation de masse…, lire notamment les articles du Monde Diplomatique du mois d’octobre 2017
(7)
Lire à ce sujet
de Naomi Klein La stratégie du choc,
ed. Actes sud.
Pour
en savoir plus, quelques références bibliographiques récentes qui ont intégré
le travail sur les archives « soviétiques » désormais
disponibles :
-
Les soviets de Petrograd. Février 1917-juin 1918. David Mandel, Page 2 Syllepse
-
Histoire de la guerre civile russe 1917-1922. Jean-Jacques Marie, ed. Taillandier
-
Les bolcheviks prennent le pouvoir. La révolution de
1917 à Petrograd. Alexandre Rabinowitch,
ed. La Fabrique
-
Lénine, la révolution permanente. Jean-Jacques Marie, ed. Payot
Encart
« la guerre de l’opium »
La guerre de
l’opium (1839-1842) résulte de
l’interdiction d’importer en Chine de l’opium, trafic que les Britanniques
notamment, imposaient pour affaiblir le régime chinois. Face à cette
interdiction, les Anglais bombardent Canton et à l’aide d’un corps
expéditionnaire de plus de 40 000 hommes occupent Shanghai. A l’issue du
traité de Nankin imposé à l’impératrice, le commerce et la pénétration des
capitaux anglais sont favorisés. En 1856, éclate la 2ème guerre de
l’opium, jusqu’en 1860. En 1857, le corps expéditionnaire franco-anglais occupe
Canton : la désorganisation et le conflit provoquent une famine
désastreuse (8 millions de morts). En 1858, par le traité d’Aigun, la Russie
occupe la rive gauche du fleuve Amour, s’accaparant 2 500 000 km2. En
1860, le corps expéditionnaire anglo-français de 20 000 hommes met à sac,
pille, puis incendie le Palais d’été (près de Pékin). Les différents
impérialismes sont en concurrence-collusion pour dépecer l’empire chinois. La 1ère
guerre mondiale va les éloigner de ce théâtre d’intervention et laisser le
champ libre aux invasions japonaises.