Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 25 novembre 2012


La lumière des ombres des dominés

A force de rester dans l’ombre, on le devient
A force dire du mal, on finit par le faire
A force d’être opprimé de fausse culpabilité
On finit dans les rangs des stigmatisés.
C’est évident que les politiques n’en ont pas assez
De fabriquer des conflits, c’est devenu leur métier.
Ils s’organisent dans l’évolution de la source des inégalités
En déformant toute réalité, dans des programmes éhontés.
A vrai dire, ils nous ont tous piégés.
Ce monde de beauté est ensorcelé par leurs paroles déplacées
Ils tentent de nous faire une place à côté des damnés.
Nous n’avons ni droit, ni parole, nous avons été condamnés
Sans pouvoir protester, contre notre religion, agressés.
Nous sommes au service et à la botte des Etats industrialisés
Qui sont à l’assaut des anciens pays colonisés.
Hier comme aujourd’hui, rien n’a changé, nous sommes condamnés,
Ils ont toujours le pied à l’étrier pour bafouer les libertés.
Nous sommes tous guidés dans les folies de l’absurdité,
Dans l’évolution du pouvoir de tous dégradé
Jusqu’à la pensée.

Hassen  



Intervention de Gérard Deneux, Amis de l’émancipation Sociale
Lors de la manifestation en soutien au peuple palestinien,
à Belfort, le 24 novembre 2012


Une trêve a été conclue mais elle reste précaire.
L’agression militaire de l’Etat d’Israël contre Gaza a cessé provisoirement. Mais le cessez-le-feu a déjà été violé. Le 23 novembre : des tirs contre un groupe d’agriculteurs palestiniens dans le village de Khouzaa ont fait un mort et 19 blessés.
Il nous faut donc rester vigilants
car les sionistes ne veulent pas reconnaître les droits légitimes du peuple palestinien.

Il n’y aura pas de paix
tant que les résolutions de l’ONU seront bafouées
tant qu’Israël ne reconnaîtra pas les frontières de 1967

Il n’y aura pas de paix
tant qu’Israël n’acceptera pas le retour des réfugiés de 1948
tant que Jérusalem Est ne sera pas rendue aux Palestiniens

Il n’y aura pas de paix 
tant que se poursuivra la colonisation rampante de la Cisjordanie
tant que Gaza restera une prison à ciel ouvert

Il n’y aura pas de paix
tant que les puissances occidentales, en premier lieu les Etats-Unis, soutiendront, armeront, financeront l’Etat sioniste.


L’agression militaire contre Gaza, les 1 400 morts Palestiniens et  les 13 morts Israéliens en 2009, n’ont rien changé. Les 155 morts, dont 5 Israéliens, et les milliers de blessés Palestiniens de 2012 n’y changeront rien.

Le peuple palestinien est toujours debout
pour réclamer de vivre en Paix sur une partie de son territoire.

Peut-on convaincre Netanyahou, ce voyou, que les assassinats dits ciblés, le terrorisme d’Etat contre les civils palestiniens, les bombardements massifs, les canonnades par mer et par terre pour faire capoter le vote à l’ONU, ne changeront rien à la détermination du peuple palestinien ?

Ce dont a peur Netanyahou, c’est que le statut d’observateur à l’ONU du peuple palestinien lui permette de saisir la Cour Pénale Internationale.
Netanyahou, ce voyou, aux mains tachées de sang, craint par-dessus tout que le droit international s’applique sans retenue contre les tortionnaires sionistes.

Peut-on convaincre Netanyahou que les manipulations pour dresser le peuple israélien dans un réflexe nationaliste contre le peuple palestinien, pour remporter les élections avec l’extrême droite religieuse, sont des manœuvres pitoyables d’un gouvernement aux abois ?

Peut-on convaincre Netanyahou que les temps changent ?

Le temps des dictateurs, des despotes, des tyrans, des va-t-en guerre expire.
Les révoltés du printemps arabe, les Indignés du monde entier, y compris en Israël,
leur disent : Assez ! Votre temps expire !

Assez ! Cessez vos agissements cyniques !
Vous qui êtes assoiffés du sang des innocents ! Assez !


Nous nous reconnaissons dans les paroles d’une poétesse palestinienne, citée par Moshé Sakal, le romancier israélien : Nous portons dans notre cœur, lourd des oppressions accumulées, le poids des victimes assassinées en Irak, en Syrie, en Egypte, au Yémen, en Palestine. Tous ceux qui exercent la violence contre le corps de ceux qui revendiquent la liberté, l’émancipation, la justice sociale, sont mes ennemis.


La dernière semaine n’est pas différente des deux dernières années en Syrie,
La dernière semaine n’est pas différente des 10 dernières années en Palestine.

Mettons fin à la haine et à la barbarie.

Notre seule arme c’est la mobilisation,
c’est l’organisation patiente, résolue, de tous ceux qui refusent de vivre à genoux,
c’est l’organisation de tous ceux qui veulent faire advenir l’émancipation de l’Humanité.




Les Amis du Monde Diplomatique  Nord Franche-Comté, les Amis de l’Emancipation Sociale,  l’Atelier et la MJC de Valentigney
 vous invitent à une conférence-débat sur le thème

« Révolutions » arabes :
l’heure des islamistes ?

en présence de Alain GRESH
journaliste au Monde Diplomatique – spécialiste du Moyen Orient

 

Vendredi 30 novembre  2012

20h15 à AUDINCOURT  Ancienne Mairie (entrée libre et gratuite)


Le printemps arabe va-t-il se transformer en hiver islamiste ? C’est ce que l’on voudrait nous faire croire. Les aspirations à la liberté, à la démocratie et à la justice sociale peuvent-elles être étouffées ? L’arrivée d’islamistes au pouvoir change-t-elle la donne alors même que la crise et les inégalités sociales s’approfondissent ? Venez en débattre.                                                                              Contact : 03 84 30 35 73








Les Amis de l’Emancipation Sociale,  les Amis du Monde Diplomatique  Nord Franche-Comté vous invitent à une conférence-débat sur le thème


La Françafrique vue du Gabon

en présence de Serge MOUNDOUNGA
 juriste et analyste politique

 

Jeudi  29 novembre  2012

20h30 à BELFORT Maison du peuple (salle 327) (entrée libre et gratuite)



Venez découvrir « l’ami » de la France, ce dictateur corrompu et corrupteur des élites politiques françaises, Ali Bongo, Président du Gabon, celui qui laisse son pays piller par les monopoles français. De Sarkozy à Fabius, le changement dans la continuité ? Le ballet des mallettes de fric va-t-il continuer ? La justice française récupèrera-t-elle les biens mal acquis (hôtels particuliers, voitures de luxe…) ? Venez en débattre.

Contact : 03 84 30 35 73









samedi 17 novembre 2012


Après les vœux de campagne, l’aveu du reniement


La vérité du hollandisme n’est que la continuité d’une dérive. Qui, mieux que Hollande, pourrait en faire l’aveu  tout en se dissimulant derrière le rideau d’un prétendu pragmatisme de bon aloi ? Interviewé, il aurait pu nous dire :

Mettre fin à la chasse aux Roms, aux sans papiers, gracier la Basque Aurore Martin, réhabiliter les Conti, abandonner les poursuites contre Julien Coupat et sa compagne, imposer le vote des étrangers, certes, cela n’aurait rien coûté à l’Etat, mais voyez-vous, Son Autorité en aurait été affectée à l’heure où le maintien de l’ordre est plus que nécessaire. Voyez en Grèce, en Espagne… Ceux qui me reprochent mon manque de courage ne comprennent pas la nature ambiguë du hollandisme : louvoyer à reculons, c’est tout un art, celui d’affronter de biais l’impopularité pour recevoir les louanges du patronat et les encouragements des médias. Prenez l’exemple de l’austérité imposée à petits pas. Je désigne l’adversaire, la finance sans visage, puis je compose, les créanciers faut les rembourser sinon ils nous imposeront des taux d’emprunt insupportables ! Je prétends faire reculer Merkel et obtenir un volet de croissance au pacte de stabilité, elle refuse et je plie, en attendant des jours meilleurs. Elle y viendra d’elle-même lorsque l’Europe entière entrera en récession. Vous voyez ! Manœuvrer à reculons, à la godille, est d’une suprême habileté ! Et je me targue de réussir ce que Sarko n’a pas eu le courage d’entreprendre. Compétitivité, j’appelle Gallois, patron respectable, la droite vocifère, je vais enterrer son rapport, la gauche respire mieux et je choisis le juste milieu. Après avoir fait mine d’imposer les riches avec mesure, je les gratifie de cadeaux sous forme de crédits d’impôt. De même, après avoir répudié et supprimé la TVA sociale sarkozyste, j’instaure l’augmentation de  la TVA pour 2014, tout en abaissant le taux sur les produits de 1ère nécessité. N’est-ce pas là toute la virtuosité du pouvoir gouverner ?

Vous le savez, j’étais l’homme de la synthèse au Parti Solferino, Président de tous les Français, je le demeure. Certes, j’ai dû prendre en compte le scandale des dépassements d’honoraires mais en bon Ponce Pilate, je m’en suis lavé les mains en confiant les négociations aux partenaires sociaux. Il y a bien eu quelques mouvements d’humeur des privilégiés mais le compromis pour que rien ne change est proche. Il en a été de même pour l’insurrection des pigeons et la grogne des patrons du CAC 40. Je garde le cap sur le chemin tortueux des reculades. Avec l’appui des médias, l’on peut demeurer populaire tout en restant médiocre. Il n’y a aucune gêne à démériter vis-à-vis de promesses que l’on ne se sent pas en capacité de tenir. Je suis l’œuvre de mes manœuvres.

J’entends bien les insatisfactions. Mais, voyez-vous,  l’horizon s’éclaircit. L’UMP se rabougrit de ses querelles, le Centre se recompose et me fait des appels du pied, l’ouverture au centre droit devient crédible. Quant à ma majorité,  je m’en charge : les strapontins leur sont chers, avec le temps ils apprendront à devenir de bons godillots, même les Verts. Je ne les vois guère sortir du gouvernement pour aller se mêler aux agités de Notre Dame des Landes. Avec le Front de Gauche, c’est plus malaisé mais j’espère bien museler ces communistes en peau de lapin attachés à leurs fiefs par quelques promesses électorales. Et puis tous sont tellement attachés à la discipline républicaine.

Certes, c’est un pari pascalien que je fais, tout cagot que je suis. Je parie sur l’angoisse d’un traumatisme que je distille à petites doses. Cette potion tétanise et dans toute ma rondeur je rassure. Vous me dites que le hollandisme n’a pas d’avenir, nous verrons. Dans ma manche, je garde la carte du Vallisme. 

Gérard Deneux, le 17.11.2012

Vous retrouverez cet article sous forme d’éditorial dans le prochain A contre courant pour l’émancipation sociale, à paraître en novembre.

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Nous devons  crier notre colère face à cette nouvelle agression de l’Etat d’Israël à Gaza !

Souvenons-nous !

Hier, début 2009, nous soutenions, ici même, les Palestiniens victimes de l’agression de l’Etat d’Israël à Gaza = l’opération « Plomb durci » ce fut plus de 1 400 morts en 3 semaines !

Aujourd’hui, malgré un cessez-le-feu obtenu grâce à la médiation égyptienne, et respecté par les Palestiniens  jusqu’à l’assassinat du responsable du Hamas Ahmad Jabbari, Netanyahou lance l’opération « Pilier de défense », la veille d’une échéance électorale en Israël, comme hier en 2009. En 3 jours, 600 raids aériens israéliens contre 280 tirs de roquettes depuis Gaza.

Gaza, c’est  1,5 million de prisonniers dans un espace de 360 kms (4 500 personnes au km2)
Gaza, occupée depuis 1967 par Israël, car, même si l’armée israélienne s’est retirée, ses accès sont toujours contrôlés par Israël
Gaza, étroite bande de terre entre une frontière à la technologie hypersophistiquée et une mer patrouillée sans interruption par la marine de guerre israélienne.
Gaza, c’est
-          34% de la population au chômage (la moitié sont des jeunes)
-         80% de la population qui dépend de l’aide alimentaire
-         35% des terres cultivables et 85% des eaux pour la pêche partiellement ou totalement inaccessibles aux Gazaouis

Alors, n’écoutons pas ceux qui mettent, sur le même plan,
 les occupants et les occupés, les dominants et les résistants.

« Non, Gaza n’est pas un endroit qui pourrait être calme et vivable si des fous furieux ne s’acharnaient pas à lancer des roquettes sur la paisible Israël.
Gaza est une cage où une puissance étrangère décide de tout :
-         de la quantité de denrées qui entrent ou n’entrent pas
-         des lieux où les gens pourront rester en vie et ceux où ils seront abattus
-         le moment où ses chars arroseront quelques km2 de leurs engins explosifs et les moments où l’on pourra avoir l’impression de vivre
Gaza suffoque avec un nœud coulant autour du cou et chaque fois que la population de Gaza tente de relever la tête, le nœud coulant se serre un peu davantage.
La mort à Gaza est comme la colonisation en Cisjordanie :
Quel que soit l’état des négociations de paix, la colonisation avance au même rythme en Cisjordanie   
Quel que soit l’état de la résistance, l’armée israélienne tue quotidiennement à Gaza ».
(Propos de Claude Sara Katz dans les blogs du Monde Diplomatique du 16.11.2012)

Aujourd’hui comme hier, la même logique s’applique : les raids israéliens sur Gaza c’est se venger sur la  population civile des actions de résistance.
Ceci a un nom : punition collective.
Ceci est qualifiable en droit international : crime de guerre

Alors, aujourd’hui comme hier, outre notre indignation et notre colère,
Que faire ?

Aujourd’hui comme hier, ladite « Communauté internationale » va lancer des « appels à la retenue », prôner une « désescalade » car le soutien sans réserve des Etats Unis d’Obama à Israël ne permet guère autre chose. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies, réuni à New  York, mercredi dernier, a été incapable d’adopter une position. 

Aujourd’hui, le Président Hollande est plus timoré qu’hier, le député Hollande
En Septembre 2011, le député Hollande cosignait une proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale pour la reconnaissance de la Palestine par les Nations Unies.
En avril 2012, le candidat Hollande annonçait « Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien ».

Après les promesses de campagne, l’aveu du reniement :

Le Président Hollande reçoit Netanyahou,
Ce Netanyahou qui annonce son alliance avec l’extrême Droite de Lieberman,
Ce même Netanyahou qui clame haut et fort sa volonté de renverser l’Autorité palestinienne, voire de liquider sa direction si la Palestine devient membre de l’ONU  

Et Hollande Président confirme l’alignement de la politique française sur celle d’Israël. Il demande la reprise des négociations « sans conditions » et il annonce que l’Autorité palestinienne ne doit pas aller devant l’Assemblée générale des Nations Unies pour demander la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Aujourd’hui comme hier,  nous devons ici continuer à nous mobiliser
pour les Palestiniens, là-bas
Pour soutenir leur résistance
Pour dénoncer l’inapplication du droit international
dont personne ne semble se soucier dès qu’il s’agit de la Palestine
Pour dénoncer la position inacceptable du gouvernement français
Pour clamer haut et fort que nous sommes :

Contre la nouvelle agression israélienne
Pour l’arrêt des bombardements sur Gaza
Pour la levée immédiate du blocus de Gaza
Pour un Etat palestinien admis à l’ONU
Contre l’impunité permanente d’Israël
Pour des sanctions contre l’Etat d’Israël




Intervention de Odile M, au nom des Amis de l’émancipation Sociale, le 17 novembre 2012, à Belfort, lors du rassemblement en soutien aux Palestiniens à l’initiative de l’Association France Palestine Solidarité Nord Franche-Comté.


vendredi 9 novembre 2012


Certains aspects de l’ampleur du désastre.
Chômage et précarité


Préambule

Pour nourrir les débats à venir ou même définir les actions à entreprendre, le texte qui suit traite de ce que j’appelle l’ampleur du désastre qui atteint des pans entiers de notre société. Il ne traite pas de tous les aspects de ce désastre, il faudrait en analyser les causes (la globalisation financière, la crise du capitalisme), les stratégies mises en œuvre par les classes dominantes et « leurs » appareils politiques (la concurrence entre systèmes sociaux différents, la course au moins disant social et fiscal, le transfert de dettes privées en dettes publiques…), les tactiques de diversion pour attiser les divisions au sein des classes populaires et entretenir la peur de « l’autre » (exploitation des faits divers). Ce sont là, entre autres, autant de questions que l’on pourrait mettre en débat, elles me semblent déterminantes.

Le propos qui suit est plus circonscrit, plus descriptif, il vise à montrer l’insuffisance des solutions individuelles, tentées par le repli sur soi ou invitant à croire que les individus isolés pourraient trouver, par eux-mêmes, des moyens pour s’en sortir. A cet égard, la mésinterprétation des écrits de Paul Ariès sur la décroissance, conjuguée à une prise de distance vis-à-vis de la société dite de consommation, peut aveugler. Elle vise la nécessité d’une alternative au système, mais dans le système, en laissant entendre que la multiplication d’initiatives individuelles de changement de modes de vie et de consommation (à crédit !), voire de mode de production (les coopératives, la solidarité entre individus) permettrait de sortir du système. Faire décroître « notre » consommation de gaspillage, entamer cette décroissance énergétique consisteraient déjà, ici et maintenant, à changer de modèle. Ce sont là des thèmes évoqués par les écolos de la gauche « plus rien » qui interpellent les couches moyennes conscientes des méfaits de certains aspects du capitalisme (la mal bouffe, la dégradation de l’environnement, le recours intensif à l’automobile individuelle…).

Or, sans pour autant partager l’ensemble des analyses et propositions de Paul Ariès, force est de reconnaître qu’au-delà de l’ambiguïté du terme de décroissance[1], ce qu’il laisse entendre avec ce « mot obus », c’est d’abord la décroissance des inégalités et, au-delà, c’est le mode productiviste du système capitaliste qu’il met en cause. C’est par conséquent collectivement qu’il faut trouver une issue pour « sortir » du capitalisme sans pour autant nier les expériences de solidarité collectives.

Par ailleurs, le constat équivoque du mode de vie qui caractériserait les retraités de Peugeot, évoqué lors de l’échange, renvoie aux divisions et aux inégalités qui traversent les couches populaires et à une réalité qui est de moins en moins la nôtre ainsi qu’à une vision des Trente Glorieuses entrées en déliquescence depuis près de 30 ans.

Sans nier que certains parmi nous vivent (encore) bien et consommeraient au-delà du nécessaire pour « bien vivre » (au sens de Paul Ariès), la réalité d’aujourd’hui est caractérisée par la précarisation de la société. Les médias dominants, non seulement en occultent les causes, mais la traitent sur le mode compassionnel en invoquant à la fois la fatalité et les « aides » dispensées aux victimes qui leur permettraient de se réinsérer alors même qu’ils sont exclus des droits au travail, au logement, à une vie décente… 

Faire le constat de l’ampleur de la réalité du chômage et du mal vivre qui affectent des pans entiers de la société, révoque, me semble-t-il, toute solution qui méconnaîtrait la nécessité de mobilisations collectives seules susceptibles, pour le moins, de casser  la logique prédatrice de l’oligarchie capitalo-financière qui « épuise l’Homme et la planète ».

L’ampleur de la croissance du chômage

Avec 47 000 inscrits supplémentaires en septembre à Pôle Emploi, le pays compte, désormais, toutes catégories confondues, et selon les statistiques officielles, 4,5 millions de chômeurs. Avec les « Français » d’outre-mer que l’on compte à part ( !), le chiffre de 5 millions est certainement dépassé d’autant qu’il y a ceux qui ne sont comptés nulle part (allocataires du RSA, ASS…)[2].

Toutefois, ces chiffres commencent à parler différemment lorsque l’on précise que seulement 40,6% des chômeurs sont indemnisés ou pour le dire encore plus négativement, 59,4% ne le sont pas. Ils sont 80 000 à 95 000 qui, chaque mois, sont en fin de droits[3]. Avec le développement des CDD, de l’intérim, des temps partiels contraints, les fins de contrats, les fins de mission « produisent » des travailleurs précaires qui n’ont pas accumulé les 110 heures de travail par mois pendant un certain nombre de mois, pour obtenir des droits à l’indemnisation. En juin 2012, ils étaient 603 160 ces chômeurs qui, en activité réduite, se retrouvaient sans emplois et ne percevaient aucune indemnité au motif qu’ils avaient trop travaillé pour en bénéficier ( !).

Ceux qui sont les plus touchés par cette réglementation rétrograde, ce sont bien sur les jeunes de moins de 25 ans, les femmes à temps partiel et les plus de 50 ans. Parmi le million de séniors inscrits à Pôle Emploi, une majorité d’entre eux pointe depuis plus de un an.

Et puis, il y a tous ceux qui s’aperçoivent à leurs dépens, qu’Hollande leur a fait prendre les vessies pour des lanternes. Sa promesse de retour de la retraite à 60 ans pour ceux qui avaient commencé à travailler à 17/18 ans lorsqu’ils apprennent à faire la différence entre trimestres validés et cotisés, en décomptant les périodes de chômage et de maladie et en y réintroduisant des forfaits de mensualités dérisoires. Nombreux sont ceux qui, à 60 ans, ne possèdent pas ces trimestres cotisés et se trouvent, soit dans l’obligation de continuer à travailler, soit, s’ils ont été licenciés, ne peuvent percevoir que l’allocation spécifique de solidarité (une misère) ou rien du tout si, avec leur conjoint en activité, ils dépassent le plafond de ressources minimal.

Quant aux retraités issus des classes ouvrières et populaires, ils sont désormais frappés par la régression sociale. Il faudrait d’ailleurs, pour éviter toute distorsion de la réalité en se laissant dominer par des moyennes, analyser les niveaux de vie par catégories socioprofessionnelles, tout en ayant à l’esprit que la relative protection dont ils ont joui repose sur deux facteurs : l’importance de la mobilisation contre la réforme des retraites et le fait que les retraités constituent un électorat important qui a la réputation conservatrice de voter plutôt à droite ; ceci dit, et pour illustrer le renversement qui s’opère, un exemple suffira pour montrer le cynisme mesquin dont font preuve la droite comme la gauche « hollandaise » à leur endroit.

Pour les chômeurs en fin de droits ayant validé tous leurs trimestres cotisés mais n’ayant pas atteint l’âge légal de la retraite, il était possible, au titre de l’allocation équivalent retraite (AER) de percevoir une indemnité de 1 000€ par mois. Sarko-Fillon ont supprimé cette « largesse ». Il s’agissait, prétendaient-ils, d’encourager les séniors (fainéants !) à travailler. L’ampleur de la crise de 2007 et des protestations les a amenés à reconsidérer, en apparence, leur position en faisant voter l’ATR (Allocation Transitoire de Solidarité). Et Fillon d’annoncer que 11 000 personnes y auraient droit… sans spécifier les conditions restrictives qui y étaient attachées (notamment avoir 60 ans, les trimestres cotisés…). Résultat, en juillet 2012, 515 ( !) personnes en bénéficiaient. La suppression de l’AER a fait tomber des dizaines de milliers de personnes dans la précarité. Depuis, au gouvernement socialo, c’est silence radio.    

Silence radio également sur la montée de la pauvreté. Le Secours Catholique a récemment remis au gouvernement un rapport d’enquêtes estimant que 4,8 millions de personnes vivent avec moins de 964€ par mois[4]. Parmi eux, 30% sont des jeunes de moins de 25 ans, 40% sont des chômeurs et 36% vivent dans des logements précaires. Ces derniers sont les premières victimes, avec la hausse des prix du gaz, de l’électricité et du fioul qui vivent dans la précarité énergétique. Les plus démunis se voient donc contraints d’opérer des coupes sombres dans leurs dépenses d’alimentation et de santé.

D’autant qu’une autre donnée dont on parle peu est à prendre en compte, à savoir la forte augmentation ces dernières années, des dépenses incompressibles : le logement, le chauffage, les déplacements domicile-travail. De 2001 à 2006, pour 20% des ménages, elles représentent entre 50 et 70% de leurs revenus. Rien que pour les dépenses de logement, ce sont 44% qui y sont engloutis contre 21% 5 ans plus tôt.

Il y a là, bien évidemment, un lien de causalité avec la crise du logement social[5] et les politiques de restriction de construction suivies depuis plusieurs années ainsi que la cherté des loyers et les incitations à devenir propriétaires. Face à la pénurie, aux pressions des demandeurs de logement, le pouvoir, pour calmer l’opinion, a fait voter la démagogique loi Dalo, dite du droit au logement opposable. Pouvait-on croire qu’elle allait créer des logements ou précipiter les demandeurs à poursuivre les bailleurs sociaux ? La réalité est tout autre : dans 37 départements, le 115 est débordé, 70% des demandes d’hébergement sont rejetés. A Paris, le Samu social, sur 1 200 appels ne peut en satisfaire que 400…
Depuis des années, c’est la même histoire qui se répète de plus en plus dramatiquement : lors de sa campagne électorale, en 2002, Jospin avait promis « zéro SDF », Sarko avait entamé la même rengaine : « D’ici 2 ans, plus personne (ne sera) obligé de dormir sur le trottoir… parce que le droit à l’hébergement est une obligation humaine », c’était en 2006 ! En 2008, Fillon nous assurait (toujours !) que c’était « un chantier prioritaire ». Or, selon les chiffres officiels, les SDF répertoriés étaient 86 000 en 2001 et en 2011, 150 000, sans compter les 85 000 qui leur ressemblent et sont logés dans des squats, des campings ou dans des caves. Pour faire cesser cette ignominie, Hollande et Duflot vont-ils oser recourir à la réquisition de logements vacants ? L’ordonnance de 1945 le permet, la pénurie de logements (800 000) l’exige, le nombre de logements vacants (2,2 millions !) en assure la possibilité. Rien n’est assuré, la mise en cause des intérêts des propriétaires heurterait-elle la sensibilité des bobos-centristes ?

Tous ces maux, la précarité, le mal logement, la pauvreté, se concentrent dans les quartiers populaires, les plus touchés par le chômage, les licenciements, la situation y devient intenable. Le taux de chômage des jeunes y atteint 50% : à Vaux-en-Velin 18% des « actifs » sont sans emploi et les « vieux » à la limite de la rupture. Les Centres Communaux d’Action Sociale sont submergés de demandes, y compris pour l’achat de médicaments. La santé de ces populations se dégrade, les impayés de loyers explosent (25 à 30% à la Courneuve). Dans ces quartiers de relégation, stigmatisés, les victimes du racisme, jeunes et moins jeunes, sont les plus discriminés à l’accès à l’emploi. Ils vivent la décroissance de leur dignité. Et dans les campagnes, cette réalité, si elle est moins visible, est la même. Au total, 3.5 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire.

A la limite du supportable, ces images montrant ces glaneurs d’invendus, ces chasseurs de poubelles, ne renvoient pas aux bucoliques gravures des paysans du 18ème siècle glanant dans les champs du seigneur, ni à ceux pratiquant le braconnage à l’aide de pièges dans les terres ne leur appartenant pas ; Aujourd’hui à ces gêneurs on oppose soit l’indifférence indécente soit le versement d’eau de javel dans les poubelles des supermarchés afin d’éviter qu’ils ne se nourrissent d’invendus ou d’articles périmés. La belle avancée ! 

Face à ce tissu social qui se déchire par en bas, l’on nous porte à croire qu’avec quelques « emplois jeunes » ou « tremplin » ou « d’avenir »…, tous précaires, des efforts à la hauteur vont être accomplis en faveur de l’emploi et de la « cohésion sociale ». Encore une fois, la réalité est tout autre. L’emploi associatif se délite faute de subventions. Après avoir externalisé des emplois publics dans le secteur associatif privé, ces prestataires de services sociaux perdent de plus en plus toute marge d’indépendance, leur « vocation citoyenne » s’est réduite comme peau de chagrin. L’Etat, les collectivités locales fragilisent ce secteur : de 2010 à 2011, 26 000 emplois qualifiés en CDI ont été détruits et d’ici 2020, 600 000 départs à la retraite sont prévus. Avec une formation au rabais, sans qualification, en absence de tout statut protecteur, pourront-ils faire face au désastre social qui s’annonce ?

Ces constats suscitent bien d’autres questions prospectives, angoissantes dans la mesure où les politiques européennes et nationales qui les génèrent frappent encore plus durement, provoquent dans des pays plus atteints que le nôtre, l’émigration, l’exil.

Reste à faire entendre la voix de ceux qui restent sans voix ou ne donnent pas assez de la voix, bref, pour donner foi dans leur voix afin qu’ils refusent tout de go ce qu’on leur prépare ! La « pédagogie » de la compétitivité qu’on nous serine n’a pas d’autre objectif que celui de nous faire admettre comme une nécessité et la baisse des salaires réels et celle des prestations  sociales et l’existence d’un volant « d’inemployables ». Or, comme l’a souligné dernièrement l’économiste Piketty, la France est « la championne d’Europe en terme de nombre de milliardaires ou de millionnaires d’après tous les classements de fortune ». Cherchez l’erreur ! C’est déjà un autre débat.


Gérard Deneux, le 7 novembre 2012


Les informations et données sont tirées du décryptage du Monde de la 2ème quinzaine d’octobre 2012  et du site de l’Observatoire des inégalités www.inegalites.fr/   


[1] La « croissance » en système capitaliste, celle du Produit Intérieur Brut ne mesure que la croissance du capital et des biens produits et non pas la croissance des revenus des « salariés », terme qu’il faudrait soumettre à une analyse par catégories socioprofessionnelles, pour le moins
[2] 3,6 millions de personnes sont allocataires de minima sociaux, dont 1,4 million perçoivent le RSA socle (le RSA vaut 472€ pour une personne  (418€ en tenant compte de l’aide au  logement), il est de 712€ pour un couple (600€ avec l’aide au logement)
[3] Il faudrait pouvoir faire l’historique des mesures restrictives qui ont mis à mal depuis 20 ans les droits des chômeurs avec la complicité notamment de la direction de la CFDT
[4] 2 millions de personnes vivent avec moins de 645€ par mois
[5] 3, 6 millions de personnes sont mal logées, parmi lesquelles 685 116 personnes sont privées de logement personnel.  


Nécessité

Nos besoins dans la vie
Riment avec écologie
Ce symbole de l’esprit
Poussé par une profonde philosophie.
C’est nos racines qui sont ainsi
Nous sommes tous issus de ce produit
De cette source infinie.
Devenons une fleur dans ce jardin fleuri
Duquel nous faisons partie
Retrouvons le chemin de la vie.

Hassen

 




14 novembre : contre l’austérité, pour la solidarité !

Le 14 novembre, pour la première fois en Europe, une grève générale internationale est organisée par le mouvement syndical au Portugal, en Espagne, en Grèce, à Chypre et à Malte, et soutenue par les mouvements sociaux et des partis politiques. Dans le même temps, la Confédération européenne des syndicats a lancé un appel à une journée  d’action et de solidarité coordonnée en Europe.

Cette mobilisation exceptionnelle émerge au moment où, partout en Europe, les politiques d’austérité organisent la baisse des salaires et des pensions, la destruction des droits sociaux, de la négociation collective et des services publics, et provoquent récession,  chômage, précarité et misère. Elle témoigne d’une convergence des mobilisations qui se sont construites dans de nombreux pays contre ces politiques imposées sans débat démocratique, et qui mènent l’Europe dans le gouffre.

En France, le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique mène depuis des mois une mobilisation unitaire pour dénoncer l’instrumentalisation de la dette publique et l’imposition de politiques d’austérité économiquement stupides, écologiquement irresponsables et socialement injustes – touchant de plein fouet les populations les plus précaires, femmes, jeunes, ouvriers, mal-logés, immigré-es. En septembre, il a organisé des mobilisations contre le Traité budgétaire pour provoquer le débat public que le gouvernement tentait d'esquiver.

Aujourd’hui, le gouvernement poursuit sur une voie sans issue, avec un budget d’austérité qui essaye désespérément de tenir l’objectif irréaliste d’un déficit public limité à 3 % du PIB en 2013. En cédant aux sirènes du patronat qui réclame un « choc de compétitivité », il poursuivrait, comme en Grèce en Espagne et au Portugal, sur la voie mortifère du dumping salarial et de la remise en cause des protections collectives.

En France comme en Europe, l’austérité doit cesser ! Ce n’est pas de purges budgétaires ou de concurrence exacerbée dont l’Europe a besoin, c’est de solidarité, d’une meilleure répartition des richesses, et de démocratie !

C’est pourquoi le Collectif appelle à participer aux manifestations organisées à l’initiative de l’Intersyndicale le 14 novembre. Au-delà du refus des mesures inacceptables imposées aux peuples d’Europe du Sud, c’est un appel à se battre pour une autre Europe, solidaire, écologique et démocratique !

Le 14 novembre et après, le Collectif contribuera à l’émergence de mobilisations à l’échelle européenne. Il participe et  soutient  le processus de l’Altersummit, qui sera lancé lors de la rencontre européenne à Florence du 8 au 11 novembre.

Le 14 novembre montre la voie : les mobilisations contre l’austérité doivent converger pour une Europe sociale et solidaire !

Le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique

Le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique (http://www.audit-citoyen.org/) est composé d’une soixantaine d’organisations associatives et syndicales, avec le soutien d’organisations politiques.

La Santé malade de ses médecins et des politiques néolibérales

On savait la médecine malade du néolibéralisme[1] et nombre d’électeurs pouvaient s’attendre à ce que ça change, vraiment et maintenant. Mal leur en prit de s’illusionner ainsi. La loi Bachelot est maintenue, la tarification à l’activité connaîtra peut-être quelques retouches… expérimentales[2], les franchises sont immuables et l’industrie pharmaceutique intouchable.

Et pourtant, l’on semble s’acheminer vers des fractures sanitaires et territoriales. L’actualité récente a mis en exergue 4 points importants, trop peu médiatisés, qui méritent que l’on s’y attarde. La récente étude menée par la revue UFC Que choisir ? sur les dépassements d’honoraires, la négociation qui s’engageait au même moment sur ce sujet entre Sécurité Sociale et syndicats corporatifs de médecins. Entre temps, un fait divers[3] venait malencontreusement rappeler la pénurie de maternités et une enquête souligner la surexploitation des internes dans les hôpitaux.

Dépassements d’honoraires et fractures sociales et territoriales

L’accroissement des dépassements d’honoraires explose : de 1990 à 2010, leur poids financier est passé de 900 millions d’euros à 2,5 milliards. Ce sont bien évidemment les patients, à travers les augmentations imposées par leurs mutuelles (ou assurances) qui en supportent le coût. Quant à ceux qui n’en ont pas… Tout cela n’est pas autorisé (les secteurs 1 et 2 fixant des tarifs) mais toléré sans qu’aucune instance ni politique, ni corporatiste (l’Ordre des médecins !!!) ni juridique (pas de sanction !) n’y trouve à redire. Ils sont pourtant plus que conséquents ces dépassements : en moyenne + de 77% chez les gynécologues, + 60% chez les ophtalmologistes, + 58% pour les chirurgiens. Et ils sont nombreux ceux qui les pratiquent  sans vergogne : 86% des chirurgiens, 57% des anesthésistes, 55% des gynécologues. Dans certaines zones géographiques, les spécialistes qui ne pratiquent pas de dépassements sont inaccessibles. Ainsi, 35 départements sont dits en danger sanitaire quand  ils conjuguent d’autres handicaps ; la baisse du nombre de généralistes de 5% en 5 ans frappe les départements ruraux et instaure une médecine à deux vitesses. A titre d’exemples, 54% de la population n’a pas accès à un gynécologue sans dépassement d’honoraires et si ce taux descend à 27% pour les généralistes, il concerne  néanmoins 17,3 millions d’individus ( !). La cartographie fine publiée par Que choisir ? ne laisse aucun doute : un recul civilisationnel est en train de s’opérer. Et lorsque l’on entend parler de déserts médicaux, encore faut-il avoir à l’esprit que cette notion concerne les campagnes et les grandes villes, les villes moyennes étant pour l’heure encore relativement épargnées. 

Avant d’aborder les résultats du simulacre de négociations entre la Sécurité Sociale et les médecins, il y a lieu d’avoir en tête deux constats qui illustrent l’ampleur des inégalités sociales que le «système» a favorisées : les tarifs médicaux ont été revalorisés beaucoup plus vite que l’inflation en 30 ans, la croissance du pouvoir d’achat des médecins a été deux fois plus rapide que celle des salaires, 95% des Français ont un niveau de vie inférieur à celui des médecins. D’autre part, la Cour des Comptes signalait récemment que «les 4,3 milliards ( !) d’aides fiscales et sociales dévolues à l’acquisition d’une complémentaire santé profitent davantage aux cadres des grandes entreprises qu’aux temps partiels, retraités et chômeurs».

Une négociation de préservation des privilèges ?

Hollande l’avait promis, on allait faire cesser ces abus. A peine élu, tel Ponce Pilate, il s’en est lavé les mains. Pas de débat parlementaire sur cette question, trop risqué, sa priorité était ailleurs, il fallait d’abord rassurer les créanciers de l’Etat et s’en tenir aux diktats de Merkel : 3% de déficit et vite ! Alors, la mission consistant à tenter de juguler les prébendes des toubibs fut confiée aux «partenaires sociaux». Des tractations feutrées s’ensuivirent. C’était là le seul moyen pour éviter les remous que pouvait susciter le déballage de tant de privilèges assis sur les cotisations des assurés sociaux.

Van Rockeghem, représentant de la branche maladie de la Sécurité Sociale, en notre nom ( !) proposa que le seuil de dépassement soit fixé à 2,5 fois le tarif de la Sécurité Sociale (28€ pour le secteur 1 et 70€ pour le secteur 2)[4]. Comme les médecins semblaient plus que réticents que l’on bride leurs émoluments et comme ils rechignaient à soigner les personnes de plus de 80 ans, il proposa une prime de 5€ supplémentaires pour chaque consultation. Bonne fille notre Sécurité Sociale, dont la besace est bien trouée, serait prête à injecter 160 millions d’euros par an pour qu’enfin le serment d’Hippocrate soit respecté. Comme cela ne suffisait pas à dissoudre leur répugnance, M. Van Rockeghem, bon prince avec l’argent des autres, proposa une hausse des tarifs du secteur 1, que financeraient les mutuelles, qui fut estimée, excusez du peu, à 150 millions d’euros par an. C’était là faire entrer le renard dans le poulailler de la Sécurité Sociale, ce que ne manqua pas d’observer le Collectif inter-associatif sur la santé : «Si les mutuelles entrent dans le financement du secteur 1… c’est la privatisation de la Sécurité Sociale qui se joue». Apparemment, le représentant de cette institution n’en a cure. Après toutes ces largesses, allait-on sanctionner les carabins pour dépassements, outrepassant le seuil proposé (2,5 fois). Que nenni ! Pas de couperet mais une commission paritaire (Sécurité sociale-médecins) examinera (avec bienveillance ?) les cas les plus litigieux. Tout cela ne réglait pas pour autant le difficile accès aux soins des plus démunis, tout particulièrement en secteur 2 (les spécialistes). A croire que le «dialogue social» a vertu incitative, la signature d’un «contrat d’accès aux soins» sera proposée aux médecins ;  sur la base du volontariat, ils s’engageront à «plafonner leurs tarifs», à recevoir les patients en CMU (ce qui revient à admettre hypocritement l’existence tolérée du refus de soigner !) et, en compensation de cette bonne volonté, ils seront exonérés de cotisations sociales. Ainsi, la grande révolution sanitaire promise accouche d’un pet de lapin afin que les privilèges ne soient pas entamés. Ce qui fit dire à UFC que choisir ? : «les  laxismes continuent».

La bienséance  n’aurait guère supporté que ces conciliabules fussent troublés par des propos remettant en cause les prérogatives de la profession dont la pérennité repose sur les cotisations des assurés sociaux. Et encore moins sur sa probité. Ainsi, il n’y eut aucune évocation intempestive des cadeaux toxiques, généreusement délivrés par les firmes pharmaceutiques. Pourtant, des voix s’étaient élevées hors de ce cénacle pour dénoncer ces invitations dans des restaurants hauts de gamme, ces participations à des congrès, des séminaires, des journées de formation, des voyages destinés à promouvoir des médicaments prétendument plus performants et… les désastres médicamenteux qui y sont attachés. Et cela, bien évidemment, pris en charge par la Sécurité Sociale. Non, on ne voulait pas entendre la vox populi livrant à la vindicte ces toubibs qui mangent aux râteliers des firmes jusqu’à y perdre leur indépendance intellectuelle au détriment de la sécurité des patients, et encore moins les pratiques de dessous de table dont certains se rendent coupables. Tout cela n’était pas de mise. Un prochain scandale pourrait peut-être permettre de traiter par les mots tous ces maux.     

Le scandale de la suppression du nombre de maternités

On nous l’avait assuré, la fermeture des maternités de proximité était motivée uniquement par la nécessité de concentrer les moyens les plus modernes et les plus sûrs pour le bien des mères et de leurs progénitures. Couac ! La distance aidant, les temps d’accès à ces établissements de santé s’allongèrent et les femmes en attente de délivrance furent mises en péril. Face à ce dernier fait divers qui fit scandale, avant d’être étouffé médiatiquement, Hollande se fendit d’une docte déclaration : les temps d’accès seront réduits. Comment ? Mystère. Les restrictions budgétaires allaient-elles permettre cette avancée après des années de recul ? Dans le Lot, entre autres, comment allait-on raccourcir la durée de trajet d’une heure pour atteindre la maternité de Brives ? Las ! «En 35 ans plus de 800 maternités ont fermé». En 1975 il y en avait 1 369, en 2010 on n’en compte plus que 535 sur l’ensemble du territoire. La «modernité», «les économies d’échelle», «les restructurations» dites nécessaires ont produit des déserts médicaux, des fractures sociales et territoriales qu’il sera difficile de soigner. Et ce, d’autant plus qu’aucun dispositif réglementaire n’est envisagé pour obliger des médecins dans ces zones dépourvues. La sacro-sainte liberté d’installation ne saurait être remise en cause ![5] Ce constat pour les maternités vaut, incontestablement, pour les généralistes et les hôpitaux publics. Rentabilité oblige, ces derniers sont devenus un espace de travail où prévaut un climat de démoralisation-découragement face à la charge de travail accrue. L’absentéisme s’y développe (20 jours par an et par agent) mais il reste en ces lieux, des carabins exploitables qui… assurent.

La surexploitation des internes dans les hôpitaux.

Sans que l’on s’en émeuve, les internes peuvent aligner jusqu’à 24 heures de travail consécutives. En toute illégalité, ils assument d’ailleurs, le travail et la responsabilité d’un médecin diplômé. Ils sont 21 000 et, 85% d’entre eux travaillent plus de 48 heures par semaine (réglementation européenne), en fait 60 heures en moyenne par semaine. Dans 21% des cas, leur repos, après garde de nuit, n’est pas respecté. Pas étonnant qu’ils reconnaissent, sous anonymat, commettre des erreurs et qu’il leur arrive de piquer du nez en bloc opératoire. Face au manque de personnels, ils s’occupent de la paperasse, font plus qu’à l’accoutumée œuvre de brancardiers, voire vident les poubelles. Une enquête récente[6] révèle «qu’il n’est pas chose rare (pour eux) de travailler 20 jours d’affilée sans repos, de cumuler 80 heures par semaine et de travailler 36 heures consécutives». Pas de quoi s’étonner dans ces conditions des cas de surmenage, ni de constater qu’ils sont «agressifs et à fleur de peau». C’est donc cette  «main d’œuvre corvéable et bon marché (qui fait) tourner les hôpitaux» et non les mandarins qui palpent et cumulent activités privées et publiques en leur sein. Leur salaire, ces internes le considèrent comme «vexatoire». Ces carabins sont en effet des étudiants en stage pratique prolongé sous la responsabilité d’un médecin diplômé qui les juge. La France est l’un des rares pays à les traiter comme tel, de les maintenir dans un système d’esclavage moderne. Leurs émoluments ? 1 927€ bruts par mois en 1ère année de stage, 2 428€ en 5ème année et des gardes de nuit payées à raison de 119€ pour 12 heures de nuit. Et l’un d’entre eux, interviewé, de s’exclamer : «A Bac + 10, à raison de 80 heures par semaine, je ne touche que 2 000€ brut par mois». On comprend mieux, qu’une fois terminée cette période probatoire, ces spécialistes devenus, n’aspirent qu’à reproduire le système pour regagner le temps perdu. Cet archaïsme justifie tous les dépassements d’honoraires à venir.




Les dépassements d’honoraires, la prétendue difficulté de les encadrer, le trou de la Sécurité Sociale, les exonérations de cotisations patronales, la rentabilité imposée dans les hôpitaux à coup de restructurations-concentrations et de pénurie de financements, la prégnance de l’industrie pharmaceutique, comme la loi Bachelot et les franchises, font système ; ils ne sont que des manifestations des méfaits du néolibéralisme. A l’heure de la compétitivité sans frontières, du moins disant social et fiscal, de la crainte des créanciers qu’il faut rembourser, Sarko-Merkel ont tracé le chemin. Cahin-caha, le «capitaine pédalo» rame dans cette direction, prisonnier des ornières qu’on lui a tracées. Pour guérir la santé, il faut tuer le virus néolibéral et les modes de pensée intégristes prétendant qu’aucune alternative n’est possible.

Gérard Deneux, le 7 novembre 2012           






[1] Référence à mon article sur ce thème, écrit à partir du livre de Frédéric Pierru «Hippocrate malade de ses réformes» éditions Savoir Agir (article paru dans ACC n° 233 d’avril 2012)
[2] Voir la mission (et le rapport) d’évaluation et de contrôle de la Sécurité Sociale conduite par deux sénateurs sur lequel il faudrait revenir pour en montrer la pusillanimité (le caractère des plus timoré vis-à-vis de la T2A)
[3] J’évoque ici l’enfant mort-né lors d’un transport à une maternité trop éloignée
[4] Si le coeur vous en dit, vous pouvez calculer le montant des honoraires, par exemple d’un médecin pas trop surchargé, à raison de 10 consultations par jour, pour 20 jours travaillés sur un mois et comparer cette mensualité avec le SMIC. 
[5] Les députés ont voté le 26 octobre la création du contrat de praticien territorial, qui devrait enter en vigueur dès 2013, devant permettre à des jeunes médecins de s’installer dans des zones médicalement sous dotées en leur garantissant des revenus pendant deux ans. Un amendement proposant la mise ne place de mesures contraignant les jeunes médecins à s’installer pour trois ans dans une zone en déficit a été rejeté.
[6] Voir le Monde du 16 octobre qui y fait référence