Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


samedi 18 décembre 2021

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Guadeloupe et… entourloupes

(éditorial de PES n° 78 - novembre/décembre 2021) 

La mèche était courte car tout ce qui vient de l’Hexagone est rejeté. Le passe sanitaire avec 1 400 suspensions d’emplois de soignants et de pompiers, a enflammé la colère du baril de poudre social : grèves, barrages, pour protester contre la vie chère, la misère, la corruption des élites locales, les places réservées aux Blancs de métropole et puis surtout, l’enfer de nombreuses villes, dont Pointe à Pitre : rues délabrées, trottoirs enfoncés, inondés de fuites d’eau, canalisations percées, stations d’épuration qui ne fonctionnent pas et enfin, depuis très longtemps, terres et nappe phréatique infestées par le chlordécone. 

 

A côté de l’enfer de la misère, de la prostitution et de la drogue, il y a le paradis des plages de Gosier réservé aux touristes et aux Békés, sans compter les yachts luxueux. Tout le commerce et la grande distribution est aux mains d’une dizaine de familles. Ces inégalités ont provoqué une longue plainte qui a reçu pour toute réponse l’envoi du RAID et du GIGN. Lecornu est resté planqué et a envoyé les élus locaux dialoguer pour ne rien décider. Les syndicats et associations ont eu beau réclamer une délégation interministérielle pour examiner toutes leurs revendications, ils ont eu pour seule réponse la promesse d’un peu d’autonomie en plus. Entourloupe.

 

La situation est pratiquement identique en Martinique, à la Réunion, en Guyane… tous ces confettis de l’empire colonial qui ne veut pas mourir.

 

En Nouvelle-Calédonie, les Kanaks ont souhaité le report du référendum afin que leur tradition de deuil soit respectée, suite au covid 19. Le fanfaron Macron s’est félicité de son entourloupe, en proclamant « le caillou va rester français » malgré 56.9 % d’abstentions.

 

Entre temps, après sa visite en Egypte, fournissant des Rafale, Macron a continué à proclamer France-relance… de la guerre, nouvelle entourloupe tentant de faire croire que la croissance et les emplois dépendraient des marchands de la mort. Sa tournée de VRP fut couronnée par la fourniture des armes de destruction massive en Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis. Comme le disait à peu près Brecht « Qui est le plus responsable ? Celui qui arme le bandit ou le bandit lui-même ? ». Oseront-ils les Macron et autre Le Drian décorer de la Légion d’honneur les pétro-monarques aux mains poisseuses de sang, comme ils l’ont fait pour le dictateur Al Sissi ?

 

Pendant ce temps-là, le grand cirque électoral est rythmé par la grosse caisse médiatique, afin que la « démocratie » reste aux mains des puissants. Entourloupe. Quand la duperie cessera-t-elle ? Pour l’heure, il y a trop d’aveugles sur la nature du pouvoir, se heurtant à la surdité des dominants.

 

GD, le 14.12.2021

     

 

 

Ils, elles luttent

 

Grève des Sans-papiers de la Poste

 

Le 15 novembre, près de 70 entrent en grève illimitée. Travailleurs sans-papiers de l’entrepôt DPD de l’Essonne, filiale de la Poste pour la livraison de colis y travaillent, environ 180 sans-papiers sur 400 salariés : 20 000 colis/heure sous la surveillance de 495 caméras. Les sans-papiers sont affectés à des tâches plus dures que les autres salariés et disent : « Ici, c’est l’esclavage », « des gens avec leurs papiers ne feraient jamais ce travail ». Cadences infernales, horaires de travail « élastiques », heures supplémentaires pas rémunérées. « Ce soir on a terminé à 23h au lieu de 19h, il n’y avait plus de bus, on a marché plus d’une heure pour trouver des transports, certains sont rentrés chez eux à 4h du matin ! ». A la moindre protestation, c’est fin de mission, par un texto. « Nous on ne peut pas partir c’est notre gagne-pain ». C’est bien pourquoi DPD et Derichebourg intérim recrutent (en toute connaissance de cause) des sans-papiers, embauchés sous alias avec une pièce d’identité empruntée. Pour l’heure, DPD déclare qu’aucun manifestant présent dans l’enceinte du site n’est ou n’a été son salarié et accuse les sans-papiers de fraudes pour tromper les contrôles ! « Ils mentent en connaissance de cause » affirme SUD PTT, ce type d’organisation, dans le secteur des colis, « c’est partout ». Certains travaillent depuis des années et tous demandent leur régularisation. Il y a 2 ans, pendant 7 mois, une lutte devant l’agence Chronopost d’Alfortville avait imposé la régularisation de 27 travailleurs. Cela avait permis la régularisation de 46 travailleurs d’autres sociétés, mais à la faveur de la crise sanitaire, la préfecture du Val-de-Marne n’a pas tenu ses engagements, annulant le suivi des dossiers des travailleurs ayant mené la lutte : 83 ne sont toujours pas régularisés. Les sans-papiers de DPD sont déterminés pour obtenir leur régularisation. Ils sont soutenus par le Collectif des Travailleurs Sans Papiers de Vitry-sur-Seine (CTSPV 94), des  syndicats (Sud PTT, Solidaires, CNT…), de certaines organisations politiques (NPA, LFI, PCF, LO…) et d’associations (Cimade, LDH, RESF 91…). www.sudptt.org/

 

Acharnement antisyndical à People & Baby : ça suffit !

En 2010, la ville de Paris privatisait la gestion de plusieurs crèches et la confiait à la société People & Baby. Les conséquences furent immédiates pour les salariées de la halte-garderie Giono reprises avec les murs : détérioration des conditions de travail, rentabilité au détriment de la qualité d’accueil des enfants et de leurs familles. Cinq d’entre elles décidèrent de monter une section syndicale CNT. Elles subirent immédiatement la répression avec une mise à pied, puis quatre furent licenciées. Malgré leur victoire aux Prud’hommes en 2017,  reconnaissant la discrimination syndicale et la préméditation des licenciements, People & Baby a continué son acharnement et a fait appel. Contre toute attente, la justice lui donna raison le 1er juillet dernier, remettant en cause la décision prudhommale et les constats de discrimination syndicale de l’inspection du travail. Elles sont tenues aujourd’hui, sous la menace des huissiers, de rendre les indemnités perçues, qui ont servi à payer les frais de 10 ans de procédure et  à éponger leurs dettes. Au préjudice familial et psychologique subi, à ce remboursement d'un montant total de 145 000 €, viennent s'ajouter chaque jour les intérêts de retard de paiement tant qu'elles n'auront pas tout rendu. Militant-es syndicaux, politiques, associatifs, actrices et acteurs du monde culturel ont lancé un appel à soutien, y compris financier, d’Assia, Cindy, Marion, Sophie et Virginie. Un coup porté contre l’une ou l’un d’entre nous est un coup porté contre toutes et tous !

Parmi les nombreux soutiens : CNT, Sud/Solidaires, CGT, des militant-es, notamment le Collectif Pas de Bébés à la Consigne, le Syndicat national des professionnel·le·s de la petite enfance et nombre de personnalités. Pour les soutenir :

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/061121/acharnement-antisyndical-people-baby-ca-suffitutm_source=20211106&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20211106&M_BT=90660697759 ou, par chèque (indiquez au dos du chèque Soutien people and baby) à l’ordre de : CNT SSCT-RP, 33 rue des Vignoles 75020 Paris.

 

Justice. Refusons la pseudo-concertation citoyenne

La France compte 10.9 juges pour 100 000 habitants, la moyenne européenne est à 21.4 juges. Comme dans d’autres services publics, les magistrats sont épuisés psychiquement, physiquement. Depuis une vingtaine d’années et l’émergence du « nouveau management public », les tribunaux sont gérés comme une entreprise, soumis à des rendements antinomiques d’une approche humaine du justiciable ; le quinquennat Macron a aggravé cette vison comptable du service public et de la justice. Ainsi, dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, la limitation des enquêtes préliminaires à 2 ans concerne les affaires économiques et financières et non le contentieux de masse. C’est une disposition pour les riches. La généralisation des cours d’assises départementales, siégeant sans jury populaire, signe la mort de la justice criminelle. La réforme de l’irresponsabilité pénale va encore davantage sanctionner les « fous ». Le syndicat de la Magistrature s’est opposé à toutes les lois sécuritaires qui octroient des pouvoirs exorbitants à la police, à la sécurité privée. La France est devenue un Etat policier avec une militarisation phénoménale de l’espace public et un surarmement de la police. Sarah Massoud, Syndicat de la magistrature paru dans CGT ensemble (12.2021). 3 000 magistrats et une centaine de greffiers ont lancé un appel le 23 novembre « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout ». 

 

 

Zemmour, l’amour de la haine

 

Qu’est-ce qui a permis l’apparition de l’aventurier Zemmour ? D’où vient-il ? Qui l’a lancé ? Quels sont ses soutiens ? Quel est donc ce diagnostic halluciné de la société française et ces propositions apocalyptiques, conduisant à la guerre civile ? A quoi sert-il dans la conjoncture actuelle ? Il semble troubler le jeu d’une facile reconduction du duel Le Pen-Macron au 2ème tour des présidentielles. Le Rassemblement National social dédiabolisé serait-il un trop grand risque et ne faudrait-il pas radicaliser son discours xénophobe en lançant dans ses pattes un franchouillard, sexiste et islamophobe ? En fait, pas besoin d’imaginer un complot : l’agenda de la classe dominante demeure la poursuite accélérée du programme, imaginé en son temps par le grand patron Denis Kessler : détricoter les acquis du Conseil National de la Résistance. Trop de retard a été pris. Jupiter Macron s’est lui-même pris les pieds dans le tapis de la contre-réforme des retraites. Le système est aux abois, entre chien et loup et c’est dans ce « clair-obscur que surgissent les monstres ». Alors, Zemmour, Nosferatu ou Méphistophélès dont Goethe disait qu’il donne l’illusion de tout comprendre et de tout dominer ? Ou, au contraire, une bulle médiatique qui crèvera après avoir inoculé la division et la haine ?   

 

D’où vient ce Zemmour ?

 

Ses parents, petits « israélites indigènes » ont bénéficié du décret Crémieux, leur conférant la nationalité française. Ces berbères dont le nom signifie huile d’olive ont voulu être plus français que ceux de souche : Liou et Moussaka sont devenus Justin et Rachel.  Rien d’extraordinaire à ce stade mais le fils francisé aux origines « berbères », pour reprendre ses propres obsessions, s’en est trouvé « complexé ». Il souffrit de quolibets qui lui étaient adressés, surtout lorsqu’on le comparait aux Zemour (avec un seul M), ces truands qui firent trembler Paris dans les années 70. Lui, le transfuge de classe, humilié alors même qu’il multipliait d’efforts pour s’assimiler ! Après Sciences Po, son échec à l’ENA le laisse tout dépressif. Expert agricole ? Echec. Publicitaire ? Echec. Il finit néanmoins par être embauché à Info matin sur recommandation de … Mitterrand, lui, le décoré de la francisque pétainiste restait nostalgique de sa jeunesse, il eut, certainement, quelque complaisance vis-à-vis de cet apprenti vichyste. Le futur polémiste dut encore subir quelques rebuffades notamment de Philippe Tesson qui l’avait recruté au Quotidien de Paris : « Ce type est pathologique, touchant et ridicule, animé d’une ambition sans limite ». Il n’eut de cesse de se faire reconnaître par la « belle société », consacra toute son énergie à se faire admettre dans le très sélect club de l’Union interalliés et à tisser ses réseaux et ses soutiens. Son ascension, d’abord l’Express, puis le Figaro, le transforma : de souverainiste de la France éternelle il devint l’apprenti historien négationniste, identitaire d’un pays en voie de submersion. Juif assimilé jusqu’à la mort, il fustigea « ceux qui se font enterrer en Israël, ces étrangers qui veulent le rester ». La xénophobie anti-arabe l’avait conduit à l’antisémitisme et ses lectures de Maurras l’avaient convaincu ( !).

 

Bolloré, la piste de lancement

 

Tout a, peut-être, commencé entre fin février et juin 2021. Le tribunal correctionnel condamne l’homme d’affaires pour corruption au Togo. Il plaide coupable et allonge les 12 millions d’euros d’amende. Il est persuadé que Macron et sa Brigitte Trogneux sont derrière cette « affaire ». Il s’apprête à contrôler le groupe Lagardère et il trouve Bernard Arnault de LVMH dans ses pattes. Macron, toujours, qui se serait également opposé à l’absorption de M6. C’en est trop, il prend rendez-vous avec Macron. Il veut en avoir le cœur net et régler ses comptes. Brigitte le reçoit : « Comment peut-on vous aider ? ». Vexé. C’est un affront, on n’aide pas celui qui est reçu  comme un chef d’Etat en Afrique. « En rien » répond-il. « Qui me met des bâtons dans les roues ? ». Macron mielleux : « Mais enfin, arrêtez ! Vous achetez tout ». Ça sonne comme un aveu ! Pour le boulimique Bolloré (surnom : général Tapioca), c’est une déclaration de guerre. Pourtant, le président par effraction n’a pas tort : sans compter la gestion de ports en Afrique et son soutien aux dictateurs affairistes, Bolloré, c’est C News, TF1, C8, I Télé, Europe 1, des éditions comme Plon, Editis, Hachette… sans compter Havas, Vivendi et autres participations actionnariales.

Zemmour, le missile de Bolloré ? Macron à l’Elysée n’en est que le locataire provisoire. Il va sentir le poids du boulet, « Z va ouvrir la porte à la droite au 2ème tour ». Avec la comtesse Pécresse, cette prophétie du grand capitaliste serait-elle auto-réalisatrice ? Le bloc des bourgeois des hautes sphères n’est-il pas divisé ? La peur les tenaille. Comme Luc Ferry affolé, suffoquant que les flics n’aient pas tiré dans le tas des Gilets Jaunes. Et puis, la politique de Macron-Darmanin contre les migrants n’a- t-elle pas fait monter le racisme anti-migrants, repoussé les assauts de ces cgtistes et autres Adama des banlieues ? Zemmour c’est la voie de la meute d’extrême droite fascisante en jachère depuis la dédiabolisation de Le Pen. Celui qui contamine en outre cette droite trop molle. Ça va turbuler : face au souffle pestilentiel, toutes les outrances sont possibles. 

 

Les soutiens du Rastignac xénophobe

 

Chez les patrons, il n’y aurait pas d’hostilité généralisée. D’ailleurs, l’égérie de Zemmour, Sarah Knafo,  jeune énarque de 28 ans, n’hésite pas à les solliciter. Ce poisson-pilote de la bourgeoisie réac navigue dans tous les réseaux de la caste politicienne. Et la pêche pour l’heure est miraculeuse : Henri de Castrie le filloniste, l’énarque Jean-Yves Le Gallou, Henri Guaino le nationaliste sarkozyste, Isabelle Balkany la corrompue, l’inénarrable Finkelkraut, Luc Ferry cet ex-ministre prétendant que ce champion peut reconquérir « les territoires perdus de la République »… et même Jacques Julliard, ce chantre de la 2ème gauche rocardienne trouve qu’il énonce des vérités car il faut reprendre le contrôle de l’immigration.

 

Mais, au-delà de ces nombreuses personnalités, dont le sulfureux multimillionnaire suisse, islamophobe, sexiste et raciste, Marc Bonnant, qui a mis l’hôtel Hilton à Genève à la disposition de son ami, il y a le gros des troupes disparates issues des milieux les plus réacs : des cathos traditionnalistes, des partisans de De Villiers, des militants ex-chevènementistes, de Génération Identitaire, les ultra-conservateurs de Sens Commun, des intégristes de Civitas, des royalistes d’Action Française et des organisations comme le Parti de la France ou Vigilance Hallal ainsi que des dissidents de LR, du RN comme les mégrétistes et la troupe de Maréchal-Le Pen. Tout ce beau monde des catacombes de l’histoire ne serait rien sans la grosse caisse de résonnance médiatique. Pas celle, minuscule, du youtubeur Papacito, mais celle des plateaux TV et des journaux de la presse dominante qui, avec plus ou moins de célérité, s’abreuvent à la nauséabonde idéologie du « grand remplacement » de l’écrivain Renaud Camus. Qu’importe son pédigrée et sa condamnation en 2014 pour « provocation à la haine et à la violence », l’important est de faire de l’audience !

 

Diagnostic apocalyptique et négationnisme

 

L’apôtre de Barrès pourrait reprendre à son compte les mots de Goebbels : plus le mensonge est gros, plus ça passe. Attention aux effluves de la diarrhée verbale : citations pour petits blancs franchouillards : « les jeunes de banlieue y font régner l’ordre islamique ; ils détestent la France, disent qu’ils ne sont pas Gaulois : qu’on les renvoie ». « On leur a donné les HLM, ils les ont dégradés ; ils ont chassé les français ». « Ils bénéficient d’un assistanat incroyable qui plombe nos entreprises ». « Ce sont des inactifs qui n’ont rien à faire chez nous ». Quant aux « étrangers en surnombre ce sont des délinquants qui mènent le djihad contre les infidèles ». « On ne peut laisser entrer les barbares », ce sont des « conquérants », nous « subissons une invasion migratoire ». « Il faut sauver notre civilisation », s’opposer « à la conquête de nos territoires » face au projet « d’islamisation du monde » « Dans la guerre des civilisations, il faut passer à l’offensive ». La violence des propos appelle à la ratonnade et au lynchage.

 

Afin de trouver une assise prétendument historique de la défense de la France chrétienne éternelle, le propagandiste de la haine présenté par les médias complices comme un homme cultivé, brillant, nous assène sa logomachie révisionniste. Pétain aurait sauvé les juifs français, la France n’a pas profité de l’Afrique, c’est l’Afrique qui lui a coûté. Pas question de repentance sur l’esclavagisme ou le colonialisme. La France éternelle de 1 000 ans d’existence, c’est celle de « notre père Napoléon, notre grand-père Louis XIV et de notre arrière-grand-mère Jeanne d’Arc ». Loufoque !

 

Des propositions de guerre civile

 

La falsification de l’histoire n’a que faire des droits de l’Homme, du préambule de la Constitution de 1946 introduite dans celle de 1958, comme d’ailleurs de toutes les lois antiracistes qu’il veut supprimer. Non seulement, il prétend remplacer le droit du sol en instaurant le droit du sang, mais lui, le « métèque » pense-t-il vraiment qu’il a du sang bleu ? Cette fantasmagorie s’accompagne de propositions propres à mettre le pays en chasse contre les noirs, les arabes, les « gris ». Il se propose donc d’organiser des charters pour tous ceux qui ne possèdent pas de titres de séjour. Il veut en faire de même pour les délinquants, les binationaux qui imposent « leur loi, leur dieu, leurs mœurs » ; il traquera les clandestins et supprimera l’aide au développement pour les pays qui refuseraient l’expulsion de leurs ressortissants (comme l’a proposé aussi Montebourg !). Aux frontières, il fera construire des murs quoi qu’il en coûte et instituera une police militarisée sur ces lignes Maginot. Puis « on arrêtera de soigner ces étrangers, finie l’aide médicale de l’Etat ».  Qu’ils crèvent mais « ailleurs que chez nous ». Faudra-t-il des camps de concentration ? On ne sait…

 

Cet aventurier s’y voit : « la France veut un roi élu pour retrouver le patriotisme et le sens de l’autorité de l’Etat ». Avec lui, cette France rance ne sera plus le « protectorat des USA », ni assujettie à l’Allemagne et à « l’Europe immigrationniste » ( !). Bref, il entend nous faire ingurgiter de l’huile d’olive à en vomir, ce petit Nosferatu à tête de fouine dont la lie de la société s’imagine qu’il est un Gaulois de pure souche.

 

A quoi sert-il ?

 

Le bloc bourgeois, affolé, est divisé face à la montée des périls. L’ordre dominant doit être restauré avec la plus grande violence si nécessaire, pour le bien être des 10 à 20 % qui prospèrent sur le néolibéralisme, les gagnants prêts à tout pour s’enrichir et éviter toute imposition et taxes malencontreuses. Sarko, l’énervé du karcher, s’est fait virer. On a pu éviter Strauss Kahn, le « brillant économiste » trop libidineux ; Hollande l’ectoplasme et Valls le laïcard ont bien prôné la déchéance de nationalité, le séparatisme, ça n’a pas suffi à mater la montée de la colère. Pour les dominants, leur candidat était Fillon clamant que les caisses de l’Etat étaient vides mais qui ne pouvait s’empêcher, à l’aide de Pénélope et de sa progéniture d’y piocher allègrement sans sourciller. Puis, contre toute attente, par effraction, ce fut le fourbe, arrogant, Macron qui buta sur la mobilisation des Gilets Jaunes et fut dans l’incapacité de faire aboutir sa contre-réforme des retraites.

 

Kessler, apôtre de la mondialisation, avait pourtant fixé le cap : détruire tous les acquis du Conseil National de la Résistance, la Sécurité Sociale et les trop dispendieux services publics. Tout devait être marchandisé. Bref, les représentants de la classe dirigeante ne sont pas à la hauteur des aspirations des dominants. Tous ces milliardaires trépignent et sont prêts depuis des lustres à jouer avec le feu incendiaire de l’extrême droite. Le RN dédiabolisé ne suffit plus, Macron et ses macroniens n’ont pas de colonne vertébrale, faute d’implantation locale, pour tenir le pays. Il ne reste que la droite droitisée. La tigresse Pécresse peut-elle relever le défi et se métamorphoser en Thatcher ? Electoralement, c’est jouable : « ceux qui ne sont rien », ce sont 10 % des non-inscrits, les 30 à 40 % écoeurés par la gauche de droite qui s’abstiennent. Il y a l’extrême droite désormais divisée en deux camps survoltés. La diversion est en place pour le 2ème tour gagnant. Tel semble être le calcul des dominants. Que restera-t-il de ce paysage politique dévasté et infecté par le brouet nauséabond de Zemmour, inoculé dans les veines du corps social ? En germe, déjà organisées, les milices de la peste brune s’activent !

 

Un sursaut des classes populaires est-il possible ? Difficile à dire, on ne voit guère poindre la volonté de s’organiser par en bas, sur des fondements de rupture avec le capitalisme. Que pourrait-il rester des propositions antilibérales et écologistes des Insoumis, des candidatures de témoignage des anticapitalistes divisés en chapelles concurrentes… S’unir pour ne plus subir c’est la seule voie escarpée qu’il faut gravir… Il n’y a pas de sauveur suprême.

 

Gérard Deneux le 8.12.2021 

 

Sources :

le Monde, notamment l’enquête de Raphaelle Bacquet et Ariane Chemin

Interview de Zemmour sur youtube Thinkerview

Interview d’Etienne Girard, auteur de « Le radicalisé, enquête sur E. Zemmour » (Seuil), sur youtube le media

 

Encart

Bolloré. Le mentor de Zemmour

 

Il s’agit, ci-après, de donner quelques indications sur le personnage faisant partie des gens bien nés et sûrs d’eux. Cet héritier d’une famille de capitalistes bretons recevait les gens de pouvoir. Il sait d’expérience qu’il s’agit d’entretenir une connivence avec les représentants de la caste dirigeante, y compris ceux qui aspirent à intégrer ses rangs. C’est ainsi que le jeune Bolloré s’entraînait au tennis avec Pompidou, qui, adolescent, était copain avec Sarkozy, que Mitterrand trouvait table familiale ouverte… Mais, « noblesse » oblige, il y a lieu de distinguer la classe dominante de ceux qui la serve. La devise de cette lignée ne laisse planer aucune équivoque : « A genoux devant Dieu, debout devant les hommes » qui doivent être à leur service… quels qu’ils soient…

L’ascension de Bolloré dans les affaires fut fulgurante, au fil de ses choix politiques fluctuants : d’abord proche de Léotard, Madelin, De Villiers, bien à droite toute, ça ne l’empêcha pas en 1990 de donner son obole à Strauss Kahn, de prêter son yacht à Sarko suite à sa victoire électorale qui pieusement, lui remit la légion d’honneur en 2009. En 2017, il soutint Fillon mais se tint éloigné du « techno » Macron.

Cet homme, catho réac, est plutôt du style mâle blanc dominant. Il est exaspéré par le néo-féminisme, LGBT, les théories du genre et l’idéologie néocoloniale. Il entretient désormais des liens serrés avec Zemmour. Ils déjeunent ensemble chaque semaine et se téléphonent tous les jours. Mais, c’est lui, le hiérarque, qui tient la laisse.

Il a certainement beaucoup à se faire pardonner. A Lourdes, chaque année, il fait son pèlerinage et ne manque pas de revenir chez lui avec sa bouteille d’eau bénite. Il ne se déplace jamais sans son confesseur, l’abbé Grimaud, néo-maurrassien assumé.

Ainsi vont ceux qui prétendent que l’Histoire, c’est eux qui la façonnent.

 

GD, le 8.12.2021

 

Pour en savoir plus, lire dans le Monde Diplomatique, décembre 2021 « Fin de partie pour Bolloré en Afrique »

 

 

 

Nous avons vu

 

 le 1.11.2021

sur youtube, le media,

dans la rubrique OSAP – On s’autorise à penser, animée par Julien Théry,

 

un débat sur

« Face à la menace fasciste : sortir de l’autoritarisme »

en présence de Ludivine Bantigny, historienne, Ugo Palheta, sociologue,

 

auteurs d’un livre sur ce thème, éd. Textuel, 2021. GD

 

Nous avons lu

 

La Commune au présent.

Une correspondance par-delà le temps

 

L’auteure ne commémore pas la Commune de Paris, elle fait vivre les Communeux. Après les avoir longuement rencontrés, aux archives, elle leur écrit. Ainsi, elle les rend vivants en rappelant les  évènements, leur enthousiasme mais aussi la répression, la mort. Elle leur dit que « la Commune n’est pas morte » car des mouvements s’y réfèrent, au Rojava, au Chiapas, avec les Gilets Jaunes… Dans ce florilège, on rencontre les incontournables, Louise Michel, Jules Valès, Eugène Pottier, Léo Frankel… mais, surtout, des couturières, passementières, blanchisseuses, relieurs, lanterniers, ferblantiers, typographes, institutrices… elle nomme ces « sans nom » qui ont fait une révolution, ces gens modestes. « Vos élus étaient des « inconnus ». Des gens de rien ont pris l’hôtel de ville et offert une tout autre pratique politique. Oui votre Commune a été un extraordinaire et fascinant laboratoire du politique. Votre révolution communaliste, continue d’inspirer car vos questions sont actuelles. Elle écrit à Pélagie Daubain, arrêtée pour avoir proclamé « Je suis communeuse moi ! (communard est le mot de vos adversaires) ; à  Almicare Cipriani, engagé très jeune dans l’armée piémontaise, tu suis Garibaldi. Tu es un inlassable combattant à qui les frontières indiffèrent. A Georges Berin, elle demande : as-tu connu un certain F. Benoit qui conçoit une société émancipée avec : l’éducation pour tous les enfants, un vaste réseau de coopératives dont tous les membres pourront définir les conditions de leur travail et de leur production, un système de secours en cas de maladie et de pensions de retraite. A Angelina Sabatier, elle écrit : « Je crois que tu rirais aux éclats. Tu lis peut-être Proudhon ? Il propose le mutuellisme comme alternative au pouvoir du capital : un idéal d’égalité. Mais cette égalité ne semble pas nous concerner, nous, les femmes. Nous échappons complètement à son horizon.

C’est un livre d’Histoire par ceux qui l’ont faite et une leçon politique de ce que pourrait être, aujourd’hui, une société émancipée. A Victor Hugo, elle dit « Police partout, justice nulle part », ces mots, on ne sait pas qu’ils sont de toi. Tu les as prononcés à l’Assemblée au temps où la démocratie était rongée par un certain prince-président. Figure-toi que des Gilets Jaunes ont reproduit cette phrase sur leur gilet. Cela t’aurait fait drôle, tout de même. Tu n’as pas été Communeux, Hugo, tant s’en faut. Mais tu as été l’un des rares, très rares écrivains de ton temps à avoir compris l’évènement, à l’avoir salué à n’avoir jamais, comme tant d’autres, voulu son écrasement.

Formidable ouvrage, tant l’auteure réussit nous faire vivre avec les Communeux. OM

Ludivine Bantigny, la Découverte, 2021, 22€       

 

Citoyens,

 

Ne perdez pas de vue que les hommes

qui vous serviront le mieux sont ceux

que vous  choisirez parmi vous, vivant

votre propre vie, souffrant des mêmes maux.

Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus…

Défiez-vous également des parleurs,

incapables de passer à l’action…

Evitez également

ceux que la fortune a trop favorisés…

Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères,

des hommes du Peuple, résolus, actifs,

ayant un sens droit et une honnêteté reconnue.

Portez vos préférences sur ceux

qui ne brigueront pas vos suffrages ;

le véritable mérite est modeste

et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes

et non à ceux-ci de se présenter…

Si vous tenez compte de ces observations,

vous aurez enfin inauguré

la véritable représentation populaire,

vous aurez trouvé des mandataires

qui ne se considèreront jamais comme vos maîtres ».

 

Hôtel de Ville de Paris, 25 mars 1871.

Le Comité central de la Garde nationale (Commune de Paris)

(extraits)

 

 

 

Ils nous empoisonnent

 

Commerce toxique de pesticides…

 

Depuis 2018, l’UE interdit sur son sol l’usage de trois néonicotinoïdes (l’imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine), considérés comme des tueurs d’abeilles. En France, interdits par un vote du Parlement en 2016, ils sont à nouveau autorisés depuis nov. 2020, à titre dérogatoire, jusqu’au 1er juillet 2023, pour « sauver les producteurs de betteraves sucrières » ! Pour parfaire l’hypocrisie, le gouvernement vient de publier un plan pour « freiner l’effondrement des pollinisateurs » : à partir du 1er janvier, en période de floraison, les agriculteurs ne pourront épandre des pesticides que dans les 2 heures qui précèdent le coucher du soleil et dans les 3 heures qui le suivent. Toutefois, si une maladie imposait un traitement fongicide, les horaires l’épandage seraient élargis. D’autres dérogations permettent de les épandre en pleine journée si la température est « suffisamment basse »... Il va falloir doter les abeilles de montres qui sonnent la fin de la journée de travail et l’obligation de rentrer à la ruche… et surtout, recruter des vigiles qui verbaliseront les agriculteurs ayant tendance à oublier l’heure…

Pourtant, sonnent les alertes pour préserver la biodiversité car une espèce d’abeille sauvage sur dix est aujourd’hui menacée d’extinction en Europe et le taux de mortalité observé au sein des ruches françaises est passé de 10 % à 30 %. Par ailleurs, les papillons de nuit et autres insectes pollinisateurs  disparaissent sans un battement d’ailes. Les apiculteurs et défenseurs de la biodiversité ne pèsent rien face à l’agrochimie

 

Scandale absolu : si l’UE interdit l’usage sur son sol, elle continue à produire et à exporter ces pesticides ultra-toxiques (1). Entre sept. et déc. 2020, environ 4 000 tonnes de pesticides, contenant plus de 700 tonnes des 3 substances actives citées ci-dessus, ont été épandus sur 20 millions d’hectares de cultures, tuant des centaines de millions d’abeilles. Seule obligation : les fabricants de pesticides doivent transmettre à l’agence européenne des produits chimiques les quantités de néonicotinoïdes interdits qu’ils veulent exporter hors de l’UE. Neuf pays de l’UE pratiquent ce « commerce toxique » dont Belgique, France, Allemagne et Espagne. 65 pays sont destinataires de ces produits.

Les producteurs sont : Syngenta, ex-firme suisse aujourd’hui sous pavillon chinois ChemChina (plus des ¾ des volumes exportés) ; elle produit dans ses usines en Belgique, France, Espagne, Grèce, Autriche et Hongrie. Le Brésil, son meilleur client, épand ces substances sur ses gigantesques plantations de soja. L’allemand Bayer exporte dans une quarantaine de pays et produit en Allemagne, France et Espagne. D’autres sociétés participent à ce commerce, dont l’allemand BASF, l’américain FMC, l’australien Nufarm, le japonais Sumitomo ou encore l’indien UPL.

Ce commerce ne devrait plus être possible à partir du sol français, à compter de 2022, suite à la loi sur l’alimentation d’octobre 2018, interdisant la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non autorisées en Europe... Le lobbying agrochimique fonctionne à plein tube pour lever ces restrictions… à suivre.

 

OM, le 8.12.2021

 

(1)   Enquête d’Unearthed, de la cellule investigation de Greenpeace britannique et de l’assoc. suisse Public Eye, publiée le 18.11.2021

 

 

      Chasse à l’or blanc au Nevada

 

Des activistes campent dans la caldeira de Thacker Pass protestant contre un projet de mine d’extraction et de production de l’or blanc : le lithium. Cette cuvette désertique n’intéressait personne, sauf quelques ranchers et leurs vaches grignotant les plantes, jusqu’au jour où l’on y découvrit le plus grand gisement de lithium l’Amérique du Nord, ce métal alcalin indispensable pour fabriquer éoliennes, panneaux solaires, batteries de portables et de  véhicules électriques. La demande mondiale pourrait être multipliée par 40 dans les 20 prochaines années. De quoi redonner de l’intérêt à cette région désertique du Nevada ! L’entreprise canadienne Lithium Americas a un projet géant : une mine à ciel ouvert de 520 hectares, une usine de production d’acide sulfurique, un héliport, un site de déchets toxiques et un puits de 110m de profondeur, nécessitant 10 millions de litres d’eau/jour et 41 000 l.de diesel. Trump a saisi cet enjeu pour les Etats-Unis, jusqu’ici producteur insignifiant de lithium face à l’Australie, la Chine, le Chili et l’Argentine et a raccourci les délais des études d’impact, peu soucieux des conséquences environnementales désastreuses : le  lithium est séparé de l’argile avec une solution de 5 800 tonnes/jour d’acide sulfurique (transporté par camions) ; les rejets de cet acide seront ensevelis sur place, là où vivent des espères rares comme le tétras des armoises et le lapin pygmée ; compte tenu des besoin énormes (12 000 l/minute), l’eau devra être pompée dans la nappe phréatique et tant pis pour la protection des tombes amérindiennes sur ce site. Les quelques ranchers présents ont peu de poids pour s’opposer, même s’ils ont déposé, avec trois associations locales de défense de l’environnement, une plainte pour détournement d’eau. Ces militants ne sont guère optimistes d’autant que les habitants y voient une chance de développement (recettes fiscales, emplois). Le gouverneur démocrate voit déjà le Nevada devenir pour l’énergie ce que Wall Street est à la finance ou la Silicon Valley à la technologie. Pour les écologistes, Thacker Pass est l’emblème d’une réalité complexe : les solutions pour une énergie propre requièrent des métaux dont l’extraction est sale. « On fait croire aux gens qu’on va sauver la planète grâce aux voitures électriques » mais « si les humains continuent à détruire la biodiversité, les voitures, mêmes propres, ne leur seront pas d’un grand secours ».

 

La conquête de l’or blanc est lancée. En Serbie, l’australien Rio Tinto projette de construire la plus grande usine de lithium d’Europe pour fournir plus de 1 million de voitures électriques à l’industrie automobile européenne. En France, le groupe minier Eramet mise sur le lithium présent dans le sous-sol de Soultz-les-Forêts (Bas Rhin), en prélevant l’eau très chaude et salée à 5 000 m sous terre. L’eau puisée serait restituée au sous-sol avec un bilan carbone « proche de zéro ». Tous ces conquérants promettent que leurs procédés sont à faible empreinte environnementale…

 

Après l’or noir, l’or blanc. Pour répondre à quels besoins ?

 

OM, extrait d’articles du Monde  

 

 

 

COP 26. Extinction ou rébellion ?

 

A quoi a-t-on assisté à Glasgow ? Le dérèglement climatique fut l’occasion de défilés de milliardaires, venus en jets privés. Plus de 400 furent alignés sur le tarmac ! Il y eut également des hélicoptères pour ces messieurs de haut rang. On assista, qui plus est, à une véritable foire commerciale où s’exposèrent les multinationales les plus polluantes, y compris l’industrie digitale plus nocive que le transport aérien. 500 lobbyistes accrédités tenant stand à gogo à qui mieux mieux en dégagement de CO2 : Shell, Total, les géants miniers comme Rio Tinto, Glencore, Gazprom, Engie, EDF, sans compter les Hitachi, Microsoft, Sky, Bloomberg, Google, des constructeurs automobiles, Unilever le roi du plastic… tous partenaires de la… lutte contre le réchauffement climatique ( ?). En bonne place, de surcroît, les pays tels le Brésil de Bolsonaro, promouvant l’agrobusiness et la déforestation… durable, l’Arabie Saoudite au stand techno, le Qatar sous abri climatisé vantant ses maquettes mégalomaniaques censées préserver l’écosystème. Et, bien sûr, l’incontournable industrie nucléaire chère à Macron, bien qu’il ait été condamné deux fois par le Tribunal administratif et le Conseil d’Etat pour promesses non tenues… en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

 

Les climatologues et autres experts ont beau s’époumoner depuis des lustres, prédire qu’au rythme actuel ce n’est pas une augmentation de température de 1.5° mais, pour le moins, de 2.7° que va connaître la planète et que, dans ces conditions, c’est la catastrophe annoncée : les sourds n’entendent pas.

 

Plus question de discuter de la réduction de l’extraction des énergies fossiles, des transports aériens et maritimes : tout au plus concède-t-on dans ce cénacle qu’il pourrait y avoir des accords non contraignants. Interdire les subventions aux industries d’exploration, d’extraction, de raffinage : n’y pensez pas ! Le business, c’est tout de suite, comme la financiarisation de la nature. La solution résiderait dans le gigantesque marché du carbone sous l’égide de… l’ONU. Cette instance surveillera le bon déroulement de la pollution et de la compensation par l’achat de terres, la plantation d’arbres, l’expropriation des paysans et leur indemnisation sans trop de contraintes réglementaires. Tout cela n’a-t-il pas un parfum de multilatéralisme pour… les multinationales ? Mais voyez-vous, ces gens-là, sont généreux. Même s’ils n’ont pas atteint les 100 milliards d’aides par an aux pays du Sud et à ceux qui sont les plus vulnérables, comme les îles dans le Pacifique, ils promettent de s’y mettre en 2023, sous forme essentiellement de prêts ! Les dindons de la farce seront les pays les plus pauvres déjà surendettés. Ce sera le fonds vert(doyant) de la dépendance.

 

On retiendra de ce grand raout, la déclaration de Jeff Bezos, le milliardaire, qui, avec le tourisme spatial, envoie à qui mieux mieux du kérosène dans les cieux et met en avant sa fulgurante générosité de charité business. Ce fut une démonstration de pouvoir. C’est nous, les oligarques, qui décidons. Le GIEC, la rue, vous en avez assez dit, la santé de la planète on s’en occupe.

 

Deux belles annonces néanmoins : on va, paraît-il, s’en prendre au méthane dont la capacité de nuisance dépasse de loin, celle du CO2. Beaucoup de paroles pour réduire la taille des élevages… sans contrainte aucune.

 

Loin du grand bal des hypocrites, les rues de Glasgow résonnaient de protestations vigoureuses mais inaudibles aux oreilles des maîtres du monde. Au bord du gouffre, on mesure sa profondeur. Il n’est pas encore trop tard pour la rébellion.

 

GD, le 14.12.21  

 

Justice.

Refusons la pseudo-concertation citoyenne

 

La France compte 10.9 juges pour 100 000 habitants, la moyenne européenne est à 21.4 juges. Comme dans d’autres services publics, les magistrats sont épuisés psychiquement, physiquement. Depuis une vingtaine d’années et l’émergence du « nouveau management public », les tribunaux sont gérés comme une entreprise, soumis à des rendements antinomiques d’une approche humaine du justiciable ; le quinquennat Macron a aggravé cette vison comptable du service public et de la justice. Ainsi, dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, la limitation des enquêtes préliminaires à 2 ans concerne les affaires économiques et financières et non le contentieux de masse. C’est une disposition pour les riches. La généralisation des cours d’assises départementales, siégeant sans jury populaire, signe la mort de la justice criminelle. La réforme de l’irresponsabilité pénale va encore davantage sanctionner les « fous ». Le syndicat de la Magistrature s’est opposé à toutes les lois sécuritaires qui octroient des pouvoirs exorbitants à la police, à la sécurité privée. La France est devenue un Etat policier avec une militarisation phénoménale de l’espace public et un surarmement de la police. Sarah Massoud, Syndicat de la magistrature paru dans CGT ensemble (12.2021). 3 000 magistrats et une centaine de greffiers ont lancé un appel le 23 novembre « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout ». 

 

Horreur en « Arabie heureuse »

 

L’Arabie heureuse est le nom donné à une région du sud de la péninsule arabique par les Romains quand ils l’ont découverte. Son nom arabe était « al yiumna » qui signifie « prospérité ». En effet, la partie ouest était montagneuse et relativement bien arrosée, les habitants maîtrisant parfaitement les techniques d’irrigation. On y a retrouvé les ruines d’un barrage (2 000 avant JC) de 600 m de long et de 15 m de haut, associé à des canaux ; ces ouvrages permettaient de pratiquer une agriculture qui répondait, sans problèmes, aux besoins des populations. On vivait plutôt bien dans cette région, à cette époque. Elle correspond au Royaume de Saba, un parmi les nombreux qui occupèrent la région. Cette zone a bien changé : aujourd’hui, c’est le Yémen. En plus de ce passé prospère, ce pays d’une superficie égale à la France et peuplé de 28 millions d’habitants, possède une autre caractéristique surprenante : il est très jeune, puisqu’il existe seulement depuis le 22 mai 1990.

 

Depuis l’Antiquité, il fut composé de multiples royaumes autonomes, relativement à l’abri des convoitises des grandes puissances, ceci, jusqu’au développement du commerce mondial. Sa position géographique faisait alors d’Aden, le grand port du sud, une escale idéale sur la route des Indes. Le détroit de Bab al Mandeb permettait, lui, de contrôler l’accès à la mer Rouge, peu important dans un premier temps, mais qui devint vital à la construction du canal de Suez, en 1869. L’Empire ottoman contrôlait alors, partiellement et sporadiquement, la partie nord du pays et les Anglais, eux, la partie sud, en particulier le port d’Aden, dès 1880.

 

Union et désunion du Yémen

 

En 1962, dans le nord du pays, un coup d’Etat renversa le principal royaume. Cette partie devint la République Arabe du Yémen, dirigée par Al Abdallah Saleh. La capitale était Sanaa et le régime était pro-occidental. Le territoire de cet Etat, appelé communément le Yémen du nord, correspond à « l’Arabie heureuse » favorable à l’agriculture.

 

En 1967, dans la partie sud, zone désertique et beaucoup plus pauvre, une révolte contre les Britanniques donna naissance à la République Démocratique Populaire du Yémen (Yémen du Sud). Ce régime à parti unique, soutenu par l’URSS, fut immédiatement combattu par les monarchies du Golfe et les Occidentaux qui, par de multiples interventions militaires, tenteront de le déstabiliser. Malgré ces agressions répétées, le pays mit en place des réformes très progressistes dans cette région : éducation universelle, santé gratuite, égalité Hommes/Femmes inscrites dans la Constitution, code de la famille progressiste… Mais, économiquement, pour ce pays constamment en état de guerre, ce fut un échec et c’est, exsangue, qu’il entama les négociations d’union avec le Yémen du nord.

 

Arriva ce qui devait arriver : en 1990, naquit de cette union la République du Yémen. Ses voisins terrestres sont l’Arabie Saoudite au Nord, Oman à l’est et il a des  frontières maritimes avec la Somalie, Djibouti et l’Erythrée, par l’intermédiaire du golfe d’Aden et de la mer rouge. Le nouveau président fut celui du Yémen du nord, Saleh, idem pour la capitale, Sanaa. Cela créa immédiatement une rancœur des populations du sud, qui se sentirent, à juste titre, quelque peu flouées. Malgré cela, les débuts de l’union se passèrent plutôt bien. Une nouvelle Constitution fut adoptée : système politique multipartiste, élections libres. Par contre, la première grande décision de politique internationale qui fut de soutenir l’Irak dans la guerre du Golfe, en 1991, lui attira les foudres des USA et de l’Arabie Saoudite : la monnaie fut attaquée, dévaluée, et l’Arabie Saoudite expulsa 1 million de travailleurs yéménites de son territoire.

 

En 1994, les anciens dirigeants du Yémen du sud, exclus du gouvernement, firent sécession et proclamèrent la République démocratique du Yémen, soutenus par l’Arabie Saoudite qui ne voulait pas d’un  Yémen unifié et fort dans la péninsule. En juillet, l’armée yéménite reprit le contrôle du sud, mais le bilan fut lourd : près de 10 000 morts et l’exil de nombreux dirigeants de l’ex-Yémen du Sud. La réunification est à nouveau en place mais l’histoire de la République du Yémen commence bien mal, d’autant plus que les premières élections présidentielles (1999) mettent sérieusement en doute le régime multipartiste puisque Saleh est élu avec 96.3 % des voix (en 1990, il avait été nommé). Sa première mesure fait passer le mandat de 4 à 6 ans. En fait, il restera au pouvoir jusqu’en 2011.

 

« Révolutions » yéménites

 

Au début des années 2000, la situation semble stable, le gouvernement fort et pas très démocratique du « riche » nord domine le sud. Et pourtant, c’est du Yémen du nord que vont venir les ennuis pour celui-ci. En 1962, lors de la révolte contre la monarchie, le gouvernorat de Saada, région pauvre et enclavée à la frontière avec l’Arabie Saoudite, avait soutenu la monarchie et, après sa chute, le gouvernement yéménite du nord lui accorda une certaine autonomie. En fait, elle fut laissée totalement à l’abandon et la misère s’y développa. Un mouvement de contestation y vit le jour.

 

Une branche de ce mouvement se tourna vers la lutte armée : les Houthis. Ils se réclament du zaïdisme, une branche du chiisme ; leur devise est on ne peut plus claire : « Dieu est le plus grand. Mort à l’Amérique. Mort à Israël. Maudits soient les Juifs. Victoire à l’Islam ». Les Houthis ne sont pas des enfants de chœur mais, comme les talibans en Afghanistan, ils sont soutenus par une grande partie de la population car ils se sont substitués à l’Etat qui l’avait totalement abandonnée.

 

En 2004, de grandes manifestations font peur au gouvernement yéménite, déjà aux prises avec des foyers d’insurrection d’islamistes affiliés à Al Quaida. Il décide de frapper fort. Il intervient militairement avec le soutien de l’Arabie Saoudite ; des centaines de civils y perdent la vie ainsi que le chef houthi. Il sera enterré dans une prison de peur que sa tombe ne devienne un lieu de recueillement. Les populations civiles souffrent de l’utilisation de bombardements au phosphore blanc par l’armée yéménite et se rapprochent encore plus des Houthis. L’Arabie Saoudite envoie des hommes sur le terrain et, surtout, assure le blocus maritime de la côte nord du Yémen pour que les Houthis ne soient pas ravitaillés par l’Iran.

 

En 2011, quand le Yémen connaîtra, lui aussi, son « printemps arabe », cette région du nord est toujours incontrôlée par le gouvernement central. Le printemps yéménite sera très suivi, surtout par les jeunes et les femmes, et toujours de manière pacifique, malgré une répression forte (52 morts le 18 mars 2011). Les participants réclament plus de démocratie, la fin de la corruption et de meilleures conditions de vie. Sous la pression, Saleh quitte le pouvoir en 2012 ; il est remplacé par son 1er ministre, ce qui n’augure pas de grands changements. 2 000 morts, 22 000 blessés, 1 000 personnes arrêtées, c’est le bilan de cette « révolution yéménite ».

 

Tempête décisive et Redonner l’espoir : un fiasco

 

Les Houthis profiteront de cette période trouble pour avancer vers le sud et, en janvier 2015, ils prennent la capitale Sanaa, puis Aden. Ils contrôlent ainsi toute la partie riche du Yémen.

 

Pour l’Arabie Saoudite, il est insupportable de voir des chiites contrôler le Yémen. A partir de mars 2015, à la tête d’une coalition de pays sunnites (Emirats Arabes Unis, Qatar, Maroc, Koweït…), elle lance l’opération Tempête décisive, avec le soutien des USA. L’objectif est, par une opération militaire très intense, de chasser les Houthis vers le nord et de réinstaller le gouvernement yéménite. Les moyens militaires sont très importants : 150 000 hommes, 200 avions de combat, des navires… Du 26 mars au 21 avril 2015, la coalition mène en moyenne 120 raids/jour, pendant que la marine bloque les ports. Le 21 avril, la coalition annonce la fin de l’opération qui est un échec. Certes, les Houthis ont reculé dans le sud mais ils contrôlent toujours le nord, en particulier Sanaa. Le bilan humain est très difficile à connaître, mais les morts civils se comptent par centaines, victimes des combats, mais aussi du blocus imposé par l’Arabie Saoudite.

 

Le 21 avril 2015, l’opération Restaurer l’espoir remplace Tempête décisive. On y retrouve la même coalition, mais maintenant, soutenue par la vente d’armes et la formation, entre autres, par le Royaume-Uni, le Canada, l’Allemagne et la France.

 

Depuis cette date, cette opération s’est transformée en bourbier militaire où personne ne prend l’avantage, et surtout, en une catastrophe humanitaire pour les civils qui, en plus de la guerre, subissent, depuis 6 ans, le blocus imposé par la coalition avec l’aide de ses soutiens, dont la France. Profitant du chaos, Daesh et Al Quaïda tentent de prendre poids dans la zone à travers des attentats et autres exactions.     

 

C’est une situation dramatique pour la population : plus de 4 millions de Yéménites ont été déplacés à l’intérieur du pays vers des zones plus sûres, mais, aujourd’hui, tout le pays est en situation de guerre. 28 000 Yéménites ont fui leur pays. 20 millions de personnes (70 % de la population) dépendent de l’aide humanitaire. Celle-ci étant très irrégulière, s’installent alors des situations de famine. 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Six années de guerre ont gravement endommagé routes, hôpitaux, écoles… Le Yémen a vu revenir sur son territoire des maladies que l’on pensait éradiquées, comme le choléra (500 000 cas, 3 000 décès) et, tout comme ailleurs, le coronavirus s’est répandu. Il n’y a quasiment plus d’Etat au Yémen et les fonctionnaires ne sont plus payés. Le Yémen connaît la pire crise humanitaire actuelle.

 

La France, complice

 

Cette situation est souvent présentée comme la conséquence d’une guerre civile. Certes, il y a bien un conflit entre les Houthis chiites et l’armée yéménite (sunnite) mais c’est surtout une guerre de l’Arabie Saoudite qui ne veut pas voir les Houthis diriger le pays, devenant ainsi un allié de l’Iran à sa porte.

 

L’Arabie Saoudite a, ainsi, fait appel à tous ses amis pour se dissimuler derrière une coalition, mais c’est bien elle qui mène le bal. Ce sont des bombes américaines, britanniques, françaises qui tuent les civils yéménites. Barak Obama, prix Nobel de la paix, a vendu pour plus de 115 milliards d’armes à Ryad durant ses deux mandats. Il a utilisé des drones pour bombarder les populations civiles, bien plus que ces prédécesseurs. La France n’est pas en reste : elle a livré pour 1.4 milliard € de matériels de guerre à l’Arabie Saoudite et 300 millions aux Emirats Arabes Unis. Ces chiffres ne tiennent pas compte des ventes de ces derniers jours (cf encart). Rappelons que l’ONU, par la résolution 2216 de 2015, a instauré un embargo sur les ventes d’armes aux Houthis, mais pas sur celles de la coalition.

 

Dans ce concours d’hypocrisie, la Suisse est parmi les meilleurs. Elle a repris ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite en 2016, déclarant « qu’il n’y a pas de raison de supposer que ce matériel soit utilisé dans les hostilités au Yémen » !

 

Jean-Louis Lamboley, le 12.12.2021

 

Encart

 

Spécificité française

 

C’est le gouvernement, et lui seul, qui décide des ventes d’armes, le Parlement n‘a rien à dire.

 

Amnesty International affirme que toutes les parties prenantes au conflit (coalition, Houthis, Daesh, Al Quaïda) sont dans l’illégalité : attaques aveugles, bombardements illégaux (hôpitaux, écoles, marchés), détentions arbitraires, disparitions forcées, actes de torture, violences sexuelles, entraves à l’aide humanitaire, ces agissements sont des  crimes de guerre.

 

La France, par son soutien à l’une des parties en conflit, est donc complice de  ces crimes de guerre et du drame humanitaire qui se jouent au Yémen. La récente visite de Macron aux Emirats Arabes Unis et en Arabie Saoudite, notamment, avec les contrats d’armement signés, montre que c’est loin d’être terminé. Les emplois « sauvés » en France dans l’industrie de l’armement sont très chèrement payés par le peuple yéménite.