Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 26 février 2021

 

Médiacratie et intox

(éditorial de PES n° 70)

 

On assiste, dans la dernière période, à une accélération de la concentration capitalistique des medias dominants : 9 milliardaires en possèdent 90 % (1) et bientôt ils ne seront plus que 8. Le requin Vincent Bolloré qui possède I télé, C News, Canal +, Europe 1, RTL et M6, avec Bouygues et Dassault, etc. seront-ils bientôt les seuls maîtres de l’information préfabriquée ?

 

En fait, ces chefs d’orchestre s’appuient sur différentes « techniques » pour fabriquer l’opinion. Ainsi, Bolloré supprime les émissions d’investigation comme Intérêt public mais plus généralement, il s’assure que les journalistes précarisés (CDD, licenciements) et les prétendus autoentrepreneurs payés sur facture, soient les plus soumis possible. Ils pratiquent eux-mêmes l’autocensure pour garder leur emploi. D’autant qu’à leur tête, des chefferies éditoriales leur enseignent le prêt-à-penser auquel se réduit, de plus  en plus, la liberté de la presse.

 

Ce système médiacratique recourt également à des moyens plus subtils pour formater l’opinion. Il s’agit de sélectionner des faits, de minimiser certains autres et de divertir avec des faits divers pour faire diversion par rapport à la compréhension de la réalité. Vis-à-vis des adversaires de la pensée dominante, il s’agit, pour eux, de les cibler, de diviser, d’opposer les classes populaires, pour conforter le pouvoir et ne laisser percer aucune possibilité d’alternative. Cette police de la pensée prend désormais des allures de plus en plus répressives en ciblant « les islamo-gauchistes à l’université », les populations de confession musulmane et tous ceux qu’ils revêtent d’un manteau d’infamie, « les populistes ».

 

Il s’agit d’éviter toute brèche qui contrarierait la pensée des classes dominantes qui doit rester la pensée dominante jusqu’à nier la réalité. Il en a été ainsi avec la négation des violences policières, l’euphémisme qui désigne, de fait, les occupants de l’Etat qui donnent les ordres de répression (le préfet Lallement, Darma le nain de Macron). Toutefois les mensonges répétés ne sont pas des vérités et le rejet des médias et des journalistes, notamment par les Gilets Jaunes, l’ont démontré. Mais, l’on peut prendre des exemples moins emblématiques comme la grève des enseignants du 31 janvier 2021, suivie à 40 % et dont les manifs ont été importantes dans tout le pays (2).

 

TF1 n'en a tout simplement pas rendu compte, déblatérant sur le Covid, l’interdiction des masques artisanaux, les violences aux Pays Bas et une ribambelle de sujets divers comme les bulles en plastique aux USA permettant d’assister aux concerts.

 

Sur France 2 ce fut pratiquement la même chose mais cette chaîne (publique) accorda néanmoins, sur les 37 minutes d’émission, 23 secondes ( !) à la grève des enseignants qui protestaient notamment contre la gestion calamiteuse de l’épidémie. On eut droit à bien d’autres sujets divertissants et pleins de compassion pour un refuge pour animaux en souffrance.

 

Quant à France 3, dans un mimétisme étonnant, elle traita le sujet en 23 secondes, s’attardant bien plus sur les guerres des bandes qui ravageraient l’ensemble du pays et sur les syndicats de policiers larmoyant sur leur manque de moyens et tenant à cet égard des propos fascisants. Un comble pour les deux chaînes dites de service public qui semblent bien gangrenées par l’idéologie néo-libérale. Elles sont, à certains égards, redevenues « la voix de son maître » comme on le disait en 1968 pour l’ORTF.


Pour saisir le rôle joué par les éditocrates, il suffit d’écouter les commentaires que ces « experts » diffusent. Ainsi, sur RMC, le dénommé Truchot, qui empoche un salaire à 5 chiffres et se targue de « lire l’opinion des gens », n’a cessé de stigmatiser les enseignants, irresponsables, qui traînent dans la rue, au risque de répandre le Covid et organisent, de fait, la baisse du niveau scolaire. Il s’indigne d’ailleurs que ces professeurs, qui bénéficient d’emplois à vie et d’un statut, puissent encore réclamer, alors même que les étudiants sont dans l’obligation d’aller au Resto du Cœur. L’infamie n’était pas encore suffisante, il lui fallait, à ce bonhomme, opposer les artisans au bord du suicide, les restaurateurs qui mettent la clef sous la porte, aux profs « privilégiés ».

 

Cette entreprise de lobotomisation des esprits vise à étouffer tout esprit critique, à dresser les couches populaires les unes contre les autres. De surcroît, elle révèle l’imbrication du pouvoir, de la presse mainstream, aux mains des milliardaires, avec la statocratie, issue, pour l’essentiel, de l’ENA.

 

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’émergent des médias alternatifs, réaffirmant que l’information est un bien commun qui ne saurait être confisqué par les tenants du capitalisme financiarisé.

 

Gérard Deneux, le 19.02.2021

 

(1)   Pour en savoir plus : L’information est un bien public de Julia Cagé et Benoît Huet

(2)   source Acrimed (Action Critique Médias), Frédéric Lemaître, 30.01 et 3.02.2021

 

 

 

 

 

 

La politique des fous

 

nous marchons sur le fil de la honte

sans réaliser que tout cela est notre faute

notre ignorance nourrit nos défauts

nous sommes tous coupables de notre ego

dans ce monde qui est en train de prendre l’eau

vivre naturellement de nos jours c’est chaud

dans l’agriculture il n’y a plus rien de bio

notre terre est victime de ce fléau

elle s’acidifie comme les océans de bateaux

et où que tu sois quelle que soit ta couleur de peau

nous sommes victimes d’un défaut

d’une politique de dominos

ils ruinent notre monde ces salauds

ils coulent le radeau ces bulldozers démagos

ils ne nous font pas de cadeau

et en bonus nous gagnons le gros lot écolo

nous avons hérité de ce pompon en cadeau

à nous de construire ce monde à nouveau

unissons-nous contre ces peurs

cette haine et toutes ces contaminations

tous contre ce choc qui nous colle à la peau

faisons vivre la terre qui est notre joyau

ce n’est pas une poubelle c’est clair comme de l’eau

 

Hassen

 

Nous avons vu…

Les origines du Black Power/Black Panther Party

A l’heure des répressions policières contre les Afro-américains, de l’émergence des Black Lives Matter (La vie des Noirs comptent), de la mort de George Floyd, il est intéressant de redécouvrir une réalité, soit ignorée, soit stipendiée, celle des Black-Panthers, qui eurent une audience considérable dans le nord des Etats-Unis. Ils parvinrent, même, à nouer des alliances, notamment avec le mouvement anti-guerre du Vietnam de la jeunesse étudiante. Pour s’opposer aux violences policières, s’appuyant sur la possibilité pour tout citoyen des Etats-Unis de porter une arme, ils surveillaient les policiers afin de protéger ceux qui subissaient des interpellations brutales et d’autres exactions. Son programme, et en particulier les petits déjeuners dispensés aux enfants noirs, lui assura une grande influence qui inquiéta le pouvoir dominant. Le FBI, avec Hoover à sa tête, entreprit de les liquider, après l’assassinat de Martin Luther King, dont le mouvement civique organisait surtout les Noirs dans les Etats du Sud. La redécouverte de ce passé de l’empire américain, au vu des évènements actuels, met en lumière que ce pays est toujours marqué par des inégalités raciales extrêmement importantes. GD

voir ce documentaire d’Arte « Les origines du Black Power/ Black Panthers Party » sur youtube

 

Deux ans de lutte, et maintenant ?

Révolution Permanente/NPA (Anasse Kazib) et Quartier Général (Aude Lancelin), pour faire le bilan de deux ans de lutte (depuis les Gilets Jaunes), ont invité de nombreuses organisations. Des représentants de SUD Rail, Extinction Rébellion, Gilets Jaunes, Comité Adama, en présence de l’historienne Sophie Wahnich ont permis, dans des échanges riches, de dresser un tableau contrasté de là où nous en sommes. Dans la 2ème partie, il s’est agi de répondre à la question « Que faire ? » afin que les luttes sociales puissent trouver un débouché. Des représentants de SUD PTT, NPA, du Comité Adama, de LFI, LO, en présence du philosophe Stathis Kouvélakis, ouvrent des pistes qui nous interrogent sur la période à venir.

à voir et écouter sur youtube « Deux ans de lutte, et maintenant ? » sur Révolution permanente et Quartier Général  

 

Les nouveaux outils d’asservissement

(1ère partie)

 

Visionnage boulimique de séries, addiction aux jeux vidéo, consommation devenue divertissement ordinaire, invasion des musées par les marques, etc. Plus aucun espace n’échappe aux productions culturelles du capitalisme hypermoderne. Ces nouveaux outils – séries, jeux vidéo, consumérisme, ‘art’- constituent les derniers avatars de la culture de masse qui laminent les sociétés et domestiquent les esprits. Cet article s’inspire du livre Divertir pour dominer 2 (1), ouvrage collectif qui fait suite à celui qui s’attaquait aux écrans, à la publicité, au sport et au tourisme.

Les séries

 

Jusqu’à l’avènement des nouvelles technologies, c’était les biens, services et produits culturels qui étaient considérés comme rares et précieux. Désormais, ils sont pour la plupart ‘gratuits’, accessibles en quelques clics et existent à profusion ; c’est donc notre attention, notre capacité à pouvoir les consommer, qui est devenue rare et porteuse de valeur. Des technologies d’une efficacité croissante sont donc créées pour capter cette attention puisque l’emprise numérique a détruit, pour une bonne part, la possibilité même de se concentrer sur un seul et même objet pendant plus de quelques minutes à cause des notifications multiples. Dans ce nouvel environnement, on peut se demander dans quelle mesure il est encore possible d’investir autant de ressources attentionnelles pour visionner  des programmes tels que les séries. Pourtant c’est de plus en plus le cas.

 

En effet, même si la télévision diffuse depuis les années 1950 des feuilletons français ou américains, ils restaient des programmes télévisés parmi d’autres. A partir des années 90, tout change : des séries comme Les Experts, X-Files ou Urgences obtiennent de très bonnes audiences. Entre 2012 et 2018, les plateformes de streaming (Netflix, Hulu, Amazon…) ont multiplié par dix leur production.

 

Le développement de ces nouveaux médias a entrainé une fragmentation de l’audience. Quand il n’y avait qu’un téléviseur par foyer, il fallait concevoir des programmes fédérateurs, qui ne font fuir personne. Or, justement l’addiction repose sur ce qui fait peur, et la série repose sur deux choses : l’empathie et l’addiction. Au-delà du glauque et du morbide, que l’on retrouve dans les deux principaux genres que sont la série policière et la série médicale, de nombreux sujets sont abordés, y compris la politique, dans les centaines de séries produites chaque année.

 

L’objectif suprême est de capter intégralement l’attention dans un environnement des plus concurrentiels. Il existe plusieurs régimes d’attention, dont l’état d’alerte et la fidélisation. Le premier se caractérise par l’envoi constant d’avertissements et la fidélisation vise à établir un rapport de confiance sur le long terme. Dans le cadre de productions culturelles, ils permettent de faire vivre des sensations fortes au consommateur tout en les fidélisant. La fidélisation est inhérente à la nature même des séries. Le principe est que l’on retrouve d’un épisode à l’autre les mêmes personnages, des thématiques et/ou un univers commun, mais aussi un rythme et des mécanismes narratifs qui reviennent. Au fondement des contenus sériels, on trouve la répétition et une certaine prévisibilité, gratifiante pour un téléspectateur qui a ainsi l’impression de découvrir un nouvel épisode, de se laisser surprendre tout en étant capable d’anticiper certains développements. Situation grisante à une époque de grande incertitude comme la nôtre.

 

Aliénation en série

 

C’est cette obsession de la fidélisation qui rend les contenus culturels sériels si hégémoniques. Umberto Eco qualifie de loi de l’itération cette application d’un schéma narratif et de procédés identiques, de thèmes et de personnages qui reviennent à chaque fois, créant ainsi le plaisir régressif de l’attendu et répondant à des mécanismes psychologiques de consolation.

 

Pour maintenir l’attention d’une séquence à l’autre, il faut du contraste : de lieu, de moment de la journée, d’intensité, de ton, etc. Le pouvoir de captation de la série résulte de cet agencement pensé quasi scientifiquement, à la manière d’un chimiste cherchant la bonne formule. A cela s’ajoute d’autres règles et ‘trucs’ dont dépend la fabrication d’émotions, de tensions et d’affects chez le téléspectateur. C’est un véritable formatage fondé sur des méthodes éprouvées de captation de l’attention, poussées au plus haut degré de rationalisation.

 

La création audiovisuelle s’effectue dans un contexte de storytelling : la transformation de tout discours et création en récit. Le narratif est devenu le mode prééminent de compréhension et de représentation de la réalité. Selon le poète Jean-Pierre Siméon : « ces scripts narratifs procèdent par schémas, schémas du drame, de l’exploit, de la bonté ordinaire, de la rédemption, etc., ce qui signifie nécessairement qu’ils opèrent sur le réel un travail de réduction et de simplification ». Cette caricature du réel « infantilise, modélise les affects et les comportements ».

 

Plus addictive et chronophage que jamais, la forme série est désormais hégémonique, influente sur d’autres formes de création, massivement consommée, à une échelle mondiale et dans toutes les couches de la population, louée de toute part, omniprésente dans les médias et dans la vie de nos contemporains, objet d’investissements financiers colossaux, totalement légitimée par les institutions savantes, etc. Les séries entrent tellement en résonance avec l’époque qu’elles ont fusionné avec elle, empêchant tout recul nécessaire au déploiement d’un regard critique. Hors, il vaut mieux l’avoir développé, surtout la prochaine que vous vous surprendrez en plein binge-watching  (consommation de plusieurs épisodes d’une série à la suite).

 

Les jeux vidéo

 

« Les jeux sont la seule force de notre univers actuel qui permette d’obliger les individus à agir contre leurs intérêts personnels, de manière prédictible, et sans utiliser la force ». Le conférencier Gabe Zichermann, ainsi, faisait l’éloge de la gamification au congrès Google Tech Talks.

 

Il est difficile de nier que la pratique des jeux vidéo, comme celle des jeux de rôles sur table qui les ont précédés, s’inscrit dans une logique de compensation sociale. Par la possibilité, via un avatar, d’acquérir des « grandeurs », au sein de « scénarios » mâtinés d’idéologie néolibérale (valorisation de la réussite individuelle concrétisée par la capitalisation de ressources), ces produits fournissent aujourd’hui, dans le virtuel, la possibilité à une génération durement touchée par la « crise », de mener une seconde vie, jugée plus « brillante » - en fonction des idéologies dominantes - que la vie sociale réelle et/ou le rapport au monde scolaire.

 

Caractéristiques de la « masculinité militarisée » destinée dans les années 1980 et 1990 à séduire un public cible constitué par les enfants, les adolescents et les jeunes adultes de sexe masculin des pays occidentaux, les idéologies politiques des jeux vidéo se sont peu à peu diversifiées afin de gagner de nouveaux publics. Ce qui explique que l’on peut avoir aujourd’hui des jeux vidéo où le personnage principal n’est plus un marine, un paladin ou un chevalier mais un truand, un anarchiste crasseux, un.e activiste politique « de gauche » luttant contre un pouvoir « dictatorial » et « capitaliste », un sympathique petit animal ou encore une farouche guerrière lesbienne, sans pour autant changer les mécanismes de progression des avatars : gagner des « niveaux » et devenir de plus en plus « remarquable ».

 

La diffusion de thèses et de données discutables, au sein de la communauté scientifique et auprès du grand public, grâce à certaines publications, vise à délégitimer les perspectives d’analyses critiques. Ces pratiques culturelles ont aujourd’hui le statut d’arts, leurs détracteurs apparaissent comme des tenants de la « panique morale ». De ce fait, toute personne émettant des « critiques » à l’égard des jeux vidéo tend à être ringardisée par les thuriféraires de la game culture, à être assimilée à la droite « extrême », réactionnaire, aux tenants d’un « ordre moral bourgeois » qui méprise une « culture populaire », celle des jeux vidéo, aujourd’hui censée être pratiquée par « tout le monde », par le « peuple »… Les firmes multinationales, ces « industriels » du loisir, fabriquent des produits les plus lucratifs du moment, imposent une culture dite populaire pour mieux distraire et asservir.

 

L’empire du ludique

 

La gamification fonctionne en récupérant des mécaniques de jeux et en les transposant dans des environnements sociaux ne relevant pas habituellement du divertissement. Son procédé consiste à élaborer une science des jeux, afin d’en extraire des éléments caractéristiques tels que la définition d’objectifs sous la forme d’une quête, l’introduction d’éléments de motivation, des formes de « challenge », ou encore la création de récompenses extrinsèques à l’activité. Une fois ces éléments repérés et catalogués, en sommes capitalisés, il n’y a plus qu’à les réinjecter, les réinvestir dans n’importe quelle activité pour créer un empire ludique dans lequel le jeu s’érige en nouveau progrès social, tenant des promesses d’émancipation, de gouvernance et de productivité pour ré-enchanter le monde. Si sa grotesque ambition de faire de la vie un jeu semble être de l’ordre du fantasme, ses formes multiples et flexibles, ses partisans dispersés à travers le monde, à travers divers domaines d’activités, indiquent que le jeu est devenu un acteur fondamental du libéralisme : par l’entremise de l’industrie culturelle vidéo-ludique, ce dernier s’impose dans sa version la plus technophile et peut-être l’une des plus pernicieuses.

 

Le travail n’échappe pas non plus à cette invasion du ludique. Le domaine du management voit dans le jeu un nouvel atout, notamment par le biais de la compétition. Le manager devient un distributeur de fun, capable de mieux conduire l’employé qui s’intègre comme un bon joueur au service de la réussite de l’entreprise : plaisir et jouissance de petites récompenses à court terme anesthésient les consciences et infantilisent les individus.

 

Le jeu, au service du capitalisme, permet d’amollir la masse, de contrôler par le moyen de faibles réjouissances, de divertissement, de fun.

 

Stéphanie Roussillon

 

(1) Divertir pour dominer 2, dirigé par Cédric Biagini et Patrick Marcolini, Ed. L’échappée

 

Répression en Birmanie

 

Ce 1° février 2021, contrairement  aux faits, l’information donnée par de nombreux médias affirmait : « il n’y a pas eu de coup d’Etat en Birmanie ». D’après les militaires birmans, ce qui s’est officiellement passé est « un remaniement ministériel en raison d’un déséquilibre dans les pouvoirs en République de l’Union du MYANMAR »… Certes, ils ont annulé le résultat des élections de 2020, ils ont emprisonné de nombreux responsables politiques, les opposants, ils ont repris toutes les rênes du pouvoir mails ils n’appellent pas cela un coup d’état. Les militaires birmans ne manquent pas d’un certain humour !

 

Quelques explications

 

Depuis 2010, la Birmanie s’appelle la République de l’Union du Myanmar. La junte militaire au pouvoir à cette époque changea  le nom de ce pays, l’hymne national, le drapeau et la capitale. C’était une façon pour les militaires de réaffirmer leur légitimité symbolique en se référant au passé. Les anciens rois birmans changeaient régulièrement de capitale. Le nouveau nom du pays fait référence au premier Peuple qui a vécu sur cette terre : Myanmar signifie pays merveilleux.

 

Concernant les évènements du 1er février 2021, la Constitution prévoit la prise du pouvoir par les militaires, l’instauration de l’Etat d’urgence pour un an, l’arrestation des ministres, des élus, des opposants : Constitution rédigée bien évidemment par les militaires birmans.

 

Comment en est-on arrivé à cette situation ?

 

D’abord, ce pays un peu plus grand que la France, avec environ 55 millions d’habitants (le chiffre officiel est inconnu !), se situe entre le Laos, la Thaïlande, le Bengladesh, l’Inde et la Chine. Il est peuplé depuis longtemps par une mosaïque de groupes ethniques, 135 recensés, dont les Rohingyas, une minorité apatride musulmane. La principale ethnie, ce sont  les Birmans (ou Bamars), 70% de la population.

Cette population est à 90% bouddhiste (6% sont chrétiens et 4% musulmans). Elle occupe  les zones centrales  plus riches, domine les sphères de l’Etat et est très présente dans l’armée.

 

Les différents empires se succèdent jusqu’en 1826, date à laquelle les guerres anglo-birmanes se terminent par la victoire des Britanniques. Ceux-ci, pour s’approprier les ressources naturelles, occuperont progressivement tout le pays.

 

En 1886, la Birmanie fut offerte à la Reine Victoria en cadeau de Nouvel-An !

 

En 1948, le pays devient indépendant (cf encart), sous la conduite d’AUNG SAN, sous la forme d’une démocratie parlementaire. Il sera assassiné  et deviendra le héros de cette indépendance. Des insurrections éclatent régulièrement un peu partout sur son territoire entre les différentes ethnies ou contre le pouvoir central, soutenues souvent par le Parti Communiste Chinois. Ce gouvernement réussira tant bien que mal à assurer la stabilité du pays.

 

En 1962, des militaires renversent le gouvernement, s’engagent, comme ce 1er février 2021, à organiser des élections libres une année plus tard. Ce régime dictatorial durera en fait 26 ans (on comprend mieux la méfiance des Birmans face aux évènements actuels… !).

 

En 1988, un fort mouvement de contestation populaire, réprimé dans le sang (plus de 3000 morts), oblige la junte, sous la pression internationale, à introduire un peu de démocratie dans les institutions du pays. Des élections seront organisées et remportées par la Ligue Nationale Démocratique (LND), dirigée par AUNG SAN SUU KYI, fille de Aung San. Celles-ci seront immédiatement annulées par les militaires qui mettront en place un nouveau régime dictatorial appelé pompeusement « Conseil d’Etat pour la Paix et le Développement » et ce jusqu’en 2010.

 

Pendant cette période, Aung San Suu Kyi sera, soit emprisonnée, soit en résidence surveillée. Les militaires birmans lui donneront le droit de quitter le pays pour rejoindre son mari et ses enfants en Angleterre mais avec interdiction de retour au pays. Même pour les obsèques de son mari elle ne quittera pas la Birmanie pour pouvoir continuer son combat pour la démocratie et les droits humains.

 

En 2007, la situation de l’économie birmane est catastrophique alors qu’au moment de l’Indépendance elle était l’un des plus riches pays d’Asie : en 2006, elle est classée 130° sur 137 selon l’Indice de Développement Humain (IDH). Son PIB par habitant est d’environ 1800 dollars était au niveau de celui de la Corée du Nord. La gestion par les militaires est la cause essentielle de cette situation. En 2007, face à l’augmentation continuelle des prix, un nouveau mouvement social se développe soutenu par les moines bouddhistes, appelé la « révolution de safran ». La junte résiste tant bien que mal à ces évènements mais finalement….

 

En 2011, les militaires au pouvoir mettent en place une politique d’ouverture, de libéralisation, plus pour échapper aux sanctions internationales que pour faire de la Birmanie une réelle démocratie.  Les élections seront organisées et remportées par le Parti de l’Union et de la Solidarité et du Développement du président Thein Sein. La Birmanie n’en deviendra pas pour autant « un paradis démocratique » puisque des militaires s’octroient 25 % des sièges à l’Assemblée Nationale (hors élections) ET 3 ministères-clés : Défense, Intérieur, Affaires frontalières.

 

En 2015, les élections seront cette fois remportées par la Ligue Nationale Démocratique

(LND) de Aung San Suu Kyi, (libérée en 2010), qui, bien que leader du Parti victorieux ne sera jamais Présidente du pays puisque la Constitution prévoit qu’une personne mariée à un étranger.ère ne peut le devenir. Pour changer la Constitution, il fallait réunir 75 % des votes des députés : on comprend mieux pourquoi les militaires se réservaient 25 % de ces sièges. Elle sera donc soit Cheffe du gouvernement, Conseillère spéciale de l’Etat ou porte-parole de la Présidence.

 

 2017 est marquée par la tragédie des ROHINGYAS. Ceux-ci, de religion musulmane, se voient toujours privés de la nationalité birmane (loi de 1982) et sont victimes d’un nettoyage ethnique méthodique organisé par les militaires, entrainant leur fuite au Bangladesh.

Cette répression est attisée par le mouvement 969, organisation bouddhiste ouvertement islamophobe. Toutes ces exactions : massacres, meurtres en masse, viols, violences, disparitions, tortures, incendies de villages entiers, enfants brûlés vifs, privations de nourriture sont  l’œuvre des militaires et de milices bouddhistes.

 

Mais Aung San Suu Kyi, qui a obtenu le prix Nobel de la Paix en 1991, et son Parti ont laissé faire, ont soutenu cet ethnocide. Elle ira jusqu’à assurer elle-même la défense de la Birmanie accusée de génocide devant la Cour Internationale de Justice à la Haye.  Son image, au niveau international en souffrira énormément. Mais en Birmanie, elle est restée extrêmement populaire. Preuve en est : en novembre 2020, elle et son Parti, connaitront un triomphe électoral puisqu’ils rafleront 82% des sièges à l’Assemblée Nationale hors sièges réservés aux militaires.

 

Face à cette victoire, les militaires craignent de perdre le contrôle du pouvoir avec tous les avantages qu’ils en tirent. La Birmanie est très riche en ressources naturelles (rubis, jade, pétrole, gaz …) qui sont exploitées par des entreprises dirigées par les militaires qui s’en approprient les revenus alors qu’un quart de la population birmane vit sous le seuil de pauvreté.

 

Le 1er Février 2021 ils appliquent l’article de la Constitution qui leur permet de reprendre les choses en mains, annulent les élections, emprisonnent à nouveau Aung San Suu Kyi et reprennent totalement le pouvoir en Birmanie. Bref, c’est un coup d’Etat.

 

Des manifestations populaires  ont lieu chaque jour, des appels à la désobéissance civile sont lancés mais il est très difficile de savoir ce qui se passe réellement dans ce pays complètement fermé. La répression est de plus en plus violente. Le 20 février, 3 manifestants ont été tués par la police.  L’avenir paraît sombre pour le peuple birman, qui, sous le régime militaire de 1962 à 2010, après une très timide transition démocratique, retombe en 2021 sous le joug d’un régime dictatorial.

 

Il faut craindre que la lutte de ce peuple ressemble à celle du pot de terre contre le pot de fer. Ce sera d’autant plus difficile que la Chine, voisine de la Birmanie, y possède de nombreux intérêts économiques. Dans le cadre des nouvelles Routes de la Soie, un corridor économique de 1700 kms est en construction. Il reliera directement la Chine à l’Océan Indien, évitant aux marchandises chinoises de traverser la mer de Chine et le Détroit de Malacca, zone maritime sous tensions. Ce corridor se compose classiquement d’une autoroute, d’une voie ferrée, d’un oléoduc, d’un gazoduc, de centrales électriques… pour se terminer par un port en eau profonde. La Chine veut également profiter des ressources naturelles de la Birmanie (pierres précieuses, or, cuivre…) et d’une future main d’œuvre abondante et bon marché. En effet 27 % de la population birmane a moins de 14 ans. D’ailleurs la Chine n’a pas condamné « le coup d’Etat » du 1er février. Elle veut absolument garder la Birmanie dans sa zone d’influence pour éviter qu’elle ne bascule du coté occidental, ou encore pire, du côté indien. Quant aux sanctions internationales, elles n’impressionnent guère les dirigeants birmans. Les entreprises occidentales qui se retireront du pays seront immédiatement remplacées par des homologues chinoises et russes traditionnelles, alliées de poids de la Birmanie.

Il faut espérer que cette situation d’exception, qui, selon la Constitution ne doit durer qu’un an, ne se prolonge, comme en 1962, quelques dizaines d’années pour le plus grand malheur des Birmans. 

 

Néanmoins, ce 22 février sera une date charnière où tout devrait basculer d’un côté ou d’un autre. Les Birmans sont passionnés de numérologie et astrologie et ils voient dans la date du 22.02.2021 le signe de la possibilité d’une victoire sur la junte militaire. Ils vont  jeter toutes leurs forces dans cette lutte pour la liberté.  A suivre. 

 

Jean-Louis Lamboley le 22 février 2021 

 

 

encart

Retour sur le passé pour mieux comprendre le présent

 

La conquête coloniale britannique s’étend de 1824 à 1886. Ce pays devient, officiellement, colonie britannique, séparée de l’Inde, à partir de 1937. La 2ème guerre mondiale allait modifier la donne par l’invasion japonaise. L’occupation nippone s’exerça de 1942 à 1945. Elle fut contrecarrée par l’armée britannique qui entendait, avec les Alliés, fournir des armes à Tchang Kaï-Chek afin que la Chine « nationaliste » puisse affaiblir le Japon. Pour ce faire, un chemin de fer doublé d’une route furent construits par des milliers de Birmans et de minorités ethniques, contraints au travail forcé. L’armée britannique, comme en Inde, enrôla des milliers de soldats du cru pour parvenir à ses fins.

 

L’empire britannique, après bien des hésitations, au sortir de la 2ème guerre mondiale, accorda l’indépendance à ce pays (comme en Inde…) au vu des nombreux troubles sociaux et nationalistes, guérillas anti-anglaises  auxquels  elle aurait dû s’opposer. C’est ainsi que le général Aung San prit le pouvoir, tout en restant dans le Commonwealth. La forme néocoloniale de l’indépendance semblait ainsi assurée mais c’était sans compter avec la réalité de l’époque, celle des luttes de libération nationale. Après l’assassinat de Aoung San en 1947, trop pro-anglais pour les nationalistes, les premiers gouvernements successifs birmans, tout en s’assurant de la coopération de l’armée, s’inscrivirent dans les pays non-alignés où se retrouvèrent l’Inde de Nehru, la Yougoslavie de Tito, la Chine de Mao-Tsé-Toung et de Chou en Laï…

 

Face aux troubles sociaux qui  continuaient de secouer ce pays, les militaires birmans prirent le pouvoir et instaurèrent une dictature en 1962. Au vu des répressions successives, la fille d’Aung San, Aung San Suu Kyi, représenta, dans l’esprit des Birmans, la figure de résistance à la dictature et d’ouverture aux libertés. Dans les pays occidentaux, elle fut dès lors une icône, représentant l’accès du pays à la mondialisation néolibérale. Malgré les sanctions toutes relatives des pays occidentaux, les firmes étrangères, qu’elles soient japonaises, chinoises ou occidentales, continuèrent à exploiter le pays avec de la main-d’œuvre à bas coût (Total, British Petroleum, etc.) investissant plusieurs milliards d’euros par an. La Birmanie offre également la possibilité aux pavillons de complaisance d’y trouver refuge.  GD

 

 

Au nom de la démocratie

 

Pour poursuivre la réflexion entamée par Jérôme sur les questions de la représentativité des élus et de leurs compétences, il s’agit de définir ce que pourrait être la démocratie réelle, voire directe, que pose son article. S’il est vrai que sélectionner les candidats que l’on n’a pas choisis, qui d’ailleurs ont de moins en moins de programme, est illusoire. S’il est sûr également que les élections confèrent, comme par miracle, une « compétence », la question essentielle, me semble-t-il, est de savoir quels intérêts défendent ceux qui prétendent nous représenter. Par ailleurs, le pouvoir de certains élus et des baronnies dont ils disposent démontrent bien que le système de l’élection parlementaire possède un caractère aristocratique tel que Sieyès le définissait : le « peuple » ne doit pas s’intéresser aux affaires de l’Etat. Cette injonction se matérialise par le coût du processus électoral. Les partis, les candidats doivent disposer de capitaux, recourir à des emprunts pour mener campagne, se hisser sur la scène électorale et médiatique. Cette « démocratie » opère, par conséquent, une sélection par l’argent, une véritable censure imposée aux classes ouvrières et populaires. A cette réalité, il faut ajouter que la bureaucratie d’Etat et les prétendants au pouvoir qui sortent de l’ENA baignent dans une pensée néo-libérale qui n’admet aucune objection à son idéologie : il n’y a pas d’alternative (Margaret Thatcher), il n’y a pas de démocratie en dehors des traités européens (Wolfgang Schäuble).  

 

Toutefois, si on se place au-delà des promesses électorales et si l’on invoque la possibilité de contrôle du mandat qui est donné et de révocation des élus, on commence à changer, dès lors, le système de représentation actuel qui entend tout décider à notre place. Ceci dit, il faut insister sur le fait que la 5ème République, cette monarchie dite républicaine, est aujourd’hui à bout de souffle. Les partis politiques dominants, partageant largement les options d’un capitalisme libéralisé et financiarisé, sont aujourd’hui de plus en plus discrédités. A preuve les abstentions de plus en plus importantes et le règne d’une statocratie qui a pris le relais permettant aux hauts fonctionnaires de passer impunément du public au privé et vice-versa.

 

Plus qu’hier, l’appareil d’Etat est une machine étrangère à la « société » : la haute administration, la justice, la police, ne servent que le pouvoir dominant où l’on continue de parler de démocratie alors même que son absence est patente.

 

En effet, la démocratie « réelle » signifierait, pour le moins, que la souveraineté populaire puisse s’exercer, non pas à partir de trombinoscopes mais vis-à-vis de choix réels. Aux questions suivantes, l’ensemble du « peuple » devrait pouvoir répondre : que produire ? Pour satisfaire quels besoins ? y compris pour maintenir une planète durable ? Comment produire ? Ce qui pose immédiatement d’autres problèmes comme ceux des conditions de travail et de la complémentarité des entreprises. Il est dès lors possible de pointer la réalité d’une démocratie inexistante dans les entreprises et les bureaux. En outre, dans les pays dits développés, des modifications importantes se sont produites, des activités se sont concentrées dans de grandes conurbations, désertifiant la périphérie. Il faudra bien s’attaquer à cette contradiction de plus en plus explosive entre les villes et les campagnes qu’a mise en lumière, pour partie, la mobilisation des Gilets jaunes.

 

Une autre considération doit être prise en compte, en particulier celle pointée par Robert Michels, ce sociologue qui, à la veille de la 1ère guerre mondiale, dans son œuvre Les partis politiques, démontrait qu’ils favorisaient la constitution d’oligarchies prétendument savantes. Cette réflexion s’est enrichie avec Durkheim, Bourdieu, pointant la tendance générale du système à reproduire des élites, confisquant l’initiative des militants, et favorisant, au sein des appareils, des tendances au despotisme. Plus généralement, la recherche de solutions doit être centrée sur les rapports de production et d’échanges. Il n’y a aucune raison que les moyens de production soient aux mains des actionnaires et que la souveraineté populaire soit confisquée par les banques privées et tous les fonds spéculatifs. En d’autres termes, on ne peut instaurer une souveraineté alimentaire et industrielle sans les classes ouvrières et populaires. Cette révolution ferait surgir immédiatement la contre-révolution et produirait des possibilités d’embargo, de déstabilisation, provoquées par d’autres pays. Il va de soi que, dans ces conditions, l’autarcie serait un piège à éviter car il est évident qu’un certain nombre de besoins à satisfaire posent les questions de ce qu’il est impossible de produire ici et maintenant et donc, des relations avec d’autres pays ou Etats pour contourner cette  difficulté.  

 

Indépendamment de ces considérations « stratégiques », on doit se poser le problème de l’idéologie qui est diffusée actuellement et des mots piégés que l’on nous ressasse et qui font partie  de cette pensée sclérosante qui nous est administrée. Trois exemples :

-        le mot peuple est ambigu. Nous sommes dans des formations sociales constituées historiquement, formées de rapports de classe. Le « peuple » n’existe en fait que dans la conflictualité où un ensemble de classes et de couches sociales font irruption sur la scène publique pour défendre leurs intérêts : toute l’histoire en atteste, des Bras nus aux Sans culottes et aux Gilets Jaunes. Dans la formation sociale qui caractérise la France, comme d’ailleurs d’autres pays, nous avons affaire à un système d’organisation des classes dominantes qui représentent à peine 5 % de la population et parviennent à en influencer durablement 15 à 20 % qui espèrent en faire partie

-        le mot République. Son sens, c’est la chose publique, le bien commun qui appartient à tous. Or, la réalité c’est l’appropriation notamment des biens publics et du pouvoir de décision par une « élite » qui entend bien inverser la réalité et prétendre qu’elle représente les intérêts de toute la population.

-        autre mot piégé dont s’est emparé le pouvoir dominant, c’est la laïcité. Son sens réel c’est la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Pour tenter d’éviter toute convergence entre les quartiers populaires, les couches sociales d’origine maghrébine et africaine, les partis dominants ont transformé son sens en laïcisme pour désigner et construire un ennemi intérieur, ceux précisément de confession musulmane. Il s’agit d’une arme de combat pour ségréguer, diviser davantage tous ceux qui ont intérêt à s’unir pour ne pas subir.

 

Ces quelques éléments de réflexion sont un appel à poursuivre la discussion et à s’interroger sur ce qui pourrait se produire dans les prochains mois et ce, dans une conjoncture mitée où s’additionnent plusieurs crises, sanitaire, économique, financière, sociale et climatique.

 

Gérard D

le 22.02.2021    

 

Compétence et responsabilité des élus

De nouvelles preuves accablantes

 

Les deux derniers principes qui tiennent notre système politique debout sont des arguments en mousse.

Quand on en vient à évoquer le sujet de la démocratie réelle, et donc directe, avec un partisan de notre système politique actuel (qu'il soutienne ou fasse partie de la majorité ou de l'opposition), deux arguments sont généralement mis en avant comme derniers remparts contre la chienlit : la compétence et la représentativité.

 

Les élus sont compétents. Ah bon ?

La plus grosse mystification de l'élection est de nous faire croire que, comme par enchantement, le fait de sélectionner des gens parmi une liste qu'on n'a pas choisie, et qui est établie à partir de critères totalement décorrélés de la notion de compétence (en gros : se présente qui veut), les gens qui sont élus sont intrinsèquement plus compétents que les citoyens qui les élisent.

L'élection les rend littéralement compétents, alors qu'ils ne l'étaient pas avant, quand ils n'étaient encore que de vulgaires citoyens. C'est à dire, je suppose, que puisqu'une majorité de suffrages ont été exprimés en leur faveur, ce ne sont nécessairement pas les derniers des crétins comme les électeurs le sont a priori. Bon, l'énoncé même de cette affirmation est problématique puisqu'on a d'un côté des gens supposément idiots (les électeurs) qui sont quand même capables de produire un choix éclairé malgré leur étroitesse d'esprit, de l'autre côté une personne issue du même contingent d'abrutis (l'élu) qui se retrouve tout d'un coup frappé par la grâce et doté d'une intelligence supérieure qui le rend compétent.

À partir de ce présupposé fragile, on considère que les assemblées d'élus, par exemple les parlementaires, sont généralement mieux éduqués, plus instruits, et ont une hauteur de vue supérieure à celle des citoyens. Bien sûr, chaque jour qui passe, chaque loi votée, chaque intervention télévisée d'un député ou d'un sénateur nous fait grandement douter de ce postulat. On a même l'impression que ça empire au fil des années. Prenons quelques exemples de députées élues LREM :

 

  Bon je n'ai que des femmes, là, sous la main à vous montrer, mais n'y voyez aucun sexisme, en général les hommes sont plutôt empêtrés dans des affaires politico-judiciaires, chacun son truc ! Le patron de la police, c'est à dire notre ministre de l'intérieur était d'ailleurs entendu pour une affaire de viol cette semaine. En tant que "témoin assisté", j'imagine que ça veut dire que c'est lui qui tenait la victime pendant l'acte mais qu'il n'a rien fait lui-même... Bref. je m'égare.

Cette semaine également est paru un sondage commandité par l'ADEME sur les "Représentations sociales du changement climatique". Alors c'est intéressant parce que l'idée communément admise c'est que les français sont trop attachés à leur SUV diesel pour s'occuper du climat et donc les élus qui représentent si bien nos intérêts et nos idées ne font que traduire ces préoccupations en se dépêchant de ne rien faire pour l'environnement. Une majorité de français veulent bien faire des efforts et n'accordent qu'une confiance limitée aux progrès technologiques pour nous sauver des contraintes climatiques. Chez les parlementaires au contraire, on accepte moins volontiers de changer ses petites habitudes et on pense qu'avec une poignée de voitures électriques et quelques panneaux solaires, ça devrait bien se passer.

Tout individu qui a un peu travaillé sur ces questions sait qui a raison ou tort à ce sujet. Nos parlementaires dont c'est le job (grassement payé) de travailler ces dossiers et de prévoir les conséquences à long terme de nos modes de vie et de nos choix économiques sont à la traîne.

Et je suis certain que chacun dans vos domaines d'expertise, vous avez pu vous rendre compte à quel point les députés et sénateurs sont à l'ouest, sur à peu près tous les sujets. Les élus ne sont pas seulement incompétents, ils incarnent l'incompétence.

 

Notre démocratie est représentative. Mais de quoi ?

L'autre argument tarte à la crème pour justifier d'une représentation élue, c'est le fait de porter la parole de tous les français dans l'hémicycle, toutes les régions, tous les courants de pensée... Cela présuppose bien sûr que tous les courants de pensée sont déjà représentés parmi les candidats, pour qu'on puisse en choisir un qui nous correspond. Par exemple, moi qui pense que les élections ne permettent pas la démocratie, il faudrait que je trouve un(e) candidat(e) qui se présente aux élections avec le programme affiché d'en finir avec les élections. Top crédibilité ! Et comme il faut nécessairement voter pour un seul candidat, il faut embrasser tout son programme. Je plains les écolos pro-nucléaire, les chefs d'entreprise homosexuels , les souverainistes de gauche et les xénophobes non libéraux car ces cases n'existent pas dans le paysage politique français, alors que j'ai déjà rencontré des électeurs qui ressemblent à ça...

Mais revenons au sondage de l'ADEME qui illustre bien le problème également : si les français sont plutôt partagés sur la bonne façon de relancer l'économie du pays après la crise sanitaire, avec une majorité de 55% qui pensent qu'il faudrait quand même commencer à soutenir plutôt les activités qui préservent l'environnement, les parlementaires sont, eux, aux trois quarts convaincus qu'il faut relancer l'économie coûte que coûte, sans se préoccuper de ces conneries d'environnement.

 

Manifestement, les parlementaires ne représentent absolument pas l'ensemble de la population, nos idées divergent même grandement. Alors je peux entendre que cela ne doit pas être la rue qui gouverne, parce que des manifestants, même par milliers ne sauraient représenter l'avis de la population complète. Mais que penser alors de quelques centaines d'élus dont les opinions sont à ce point différentes de la population ?

Principes du gouvernement représentatif

En tant que modeste blogueur intermittent, évidemment, je peux me tromper. Mais quand je lis la plupart des penseurs et politologues de notre époque (Manin, Sintomer, Castoriadis, Dupuis-Deri...) et des époques bien plus lointaines (Aristote, Montesquieu...), tous s'accordent à dire que le système représentatif est incompatible avec l'idée même de démocratie, et qu'il a même été conçu pour ça ! Nous élisons, tous les cinq ans, des gens incompétents et non représentatifs pour tout décider à notre place. Et on s'étonne que ça ne marche pas très bien ?

Ayons au moins l'honnêteté intellectuelle de ne plus appeler ça "démocratie".

 

Merome – 16.12.2020  Jeux de société

 

Inde. La révolte des paysans

Voilà plus de 3 mois que les agriculteurs campent aux portes de New Dehli pour protester contre la libéralisation du secteur agricole. Le nationaliste Modi remet en cause la politique du prix minimum garanti sur 23 produits de base, dont le blé ou le riz, menaçant la survie des petits paysans. Les paysans sont 650 millions (50 % de la population), souvent pauvres et endettés : 86 % des exploitants agricoles possèdent moins de 2 ha. Pour exiger l’abrogation des 3 lois votées en septembre dernier, des dizaines de milliers d’agriculteurs du nord de l’Inde menés par 40 organisations syndicales campent sur trois autoroutes et périphériques aux portes de la capitale, aux frontières de l’Haryana et de l’Uttar Pradesh. Depuis plus de 83 jours ils vivent sur le bitume, dorment sous des tentes ou dans des remorques, mangent dans les cantines improvisées : une véritable « république autonome ». Modi a beau fustiger « ces activistes », « ces parasites », ils ne  reculent pas malgré la répression, notamment lors de la grande parade du 26 janvier (1 mort, 400 blessés, 115 fermiers emprisonnés), malgré la mort de plus de 170 agriculteurs lors des manifestations, malgré l’état de siège décrété par Modi aux frontières de l’Haryana.  Les comptes Twitter de centaines d’activistes sont gelés et les barrières en métal  séparant la foule de la capitale sont remplacées par des blocs de béton, barbelés et pics, afin de crever les pneus des tracteurs. Malgré tout, le front syndical, et son leader Rakesh Tikait, déplacent chaque jour des foules immenses, aux 4 coins de l’Uttar Pradesh, de l’Haryana, du Rajasthan, du Maharashtra et rassemblent tous ceux qui savent que « quand nous serons ruinés, les industriels, amis de Modi, rachèteront  nos terres et feront de nous des ouvriers ». alencontre.org  

 

 

Insupportables inégalités

 

L’Etat-Providence, développé après la 2ème guerre mondiale, sur pression des luttes sociales, a consisté à instituer un système de solidarité en matière de santé, d’éducation, de culture, etc. par la reconnaissance de droits imprescriptibles tout au long de la vie : indemnités chômage, retraite, aide sociale lorsque l’on est privé d’emploi ou de ressources, en cas de maladie, maternité, chômage, âge… Solidarité pour atteindre l’égalité, via, notamment, les services publics. Les capitalistes, partisans de la réussite individuelle, de l’égalité des chances, du self made man, n’ont cessé d’attaquer ce système car il leur coûte « cher » et il créerait des « profiteurs » des minima sociaux et autres prestations. On connait les réelles régressions à l’œuvre depuis le « tournant de la rigueur » de Thatcher/Reagan/Mitterrand, en matière de services publics, notamment, que les crises donnent prétexte à réduire, grignotant régulièrement les droits sociaux, ouvrant la porte à la paupérisation et à la précarisation qui ne cessent de prospérer. Après 1 an de crise Covid, qu’en est-il de la pauvreté ? Les mesures de relance et d’urgence de Macron profitent à qui ? Y aurait-il des corona-prédateurs ? Qui paiera la dette qui s’alourdit ?

 

1 – Pauvreté et précarité progressent

 

Qui sont les pauvres ? Ceux qui n’ont pas de travail, avec ou sans indemnités, ceux qui ont un travail peu rémunéré, les travailleurs pauvres, ceux qui survivent avec le RSA et ceux qui tentent de vivre avec le Smic et tous ceux qui subissent ou vont subir « les plans dits sociaux » qui s’annoncent.

 

Fin 2018 (derniers chiffres connus Insee), 5.3 millions de personnes sont considérées pauvres, car en-dessous du seuil de pauvreté de 885€/mois. Sans les minima sociaux existants, il y en aurait 6 millions de plus. Une dizaine de prestations « amortissent » la pauvreté, dont le RSA 1.8 million de ménages (environ 3.4 millions de personnes), l’AAH 1.2 million de personnes handicapées, le minimum vieillesse 570 000, l’allocation spécifique de solidarité (chômeurs en fin de droits) 380 000 et enfin, 200 000  prestations pour invalides, demandeurs d’asile, chômeurs âgés…

Les pauvres représentent 8.3 % de la population totale et si l’on fixe le seuil de pauvreté à 1063€/mois (60 % du revenu médian), c’est 14% de la population (9.3 millions de personnes). A ce chiffre, il faut ajouter ceux qui n’apparaissent pas dans les statistiques, à savoir les sans domicile fixe (300 000 personnes), les 100 000 vivant en camping ou dans des cabanes, les 208 000 gens du voyage en campements précaires et 1.34 million d’immigrés, de personnes âgées et dépendantes en établissements et les 950 000 pauvres d’Outre-Mer.

 

Les effets de la crise Covid sont estimés par la CAF à 10 % de RSA supplémentaires en 2020. Le taux de chômage de 8.1 % soit 2.4 millions de demandeurs d’emploi en 2019 est passé à 9 % au 3ème trimestre 2020 - chiffre officiel de Pôle Emploi concernant la catégorie A et non tous les demandeurs d’emploi. La hausse, fin 2020, est évaluée 1 million.

 

On assiste depuis plusieurs années à une augmentation régulière de la pauvreté, due en partie aux petits boulots, contrats précaires, etc… et ce sont les plus pauvres qui subissent la tourmente. En 2020, suite aux confinements, les non-salariés ou salariés précaires se sont trouvés du jour au lendemain sans ressources ou presque. En très peu de temps, la pauvreté a gagné du terrain et les conséquences vont être graves sur le long terme. Cela concerne environ 20 % de la population et va s’accentuer. En effet, les faillites prévisibles ont des conséquences en chaîne, sur les fournisseurs par exemple, obligés de ralentir leur activité. Les mesurettes de Macron, pour les pauvres, ne vont pas les sortir du marasme.

 

5 400 structures bénévoles ont déjà accueilli de nouveaux publics et ont distribué l’aide alimentaire à 8 millions de personnes en septembre 2020 au lieu de 5.5 millions en 2019. Plus de 300 000 personnes sont sans logement. 1 million de personnes en plus sont sous le seuil de pauvreté.

 

Les jeunes occupant les emplois les plus précaires sont en première ligne. L’inquiétude est d’autant plus grande que leur situation s’était déjà dégradée, faisant passer de 8 à 13 % le taux de pauvreté des 18-29 ans entre 2002 et 2018. Quelles mesures pour eux ? Le maintien de la garantie-jeunes, une misère (!) 497€/mois pendant 12 à 18 mois, selon des conditions spécifiques dans le cadre d’un accompagnement vers l’emploi. Macron veut en inscrire 200 000 au lieu de 100 000. Rien pour les étudiants dont 1/3 touchent les bourses (entre 60 et 500€/mois). Pour les 963 000 jeunes (16-25 ans) ni étudiants, ni salariés ? Rien. Pas même le RSA mais le service civique (indemnisé à 473€ net/mois pendant 6 mois à 1 an) !      

 

Plus globalement, les plus vulnérables sont les moins qualifiés ; issus des milieux populaires, constate le Secours Catholique. En 2017, le taux de pauvreté des ouvriers et employés était quatre à 5 fois supérieur à celui des cadres supérieurs. La pauvreté ne frappe pas au hasard et la crise sanitaire va enfoncer un peu plus les classes populaires, notamment celles vivant dans des zones géographiques « délaissées », comme les quartiers populaires. Ces classes sociales ont vu leur taux de pauvreté remonter en 2018 suite à la baisse des allocations logement. Dans les quartiers classés « prioritaires », le chômage des jeunes est à 23.4 %, 3 fois plus important que le taux national. Ce ne sont pas les 100€ de hausse de l’allocation de rentrée scolaire ou les aides ponctuelles versées aux allocataires du RSA ou encore l’aide (de 100 à 900€) aux précaires ayant travaillé moins de 138 jours en CDD ou en intérim en 2019, qui vont modifier la donne. La lutte des classes a lieu tous les jours

 

2 – Et les riches ?

 

Ceux qui ont le pouvoir et l’argent n’ont de cesse de pointer les « fraudeurs » au RSA et aux allocs. Ils omettent de rappeler que l’Etat providence « profite » aussi aux familles aisées : retraite, remboursement SS, allocations chômage, alloc familiales… Voire même profitent plus aux plus riches.  Quand on a de l’argent, on emploie une femme de ménage, on investit dans des travaux à domicile, dans les DOM et dans immobilier locatif… et on profite largement des niches fiscales. En 2021, ce sont 86 milliards de recettes qui ont échappé à l’Etat. Le mécanisme de « quotient familial » de l’impôt sur le revenu procure un avantage qui augmente avec le niveau de vie et le nombre d’enfants = 30 milliards dont 15 milliards concentrés sur le ¼ des ménages les plus aisés. Une grande partie des services publics financés par la collectivité, bénéficient plus aux plus riches : culture, éducation… Un jeune qui quitte l’école à 16 ans aura coûté environ 100 000€ à la collectivité, l’élève en grande école 200 000€ et plus. Et quand le gouvernement supprime la taxe d’habitation, ceux qui vivent dans de luxueux appartements gagnent des milliers d’euros contre quelques dizaines pour ceux qui occupent de petits studios = manque à gagner pour la collectivité : 20 milliards/an.

 

Alors que le Smic a augmenté de 0.99 % au 1 janvier 2021 (10,25€ brut/h), soit + 15€ brut/mois ( !), alors que selon la Cour des comptes, la fraude aux allocations représenterait 3 % des dépenses (dont des erreurs, des omissions…), les hauts responsables d’entreprises continuent d’engranger des indemnités pharaoniques. Tom Enders, ancien patron d’Airbus, débarqué, a perçu 37 millions d’indemnités de départ, soit plus de 20 siècles de smic. François Pinault, président de Kering (luxe) a perçu, en 2019, 22 millions de bonus soit 1 200 ans de smic. Si des profiteurs existent dans toutes les couches de la population, les profits, eux, ne sont pas de même niveau.

 

Qui sont les riches ? Selon l’Observatoire des inégalités, on est riche au-delà de 3 470 €/mois/personne = 5.1 millions de personnes. Avec 15 000€ on est un peu plus riche et moins nombreux (63 000). Quand on perçoit 38 500€/mois, on passe dans le 0.01 % (6 300 personnes) des ultra-riches. En France, il y a 1.2 million de millionnaires et le 1 % le plus fortuné (1 914 600€) compte 290 000 personnes. En France, les riches sont très riches (même après avoir payé leurs impôts), ils le sont plus qu’ailleurs en Europe : hormis la Suisse, la France est le pays où le 1 % le plus aisé a le niveau de vie le plus élevé ! Cocorico !!!

 

Pendant que les riches s’enrichissent, plus de 750 plans dits «sociaux » sont en cours et ce n’est qu’un début ! Les chiffres font frémir de colère d’autant plus quand les entreprises du CAC 40 suppriment des emplois et distribuent des dividendes aux actionnaires.

 

 

3 - Qui sont les corona-profiteurs ?

 

Michelin va supprimer 2 300 emplois (plus de 10 % des 20 000 du groupe en France) alors que les usines tournent à plein régime et que le groupe fait 1.7 milliard de bénéfice. Il a maintenu un juteux dividende de 357 millions € pour ses actionnaires, soit 155 000€ par emploi qui doit être supprimé ! Après Danone, Total ou Sanofi, c’est un nouvel exemple d’entreprise du CAC 40 qui supprime des emplois pour soutenir sa valorisation boursière et rassurer ses actionnaires. Depuis 2013, Michelin a obtenu 65 millions € du CICE et plus de 12 millions pour le chômage partiel en 2020. Michelin aurait pu se passer d’argent public pour rémunérer ses salariés pendant le confinement en réduisant de seulement de 3% les dividendes. Mais, pourquoi s’en priverait-il puisqu’aucune contrainte ne lui est imposée, tout juste la recommandation du ministre Le Maire  « Soyez exemplaires : si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes ». Michelin (2ème fabricant au monde de pneumatiques) pratique des écarts de rémunération de 1 à 100. Il a installé une filiale sur 4 dans des paradis fiscaux. Certes, il a été épinglé par l’Observatoire des multinationales comme un corona-profiteur qui suce l’argent public et supprime des emplois… mais n’en n’a que faire puisqu’aucune sanction n’est prévue.

Danone, fin 2020, annonçait 2 000 suppressions d’emploi (dont plus de 400 en France) après avoir versé 1.4 milliard€ de dividendes à ses actionnaires.

Carrefour, le 17 novembre 2020, mettait 90 000 de ses 110 000 salariés au chômage partiel payés sur fonds publics, alors qu’il a versé 183 millions € de dividendes.

Sanofi annonce début 2021 la suppression de 400 emplois dévolus à la recherche. Le groupe a touché plus d’1 milliard € d’aides publiques depuis 10 ans, via le Crédit Impôt Recherche alors qu’il a versé 4 milliards de dividendes en pleine crise. Chez Sanofi la santé c’est déjà celle des actionnaires !    

 

Bruno Le Maire : « Il va de soi que si une entreprise a son siège fiscal ou des filiales dans un paradis fiscal, je veux le dire avec beaucoup de force elle ne pourra pas bénéficier des aides de trésorerie de l’Etat ». Mensonge et supercherie ! Les groupes du CAC40 ont plus de 17 000 filiales dans le monde dont 15 %  domiciliées dans les paradis fiscaux et, pour la plupart d’entre elles ont perçu des aides. De quels paradis fiscaux parle-t-on ? En fait, il y a trois listes et celle établie par le gouvernement français ne comprend que 13 pays et juridictions où l’on ne trouve ni Luxembourg, ni Belgique ni Pays-Bas.

Alors que la fraude ou les erreurs à l’assurance chômage ne concernerait que 0.5 % de l’ensemble des allocations versées (178 millions), elle demeure 7 fois inférieure à la fraude aux prélèvements sociaux (1.35 milliard) du fait d’un employeur ou d’une entreprise. Quant à l’évasion fiscale, elle est estimée à 117.9 milliards, soit 660 fois plus ! Il n’empêche ! Macron a prévu un contrôle renforcé pour les « profiteurs », à savoir les pauvres.

 

Les aides aux entreprises, avant le Covid, représentaient déjà 150 milliards/an. Celles qui ont été décidées sont d’une ampleur inédite.

300 milliards en prêts garantis par l’Etat pour soutenir la trésorerie des entreprises, sans remboursement la 1ère année. Un plan d’urgence pour le sauvetage et la relance de certains secteurs = 110 milliards dont 7 milliards pour Air France et 5 milliards pour Renault. 100 milliards pour le plan de relance France Relance : 70 mesures pour accélérer les investissements dans les secteurs innovants et la transition écologique. 31 milliards pour payer les salariés du privé, en chômage partiel. 76 milliards pour reports ou annulation de « charges » sociales et fiscales.

 

France Relance c’est 30 milliards pour la transition écologique, 36 milliards pour la cohésion sociale et territoriale (on y trouve l’extension du service civique, la garantie jeunes, les primes à l’embauche etc…) et 34 milliards pour la compétitivité des entreprises (baisse des impôts dits de production, suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour un manque à gagner de 10 milliards/an. Réduction de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties des établissements industriels et abaissement du taux de plafonnement de la contribution écologique territoriale. La plupart de ces mesures figurent déjà au budget 2021.

 

Au-delà de ces aides directes, il y a les aides indirectes pour « renforcer la trésorerie des entreprises », comme l’achat, par la BCE, des obligations émises par les multinationales. Ca leur permet de renforcer leur trésorerie par un emprunt à long terme sur les marchés financiers. La BCE a acheté via la Banque de France, des obligations de plusieurs dizaines de groupes français (dont 4 émises par Total). D’autres, comme Sanofi, Schneider Electric ou Air Liquide pratiquent de la même manière.

 

Au moins 24 entreprises du CAC 40 ont profité du chômage partiel que l’Etat a couvert, représentant, en octobre 2020, les salaires de 12.9 millions de salariés d’entreprises privées. 14 d’entre elles ont versé de généreux dividendes à leurs actionnaires. Plastic Omnium et son président (président également de l’Association française des entreprises privées – lobby qui représente les plus grandes entreprises françaises) a mis 90 % de ses salariés au chômage tout en se versant, à lui et à son entourage, 73 millions. Et d’autres entreprises dont l’Etat est actionnaire (Total, Sanofi, Schneider Electric, Michelin, Danone…) ne s’en sont pas privées !

 

En toute opacité, les multinationales du CAC 40 se permettent tout et gagnent sur tous les tableaux : chômage partiel, dividendes à leurs actionnaires et paradis fiscaux pour échapper à l’impôt. Ce n’est pas Macron, le président des ultra-riches, qui va pénaliser ces profiteurs-là, il les cajole. Qui sont les « assistés » ?

 

En conclusion, une question : qui va payer ?

 

Ces aides pour « sauver les entreprises » vont augmenter la dette publique actuellement de 2 400 milliards. Qui va financer ? Les contribuables, par l’impôt, sur le modèle de la contribution pour le remboursement de la dette sociale ? Les usagers des services publics par un nouveau tour de vis des dépenses de l’Etat ? Pas les riches puisqu’il n’est même pas question de ré-instituer l’ISF. Pas les banques puisqu’en cas de défaillance d’une entreprise, l’Etat garantit.

 

Macron, le président des ultra-riches roule pour son camp. Les plus modestes voient leur niveau de vie régresser, les pseudo-emplois accentuent la pauvreté et les classes aisées voient leurs ressources progresser. Tout ceci est gros de colères et de révoltes à venir et l’arsenal liberticide et sécuritaire, qu’il met en place ne peut que nous inquiéter. Pour l’heure, les raffineurs de Grandpuits, face au projet de casse sociale de Total, après 1 mois de grève, poursuivent le bras de fer contre le plan de 700 suppressions d’emplois directs et indirects. Les vacataires ultra-précaires de l’université qui assurent les cours comme les enseignants-chercheurs titulaires, toujours payés au Smic ou en-dessous, sont mobilisés depuis deux mois. Les participants à la convention citoyenne pour le climat, ce « machin » de Macron (dont il a ignore les conclusions), sont en colère… De nombreux mouvements en rébellion se constituent contre les violences policières, contre les lois liberticides et « séparatistes » islamophobes, et, pour certaines, font des ponts entre quartiers populaires, classe ouvrière, étudiants… Ah ! Si toutes les luttes et toutes les colères se rencontraient… pour s’unir et agir !

 

Odile Mangeot, le 18.02.2021

 

sources :

Observatoire des inégalités social, écologique et politique (organisation indépendante) www.inegalites.fr

Observatoire des multinationales, social, écologique et politique : organisation indépendante d’information et de ressources. multinatiionales.org/