Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 11 novembre 2018


A propos du « champ des possibles »

La diffusion du film ci-dessus dénommé, et le débat qui s’en est suivi (dans le cadre du Festival Alimenterre), dans un petit village de Haute-Saône (Colombe-les-Vesoul), démontre que nombre de participants, même s’ils ressentent plus que de la bienveillance vis-à-vis des néo-ruraux, aspirent confusément à une transformation économique et sociale plus radicale. Les notes qui m’ont servi à animer le débat, sont l’occasion de revenir sur la signification de ce mouvement « du retour à la terre » qui, quoique minoritaire, étonne les paysans eux-mêmes.

L’aspiration à « renouer avec la nature » s’inscrit, à la fois dans un phénomène social négatif de rejet et, en positif, de renouveau du lien social. La structure des rapports sociaux réellement existants peut en rendre compte. La vie devient invivable dans les grandes villes ; le chômage, la précarité du travail, la longueur des trajets domicile-travail, la perte de sens des activités imposées par le système capitaliste, et le mode de management qui les encadre, concourent à refuser, dans certaines franges de la société, le travail salarié. Même ceux qui sont qualifiés ressentent que leur savoir, voire leur savoir-faire, n’est pas pris en considération. Cette déqualification « indigne » de la conception qu’ils pouvaient avoir de leur existence sociale ne peut que favoriser une prise de conscience plus large. Elle est confortée par la réalité de l’évolution du système : l’agro-industrie, non seulement appauvrit les sols en recourant à la chimie, mais également provoque des scandales sanitaires (malbouffe, maladies, vaches folles…). Qui plus est, la destruction, de fait, des collectifs ouvriers, paysans et populaires, l’atomisation des individus, suscitent en réaction le besoin de renouer avec des pratiques d’entraide que les modes de production et de consommation ont marginalisées. Plus généralement, le réchauffement climatique, la fragilisation de l’écosystème sont des facteurs de prise de conscience d’une évolution catastrophique qu’il faut mettre en cause. Encore faut-il pouvoir mesurer d’un point de vue critique le processus qui nous conduit désormais à ce que d’aucuns dénomment le possible « effondrement ».

En France (encore qu’elle ne fasse pas exception), le modèle qui s’est imposé après la 2ème guerre mondiale trouve ses origines dans la conjonction de plusieurs facteurs : la nécessité de la reconstruction et la capacité à nourrir la population se heurtent aux destructions ainsi qu’à la réalité d’une paysannerie qui, du point de vue capitaliste,  n’est ni assez concentrée, ni assez mécanisée. Le plan Marshall avec ses tracteurs importés va y pourvoir, comme le recours systématique aux engrais permettant, d’ailleurs, une reconversion de l’industrie chimique de guerre. Les paysans sont encouragés à s’endetter pour se mécaniser (Crédit agricole « mutuel »), voire à s’entraider sous la houlette des propriétaires les plus riches (coopératives). La monoculture intensive est préconisée, tout comme la suppression des haies, pour favoriser son extension. Rapidement, il ne s’agit plus de satisfaire les besoins de la population mais d’exporter les produits des fermes dans d’autres pays et, pour ce faire, d’être compétitifs. La course est lancée, la concurrence et la baisse des prix provoquent progressivement la prolétarisation forcée des paysans et la concentration des terres des exploitations les plus rentables.

La PAC (Politique Agricole Commune) mise en œuvre par l’Europe naissante va accélérer ces phénomènes d’agro-industrialisation de l’agriculture. Promue pour faire face à la surproduction (beurre de Noël, par ex…) elle incite toujours plus, au productivisme, à l’exportation par des aides et à l’incitation à s’endetter. Quant au syndicat dominant (FNSEA), tout en s’inscrivant dans ce modèle concurrentiel lié à l’agro-alimentaire, il demande toujours plus d’aides à l’Europe. Le néo-libéralisme va  précipiter cette évolution vers des phénomènes mortifères : maladies, suicides des paysans, désertification des campagnes, appauvrissement et érosion des sols, tarissement des nappes phréatiques, pollution de l’air et des sols d’une part, et d’autre part, dépendances aux grandes surfaces, supermarchés et à l’agro-industrie.

Dans les années 1966, une frange d’agriculteurs organisés, d’abord dans les « paysans travailleurs », puis dans la Confédération paysanne, va tenter de résister à ce processus de concentration et de dégradation de l’environnement. Dans les années 1968/1970, une alliance se tissera avec les ouvriers en lutte avant que ces derniers soient également laminés par les défaites subies et les délocalisations, fermetures d’usines qui s’en suivront.

Face à cette atomisation des rapports sociaux, à la montée de l’individualisme concurrentiel, puis à la crise financière et environnementale, les résistances défensives n’ont pas manqué, sans pour autant modifier le rapport de forces sociales. On comprend que, dans ces conditions défavorables, surgissent des « modes de vie alternatifs », des modalités d’évitement de la malbouffe (par les circuits courts, AMAP…). Toutefois, ces poches de résistance qui font revivre des solidarités ne sont pas à la hauteur des enjeux, sauf lorsqu’elles se confrontent réellement à l’Etat et au système de propriété privée (à l’image de la ZAD à Notre-Dame-des-Landes). Des alliances improbables peuvent s’y tisser pour mettre en cause le mode de production, de distribution et de consommation. Ces poches de résistance, surtout lorsqu’elles prennent la forme d’association et de coopération, annoncent, peut-être, une prise de conscience plus globale allant à l’encontre des replis individualistes utopiques. L’unité à construire se doit de relever les défis qui sont en germes : crise économique et financière catastrophique, extension du domaine de la guerre, migrations, crise mortifère de l’écosystème. Dès lors, c’est contre l’Etat qu’il faut briser et contre l’oligarchie capitaliste dont il est l’émanation, que tous les efforts doivent se concentrer. Encore faut-il que ceux qui sont convaincus de la nécessité d’une transformation sociale radicale s’organisent et ce, sans entretenir d’illusions sur le parlementarisme institutionnel.

Gérard Deneux, le 31.10.2018
Les Amis de l’Emancipation Sociale (AES)

Contact aesfc@orange.fr

lundi 5 novembre 2018


Festival des Solidarités 2018 - Haute-Saône
Le CADM propose

Vendredi 9 novembre – 20h – Salle St Martin à Echenoz-la-Méline
Itin’errances – Exposition/échanges culturels
 Co-organisée avec Culture et Créativité de Lure
La politique dite « d’accueil » des migrants cherchant refuge, en France est un parcours de procédures, d’embûches… pour aboutir au rejet. Face aux incertitudes, aux angoisses, à l’attente des personnes exilées, des moments de rencontres ont été mis en place depuis juillet, au cours desquels les jeunes migrants ont exprimé leur déracinement, leur hantise des papiers à fournir… sésame pour reconstruire leur parcours de vie. Ces échanges ont abouti à la création d’œuvres culturelles, présentes dans une exposition. La soirée sera aussi un moment d’échanges culturels, rythmés par la musique des pays d’origine des jeunes migrants.  
Ouvert à tous publics. Entrée gratuite



22 novembre – 20h – salle St Martin à Echenoz-la-Méline
Ciné-débat (co-organisé avec les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté)
«  Réfugiés : un marché sous influence »
 de Nicolas Autheman et Delphine Prunault (70 ‘)
Suivi d’un débat en présence de  Pedro Vianna
(ex-directeur de la revue Migrations Société et ex-juge à la CNDA
sur le thème « Pourquoi les camps prolifèrent-ils dans le monde ? »

12 millions de personnes vivent dans des camps de réfugiés dans le monde. Plus de 60 millions de personnes sont amenées à transiter par ces lieux de regroupements. Leur multiplication démontre que cette situation dite d’exception est en fait un système durable, lucratif, pérenne : un véritable marché, dans lequel organisations internationales, Etats-Nations et investisseurs privés, trouvent leur compte. L’on assiste à « l’encampement du monde ». Les camps se banalisent partout sur la planète. Qui les met en place ? Avec quelle légitimité ? A qui profitent-ils ?  Est-ce la seule solution d’une politique migratoire qui semble si difficile à définir ?
Ouvert à tous publics. Entrée gratuite


Dimanche 25 novembre – cinéma Majestic Vesoul – 20h15
et
Vendredi 30 novembre – cinéma Méliès – Lure – 20h30

Diffusion du film de Michel Toscea (1h40)
LIBRE
Le jour où il croise la route des exilés, Cédric Herrou, avec d’autres habitants de la vallée de la Roya, frontalière avec l’Italie, décide de leur offrir refuge et soutien dans leur demande d’asile. En agissant ainsi, il est considéré hors la loi… Ce film est l’histoire du combat de Cédric et de tant d’autres, solidaires et résistants.   



Contact :  cadm70@laposte.net                  comte facebook https://www.facebook.com/cadm/70/



Festival des Solidarités 2018 - Haute-Saône

Les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, les Amis de l’Emancipation Sociale,
Eau pieds des collines au Bénin vous invitent à une soirée ciné-débat

Lundi 19 novembre – 20h – salle des fêtes à Melisey
«  OKUTA, la pierre »
 Film suivi d’un débat en présence du réalisateur
 Ayéman Aymar ESSE

Le film conte l’histoire de la pierre dans la région des 41 collines de Dassa, au Bénin. A l’heure où l’environnement est de plus en plus menacé, où les richesses du sous-sol intéressent des multinationales, les habitants sont face à un dilemme entre la nécessité de concasser les pierres pour bâtir et vivre et l’urgence de leur préservation contre les changements climatiques. Il faut trouver le juste et bon milieu pour que Okuta, la pierre, cette terre nourricière, survive. Il faut aussi préserver la mémoire collective car ces pierres à l’époque coloniale ont servi de refuge et d’instruments de défense et de guerre. Cette réflexion nous concerne, là où  extraction et exploitation de carrières sont d’actualité.

 Avec le soutien de l’association de Sauvegarde du Plateau des Mille Etangs et de la Haute-Vallée de l’Ognon
Venez nombreux. Ouvert à tous publics. Entrée gratuite.                                             Contact :  aes@orange.fr



Dans le cadre du festival des Solidarités 2018
Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique
 et le CCFD Terre Solidaire 90 vous invitent à une soirée ciné-débat

  Mardi 27 novembre – 18h/21h  à BELFORT au Bar Atteint
25 rue de la Savoureuse
«  Réfugiés : un marché sous influence »
Film  de Nicolas Autheman et Delphine Prunault
Suivi d’un débat
sur le thème « Pourquoi les camps prolifèrent-ils dans le monde ? »

12 millions de personnes vivent dans des camps de réfugiés dans le monde. Plus de 60 millions de personnes sont amenées à transiter par ces lieux de regroupements. Leur multiplication démontre que cette situation dite d’exception est en fait un système durable, lucratif, pérenne : un véritable marché, dans lequel organisations internationales, Etats-Nations et investisseurs privés, trouvent leur compte. On assiste à « l’encampement du monde ». Les camps se banalisent partout sur la planète. Qui les met en place ? Avec quelle légitimité ? A qui profitent-ils ?  Est-ce la seule solution d’une politique migratoire qui semble si difficile à définir ?
Contact : aesfc@orange.fr (03.84.30.35.73)

Accueil 18h – film 18h30 - plateau-apéro (8 à 10€, pour ceux qui le veulent, réserver au 09.83.91.84.99) servi après le film, échanges et débat jusqu’à 21h.



Festival des Solidarités 2018 - Haute-Saône

Les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, les Amis de l’Emancipation Sociale,
Eau pieds des collines au Bénin vous invitent à une soirée ciné-débat

Lundi 19 novembre – 20h – salle des fêtes à Melisey
«  OKUTA, la pierre »
 Film suivi d’un débat en présence du réalisateur
 Ayéman Aymar ESSE

Le film conte l’histoire de la pierre dans la région des 41 collines de Dassa, au Bénin. A l’heure où l’environnement est de plus en plus menacé, où les richesses du sous-sol intéressent des multinationales, les habitants sont face à un dilemme entre la nécessité de concasser les pierres pour bâtir et vivre et l’urgence de leur préservation contre les changements climatiques. Il faut trouver le juste et bon milieu pour que Okuta, la pierre, cette terre nourricière, survive. Il faut aussi préserver la mémoire collective car ces pierres à l’époque coloniale ont servi de refuge et d’instruments de défense et de guerre. Cette réflexion nous concerne, là où  extraction et exploitation de carrières sont d’actualité.

 Avec le soutien de l’association de Sauvegarde du Plateau des Mille Etangs et de la Haute-Vallée de l’Ognon
Venez nombreux. Ouvert à tous publics. Entrée gratuite.                                             Contact :  aes@orange.fr


Le Comité d’Aide et de Défense des Migrants
vous informe et vous invite à participer au Festival des Solidarités 2018 en Haute-Saône

Le CADM (Comité d’Aide et de Défense des Migrants)  et l’association Culture et Créativité (ACC) organisent une série d’évènements du 9 novembre au 3 décembre, à Echenoz-la-Méline, Melisey et Lure, en solidarité active avec les exilés de Haute-Saône.

A travers une exposition, des débats, de la diffusion d’un film-documentaire il s’agit de montrer l’inhumanité de l’errance des migrants, de tracer avec eux des itinéraires de vie, ici et maintenant, parmi nous. Le devoir de solidarité fraternelle consiste à montrer :
-         qu’il est inconcevable, pour des êtres humains, d’être confrontés à l’absence de perspectives, d’être cantonnés à l’attente de papiers qui ne viennent pas, à l’angoisse d’être expulsés et renvoyés dans les zones de guerre et de misère qu’ils ont fuies.
-         que les raisons de leur déracinement a beaucoup à nous apprendre sur l’état du monde, sur la responsabilité des politiques européennes qui, peu ou prou, diffusent la xénophobie et la haine.
-         que leur enracinement dans notre pays est possible, tout en leur permettant de nous faire saisir la richesse occultée de leurs propres racines, malgré les oppressions et humiliations qu’ils ont subies.

Le CADM et ACC vous invitent, à travers l’exposition « Itin’errances » et les échanges que nous organisons, à découvrir qu’avec eux un autre monde est possible pour autant que nous affirmions ensemble que l’exploitation, l’oppression, la misère sont à combattre.

Seule la fraternité pratiquée entre les peuples peut faire reculer les démagogues qui prêchent la guerre de tous contre tous, au seul profit des dominants.
Un monde nouveau ne peut pas naître en traitant de sous-hommes une partie de l’humanité, en les parquant dans des camps, en les laissant se noyer en Méditerranée…
Toutes ces exactions ont des causes qu’il nous faut découvrir en prenant connaissance des itin’errances des migrants.

Au plaisir de vous retrouver lors des soirées-échanges ci-dessous !

L’équipe d’animation du CADM.

Programme des évènements prévus au mois de novembre :
  • Vendredi 9 novembre à 20h, Salle Saint-Martin d'Echenoz-la-Méline : Vernissage de l'exposition "Itin'errances"Cette exposition est le fruit de la rencontre de personnes exilées (principalement des CAO de Haute-Saône), des Associations "Culture et Créativité" du Chapitre à Lure et du CADM (Comité d'aide et de Défense des Migrants). Face aux angoisses et à l’attente, des ateliers culturels et artistiques nous ont permis d’ouvrir des temps de convivialité et d’exprimer ensemble leur déracinement, leur hantise des papiers et notre désaccord avec la politique de non accueil des personnes exilées.
Vernissage de l'exposition et rencontres interculturelles : musique, danse, théâtre, thé gourmand (façon auberge espagnole).
  • Du 19 au 21 novembre, l'exposition "Itin'errances" sera visible à Salle des fêtes de Mélisey.
  • Du 23 novembre au 5 décembre, l'exposition "Itin'errances" sera visible au Cinéma Méliès de Lure.
  • Jeudi 22 novembre à 20h, Salle Saint-Martin d'Echenoz-la-Méline : ciné-débat Réfugiés, un marché sous influence
En partenariat avec les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté :
> projection du film "Réfugiés, un marché sous influence" de Nicolas Autheman et Delphine Prunault.
> suivie d'un débat en présence de Pedro Vianna - membre du conseil scientifique de la revue Migrations Société, ancien juge à la Cour Nationale du Droit d'Asile sur le thème : "Pourquoi les camps de migrants prolifèrent-ils dans le monde ? A qui profitent-ils ?
  • Dimanche 25 novembre à 20h15, au cinéma Majestic de Vesoul : projection du film "Libre" de Michel Toesca.
Le CADM et les Amis du Cinéma présentent et soutiennent le film "Libre" : l'histoire de Cédric Herrou qui décide, avec d'autres habitants de la Vallée de la Roya, d'accueillir les migrants cherchant refuge. Formidable acte de résistance et de solidarité
  • Vendredi 30 novembre à 20h30, au Cinéma Méliès de Lure : projection du film "Libre" de Michel Toesca.

En pj :
-         le programme détaillé
-         le dépliant de présentation de l’exposition Itin’errances

Retenez également les deux évènements suivants
(tracts en pj) organisés par d’autres partenaires :

-         une soirée ciné-débat « Okuta, la pierre » organisée à Melisey le 19 novembre 20h (Amis du Monde diplomatique, Amis de l’Emancipation Sociale, Eau Pieds des Collines au Bénin), en présence du réalisateur

-         Une soirée ciné-débat avec diffusion du film « Réfugiés : un marché sous influence », organisée à Belfort au Bar Atteint le 27 novembre (18h/21h) (AES, CCFD Terre Solidaire 90)


Poème de Hassen

La vie de souris
De la terre vient l’Homme
Du feu vient l’enfer
L’eau c’est la vie
L’air c’est son parfum
La pluie c’est notre cadeau
Pour faire naître la vie
Le soleil c’est l’énergie
Qui, en somme, nous suffit
Il nous faut mûrir et grandir
Afin d’assouvir notre avenir
C’est un sourire qui nous fait vivre
C’est un geste qui n’a pas de prix
Une ouverture à la vie
C’est un pas vers autrui
Un don à la vie
Qui nous mène au paradis
La richesse c’est la culture
Elle vient par notre nature
C’est une pensée sûre
La conscience pure
Il faut soigner nos blessures
Et devenir plus matures
La fortune c’est l’ouverture
Vers le savoir pour le futur

Hassen


Chine. Réveil de la classe ouvrière
‘Edito du PES n° 48 (octobre 2018)

La mondialisation, dont l’un des aspects consiste à rechercher, hors des pays centraux, de la main d’œuvre à bas coût, en particulier dans les zones où la classe ouvrière a acquis un certain savoir-faire, a dû composer avec le despotisme patronal. Outre les pays de l’Est, c’est le cas notamment de la Chine, convertie à une forme de capitalisme d’Etat. Le PCC est, de fait, devenu le Parti du Capitalisme Chinois. Les nouveaux mandarins à la tête de cette caste bureaucratique et, sous leur joug, de capitalistes privés, prétendent faire de l’Empire du Milieu la puissance rivalisant avec l’impérialisme étatsunien qui, après son apogée, amorce sa phase de déclin. Certes, rien n’est joué. A preuve, l’instabilité de la formation sociale aux Etats-Unis et le réveil de la classe ouvrière en Chine.

Contrairement à l’idée encore répandue, la Chine n’est plus l’atelier du monde. Outre ses industries traditionnelles, elle maîtrise désormais les technologies les plus avancées. Elle dispose de plus de 4 000 entreprises de robotique. La prolétarisation des campagnes et la concentration d’ouvriers dans d’immenses complexes oppressifs ont fait surgir une conscience collective s’opposant à l’arbitraire patronal et aux répressions étatiques. Ce que relate le journaliste Jack Qiu confirme le réveil de la classe ouvrière. Jasic dans le Shenzhen est une entreprise de construction de robots industriels de soudure. Cette immense usine s’est dotée d’un système hiérarchique de gardes-chiourmes. A toute infraction, même mineure, s’applique un barème d’amendes ; le refus d’obéissance est sanctionné par un licenciement sans indemnités. Face aux plaintes, concernant en particulier les heures supplémentaires non rémunérées et la réticence des patrons à autoriser le syndicat officiel, le 22 mai, l’agence d’Etat s’est fendue d’un rappel à l’ordre. Mais, lorsque 89 ouvriers ont tenté de créer un syndicat, les intimidations, les accusations mensongères se sont déversées sur eux. Battus, emprisonnés et licenciés. Dès le 20 juillet, des ouvriers de l’usine, ainsi que ceux des entreprises avoisinantes, se sont mobilisés via les réseaux sociaux, malgré la censure. Plus d’une cinquantaine d’universités se sont déclarées solidaires. Des étudiants se sont déplacés pour soutenir la lutte. Des groupes maoïstes, comptant nombre de retraités, ont ressorti les drapeaux rouges pour se joindre à la contestation. Autour de l’usine, étudiants, ouvriers, militants ont organisé « une campagne de sensibilisation la plus populaire que l’on ait vue en Chine depuis une décennie ». Des lettres ouvertes ont été envoyées aux plus hauts dignitaires. A la brutalité policière et aux  provocations de nervis infiltrés, ont répondu dénonciations et chants révolutionnaires… jusqu’au 24 août. A 5 heures du matin, des policiers en tenue de combat ont pris d’assaut une maison occupée par 45 étudiants. Au total, 80 arrestations. Si certains ont été relâchés, c’est pour mieux déverser une propagande de reprise en main. L’agence de presse officielle Xinhua affirmant que « les désordres sont fomentés par des forces étrangères ».

Il n’empêche, on assiste depuis quelques années à un réveil de la classe ouvrière et à sa tentative de s’instituer en classe pour soi, autonome vis-à-vis du Parti qui prétend la représenter. Ce que vivent en effet les travailleurs outre le despotisme, c’est le recul de leurs droits sociaux et de leur dignité. Cette bonne nouvelle, encore bien timide, est à rapporter au potentiel qui gît dans tous les pays du Sud. Les ouvriers dans le monde n’ont jamais été aussi nombreux. Dans certains pays, comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite, ils forment une majorité de sans-droits. Le jour où ils s’éveilleront, comme ce fut le cas dans l’Angleterre du 19ème siècle, le monde en sera bouleversé.

GD, le 25.10.2018



Nous avons lu

L’illusion financière
Cet essai pédagogique permet de comprendre la crise de 2008. Derrière la formation de la bulle financière de l’immobilier aux Etats-Unis et la diffusion des subprimes dans le monde entier, c’est la rapacité des banques et institutions de crédits qui en est la cause. Ces « pousse au crime » de l’endettement des ménages et de la spéculation immobilière imposant des intérêts d’emprunt exorbitants (jusqu’à 30 % par an), ont poussé à la catastrophe. Quoique ? Pour sauver les banques, les Etats les renflouant ont transformé la crise financière en crise des dettes publiques et en politiques d’austérité pour rembourser la bancocratie. Pour l’auteur, rien n’est résolu, « le pire est devant nous » : non seulement sous la forme du précariat et du chômage de masse mais également par l’apparition d’une nouvelle crise bien plus profonde. Comment donc se libérer du « veau d’or » ? Séparer les banques spéculatives dites d’investissement des banques de dépôts, retrouver la souveraineté monétaire alors même que loin d’être indépendante la BCE est soumise aux impératifs de la finance, éviter la titrisation, les dérives des crédits spéculatifs, la folle création monétaire ex nihilo, pouvoirs que détiennent les banques privées… Si tous ces « travers » de l’économie capitaliste dérégulée sont bien relevés et expliqués, les solutions préconisées, sans pour autant être négligeables, sont marquées par la croyance (d’un bon sens chrétien) dans la possibilité de l’Europe telle qu’elle est, de se réformer. Il n’empêche, l’appel à une société des biens communs, au financement de la transition écologique, à une réindustrialisation verte, à  contrecarrer la logique marchande, voire la propriété privée, situe cet économiste dans le camp de l’antilibéralisme. GD
Gaël Giraud, ed. de l’atelier, 2016, 10€

Résister aux grands projets inutiles et imposés
Ce livre est issu du croisement de réflexions collectives, d’expériences de terrain, avec celles de géographes, d’économistes, d’urbanistes et de sociologues. Non seulement, il retrace l’histoire de luttes qui, du Larzac à Plogoff et Creys-Malville, ont acquis une nouvelle vivacité à Notre-Dame-des-Landes, Bure, Sivens et ailleurs ; surtout, il en fait ressortir les enjeux, ceux de la repolitisation non politicienne de l’écologie sociale. Les résistances actuelles font surgir, outre des sociabilités nouvelles, une praxis qui accumule des connaissances et tisse des alliances jusque-là improbables : citoyens, paysans, syndicalistes, savants, écolos «marginaux »… La volonté qui s’y manifeste, consiste, par des propositions politiques, à se réapproprier le pouvoir décisionnel, de passer d’un combat local à une lutte globale. C’est du moins l’espoir que diffuse cet essai. En négatif : « A quoi bon détruire des dizaines d’hectares de terres agricoles (comme) dans le Val d’Oise, pour y construire Europa City alors que la région parisienne est déjà saturée de centres commerciaux ? ». En positif : Il s’agit, face à la concurrence mondialisée de territoires visant à gagner des parts de marché transnationaux, de porter le projet de relocalisations d’activités pour le développement équilibré de l’économie locale… Soit bien vivre démocratiquement sur une planète vivable. GD
Collectif Des plumes et du goudron avec Julien Milanesi, ed. Textuel, 2018, 15.90€ 


Les roitelets des terres rares

Ça vous a peut-être échappé : lors du 14 juillet 2016, à la tribune présidentielle, il y avait comme une incongruité que les médias complaisants n’ont pas relevée. Aux côtés du Président de la République française, siégeaient deux rois d’îles françaises, en présence notamment du premier ministre néo-zélandais John Key et de John Kerry, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères des Etats-Unis. Ces deux monarques, l’air égaré voire effaré, à la vue du défilé militaire et d’être ainsi mis à l’honneur, devaient se dire que, chez eux, il n’y avait pourtant aucune Bastille à prendre. La grandeur de la France devait les impressionner, eux qui venaient de si loin.

Filipo Katoa et Eufinio Takal, règnent sur leurs royaumes d’Alo et de Sigave, perdus dans l’océan Pacifique, à 8 000 kms de Los Angeles, à 4 000 de Sidney en Australie. Leurs îles se trouvent en Océanie, au milieu de nulle part entre les lointaines Nouvelle-Calédonie et Tahiti. Leur présence, quoiqu’on en pense, ne se résumait pas à donner une touche exotique ou nostalgique de l’ex-empire colonial. La preuve, le 12 juillet, ils avaient été reçus, en grande pompe, à l’Elysée avec leurs suites. Entourés des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, du ministre d’Outre-mer, ils furent cajolés avec moult révérences pour leurs illustres personnes.

Mais, à quoi tenait donc cette mise en scène ? C’est que ces roitelets avaient quelques velléités d’autonomie et voulaient bénéficier de royalties de l’extraction de leurs ressources minérales. Les campagnes d’exploration de leurs domaines leur avaient mis la puce à l’oreille ; ils en demandaient l’arrêt pour mieux négocier les enjeux vitaux pour leurs fiefs respectifs au sein de la collectivité d’Outre-mer de Wallis et Futuna. Hollande, pas gêné, avait conclu son allocution de bienvenue en déclarant : « nous avons besoin d’être tous ensemble » et « Vive la République, Vive la France » ! Quel est donc cet enjeu primordial pour cette grande mascarade : 3 îles de 124 km2, comptant 12 197 habitants ! 15 millions à verser chaque année, pour assurer la présence française tout en rémunérant ces rois à raison de 5 500 € par mois. Qui plus est, l’Etat français se mêle des chamailleries lors de l’élection du roi, ce qui valut d’ailleurs au sieur Fürst, préfet, d’être exfiltré pour s’être trop ingéré dans leurs différends. Quant à l’apport prétendument civilisationnel de la France républicaine et laïque, il est bien modique sinon inexistant. L’histoire en atteste.

Découvertes par les Hollandais, ces îles furent rattachées à l’Empire français en 1888, après que les « bons » pères maristes, dès 1610, aient imposé le catholicisme à ces peuplades. En 1986, devenue territoire d’Outre-mer, cette collectivité n’appliqua nullement les lois de la République, ignora même le code de la route, tout comme les traités internationaux. La loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat n’y a pas cours. L’Eglise a compétence exclusive pour l’éducation primaire. Les débats de l’Assemblée territoriale sont toujours précédés d’une prière prononcée par l’évêque, la séance est placée alors sous la bénédiction du Saint-Esprit ; après le signe de croix, « tout le monde s’engueule » raconte un ancien serviteur de la République… lointaine. Que l’Etat agisse en protecteur du trône et de l’autel, personne ici parmi les élus de la France républicaine ne s’en offusque, même pas les laïcards, et Valls n’a émis aucune stigmatisation contre ce communautarisme de chefferies aristocratiques… Il n’y a même pas eu d’objections réelles à l’implantation de sociétés offshore qui n’ont d’ailleurs aucune activité dans ces îles. Elles sont tolérées, permettent la délivrance de pavillons de complaisance et des transactions pour échapper à l’impôt et autres opérations de blanchiment.

Mais la France s’affirme, dira-t-on, là-bas, comme une puissance maritime dans le Pacifique et possède ainsi un droit de regard sur le plus grand océan du monde. A voir ! Wallis, Futuna et Alofi, ces trois îles ne possèdent ni port en eaux profondes, ni aéroport. Alors pourquoi donc cet intérêt soudain pour ces deux rois d’un bout de France ?

Le lièvre git dans les eaux profondes : l’institut français de recherche et d’exploitation de la mer, le groupe minier Eramet, sont intéressés par le gigantesque cratère sous-marin de 20 km de diamètre qui recèlerait de fabuleuses réserves de terres rares. A l’heure des nouvelles technologies avides de ces métaux précieux et face à la dépendance vis-à-vis de la Chine, l’Etat français se pose en futur prédateur des eaux claires des lagons. Informées, les chefferies veulent leur part, menacent de faire sécession, invoquant leur droit ancestral sur leurs terres émergées et immergées… Fallait donc les rassurer du « besoin d’être tous ensemble » ! Quitte à polluer cet environnement, ces massifs de corail et ces îles déjà pénalisées par une carence en eaux douces… avant qu’elles ne deviennent glauques, si par mésaventure la ruée minière destructrice mettait fin à cette économie d’autoconsommation qui a vécu, hier, de pèche, d’agriculture vivrière et d’artisanat.

A moins que le pire puisse advenir, à l’image de l’atoll de Mururoa en Polynésie française, où les 138 essais nucléaires provoquèrent, et provoquent encore, des cancers de la thyroïde, non seulement chez les militaires présents mais aussi chez les 2 300 habitants qui vivaient là-bas dans un rayon de 500 km… ou comme à Dalahai, le « village du cancer » dans la province du Jiangxi en Mongolie intérieure, où les habitants boivent, mangent, respirent les rejets toxiques de l’extraction des terres rares du géant minier chinois Baogang. Déplacer ou laisser pourrir sur place, telles seraient les options pour les natifs de Wallis et Futuna !

Gérard Deneux, le 22.10.2018

Source : La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique de Guillaume Pitron, Les liens sui libèrent




Bure : justice expéditive sans la présence des prévenus !

Être jugé sans être présent, sans avocat et sans même en avoir été prévenu. L’affaire ne se passe pas dans un régime autoritaire d’Asie centrale, mais au tribunal de grande instance de Bar-le-Duc (Meuse). A l’heure où la répression policière et judiciaire s’accentue contre les opposants à la poubelle nucléaire, Gaspard d’Allens, journaliste et militant, coauteur de Bure, la bataille du nucléaire et opposant au projet d’enfouissement dit Cigéo, a été jugé mardi 16 octobre. Il n’était pas présent, et pour cause, il n’a pas été informé de cette audience ! Il n’a donc pu ni s’y rendre ni son avocat. Le procureur, Olivier Glady, a requis 3 mois de prison avec sursis pour entrave à travaux publics. Le jugement sera rendu le 13 novembre. Les faits qui lui sont reprochés, ainsi qu’à une femme, également jugée ce mardi en son absence à elle aussi, remontent au 23 janvier 2017. Ce jour-là, des engins de travaux envoyés par l’Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) pénètrent dans le bois Lejuc, alors occupé par des opposants à la poubelle nucléaire. Officiellement, afin de « remettre en état » les lieux, comme l’a exigé la justice en août 2016 lorsqu’elle a déclaré le défrichement du bois illégal. Les occupants, craignant une expulsion, s’opposent à l’entrée des véhicules dans la forêt. Un groupe bloque le passage, dont deux personnes à visage découvert : Gaspard et Cécile. C’est ce que la justice nomme « l’opposition par violence ou voie de fait » aux travaux publics. « Il s’agit d’une justice expéditive et d’exception ». Etienne Ambroselli, avocat des opposants au projet Cigéo, s’est dit « atterré ». Apprenant par hasard, la veille, la tenue du procès, il en a demandé le report au motif que l’accusé ne le savait pas et qu’aucun avocat n’avait eu accès au dossier. Selon lui, le procureur avait accepté cette requête et l’avocat ne s’est donc pas précipité pour prévenir Gaspard. « Mais le procureur a retourné sa veste et demandé à ce que l’audience ait lieu ! » explique-t-il. La juge aurait donné son accord au motif que « le problème était connu, et qu’il n’y avait pas de raison de remettre à plus tard ». « Il s’agit d’une justice expéditive et d’exception, d’une atteinte grave au droit de la défense et à un procès équitable ». ajoute l’avocat. Incroyable mais vrai ! sur https://reporterre.net/ 
Plus de 100 organisations et personnalités appellent à réagir pour mettre fin à la criminalisation des luttes ici et ailleurs, construire une résistance et en finir avec la peur et le silence. Site contact : noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org  


Vers l’épuisement de l’ère de la mondialisation

Sans entrer dans le détail des facteurs structurels ayant concouru à l’émergence de la mondialisation et  conduit à se défaire du « carcan » keynésien, l’on peut souligner la saturation des marchés nationaux, la combativité ouvrière des années 68, la baisse du taux de profit, la défaite étatsunienne au Vietnam, la fin d’un dollar arrimé à l’or… Pour rebondir, le capitalisme a trouvé un nouvel essor dans la financiarisation, l’exportation des capitaux, la délocalisation d’usines à la recherche de main d’œuvre à bas coût, les innovations technologiques et le recours à l’endettement. Les chaînes de production de la valeur ont explosé aux quatre coins du monde. 42 % de la production est réalisée dans les pays du Sud contre 27 % en 2000. Cette industrialisation, qui a pris la forme d’usines d’assemblage puis de biens de production, a muté dans certains pays comme la Chine ou la Corée du Sud dans la confection de produits de haute technologie au détriment des pays centraux.

Produisant dans les pays du Sud, les firmes transnationales et les capitaux ont pris une distance avec leur propre Etat. Qui plus est, en plaçant leurs profits dans les paradis fiscaux, elles sont de fait déconnectées des conjonctures nationales dont elles sont issues. Les Etats sont désormais contraints, par les règles qu’ils ont eux-mêmes organisées (OMC, FMI…), à être en concurrence entre eux pour attirer les « investisseurs » étrangers sur leurs territoires (dumping fiscal et social). Quant aux entreprises qui produisent toujours sur le marché national, elles sont soit cannibalisées (externalisations) soit  fragilisées. Toutefois, les Etats capitalistes les plus avancés restent au service des transnationales, ne serait-ce que pour leur procurer des débouchés et mettre la main sur les matières premières dont elles ont besoin, tout en délocalisant les productions les plus polluantes dans les pays du Sud sur lesquels elles peuvent exercer des pressions.

Les deux phases de la mondialisation

La première phase fut une embellie : les faibles coûts de main d’œuvre, les gains de productivité, l’euphorie boursière, la spéculation se sont traduits par un formidable bond en avant. L’essor des nouvelles technologies a semblé donner un second souffle à la vitesse de circulation du capital et à sa capacité à inciter les consommateurs à acheter toujours plus en recourant au crédit. Cette phase s’est close en 2007-2008. Mais cette grande crise fut précédée de bien d’autres qui l’annonçaient.

Toujours est-il qu’on assiste, dans la dernière décennie à deux phénomènes concurrents d’épuisement de la mondialisation : le ralentissement au Sud des gains de productivité et du commerce mondial. La hausse des salaires et la réorientation de certains pays vers des activités à fort contenu technologique d’une part, et d’autre part, des mouvements de capitaux erratiques dans d’autres pays du Sud. En effet, le Brésil, la Russie, l’Inde, l’Afrique du Sud et même la Turquie et l’Argentine, qui n’ont pas réussi à dépasser leur spécialisation initiale fondée sur la fourniture de matières premières, sont l’objet de fuite des capitaux et de politiques d’austérité, de privatisations, pour les inciter à revenir.

Dans les pays dits centraux (USA, Europe de l’Ouest, Japon), on assiste, comme au Sud mais sur un mode différent, à un phénomène de dislocation sociale : collectifs ouvriers atomisés, précarisation et polarisation des emplois (très qualifiés, disqualifiés), rétrécissement des possibilités d’ascension sociale, creusement des inégalités et déstabilisation des Etats-Nations.

Pour tenter d’y remédier, les gouvernants se sont lancés dans une fuite en avant périlleuse. Pour attirer les capitaux et les firmes transnationales, ils n’ont rien trouvé de mieux que la logique exacerbée de la concurrence fiscale : le taux moyen de fiscalité dans les pays dits  avancés, de 44 % dans les années 1990 a décru à 33 % en 2017, voire à 27 % aux Etats-Unis sous l’effet Trump. Cette défiscalisation des profits s’ajoute à l’évasion fiscale, appauvrit les Etats qui se sont déjà surendettés afin de renflouer les banques suite à la crise de 2008.   

Trump, l’impérialisme chinois et autres sous-impérialismes

La politique initiée par Trump vise à rapatrier les profits US à demeure par la baisse des impôts sur les sociétés, quitte à creuser le déficit déjà énorme de l’Etat fédéral. Ce recentrage expansionniste de « l’Amérique d’abord » s’accompagne de la renégociation, à l’avantage des Etats-Unis, des accords multilatéraux (Mexique, Canada, Europe) et d’une volonté de détruire le cadre juridique construit lors de la première phase de la mondialisation (OMC en particulier). En outre, son adversaire principal reste la Chine. Au demeurant, cette politique est inadaptée, incohérente vis-à-vis du libre-échange telle qu’elle s’est construite lors de la première phase d’expansion de la mondialisation : les importations US correspondent, en grande partie, à des investissements de firmes états-uniennes dans les pays comme la Chine, le Mexique… Il ne peut en résulter qu’une lutte au sein même de la classe dirigeante des Etats-Unis et, à l’extérieur, une confrontation avec les Etats les plus réticents à se soumettre. La Chine, à la différence d’autres pays, possède la capacité de se recentrer sur son énorme marché intérieur. Elle poursuit, par ailleurs, avec la montée en gamme de sa production et son programme de gigantesques infrastructures (1 000 milliards de dollars dans plus de 60 pays), sa pénétration du marché mondial.

La montée des tensions et la possibilité d’extension du domaine de la guerre sont déjà inscrites dans la réalité géopolitique et dans l’avènement de pouvoirs autoritaires : la course aux armements, l’accroissement des ventes d’armes de plus en plus sophistiquées et meurtrières, la dénonciation par Trump de l’accord nucléaire avec l’Iran, le régime des sanctions et contre-sanctions en représailles, les blocs qui se constituent, USA et Europe chancelante contre Russie, Iran, Chine...

Les bâtards de la mondialisation

Le Financial Times l’a avoué : la montée des nationalismes, de la xénophobie, de l’extrême droite, « c’est le véritable héritage de la crise financière mondiale et de la politique d’austérité qui s’en est suivie ». Ainsi, au Royaume-(des)Uni, le Brexit résulte principalement de la baisse des dépenses sociales de 2010 à 2015 (23 %),  de la desindustrialisation, du chômage et de la concurrence entre salariés. Ce constat vaut pour l’Europe en voie de fractionnement où les dettes publiques et privées ne cessent de s’accumuler. Les classes dominantes des pays qui la constituent sont désormais tentées de recourir à la coercition, voire de composer avec la droite extrême pour éteindre l’incendie qui couve, après avoir sauvé les pyromanes que sont les bancocrates et les rentiers du capital. D’autant que nombre d’éléments des classes dirigeantes sont conscients de la nouvelle crise qui arrive, sans savoir quels en seront les déclencheurs et le moment où elle se produira. Un social-libéral anglais, adepte en son temps de la 3ème voie de Blair, s’inquiète : « Nous n’avons plus de munitions disponibles. Quand la prochaine crise se produira, nous découvrirons que nous n’avons plus de marge de manoeuvre fiscale ou monétaire, ni la volonté d’en user et la nécessaire coopération internationale nous fera défaut ».

Les classes ouvrières et populaires pourront-elles relever ce défi, tout comme celui consistant à faire face aux enjeux climatiques et migratoires ?

Gérard Deneux, le 25.10.2018