Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 19 janvier 2020


Les Amis de l’Emancipation Sociale
Soutien aux grévistes

« En solidarité avec les grévistes qui luttent depuis un mois contre le projet indécent de casse du régime des retraites et pour une véritable réforme solidaire, des réalisateurs, producteurs, distributeurs mettent à disposition leurs films au profit des caisses de grève ».
Les Mutins de Pangée   https://www.lesmutins.org

Les Amis de l’Emancipation Sociale, avec d’autres organisateurs (Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, CGT, les Gilets Jaunes, l’Atelier, LFI…), en soutien au mouvement social actuel, vous proposent les soirées suivantes, suivies de débats.
Les dons perçus lors de ces projections seront reversés aux Caisses de grève.
Contact aesfc@orange.fr  03.84.30.35.73 
 https://fr-fr.facebook.com/LesAmisdelEmancipationSociale


VESOULvendredi 24 janvier - 20 H – Maison des associations
La Sociale de Gilles Perret
70 ans plus tard, il est temps de raconter cette belle histoire de la « Sécu ». D’où vient-elle ? Comment a-t-elle pu devenir possible ? Quels sont ses principes de base ? Qui en sont ses bâtisseurs ? Qu’est-elle devenue au fil des décennies ? Histoire d’une longue lutte vers la dignité.

AUDINCOURT – dimanche 26 janvier – 17h – espace Gandhi
Une histoire de la grève générale de Olivier Azam et Laure Guillot
La semaine sanglante, la création de la CGT révolutionnaire des débuts, la catastrophe de la mine de Courrière, la grande petite peur de 1906, le midi rouge, la journée des 8 heures, le front populaire… Michel Gueca et Charles Jaquier racontent l’histoire des luttes syndicales au travers des idées et des actes qui ont marqué cet âge d’or et ont abouti aux conquêtes sociales qui fondent le monde du travail d’aujourd’hui

LURE – mardi 28 janvier – 20h30 – cinéma Méliès
et
BELFORT – jeudi 13 février – 18h30 au Bar Atteint
Acharnement. Poursuivis pour l’exemple de Mourad Lafitte
Film documentaire sur plus d’un siècle de répression à l’encontre de syndicalistes et militants depuis la grève des mineurs de 1906 jusqu’aux mouvements sociaux contre la loi Travail. A travers témoignages et documents d’archives il  analyse le traitement politique, médiatique et judiciaire réservé à toutes ces luttes et à ceux qui les ont menées.

BELFORT – vendredi 31 janvier – 18h30 – Bar Atteint 25 rue de la Savoureuse
Le grand procès de Macron organisé par Là-bas si d’y suis
Face à l’habile procureur Frédéric Lordon et au juge impitoyable Daniel Mermet, les avocats de la défense Christophe Clerc et Jean-Marc Daniel réussiront-ils à sauver la tête du président Macron ? A la barre, les témoins défilent pour que justice soit rendue
Drôle sur la forme, sérieux sur le fond, on en ressort regonflé à bloc.


autrefois
avec débauche de courtoisie
en gaieté la cour partait
à la chasse à courre
où seules les bêtes
payaient le prix de la curée

de nos jours
la cour
bien moins courtoise
depuis les balcons de la haute
cour
se contente de crier
cours
à ceux de la basse-cour
qui doivent courir
pour tenter de ne pas mourir
quoiqu’ils meurent
de courir ou de refuser de
courir

et la pauvre sale meute
qui court après les coureurs
n’a même plus de curée
ni chaude ni froide
car malgré ses illusions
les plus gros mâtins
finissent en gibier
avec ou sans potence

et là-haut
très haut
sur les combles des donjons
de la pensée courtisane
qui se pense courtoise
on échafaude de subtiles
théories
sur les gagnants et les perdants

un peu plus bas
dans les bas-fonds de la cour
ceux qui pensent
que penser
ne mène à rien
ni nulle part
se contentent de parier
sur qui
tout en bas
tombera le premier
se disant
doctement et
consciencieusement
après tout
les affaires sont les affaires
et dans notre affaire
rien à y faire
tout reste toujours à faire
et à refaire
tout est affaire
affaire de savoir faire
de bonnes affaires


Pedro Vianna
In Des nouvelles de la cour
6.VIII 2017



2020. L’année du chaos ?
(édito de PES n° 59)

Il est toujours hasardeux de discerner l’avenir immédiat, l’inattendu nous surprend toujours comme des Gilets Jaunes qui semblent sortir de nulle part. Il n’empêche. Des signes inquiétants surgis dans l’actualité récente confortent la perception de trois processus mortifères à l’œuvre : les cycles de mobilisations populaires suivis de répressions, de statu quo provisoire, voire d’instauration de régimes néofascistes, xénophobes et nationalistes ; la temporalité des guerres d’influence et des interventions militaires et ce, sur fond de dérèglement climatique de plus en plus prononcé.

Du Soudan, en passant par l’Algérie, l’Irak, le Liban et, en Amérique latine, l’Argentine contre le milliardaire Macri, pour n’évoquer que ces pays, des soulèvements populaires, par vagues successives, tentent d’effriter les pouvoirs en place. Ils s’insurgent contre la misère, la dégradation des conditions de vie, l’austérité. Ils s’en prennent aux tyrans, aux kleptocrates… Dans l’action, ils apprennent à se défaire, difficilement, des représentations religieuses (Liban, Irak) qui les divisent mais… restent toujours sans perspective. Leur seule boussole se limite au dégagisme avant qu’il ne soit l’objet de répressions sanglantes (Egypte, Iran) ou d’une lassitude momentanée avant un nouveau rebond. Comme disent certains Algériens, les manifestations du vendredi ne suffisent plus. La construction organisée d’une transformation révolutionnaire réelle ne semble pas encore être à l’ordre du jour.

L’affaiblissement relatif de l’empire états-unien provoque en retour la constitution de blocs de puissances qui minent son hégémonie. La logique guerrière des Etats-Unis en Afghanistan, en Irak… sont autant de défaites non assumées. « Ces guerres sans fin » qui ont attisé les conflits religieux, semblent conduire le tigre blessé à se retirer dans sa tanière, tout en devenant toujours plus agressif. Il s’enferme dans une insoutenable spirale de représailles. Inaugurés par Obama, en particulier au Yémen, les assassinats ciblés sont autant de réactions au sentiment d’humiliation ressenti (manifestation contre l’ambassade US en Irak). Comme dit le rugissant Trump « on manque de respect pour les Etats-Unis ». La décision bravache, unilatérale, de briser l’accord sur le nucléaire avec l’Iran pourrait transformer cette guerre non déclarée (blocus, sanctions) en guerre réelle. Au bord du gouffre, chacun des protagonistes retient son souffle… Mais des coalitions se tissent, des ambitions s’engouffrent, profitent des faiblesses supposées des autres : La Russie de Poutine derrière l’Iran, derrière la Turquie, soutenant mordicus le boucher Assad en Syrie et envoyant désormais ses mercenaires en Libye pour détrôner le gouvernement Sarraj, installé à Tripoli par ladite communauté internationale.

Et puis, derrière les Etats-Unis et leurs supplétifs européens, fournisseurs d’armes de destruction massive, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis qui supplicient la population du Yémen et prétendent faire rendre gorge aux chiites houthistes du Yémen, soutenus par l’Iran éloigné. Derrière les masques religieux de haines exacerbées et instrumentalisées, Mahomet ne reconnaît plus les siens ! Surtout si l’on y rajoute le sultan Erdogan qui lorgne sur le pétrole en mer de Chypre. Il conclut à cet effet un accord avec la Libye de Sarraj et menace d’intervenir militairement comme il l’a fait en Syrie contre les Kurdes. Les « somnambules », pour reprendre un titre d’un livre retraçant le processus de déclenchement de la 1ère guerre mondiale (1), dansent au bord du volcan. Pour l’heure, ils provoquent de multiples migrations des populations, leur exil ou leur internement dans des camps de misère.

Pire, ces guerres suscitent la dissémination, le regroupement de mercenaires et de trafiquants qui, comme au Sahel, n’ont aucune difficulté à recruter des jeunes miséreux. A ces djihadistes en herbe, plutôt que le Coran, on offre une moto, une arme, voire une femme pour une « vie d’aventures » meurtrières. Et les interventions militaires ne font qu’aggraver et répandre la tumeur.

Les maffias constituées, soit de fous de dieu ou de gangs comme en Amérique latine, sont les sous-produits délétères d’un système dérégulé où les profits et la puissance qu’ils confèrent, impliquent une concurrence exacerbée et des alliances versatiles.

Cette évocation des blocs de puissance qui s’affrontent ne saurait occulter la rivalité essentielle : celle de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine où les sanctions et la justice extraterritoriale des uns se heurtent aux mesures de rétorsion de l’autre. L’impérialisme économique et commercial de l’Empire du milieu continue sa trajectoire. « Le collier de perles » emprunte désormais, à coups de brise-glace, la route du Pôle Nord très convoitée. Elle regorgerait de pétrole et de terres rares ; la fonte des glaces serait une opportunité ! Quant à la montée des eaux des océans, leur acidité, leur pollution, le réchauffement et le dérèglement climatiques, ce n’est pas le souci du business.

Quoique ! Trois mois de feux ravageurs en Australie, de gigantesques murs de flammes qui projettent des pelletées de braises, le bruit de la fournaise ronflante se mêlant aux hurlements des animaux qui grillent, des populations affolées, évacuées, des villages et même des villes détruites au milieu des forêts carbonisées (40 à 50 %) ne suffisent pas à convaincre les lobbies du charbon et les climato-sceptiques, toujours dans le déni. Va-ton assister à une vague de dégagisme des Australiens avant que certains d’entre eux, en nombre, fassent partie des cohortes de réfugiés climatiques à venir, de ces migrants que le gouvernement australien a refusé d’accueillir !

Ceci dit, si le pire n’est pas certain, il semble bien que les conditions économiques et sociales permettant la coordination programmatique des actions de mobilisations, continuent à faire défaut. A ceux qui se bercent d’illusions en stigmatisant la croissance, faut-il rappeler qu’elle signifie croissance des inégalités, de la précarisation et de la misère du plus en plus grand nombre. Le repli individualiste ou nationaliste et xénophobe n’est que l’envers de la mondialisation financiarisée et guerrière. De fait, le chaos est déjà là, la seule question qui vaille, c’est comment en sortir collectivement.

GD le 12.01.2020  

(1)   Les somnambules. Eté 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre. Christopher M. Clark, Flammarion, 2013 


Nous avons lu
Silencios
C’est l’histoire, terrible, de l’équipe de rugby de la Plata en Argentine, au moment de la dictature de Videla. Elle est rédigée comme un polar, relate l’audace et le courage des joueurs de l’équipe qui défient le pouvoir et refusent de partir après le meurtre de leur capitaine et de ceux qui suivront. Jeunes résistants face à un pouvoir implacable qui raye de la vie une liste interminable de noms,  des desaparecidos tués sans même avoir le droit de figurer sur la liste des morts. L’auteur s’est aussi beaucoup intéressé à des faits survenus en Italie, où un autre ennemi la Cosa Nostra ne faisait pas de prisonniers. Ce livre ne veut pas raconter les faits mais imagine les pensées et les gestes de ces garçons qui ont choisi de rester et de mourir. Seul le nom de Raul, le survivant, est conservé dans le livre. « Ce qui compte, dit l’auteur, c’est comment ils ont vécu. Comment ils ont su dire non ». OM
Claudio Fava, J’ai lu, 2018 (5€)



Caisse de grèves. Soutien aux cheminots

A ce train-là !
Suis-je devenu sourd
que je n’entends plus siffler le train ?

Ce n’est pas parce que je galère de plus en plus en voyageant en train que je vais casser du sucre sur les cheminots. Casser leur statut, tous les gouvernements en ont rêvé. Voilà, c’est pratiquement fait. A chacune de leurs grèves, les cheminots sont systématiquement désignés comme « privilégiés ». 1947, 1953, 1963, 1995, etc… les cheminots ont fait de longues grèves pour défendre leurs acquis, pour en obtenir de nouveaux. En 1963, leur grève a duré 19 jours. Le gouvernement d’alors a cédé et leur a accordé une 3ème semaine de congés payés. Cette mesure a été étendue à tous les ouvriers de France. Les deux premières semaines avaient été obtenues grâce aux grèves de 1936.
Moralité : le combat de « privilégiés » tire les avantages vers le haut pour tout le monde.
Solidarité avec les cheminots ! Bébert

Caisse de solidarité pour les grévistes 
Cagnotte en ligne sur :
 lepotcommun.fr/pot/solidarite-financiere
Par chèque à l’ordre de Info’Com-CGT - Caisse de solidarité,  à envoyer Info’Com CGT –
4 rue Guyton de Morveau   75013 Paris


Qui va battre en retraite ?

Le projet Macron/Philippe s’inscrit dans la logique de ce que la droite a fait insuffisamment et ce que ladite gauche a consenti (cf encart).
Macron, le commis du capitalisme financiarisé, prétend mettre la grande majorité des français au diapason des pays qui ont emprunté la voie de la régression sociale  afin de faire bénéficier la finance et les multinationales de l’hexagone, d’une force de frappe suffisante pour affronter la concurrence internationale. Le refrain, psalmodié, sur la « nécessaire » compétitivité  n’a pas d’autre objet que de faire admettre qu’il ne peut en être autrement ; cela est relativement vrai dans le cadre du système de la mondialisation financière dérégulée : la levée des barrières douanières, des « contraintes » réglementaires vise en effet à accélérer la circulation du capital et sa concentration.

Le salaire différé, assuré par le système de retraite par répartition, assis sur la cotisation des travailleurs et du patronat, constitue une conquête d’un autre âge, pour les dominants : celui du capitalisme contraint de se limiter après la crise de 29-30 et la 2ème guerre mondiale. Qui plus est, en France, il a trop longtemps échappé à l’Etat. Enfin, la cogestion entre « partenaires sociaux » de cette manne financière n’est plus de mise. Elle se doit d’être accaparée par les fonds de pension, dits d’investissement. Ces derniers sont un formidable levier pour le capital. Les fonds investis dans les firmes internationales (outre le recours à l’emprunt) incitent non seulement à toujours plus de rendement pour les dividendes des actionnaires, mais également à des fusions-acquisitions-concentrations du capital, exacerbant les tensions-contradictions économiques et commerciales entre les firmes et les Etats.

Cette introduction vise à resituer le projet macronien. Macron n’est que l’homme de main de ses commanditaires. Le contexte et la manière dont « sa réforme » dite universelle a été concoctée en sont l’illustration. Les fourberies propagandistes mises en œuvre révèlent en creux la difficulté rencontrée pour faire admettre l’inadmissible. Enfin, dans cette offensive menée contre les intérêts des classes ouvrières et populaires, force est de constater que la défensive qui lui est opposée ne peut qu’aboutir au mieux à un statu quo, voire à des reculs.

Les superviseurs de Macron et son ordre de marche

Le contexte est significatif : depuis le 1er janvier 2019, les dividendes versés aux actionnaires du CAC 40 (les 40 plus grandes entreprises cotées en Bourse) ont augmenté, en moyenne, de 20 %. LVMH, cette industrie du luxe pour milliardaires, a battu tous les records : les profits distribués ont bondi de 68 % ! Manifestement, ce n’est pas assez et ce, malgré la suppression de l’ISF et les cadeaux versés sous forme de CICE et autres exonérations de cotisations patronales.

Le 29 mai 2018, la Commission européenne réclamait des « mesures fortes » visant à réduire de plus de 5 milliards les dépenses publiques à « l’horizon 2022 ». Macron s’y est attelé en diminuant de 1,3 milliard le versement d’indemnités chômage. Cette escroquerie sur la solidarité des sans-emplois renforce encore leur appauvrissement, puisque seuls 42 % des 6,6 millions d’inscrits à Pôle Emploi sont (encore !) indemnisés.

En fait, à peine en place, le mal élu par défaut, s’est empressé d’inviter une poignée de financiers de haut vol, et ce, en octobre 2017. Il s’agissait de leur présenter son programme. Parmi ces hauts dignitaires, Fink, le PDG de BlackRock, le géant des fonds de pension états-unien. Il pèse 6 000 milliards de dollars, dispose de 34 000 employés, couvre plus de 30 pays, est présent (et actionnaire) dans 17 000 Conseils d’administration dont Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et, en France, il estime être encore insuffisamment propriétaire d’actions de BNP Paribas, Axa, Renault, Bouygues, Total, Vivendi, Société générale…

D’ailleurs, peu de temps après ce tour d’horizon lucratif, Macron reçoit Jean-François Pirelli, PDG de Balckrock France, ce grand serviteur de la voracité des actionnaires, celui qui avait réussi la privatisation de GDF. Il l’invite à piloter les « réformes structurelles prioritaires ». En juin 2019, rendant son rapport dit « loi Pacte », il exulte : « nous présentons nos recommandations permettant l’épargne capitalisée afin de la rendre attractive. Elle s’inscrit dans le cadre du plan Juncker, le président de la commission européenne, comme complémentaire de la retraite à points », pas encore dévoilée ! A charge pour Macron et ses hommes de mains de la faire accepter sans qu’il apparaisse trop crûment que les futurs retraités vont y perdre. L’ordre de marche était tracé.

Puis vint la concertation-bidon présidée par l’entremetteur dévoyé, le triste sire Delevoye. Il se fait lui-même grassement rémunéré (outre ses fonctions), en toute illégalité, par des assureurs privés. Et ça a duré jusqu’au 5 octobre, l’intersyndicale CGT-FO-SUD-FSU n’était pas dupe des couleuvres que l’on voulait leur faire ingurgiter malgré toute la démagogie « explicative » déployée.

Les fourberies macroniennes

D’abord duper pour endormir afin de mieux se déjuger sans le dire. Macron, le 25 avril 2018, lors de sa conférence de presse, a clamé haut et fort que « tant que l’on n’a pas réglé le problème du chômage, ce serait hypocrite (sic) de décaler l’âge de la retraite. Passer à 64 ans… n’est pas possible ». Puis vint l’air connu : les actifs se doivent de travailler plus longtemps, ils vivent plus vieux, il faut assurer l’équilibre des comptes… sans toucher au grisbi des employeurs, pas question d’augmenter les « charges » des cotisations patronales. « Vous aurez le choix », l’âge légal du départ restera à 62 ans ! mais il faudra travailler jusqu’à 64 pour obtenir une retraite (dévalorisée) à taux plein. Peu importe que le taux d’emploi des 60-64 ans ne soit que de 31 %, que 900 000 actifs de plus de 55 ans soient demandeurs d’emploi car pas assez productifs, trop coûteux pour les employeurs... Cette réalité doit être occultée.

Et l’on scanda sur toutes les ondes que la retraite à points, est lisible, équitable, moderne, équilibrée, elle vise à réduire les inégalités en supprimant les régimes spéciaux injustes. Les 3 % de salariés concernés, surtout ceux de la SNCF et de la RATP, vont dès lors servir de boucs émissaires. La « justice » macronienne, c’est tirer les revenus des classes moyennes et populaires vers le bas tout en faisant croire que la régression sociale annoncée bénéficierait aux précaires, ceux qui ont des carrières en dents de scie, alternant chômage, intérim, CDD : 1 000€ leur seraient assurés… pour une carrière pleine de 41 annuités jusqu’à 64 ans ? Quand ? Alors que le minimum vieillesse est actuellement de 903 € ! Et pourquoi donc Macron-Philippe ont-ils refusé le minimum de pension des non-salariés agricoles à 860€ en 2018 ?
Et les femmes seraient mieux loties ! Elles obtiendraient 5 % de bonus par enfant et ce serait mieux que les 8 trimestres dont elles bénéficient actuellement. Et le calcul de leur pension sur les 25 meilleures années ? Ce serait mieux de travailler jusqu’à 64 ans avec une pension calculée sur l’ensemble de la carrière à points, souvent hachée, dont on ne sait comment les points seront obtenus et encore moins la valeur du point lors du calcul de la pension.

L’entourloupette est une grosse ficelle pour idiots désinformés qui s’y laisseraient prendre.
Oui, la pénibilité, on y pense, rien n’est acté, chante le chœur macronien, après avoir exclu 4 critères de pénibilité comme l’utilisation du marteau piqueur et les charges lourdes. Oui mais la négociation se poursuit, certains pourraient partir 2 ans plus tôt que 64 ans ! 62 c’est mieux que 60 ans !

Avec les fonctionnaires, en particulier les enseignants, il paraît plus difficile, même avec l’usage de la novlangue, de faire croire que la régression est un progrès social. Leurs salaires sont bloqués depuis plusieurs années et la suppression du calcul de leurs pensions sur les 10 dernières années les effarouche. Pour rendre la potion moins amère, Blanquer a joué l’apaisement : les primes, disparates, pour ceux qui les touchent, seront intégrées dans les salaires et ceux-ci seront revalorisés, sous condition de restructuration-modernisation de leurs métiers mais pas avant 2021 et échelonnés jusqu’en 2037 ( ?). La concertation-bidon doit continuer : vous n’avez donc aucune raison de rejoindre les grévistes.

La tactique macronienne consiste, non seulement à jouer la montre dans l’opacité jusqu’au pourrissement de la mobilisation sociale, mais également la division des corporations tout en exacerbant les égoïsmes. Il y a bien eu quelques cacophonies entre la clause du grand père, l’âge pivot et l’âge d’équilibre. Il n’en demeure pas moins, qu’à terme, l’usine à gaz construite risque de nombreux grippages. La litanie assénée à cet effet, c’est « voyons ! dans votre grande majorité, vous ne serez pas concernés ou pas tout de suite ». Le régime unique ne s’appliquera qu’en 2037. Seuls ceux nés après 1975 verront leurs annuités converties en points. Seuls ceux qui commenceront à travailler en 2022 seront sacrifiés sur l’autel à points… Parier sur les égoïsmes générationnels, ça va marcher ? Pas sûr ! Le maintien des avantages pour les militaires, les policiers, pour mater les « désordres » à venir, tout comme ceux consentis plus ou moins pour les agents de compagnies aériennes, les petits rats de l’Opéra… sont autant d’éléments de perte de crédibilité d’un pouvoir qui n’en a guère. Renoncer à piquer dans les caisses autonomes doit être un crève-cœur si certains persistent toujours, comme les avocats, à se mobiliser et les dossiers à s’entasser dans les prétoires. A terme, une pétaudière ? Et puis, il y a ces hospitaliers qui réclament toujours plus de moyens, de lits, d’effectifs et nombre de médecins du public menacent de démissionner.

La résignation l’emportera-t-elle ?

Le projet macronien consiste à universaliser la précarité. La valeur du point révisable à la baisse sera la variable d’ajustement. Pour les plus aisés, c’est l’incitation à souscrire une retraite complémentaire auprès des fonds de pension. Une fois ouverte, cette porte cassera la solidarité au profit des solutions individualistes. L’âge-pivot à 64 ans, pour l’heure, brandi pour des raisons dits d’équilibre financier, poussera ceux qui le peuvent à retarder l’âge de départ.

Après plus de 40 jours de grève de la locomotive de la mobilisation sociale, après nombre de manifestations, le mouvement ne s’est guère élargi. Il y a plusieurs raisons que l’on peut évoquer pour comprendre. Elles s’inscrivent dans les reculs successifs produits par les délocalisations-licenciements, la sous-traitance, le recul des droits des travailleurs. A terme, Macron l’a indiqué, l’activité syndicale se devrait d’être cantonnée aux entreprises et établissements par la suppression des conventions collectives et des statuts.

L’affaiblissement des syndicats qui en a résulté, tout particulièrement dans le privé, leurs divisions, leurs postures négociatrices faites de reculs successifs, face au rouleau compresseur du néolibéralisme, rendent partiellement compte des difficultés rencontrées pour mobiliser les salariés même si dans la dernière période, le paysage syndical autour de la CGT, SUD, FO et FSU permet d’entrevoir des possibilités de radicalisation.

Plus fondamentalement, la montée de la précarité et de l’aquoibonisme s’est largement répandue sur fond d’individualisation des rapports sociaux. L’on pouvait espérer toutefois que les gros bataillons qui restent dans l’automobile, les raffineries… la fonction publique, rejoignent en masse le mouvement. Ça ne semble pas être le cas.

La sympathie pour le mouvement gréviste existe toujours mais cette grève par procuration n’est pas à même de modifier le rapport de forces. Qui plus est, la jeunesse, les étudiants, les lycéens, comme d’autres, en perte de repères historiques, semblent étonnamment passifs, à la différence de la génération mobilisée contre le CPE (2006).

Le mot d’ordre de convergence des luttes est donc resté incantatoire. Il ne peut en être autrement tant qu’un effort d’implantation d’équipes syndicales déterminées dans les boîtes ne sera pas entrepris. Telle ne semble pas être la stratégie des directions syndicales empêtrées encore, pour la plupart, dans le jeu de pressions et de négociations qui n’en sont pas. Rester sur la défensive, viser le simple retrait du plan-retraite de Macron, c’est tenir la tranchée jusqu’à reculer encore. Or, ce sont les tranchées adverses qu’il faut conquérir : augmentation des salaires, abrogation des lois « travail », amélioration des conditions de travail... Il ne s’agit pas seulement de stopper Macron mais, pour le moins, de lui pourrir sa fin de mandat. Viser le pouvoir, les Gilets Jaunes l’avaient compris, mais pas encore la masse des salariés, voire des partis politiques de « gauche » qui font miroiter les élections à venir.

Pour changer la donne, l’une des conditions réside dans l’auto-organisation démocratique des noyaux militants luttant pour l’émancipation sociale du travail. Certes, ce ne sera pas suffisant. Macron l’a compris, il évite d’afficher son arrogance, sa morgue et son mépris, sujets à de brusques et irrépressibles émotions populaires, accélératrices de prises de conscience. En effet, désormais, la vie digne, la reconnaissance du travail accompli, la retraite décente auxquels aspire l’immense majorité, semblent inatteignables dans le cadre de la logique du système capitaliste. Faire croire le contraire comme s’y acharne le mauvais berger de la CFDT ne créera que des illusions momentanées.

Berger, ignare ou complice ? Peut-il ignorer que la retraite à points, mise en œuvre en Suède depuis 2011, a fait reculer les pensions versées de 20 à 30 % ? A-t-il la mémoire courte, lui qui a signé les accords pour baisser les retraites complémentaires capitalisées d’Agirc-Arrco, le taux de rendement du point est passé de 16 % au milieu des années 60, à 7,15 % en 2000 et à 5,99 % en 2018. N’a-t-il pas pris connaissance du projet de loi macronien, notamment de son article 10 qui précise que « l’âge d’équilibre augmentera avec l’espérance de vie » et, plus généralement, que le « taux de service du point » (donc l’attribution du nombre de points peut baisser) ainsi que la valeur du point, décisions prises par l’Etat.  Ignorant, non, mais complice, assurément.

Contre ces régressions, la lutte idéologique s’impose comme ont su le faire en leur temps, les anarcho-syndicalistes ou la CGTU vis-à-vis de la CGT de Jouhaux approuvant la répression contre les grévistes. Les prises de position de la CFDT suivies par les cohortes de l’UNSA et de la CFTC n’ont d’autre objectif que de cogérer les reculs sociaux. Berger l’a dit : sans nous, l’âge pivot c’est trop brutal, avec nous, le gouvernement trouvera la solution d’une « gouvernance responsable permettant d’établir (au coup par coup) l’équilibre financier (régressif) à court, moyen et long termes ». L’amputation doit se réaliser en douceur. Comme Notat en son temps, le Berger faut le virer. Macron et sa clique lui trouveront toujours des lots de consolation. Mais cette possibilité ne peut résulter que d’une volonté de sa base, soutenue par la critique de la stratégie de collaboration.

GD le 16.01.2020  

Encart

Des conquêtes sociales…
1945 – création de la Sécurité sociale. Système de retraites par répartition, géré par les représentants des salariés (syndicats)
1956 – création du minimum vieillesse
1982 – abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans

… à la régression continue, de gauche et de droite

1967 – introduction du système dit paritarisme : le loup patronal entre dans la gestion de la SS et trouve des appuis syndicaux
1991 – création de la CSG, un impôt pour financer la SS, l’Etat s’introduit dans la gestion
1993 – allongement de la durée de cotisations de 37,5 à 40 annuités – calcul de la pension, pour le privé, à partir des 25 meilleures années au lieu des 10 -organisation de la baisse du taux de remplacement
1998 – augmentation et généralisation de la CSG
2003 – augmentation de la durée de cotisation appliquée à la fonction publique (40 annuités)
2008 – allongement « progressif » de la durée de cotisation (41 annuités en 2012) sauf militaires, policiers…
2009 – mise à la retraite d’office portée à 70 ans (au lieu de 65)
2010 – relèvement « progressif » de l’âge de la retraite à 62 et 67 ans pour ceux qui n’ont pas assez cotisé
2012 – à partir de 2017, âge légal de départ (possible) fixé à 62 ans
2014 – allongement « progressif » de la durée de cotisation jusqu’à 43 annuités en 2035
2019 – vote de la loi de financement de la SS (art. 3) : l’Etat s’exonère de toute compensation lorsqu’il impose la baisse des cotisations sociales aux « partenaires sociaux » - projet de loi Macron sur les retraites, dans son article 10, il est écrit : « l’âge d’équilibre augmentera avec l’espérance de vie »…


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La police des migrants
Ce petit livre collectif est le produit du programme de recherche placé sous la direction de l’anthropologue Michel Agier. Il réunit 40 chercheurs, répartis sur une quinzaine de sites en Europe et à ses portes. Le résultat est sans appel : les Etats ont placé leur police en première ligne de la gestion des migrations. Il s’agit de filtrer, disperser, harceler, décourager, renvoyer… Il institue de fait le droit des Etats de tuer, laisser mourir ou se noyer : le massacre de Tarajal en 2014 (p. 90-92) pour accéder à la plage de Ceuta, les renvois en plein désert pratiqués par la police marocaine… en attestent. Les migrants victimes de l’exploitation néocoloniale, de la dictature, rançonnés par les passeurs, voire réduits en esclavage en Libye, sont traités comme des sous-hommes. L’octroi d’aides au développement des pays du Sud est conditionné à l’imposition de contrôle aux frontières, à la réadmission de leurs ressortissants expulsés d’Europe. Sur ce continent « d’accueil » ( !), le déploiement de l’arsenal policier permet l’accumulation des violences psychologiques et physiques à leur encontre. L’institution d’objectifs chiffrés, d’expulsions, en 2004 en France (Sarko), cette « culture du résultat » assortie de « primes au mérite » se conjuguent avec la destruction des bidonvilles et autres habitats précaires et la multiplication des contrôles au faciès. S’institue dès lors une hiérarchisation sociale et raciale, imprégnée de la résurgence du passé colonial discriminatoire. Le traitement des migrants est la pointe avancée des politiques de deshumanisation des rapports sociaux. GD
Collectif Babels, le passager clandestin, 2019, 10€


Hôpital. Y’a urgence

Macron, en son verbiage, annonce « sa réforme majeure » : le « Plan Santé 2022 » pour « mettre le patient au cœur du système », « développer la prévention et la qualité des soins », faire de « notre système de santé, le pilier de l’Etat providence du 21ème siècle » et bla-bla-bla et bla-bla-bla… Alors que la grève des urgences, déclenchée en mars 2019, s’est étendue à l’ensemble des services hospitaliers, constitués en Collectif inter-urgences pour revendiquer en priorité : augmentation des salaires, ouverture de lits et embauche de personnels, ainsi qu’un autre financement des hôpitaux, dénonçant la tarification à l’activité notamment, Macron-Buzin n’ont foi qu’en « l’hôpital-entreprise » : le soin est un objet de production au service de la marchandisation de la santé au détriment du service public. Tel le médecin malgré lui, Macron applique le remède de « l’austérité, vous dis-je, l’austérité ! ». C’est que le malade est coriace car, depuis plus de 40 ans de médications inadaptées, il survit grâce à ses soignants, ses usagers qui défendent l’hôpital public. Les docteurs Diafoirus se sont succédé jusqu’à Macron, pour appliquer les remèdes de la saignée…  jusqu’à la mort clinique ? Est-ce encore possible de sauver l’hôpital public, l’un des pivots du système de santé permettant à chacun d’accéder à des soins de qualité en toute égalité ?

Le moindre soin au meilleur coût !

Tel est le remède : maîtrise des dépenses publiques. Il a inspiré nombre de gouvernants depuis 1979 (Giscard/Barre), date à laquelle le ministre de la Santé fut autorisé à fermer des lits. Dès lors, se succèderont les contre-réformes hospitalières, créant de nouveaux outils pour la privatisation par la contrainte budgétaire. Ainsi la part de l’hôpital dans les dépenses d’assurance maladie est passée de 43 % en 1983 à 36 % en 2010, le service public de santé est ramené à ses missions d’assistance aux plus pauvres et à quelques missions non rentables, pour laisser la place au secteur privé là où il peut réaliser des profits.
En 1983, le gouvernement dit socialiste institue le « budget global », chaque établissement reçoit une enveloppe budgétaire fixée à l’avance en fonction d’un « taux directeur » et doit y faire entrer l’ensemble de ses dépenses. Il ouvre la brèche dans la gratuité des soins hospitaliers avec le « forfait journalier », contribution quotidienne non remboursée par l’assurance maladie dont le patient doit s’acquitter. En 1991, la loi Evin impose aux établissements publics l’élaboration d’un « projet d’établissement » et instaure les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) sur la base desquels les préfets pourront fermer des lits, restructurer les établissements, développer la « coopération public-privé ». En 1995, Juppé institue le vote annuel d’une enveloppe nationale fermée des dépenses hospitalières dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale : l’ONDAM – objectif national des dépenses d’assurance- maladie-hospitalier. Naissent les Agences régionales d’hospitalisation (ARH), bras armée de la « réforme » qui attribuent les budgets, les autorisations de fermeture, de regroupements et de privatisations. Jospin/Aubry (2000) ne changent pas de cap. Les 35 H à l’hôpital, sans embauches en compensation, contribuent à la dégradation des conditions de travail.
Chirac accélère le mouvement : le « plan Hôpital 2007 » attribue des crédits d’investissement aux établissements privés et publics qui acceptent restructurations et fusions. Notons que ces crédits servent également à rembourser les emprunts contractés par les établissements, exsangues, auprès de banques. Il crée la « tarification à l’activité - T2A » : chaque établissement public ou privé est financé en fonction de sa production d’actes de soins et de sa rentabilité. Produire plus avec moins ! Premières visées, les dépenses de personnel (70 à 80 % des dépenses hospitalières. Se met en place une sélection des malades et des pathologies soignées, une concurrence au moins-disant entre public et privé. L’hôpital-entreprise, pour financer ses investissements, soit  « dégage des marges », soit accroît la productivité du travail, soit s’endette. La dette des hôpitaux a triplé entre 2005 et 2015 et atteint 29 milliards € sur une masse budgétaire de 74 milliards. Et, pour la mise en œuvre, une « nouvelle gouvernance » est instituée, par pôles, pour organiser la polyvalence généralisée, et par là-même, la réduction des effectifs. Bachelot et sa loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires », en 2009 remplace les ARH par les ARS – Agences régionales de Santé - étendant leurs domaines de compétence à la médecine de ville libérale et au secteur médico-social. Elle crée les « communautés hospitalières de territoires », renforce les pouvoirs du directeur d’établissement, qui peut être relevé de ses fonctions par l’ARS.
Depuis 2012, les lois de financement de la Sécurité Sociale votées n’ont cessé de diminuer le budget de l’hôpital public, exigeant la « maîtrise de la masse salariale ». La loi Hollande/Touraine (2016) rend obligatoire le Groupement Hospitalier de Territoire, projet pour contraindre la coopération médicale entre établissements, assorti de sanctions pour les récalcitrants. Et, dans la continuité : le « plan Santé 2022 » de Macron/Buzin.

Au diable, les usagers ! L’hôpital-entreprise a des conséquences sur l’accès aux soins et sur leur qualité. Au diable les professionnels confrontés à des conditions de travail exténuantes et à risques. Priorité à la logique comptable : « un lit vide est un lit non rentable ». Au diable, les exigences de disponibilité de lits et de personnels pour faire face à l’imprévu ! L’heure est à la généralisation de la polyvalence et de l’intérim ! Le travail des soignants se réduit à la part purement technique, au détriment de toute dimension relationnelle et sociale. Les  soignants voient leur part d’activités administratives augmenter avec multiplication des procédures, des réglementations… Manques de personnels, horaires décalés, travail en 12 heures, suppression de repos, de congés, rappel illégal du personnel… Arrêts de courte durée, non pris en compte dans le remplacement… Personnels sous traitement, augmentation du burn-out et, en 2016, un nombre important de suicides ou de tentatives liés au travail.
Le mouvement actuel de contestation remonte de loin et ne s’éteindra pas si facilement. Il refuse le système de santé à plusieurs vitesses, qui contraint les plus pauvres à renoncer aux soins, entraînant la dégradation de l’état de santé d’une partie croissante de la population, avec des prises en charge plus onéreuses. Ainsi les méga-entreprises en santé, privées, vont continuer à faire profiter leurs actionnaires de la manne financière générée par cette dérégulation. Une sacrée aubaine ! Une sacrée colère des soignants et des usagers.

Un plan Santé 2022 d’austérité renforcée

Macron l’a affirmé : « Notre système ne souffre pas d’un manque de moyens mais d’une organisation inadaptée aux besoins d’une population vieillissante et aux évolutions technologiques ». Voici donc le plan « Du vent », adopté par le Parlement et promulgué le 24 juillet 2019. Il ne répond à aucune des revendications exprimées par un personnel soignant à bout de souffle. En voici quelques mesures-phares.

Fin du numerus clausus à la rentrée 2020. Institué en 1971, par ceux qui étaient convaincus que la limitation du nombre de médecins limiterait les dépenses de santé : il a divisé par deux le nombre de médecins (les médecins en place y étaient favorables), passant d’environ 8 000 à moins de 4 000 par an. Chaque année, est fixé le nombre d’étudiants admis en 2ème année de médecine ; pour exemple, en 2018, seuls 8 205 étudiants sur environ 60 000 ont été admis. Promis, dit Buzin, en 2020, le numerus clausus est abandonné… mais les effectifs d’étudiants seront fixés par les universités, en accord avec les ARS, selon les capacités et les besoins des territoires… sans que la liberté d’installation ne soit remise en cause… On peut douter de l’efficacité… Par contre, la mesure d’obligation de stages d’au moins 6 mois en cabinets de ville ou en maison de santé dans les zones manquant de professionnels pour les futurs médecins généralistes, celle-là risque d’être largement utilisée…

Et pour lutter contre les déserts médicaux ? A la manière forte d’une obligation d’installation, Macron préfère l’appel à « la responsabilité collective » des médecins libéraux. L’Etat mettra la main à la poche et financera 400 postes de médecins salariés pour les territoires critiques. Alors que 20 % de la population vivent en zone « sous-dense » ! Les médecins libéraux seront invités à assurer les soins de premiers secours, les urgences de jour…. à se regrouper au sein des maisons de santé et à  rejoindre les Communautés professionnelles Territoriales de Santé, pour trouver un médecin traitant, organiser l’accès à des consultations… et, pour inciter à cette organisation, Macron a souhaité l’extinction de la pratique de la médecine en cabinet isolé d’ici à 2022 ? Pour libérer du temps médical, des assistants médicaux auprès des médecins dans les zones en tension, seront recrutés. De même, la pratique avancée infirmière, permettra à des professionnels paramédicaux de se voir reconnaître des compétences relevant des médecins.

Les hôpitaux privés ou publics sont invités à « s’associer » à « coopérer ». Les hôpitaux de proximité seront labellisés, pour les soins de premier niveau, soins de suite pour les personnes âgées notamment…Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) sont maintenus, le privé siégera désormais dans leurs instances, pour le partage de plateaux techniques, par exemple.

Le virage ambulatoire sera accéléré, donc… la poursuite de la suppression de lits !!

Et le numérique comblera les manques de médecins ! D’ici à 2022, tous les patients auront leur propre espace numérique de santé, pour accéder notamment à leur dossier médical partagé pour « fluidifier les échanges »… Ce qui est certain c’est que l’offre de soins s’éloigne encore des patients, dans un contexte de vieillissement de la population et de son appauvrissement.

Pas de révolution budgétaire pour les hôpitaux, la T2A n’est pas remise en cause. Pour la mise en œuvre du plan Santé, l’ONDAM sera relevé à 2.5 % en 2019 (au lieu de 2.1 %) : 3.4 milliards seront consacrés d’ici 2022.

De nouvelles brèches s’ouvrent dans le statut de la Fonction Publique Hospitalière, pour l’affaiblir : création d’un statut unique de praticien hospitalier, associé à la suppression du concours, pour « faciliter l’entrée dans la carrière, diversifier les parcours professionnels ». Un dispositif d’intéressement lié aux projets d’amélioration de la qualité de service est prévu ? Et pour « simplifier » le recours à l’emploi médical contractuel, un contrat unique est créé,  apportant « souplesse et réactivité » pour certains recrutements, renforçant les liens ville-hôpital. Rien pour les conditions de travail et la rémunération des 1 300 000 professionnels du secteur public et les plusieurs centaines de milliers du secteur privé, en grève et en mouvement depuis mars 2019.

Nous sommes parvenus, du fait des mesures successives de privatisation et de libéralisation, à une crise profonde du droit à la Santé. Alors qu’un généraliste sur 2 refuse de nouveaux patients car il en a déjà trop, les chiffres de la démographie médicale sont alarmants : - 13 % de patriciens seront en activité entre 2010 et 2025. Nous n’avons donc pas atteint le sommet de la crise. 

Urgences en grève

Il n’est pas si simple de mater les profondes colères. La contestation a commencé le 18 mars 2019, dans un service d’urgences parisien, où un patient a agressé un soignant : la goutte d’eau a fait déborder le vase. Une grève illimitée est proclamée par 4 autres hôpitaux. Le Collectif Inter-Urgences prend forme et compte, en octobre, 269 services en grève. Leurs revendications sont  simples : 10 000 emplois supplémentaires, réouverture de lits, revalorisation salariale de 300€net/mois – abandon de la T2A. Deux plans proposés par Mme Buzin en juin et en septembre n’ont pu stopper le mouvement qui s’est étendu à une grande partie de l’hôpital public, avec le Collectif Inter-hôpitaux, avec des médecins, des internes, des cadres, des usagers. Le 14 novembre, les soignants sont dans la rue. Le malaise qui couvait depuis des années, explose (plus de 900 lits sur 20 000 sont fermés dans les 39 établissements franciliens de l’AP-HP car 500 postes d’infirmiers sont vacants faute de candidats, etc…)

Buzin, pour résoudre le blocage propose, le 20 novembre, un certain nombre de mesures : rallonge budgétaire de 1,5 milliards sur 3 ans, reprise d’1/3 de la dette des hôpitaux publics (10 milliards) ; elle y ajoute des primes pour « renforcer l’attractivité des hôpitaux » : 100€ net/mois pour les aides-soignants auprès des personnes âgées, selon conditions, une prime annuelle de 800€ pour les 40 000 infirmiers de Paris et la petite Couronne percevant moins de 1900€/mois, une prime de 300€/an (25€/mois) distribuée par les hôpitaux, selon des critères spécifiques, remise à plat du statut de patricien hospitalier, etc.. Ça ne convainc toujours pas. L’ISNI – principal syndicat des internes – appele à une grève dure et illimitée à partir du 10 décembre. CGT Santé et autres syndicats ont appelé à mobilisation le 5 puis le 17 décembre. Le Collectif Inter hôpitaux a considéré que les primes annoncées sont dérisoires, honteuses et autant de manœuvres de division. Pourquoi ne pas augmenter le point d’indice pour tous ?  

Les « interdits de grève des soins », les médecins, ont alerté par d’autres moyens : une lettre ouverte de 660 praticiens, hospitaliers, chefs de service ou de pôles se sont dits prêts à démissionner collectivement de leur responsabilité si des négociations n’étaient pas ouvertes (le 15 décembre) ; ils ont alerté l’opinion sur les risques de dégradation de la qualité des soins. Par exemple, des pédiatres d’Ile de France, pour la première fois depuis 30 ans, ont dû transférer 25 nourrissons en réanimation à plus de 200 kms de Paris, faute de places ! Ils dénoncent le « point de rupture » proche. Le 14 janvier, 1120 médecins hospitaliers ont envoyé par mail à la Ministre, une démission collective des fonctions administratives…

Mi-décembre, surgit l’idée lumineuse de Mme Buzin : pour désengorger les urgences, créons le 113, un guichet unique répondant à toutes les questions (de l’envoi d’un SMUR s’il s’agit d’une urgence vitale, au rendez-vous avec un médecin généraliste ou la téléconsultation). Sapeurs- Pompiers et médecins libéraux s’insurgent : le 112 pour les urgences vitales et le 116 117 pour les rendez-vous non programmés fonctionnent : on ne veut pas de votre « usine à gaz » qui ne répond nullement aux vrais problèmes, à savoir le manque de médecins urgentistes et la fermeture, la nuit, des services d’urgence. La ministre suggère alors de créer des « antennes de service d’urgence », d’assouplir les règles d’ouverture 24H/24 et ouvrir seulement en journée, comme c’est déjà le cas dans nombre d’hôpitaux. Réponse : on ne veut pas de vos horaires d’ouverture de supermarché (8h30/20h30) !

La colère des personnels de la santé et de l’action sociale ne retombe pas. Elle s’amplifie quand ils découvrent, que le projet Macron sur les retraites abolit le principe de la catégorie active dans la fonction publique, faisant ainsi perdre la reconnaissance de la pénibilité pour l’ensemble des professions. Les aides-soignants, par exemple, vont devoir travailler 7 ans de plus pour prétendre à un départ en retraite à taux plein ; de même, les infirmiers devront travailler jusqu’à 64 ans minimum pour espérer une pension de retraite décente. Cette mesure, camouflée dans le projet global de contre-réforme des retraites est inadmissible au regard de leurs conditions de travail extrêmement dégradées. Les femmes en seront les grandes perdantes ! Face à la détermination des manifestants, la ministre de la solidarité et de la santé n’aura jamais aussi mal porté son titre. Incapable de prendre la mesure du problème, elle campe sur des positons « très patronales » : pas d’annonce de revalorisation des salaires, pas d’embauches, pas de moyens supplémentaires pour sauver l’hôpital. Arrogance et mépris.
Qui fait la politique de Santé ?

Que valent les « intentions » de la ministre de la Santé alors que Bercy a le dernier mot ? En fait, « la ministre envoie des leurres pendant que Bercy comprime l’offre publique de soins pour le plus grand profit des acteurs privés ». On voit d’ailleurs fleurir des services à côté des établissements hospitaliers, dans les grandes villes : les hospitels, hébergent les patients en ambulatoire non pris en charge par la Sécu, des salles d’opération de très haute technologie, sont fournies clés en main moyennant une redevance, etc. « Le système public de soin est totalement dépendant du capitalisme sanitaire » (1)

« A Chamonix, tous les ans, se réunit tout le gratin des décideurs politiques, administratifs et industriels de la santé, à l’occasion de la CHAM – Convention on Health Analysis and Management ». Ils se rencontrent, défendent « leurs » solutions pour résoudre la « crise du système de Santé ». Pas question du « trou de la Sécu ». Ici, la santé est un marché prometteur et même un atout industriel de la France ; Il s’agit que la médecine de France tienne son rang et surtout conquiert des marchés. Macron y était en 2016 (ministre de l’économie démissionnaire et futur candidat présidentiel) et il combla d’aise l’assistance : la France allait résoudre les problèmes chroniques de son système de soins avec  la télémédecine, le big data, l’intelligence artificielle, la médecine 3 P (prédictive, préventive, personnalisée)… Aujourd’hui, il s’agit de prendre le virage ambulatoire. Et, pour forcer à le prendre, resserrer encore les budgets, accentuer la concurrence entre établissements, avec la  T2A : aux hôpitaux publics, les soins très spécialisés, techniques et coûteux, les missions de service public et le reste, aux médecins libéraux, aux cliniques privées. Soyons sérieux ! En matière de santé, on fait du business et pas du service public. La T2A augmente la productivité des hospitaliers au prix de la dégradation du travail et de la qualité des soins. Les hôpitaux ont renoncé aux investissements et font appel au privé pour le plus grand bonheur des « innovants ».

Faute de médecins ou du fait d’honoraires libres trop élevés, ceux qui ne peuvent pas accéder au secteur privé pour être soignés, vont aux urgences. Les structures d’accueil des personnes vieillissantes sans médecins envoient aux urgences pour les soins qu’elles ne font plus, la psychiatrie n’a pas suffisamment de moyens, les malades… aux urgences, etc… Les vraies causes de la crise des urgences c’est l’absence d’un véritable service public de santé de proximité et la quasi défaillance du médico-social pour assurer le suivi.
 
Pour éviter que tout le monde aille aux urgences, il faut réorganiser les services, la médecine de ville et les hôpitaux. Mais, telle n’est pas l’intention de Buzin : « sa réforme » mêle belles intentions et effets d’annonce et les professionnels en grève l’ont bien compris : c’est « du vent ». Pour connaître la véritable teneur de la politique de Santé, il faut interroger Bercy et la politique européenne. Macron en bon élève de l’ordo libéralisme doit réduire la dépense publique. En matière de santé, il laisse la ministre envoyer ses leurres et Bercy comprime l’offre publique de soins, ouvrant ainsi les portes de l’hôpital du futur aux innovations privées.

Les mécontentements et les grèves des personnels concernés permettront-elles que ce système soit stoppé ?

Odile Mangeot, le 12.01.2020   

(1)   Ce paragraphe contient de larges extraits de l’article de Frédéric Pierru « D’où vient la crise des urgences ? Le cauchemar de l’hôpital du futur » dans le Monde Diplomatique octobre 2019

Sources : le Monde Diplomatique, CGT Santé, Inprecor.fr  


EHPAD. On brade chez Korian

Le Groupe français Korian – spécialiste en gestion de maisons de retraite médicalisées, cliniques et autres résidences pour seniors - n°1 en Europe - envisage la cession de 3 établissements dans le Val d’Oise, avec une reprise potentielle par la Société Mapad holding Executive. Cette-ci gère 3 EHPAD en Hauts-de-Seine et ce « groupe à taille humaine », affirme Korian, peut faire revenir à l’équilibre financier les établissements bradés… car Korian a omis de préciser son objectif : atteindre 14.5 % de marge d’excédent brut d’exploitation. Alors, évidemment : « Si un établissement n’est pas rentable, on le vend ». Pour les salariés, c’est : « Bossez, soyez rentables, faites-nous gagner des dividendes et des profits, sinon on vous vend ».
CGT Santé/Action sociale, le 3 janvier 2020

Naufrage suédois.
Le flambant neuf hôpital Krolinska, à Stockholm, inauguré en 2018, devait être le joyau du secteur suédois de la santé, de renommée mondiale, à la pointe de la recherche et de l’innovation ne  traitant que les maladies rares…
20 mois pluls tard, il est devenu le symbole des dérives d’une privatisation à outrance du domaine de la santé. « L’un des bâtiments les plus chers du monde » : construit par un consortium de BTP suédois et d’un fonds d’investissement britannique, son prix de départ à 14.5 milliards de couronnes (1.4 milliard d’euros) atteindra 22.8 milliards de couronnes. Les critiques des professionnels et des personnels sur les choix de construction sont ignorées, d’énormes dysfonctionnements dès l’ouverture sont réels : les fenêtres ne s’ouvrent pas dans les chambres, l’eau s’écoule dans le mauvais sens dans 156 salles de bains…. Le nouveau modèle de management conçu par la société de consultants Boston Consulting Group, vivement critiqué par les médecins, tourne à la catastrophe : files d’attente à l’entrée du bloc opératoire… opérations vitales trop tardives pour une soixantaine de patients gravement malades… En  2019, le déficit est à 1.6 milliard de couronnes… Fin novembre la direction annonce le licenciement de 250 médecins, 350 aides-soignants après avoir supprimé 550 postes dans l’administration. La Suède, modèle de réussite ? En privatisation à marche forcée de la Santé, oui !
Le Monde 11.01.2020