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La police des migrants
Ce petit livre collectif est le produit du programme de recherche placé
sous la direction de l’anthropologue Michel Agier. Il réunit 40
chercheurs, répartis sur une quinzaine de sites en Europe et à ses portes. Le
résultat est sans appel : les Etats ont placé leur police en première
ligne de la gestion des migrations. Il s’agit de filtrer, disperser, harceler,
décourager, renvoyer… Il institue de fait le droit des Etats de tuer, laisser
mourir ou se noyer : le massacre de Tarajal en 2014 (p. 90-92) pour
accéder à la plage de Ceuta, les renvois en plein désert pratiqués par la
police marocaine… en attestent. Les migrants victimes de l’exploitation
néocoloniale, de la dictature, rançonnés par les passeurs, voire réduits en
esclavage en Libye, sont traités comme des sous-hommes. L’octroi d’aides au
développement des pays du Sud est conditionné à l’imposition de contrôle aux
frontières, à la réadmission de leurs ressortissants expulsés d’Europe. Sur ce
continent « d’accueil » ( !), le déploiement de l’arsenal
policier permet l’accumulation des violences psychologiques et physiques à leur
encontre. L’institution d’objectifs chiffrés, d’expulsions, en 2004 en France
(Sarko), cette « culture du résultat »
assortie de « primes au mérite » se conjuguent avec la destruction
des bidonvilles et autres habitats précaires et la multiplication des contrôles
au faciès. S’institue dès lors une hiérarchisation sociale et raciale,
imprégnée de la résurgence du passé colonial discriminatoire. Le traitement des
migrants est la pointe avancée des politiques de deshumanisation des rapports
sociaux. GD
Collectif Babels, le
passager clandestin, 2019, 10€