Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 26 février 2021

 

Au nom de la démocratie

 

Pour poursuivre la réflexion entamée par Jérôme sur les questions de la représentativité des élus et de leurs compétences, il s’agit de définir ce que pourrait être la démocratie réelle, voire directe, que pose son article. S’il est vrai que sélectionner les candidats que l’on n’a pas choisis, qui d’ailleurs ont de moins en moins de programme, est illusoire. S’il est sûr également que les élections confèrent, comme par miracle, une « compétence », la question essentielle, me semble-t-il, est de savoir quels intérêts défendent ceux qui prétendent nous représenter. Par ailleurs, le pouvoir de certains élus et des baronnies dont ils disposent démontrent bien que le système de l’élection parlementaire possède un caractère aristocratique tel que Sieyès le définissait : le « peuple » ne doit pas s’intéresser aux affaires de l’Etat. Cette injonction se matérialise par le coût du processus électoral. Les partis, les candidats doivent disposer de capitaux, recourir à des emprunts pour mener campagne, se hisser sur la scène électorale et médiatique. Cette « démocratie » opère, par conséquent, une sélection par l’argent, une véritable censure imposée aux classes ouvrières et populaires. A cette réalité, il faut ajouter que la bureaucratie d’Etat et les prétendants au pouvoir qui sortent de l’ENA baignent dans une pensée néo-libérale qui n’admet aucune objection à son idéologie : il n’y a pas d’alternative (Margaret Thatcher), il n’y a pas de démocratie en dehors des traités européens (Wolfgang Schäuble).  

 

Toutefois, si on se place au-delà des promesses électorales et si l’on invoque la possibilité de contrôle du mandat qui est donné et de révocation des élus, on commence à changer, dès lors, le système de représentation actuel qui entend tout décider à notre place. Ceci dit, il faut insister sur le fait que la 5ème République, cette monarchie dite républicaine, est aujourd’hui à bout de souffle. Les partis politiques dominants, partageant largement les options d’un capitalisme libéralisé et financiarisé, sont aujourd’hui de plus en plus discrédités. A preuve les abstentions de plus en plus importantes et le règne d’une statocratie qui a pris le relais permettant aux hauts fonctionnaires de passer impunément du public au privé et vice-versa.

 

Plus qu’hier, l’appareil d’Etat est une machine étrangère à la « société » : la haute administration, la justice, la police, ne servent que le pouvoir dominant où l’on continue de parler de démocratie alors même que son absence est patente.

 

En effet, la démocratie « réelle » signifierait, pour le moins, que la souveraineté populaire puisse s’exercer, non pas à partir de trombinoscopes mais vis-à-vis de choix réels. Aux questions suivantes, l’ensemble du « peuple » devrait pouvoir répondre : que produire ? Pour satisfaire quels besoins ? y compris pour maintenir une planète durable ? Comment produire ? Ce qui pose immédiatement d’autres problèmes comme ceux des conditions de travail et de la complémentarité des entreprises. Il est dès lors possible de pointer la réalité d’une démocratie inexistante dans les entreprises et les bureaux. En outre, dans les pays dits développés, des modifications importantes se sont produites, des activités se sont concentrées dans de grandes conurbations, désertifiant la périphérie. Il faudra bien s’attaquer à cette contradiction de plus en plus explosive entre les villes et les campagnes qu’a mise en lumière, pour partie, la mobilisation des Gilets jaunes.

 

Une autre considération doit être prise en compte, en particulier celle pointée par Robert Michels, ce sociologue qui, à la veille de la 1ère guerre mondiale, dans son œuvre Les partis politiques, démontrait qu’ils favorisaient la constitution d’oligarchies prétendument savantes. Cette réflexion s’est enrichie avec Durkheim, Bourdieu, pointant la tendance générale du système à reproduire des élites, confisquant l’initiative des militants, et favorisant, au sein des appareils, des tendances au despotisme. Plus généralement, la recherche de solutions doit être centrée sur les rapports de production et d’échanges. Il n’y a aucune raison que les moyens de production soient aux mains des actionnaires et que la souveraineté populaire soit confisquée par les banques privées et tous les fonds spéculatifs. En d’autres termes, on ne peut instaurer une souveraineté alimentaire et industrielle sans les classes ouvrières et populaires. Cette révolution ferait surgir immédiatement la contre-révolution et produirait des possibilités d’embargo, de déstabilisation, provoquées par d’autres pays. Il va de soi que, dans ces conditions, l’autarcie serait un piège à éviter car il est évident qu’un certain nombre de besoins à satisfaire posent les questions de ce qu’il est impossible de produire ici et maintenant et donc, des relations avec d’autres pays ou Etats pour contourner cette  difficulté.  

 

Indépendamment de ces considérations « stratégiques », on doit se poser le problème de l’idéologie qui est diffusée actuellement et des mots piégés que l’on nous ressasse et qui font partie  de cette pensée sclérosante qui nous est administrée. Trois exemples :

-        le mot peuple est ambigu. Nous sommes dans des formations sociales constituées historiquement, formées de rapports de classe. Le « peuple » n’existe en fait que dans la conflictualité où un ensemble de classes et de couches sociales font irruption sur la scène publique pour défendre leurs intérêts : toute l’histoire en atteste, des Bras nus aux Sans culottes et aux Gilets Jaunes. Dans la formation sociale qui caractérise la France, comme d’ailleurs d’autres pays, nous avons affaire à un système d’organisation des classes dominantes qui représentent à peine 5 % de la population et parviennent à en influencer durablement 15 à 20 % qui espèrent en faire partie

-        le mot République. Son sens, c’est la chose publique, le bien commun qui appartient à tous. Or, la réalité c’est l’appropriation notamment des biens publics et du pouvoir de décision par une « élite » qui entend bien inverser la réalité et prétendre qu’elle représente les intérêts de toute la population.

-        autre mot piégé dont s’est emparé le pouvoir dominant, c’est la laïcité. Son sens réel c’est la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Pour tenter d’éviter toute convergence entre les quartiers populaires, les couches sociales d’origine maghrébine et africaine, les partis dominants ont transformé son sens en laïcisme pour désigner et construire un ennemi intérieur, ceux précisément de confession musulmane. Il s’agit d’une arme de combat pour ségréguer, diviser davantage tous ceux qui ont intérêt à s’unir pour ne pas subir.

 

Ces quelques éléments de réflexion sont un appel à poursuivre la discussion et à s’interroger sur ce qui pourrait se produire dans les prochains mois et ce, dans une conjoncture mitée où s’additionnent plusieurs crises, sanitaire, économique, financière, sociale et climatique.

 

Gérard D

le 22.02.2021