Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 26 février 2021

 

Médiacratie et intox

(éditorial de PES n° 70)

 

On assiste, dans la dernière période, à une accélération de la concentration capitalistique des medias dominants : 9 milliardaires en possèdent 90 % (1) et bientôt ils ne seront plus que 8. Le requin Vincent Bolloré qui possède I télé, C News, Canal +, Europe 1, RTL et M6, avec Bouygues et Dassault, etc. seront-ils bientôt les seuls maîtres de l’information préfabriquée ?

 

En fait, ces chefs d’orchestre s’appuient sur différentes « techniques » pour fabriquer l’opinion. Ainsi, Bolloré supprime les émissions d’investigation comme Intérêt public mais plus généralement, il s’assure que les journalistes précarisés (CDD, licenciements) et les prétendus autoentrepreneurs payés sur facture, soient les plus soumis possible. Ils pratiquent eux-mêmes l’autocensure pour garder leur emploi. D’autant qu’à leur tête, des chefferies éditoriales leur enseignent le prêt-à-penser auquel se réduit, de plus  en plus, la liberté de la presse.

 

Ce système médiacratique recourt également à des moyens plus subtils pour formater l’opinion. Il s’agit de sélectionner des faits, de minimiser certains autres et de divertir avec des faits divers pour faire diversion par rapport à la compréhension de la réalité. Vis-à-vis des adversaires de la pensée dominante, il s’agit, pour eux, de les cibler, de diviser, d’opposer les classes populaires, pour conforter le pouvoir et ne laisser percer aucune possibilité d’alternative. Cette police de la pensée prend désormais des allures de plus en plus répressives en ciblant « les islamo-gauchistes à l’université », les populations de confession musulmane et tous ceux qu’ils revêtent d’un manteau d’infamie, « les populistes ».

 

Il s’agit d’éviter toute brèche qui contrarierait la pensée des classes dominantes qui doit rester la pensée dominante jusqu’à nier la réalité. Il en a été ainsi avec la négation des violences policières, l’euphémisme qui désigne, de fait, les occupants de l’Etat qui donnent les ordres de répression (le préfet Lallement, Darma le nain de Macron). Toutefois les mensonges répétés ne sont pas des vérités et le rejet des médias et des journalistes, notamment par les Gilets Jaunes, l’ont démontré. Mais, l’on peut prendre des exemples moins emblématiques comme la grève des enseignants du 31 janvier 2021, suivie à 40 % et dont les manifs ont été importantes dans tout le pays (2).

 

TF1 n'en a tout simplement pas rendu compte, déblatérant sur le Covid, l’interdiction des masques artisanaux, les violences aux Pays Bas et une ribambelle de sujets divers comme les bulles en plastique aux USA permettant d’assister aux concerts.

 

Sur France 2 ce fut pratiquement la même chose mais cette chaîne (publique) accorda néanmoins, sur les 37 minutes d’émission, 23 secondes ( !) à la grève des enseignants qui protestaient notamment contre la gestion calamiteuse de l’épidémie. On eut droit à bien d’autres sujets divertissants et pleins de compassion pour un refuge pour animaux en souffrance.

 

Quant à France 3, dans un mimétisme étonnant, elle traita le sujet en 23 secondes, s’attardant bien plus sur les guerres des bandes qui ravageraient l’ensemble du pays et sur les syndicats de policiers larmoyant sur leur manque de moyens et tenant à cet égard des propos fascisants. Un comble pour les deux chaînes dites de service public qui semblent bien gangrenées par l’idéologie néo-libérale. Elles sont, à certains égards, redevenues « la voix de son maître » comme on le disait en 1968 pour l’ORTF.


Pour saisir le rôle joué par les éditocrates, il suffit d’écouter les commentaires que ces « experts » diffusent. Ainsi, sur RMC, le dénommé Truchot, qui empoche un salaire à 5 chiffres et se targue de « lire l’opinion des gens », n’a cessé de stigmatiser les enseignants, irresponsables, qui traînent dans la rue, au risque de répandre le Covid et organisent, de fait, la baisse du niveau scolaire. Il s’indigne d’ailleurs que ces professeurs, qui bénéficient d’emplois à vie et d’un statut, puissent encore réclamer, alors même que les étudiants sont dans l’obligation d’aller au Resto du Cœur. L’infamie n’était pas encore suffisante, il lui fallait, à ce bonhomme, opposer les artisans au bord du suicide, les restaurateurs qui mettent la clef sous la porte, aux profs « privilégiés ».

 

Cette entreprise de lobotomisation des esprits vise à étouffer tout esprit critique, à dresser les couches populaires les unes contre les autres. De surcroît, elle révèle l’imbrication du pouvoir, de la presse mainstream, aux mains des milliardaires, avec la statocratie, issue, pour l’essentiel, de l’ENA.

 

Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’émergent des médias alternatifs, réaffirmant que l’information est un bien commun qui ne saurait être confisqué par les tenants du capitalisme financiarisé.

 

Gérard Deneux, le 19.02.2021

 

(1)   Pour en savoir plus : L’information est un bien public de Julia Cagé et Benoît Huet

(2)   source Acrimed (Action Critique Médias), Frédéric Lemaître, 30.01 et 3.02.2021