Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


lundi 4 mars 2019

Les Gilets Jaunes de Lure
vous invitent à une rencontre citoyenne
Rendez-vous le vendredi 8 mars 2019 à 20h
maison des associations
2 rue de Verdun 70200 LURE

les Gilets Jaunes vous invitent à les rencontrer
 pour répondre à vos interrogations.

Collation offerte

VENEZ NOMBREUX

Le monde de tous les dangers
(l'édito de PES n° 51 - février 2019)

La crise de 2007-2008 aura été le révélateur de l’ouverture d’une nouvelle période potentiellement dramatique avec le retour des antagonismes entre puissances étatiques.

L’affaiblissement, le repli agressif des Etats-Unis se sont illustrés sous la forme des vociférations trumpistes par tweets et de xénophobie pour entretenir un électorat de petits blancs, frappés par la désindustrialisation, conséquence des délocalisations et de la concurrence exacerbée.

Dans le même temps, cette puissance, dont la suprématie est contestée, multiplie les actions de déstabilisation en Amérique latine pour y maintenir sa domination, de désengagement en Europe, tout en tentant de la diviser. Son apparent retrait au Moyen-Orient, source de nombre de ses déboires militaires et politiques, l’amène à soutenir l’Arabie Saoudite et l’Etat « juif » afin de soumettre l’Iran à ses diktats. Toute cette diplomatie querelleuse vise à réorienter ses efforts contre la montée de l’impérialisme économique de la Chine, désormais deuxième puissance mondiale.

Ces revirements par rapport au multilatéralisme d’antan, celui de l’hyperpuissance revendiquée après l’effondrement du mur de Berlin, s’adaptent de fait au retour de la Russie impériale de Poutine, en lui laissant le champ libre en Syrie. Mais, comble d’amertume, les alliances sont considérées comme contre-nature entre la Russie, l’Iran et la Turquie. Et les antagonismes de s’exacerber.

Les vitupérations contre le capitalisme d’Etat chinois semblent pour l’heure sans effet. Nombre de pays cèdent aux prêts mirifiques et aux infrastructures promises ou en voie de réalisation, permettant une rapide pénétration des capitaux chinois (route de la soie). Enlever l’épine nord-coréenne du géant aux pieds d’argile, que deviennent les USA, semble hors de portée.

Reste la course renouvelée aux armements les plus sophistiqués et les plus destructeurs sur fond d’accroissement des inégalités titanesques et la possibilité, décrite par maints scientifiques, d’un effondrement de l’écosystème avant la fin de ce siècle.

Le capitalisme porte en son sein, comme la nuée porte l’orage, la possibilité de guerres. S’ils ne veulent pas sombrer, les peuples, malgré les répressions, doivent se débarrasser des tyrans, des démagos, des despotes et des dingos qui les gouvernent, afin de balayer les écuries d’Augias des prédateurs en tous genres et de tracer l’avenir d’une humanité réconciliée avec elle-même.

GD le 01.03.2019

    





PES n° 51   Sommaire

L'édito : le monde de tous les dangers
- Les Gilets Jaunes et leur à-venir
- Appel pour une réappropriation démocratique des médias
- Les médias : bien public ou marchandise
- Tchad : frappes aériennes françaises : Ingérence ?
- Les mirages de l'éolien
- Aux femmes qui se battent dans le monde entier
Nos rubriques :
- Ils, elles luttent
- Nous avons lu, vu et entendu
et le poème de Pedro Vianna

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Les Gilets Jaunes et leur à-venir


Il ne s’agit pas, ici, de faire une chronique des évènements qui marquent l’évolution du mouvement des Gilets Jaunes, celui se heurtant à la fois à la machinerie du pouvoir et de ses supplétifs ainsi qu’à ses propres contradictions internes. Poursuivre et reprendre, à nouveaux frais, la tentative d’analyse des deux articles précédents, constitue plutôt la trame de ce qui suit, en réponse aux questions que l’on doit se poser. Qu’elle est donc la stratégie sous-jacente des Gilets Jaunes ? Celle du pouvoir d’Etat macronien et de ses contradictions qui s’insèrent dans les jeux de pouvoir pour essayer d’en tirer bénéfice lors des prochaines compétitions électorales ? Face à ces multiples contradictions, reflets déformés d’une potentielle crise de régime, inséré qu’il est dans un contexte européen et mondial incertain, Macron et ce qu’il représente peut-il s’adapter, se renier ?

Le mouvement des Gilets Jaunes a-t-il un avenir ?

Le creusement des inégalités, l’injustice sociale et fiscale, ont mis en mouvement des catégories sociales qui subissent de plein fouet les politiques néolibérales et austéritaires. La morgue, le mépris hautain ont provoqué ce soulèvement populaire atypique, inattendu. Le rejet des partis de gouvernement et l’inconsistance des appareils syndicaux enfermés dans un paritarisme désuet ainsi que l’apparente passivité de ceux qui subissaient les fins de mois difficiles, masquaient l’essentiel : le ras-le-bol latent de l’ordre existant. Cette réalité n’est pas prête de s’effacer.

Comme je l’ai écrit précédemment, le mouvement des Gilets Jaunes s’est d’emblée affirmé comme une force destituante, refusant de s’inscrire dans les cadres institués. Ceux d’en haut qui ne peuvent accepter cette révolte spontanée de ceux d’en bas ont très vite voulu appliquer sur la répétition iconoclaste d’occupations de ronds-points et de manifestations impétueuses, les sceaux infamants de violents, hétéroclites, manipulés par des ultras et suprême injure : sans consistance idéologique. Rien n’est plus faux que de prendre l’écume pour la profondeur de la vague déferlante qui dure depuis 3 mois.

Il y a d’abord cette sympathie qui, malgré les aléas, perdure dans l’opinion. Qui plus est, persistent ces rencontres qui brisent les solitudes, ces paroles échangées, cette convivialité populaire retrouvée. Toutes ces effervescences ont métamorphosé le soubresaut initial en autant d’initiatives incontrôlables : groupes et comités informels, assemblées citoyennes et émergence contestée de leaders auto-proclamés. Tout en tentant difficilement de se structurer, le mouvement rejette les inévitables scories qu’il charrie : les infiltrations de l’extrême droite proto-fasciste, les black-bloc - dont la seule finalité se résume à s’en prendre aux symboles de la richesse – ainsi que les électrons électoralistes prétendant constituer des listes pour les européennes, voire ceux qui se prêtent au jeu truqué du « grand débat macronien ». 

En fait, à lire la liste des revendications élaborées par le mouvement, force est d’en constater la logique que les élites considèrent comme incongrue, irresponsable… Toutes visent à la fois les injustices sociales et fiscales, l’instauration-restauration de services publics, les politiques de délocalisation-désindustrialisation, les aides au patronat (CICE) et aux plus riches (ISF) et même les dégâts accélérés sur l’écosystème climatique. Bref, tout est à bouleverser et à repenser, y compris - et cela affole la caste dirigeante – les institutions césariennes et la 5ème République. On est loin d’un réformisme compatible avec les politiques néolibérales, d’autant que le mouvement semble avoir saisi qu’il faille, pour la mise en œuvre de toutes ces aspirations, faire d’abord sauter un verrou : tel est le sens de l’appel à la démission de Macron. Au-delà de sa personne arrogante et vilipendée, c’est bien la volonté sous-jacente qui s’exprime, celle consistant à provoquer la crise du régime et d’instaurer une République sociale, démocratique, égalitaire et solidaire. La brèche ouverte inaugurerait d’autres possibles.

Certes, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le mouvement « organisé » des Gilets Jaunes reste minoritaire ; il est l’emblème ensoleillé de ceux qui refusent le déclassement social en cours. Il est surtout constitué de « gens » relativement âgés. Il est d’ailleurs assez isolé en tant que force sociale : les ouvriers, tout particulièrement l’aristocratie ouvrière, ne sont pas prêts à le rejoindre. Quant aux précaires et tous ceux qui craignent les licenciements ou l’impossibilité de faire face aux emprunts contractés, la peur du lendemain les tenaille. Nombre de jeunes semblent hors-course, accrochés à leurs gadgets (in)formatiques. Même les banlieues déshéritées n’entrent toujours pas dans le mouvement en masse.

Il n’empêche, plus ça dure, plus ça révèle qu’accepter ce système est devenu intolérable. Le pouvoir ne s’y est pas trompé pour tenter de réprimer et d’étouffer ce mouvement.

Les stratégies adaptatives et brouillonnes du pouvoir macronien

Laisser pourrir, puis affolé, céder en apparence sur l’inessentiel en lançant quelques miettes : cette prime d’activité, l’annulation du projet d’augmentation de la CSG sur les retraites, cette taxe sur les carburants abandonnée… quitte à accroître la dette de l’Etat, et demain, à la faire payer aux contribuables, mais surtout, pas touche aux profits capitalistes, à la finance et à l’enrichissement éhonté du 1 % les plus riches !

Puis réprimer, gazer, éborgner, incarcérer les manifestants. Fallait le faire… plus fort qu’en 1968, jusqu’à ce que ce soit de fait « improductif » et que la matraque symbolique, celle-là, s’abatte sur le pouvoir qui se targue d’être démocrate et légitime. Au-delà de toutes les protestations, qu’il suffise ici de citer les éléments conclusifs du rapport de la Commission des droits de l’Homme à l’ONU. L’Etat français « restreint de manière disproportionnée le droit de manifester » ; elle dénonce « le nombre élevé d’interpellations, de gardes à vue, de fouilles et la confiscation de matériels de protection des manifestants » ainsi que « les blessures graves causées par l’usage disproportionné de grenades et de flash ball ». Cette condamnation considère « extrêmement grave la loi anticasseur d’interdiction administrative de manifester, l’établissement de mesures de contrôle et les lourdes sanctions (qui) constituent de sévères restrictions à la liberté de manifester ». Diantre ! Macron  pire que Trump et Poutine, qu’Aznar l’espagnol lors de l’occupation des places, voire que Ben Ali le Tunisien !

La loi anticasseur, issue de la droite extrême du Sénat, reprise pour le gouvernement a d’ailleurs provoqué quelques remous dans les rangs des députés macroniens : 50 abstentions plus les absents… D’ailleurs cette gesticulation dont la seule vertu est l’intimidation pourrait bien être retoquée par le Conseil Constitutionnel. En attendant, elle sert à dissuader de manifester. Mais, il en faut plus ou autrement pour se sortir de l‘impopularité qui gangrène ce pouvoir aux abois.

Enfin, il y eut ce « grand débat » cadré pour étouffer, noyer les revendications propres aux couches populaires et tenter de faire remonter ce qui convient au pouvoir. Pour l’organiser, l’affaire fut confiée à un organisme privé, plutôt qu’à un organisme public qui se targuait d’être indépendant. A la base, on fit appel aux maires n’hésitant pas à les cajoler et même à vouloir acheter leur répugnance (1). Et Macron descendu de son olympe entra en meeting permanent, relayé complaisamment par les médias. De ce vaste brainstorming devaient sortir des paroles raisonnables, confortant l’image défaillante de ce président en reconquête de l’opinion. La remontée du 1er de cordée ne réussit qu’à gravir quelques points de popularité et, pire, les remontées de ceux qui se prêtaient à ces échanges téléguidés n’étaient guère encourageantes : les maires rechignant, et toujours ces « plaintes » sur les privilèges des élus, des ex-présidents de la République, sur le pouvoir d’achat… Le tri synthétique va s’avérer difficile pour un improbable référendum (sur quoi ?), au moment des européennes, puis différé en septembre… peut-être. Le césarisme démocratiste pour enfumer le populo s’avère un exercice périlleux. D’autant qu’il facilite l’éclosion de couacs parmi les macroniens, y compris les ministres. Fallait reprendre en main ces facondes en évitant trop de fâcheries. Ou les rappeler à l’ordre. Et les ministres, se devant de n’être que les premiers godillots, doivent désormais systématiquement soumettre au 1er d’entre eux, l’Edouard Philippe, le texte de leurs interviews écrites pour relecture avant publication afin que soient modifiés, ajoutés ou supprimés certains passages (2). Et ces grands messieurs outragés de se plaindre : « On est fliqués » ; « On nous fait dire des choses que nous ne pensons pas ! ». Sortir du « nouveau monde »  et se mettre à penser, quelle outrecuidance !

Mais il y a peut-être pire : le sparadrap Benalla et l’impossibilité de faire taire cette commission sénatoriale qui, tout en acculant le 1er de cordée contre la paroi lisse où il se maintient, tente de prouver l’existence qu’on lui dénie. C’est que l’affaire dont elle s’est saisie sent le faisandé : le conseiller-garde du corps de Monsieur, l’homme de la castagne publique qui devait réorganiser la protection privée du Président, ce parjure devant Messieurs les sénateurs, ce sbire détenteur d’armes sans autorisation, avait la main longue pour extirper un coffre-fort de chez lui au nez et à la barbe des policiers. C’est que ce triste sire avait des appuis en très haut lieu pour lui assurer, plus mal que bien, sa défense en lui procurant les cassettes de ses méfaits en place publique et sa reconversion en disposant d’une panoplie de passeports. Il allait devenir le missi dominici de la Françafrique. A Londres, il rencontra le sulfureux Alexandre Djouri, l’homme des contacts et des valises procurées par Kadhafi à Sarko, puis parcourut nombre de pays africains où règnent des dictateurs amis de la France. L’affaire aurait pu en rester là. C’était sans compter avec les révélations de la presse, en particulier de Mediapart. A croire que ces révélations sont fournies par une frange de la classe dominante qui ne peut plus supporter Macron le brouillon. En tout état de cause, sa nouvelle résidence à Marrakech, ses accointances avec la société Intra Conseil à l’exportation dont le PDG Akhmedon est un proche de Poutine, avec la société Mars dirigée par le milliardaire Makhmudov qui soustraite à la société Velours ( !) et qui s’est dissoute pour renaître en France Close Protection… Ce système de poupées russes pour cacher ce que l’on ne saurait montrer fait le plus mauvais effet… et si ces basses truanderies parviennent jusque dans les mains des juges… les écuries d’Augias pourraient révéler d’autres pestilences. Qui a protégé ce sbire et son compère Crase ? Qui lui a permis de disposer, après son licenciement de l’Elysée, d’une aide de Pôle Emploi de 12 000 euros pour la création et la reprise d’activités internationales, tout en se rémunérant grassement auprès des sociétés énumérées ci-dessus, à raison, pour le moins, de 14 350 euros par mois ?   

Il n’en fallait pas plus, au vu de ces interrogations, pour exfiltrer les membres de la start-up macronienne, afin qu’ils aillent se reconvertir onctueusement dans le privé. Et c’est ainsi que les jeunes rats quittèrent le navire élyséen : Stéphane Séjourné, Sylvain Fort, Ismaël Emelien, Philippe Etienne. Alexis Kohler y pense mais n’a pas encore trouvé de point de chute alléchant. Le roi est-il nu ? Certains déplorent que face à cette fuite des cerveaux énarquiens, personne ne se précipite pour les remplacer. Enfin… tant qu’on ne remplace pas Macron lui-même… d’ailleurs le but de cette opération de nettoyage n’est-il pas de pouvoir affirmer que Jupiter n’y est pour rien… qu’il faut continuer comme avant, il n’y a rien à voir !

Et pendant ce temps-là… les dernières trouvailles

Pour Macron, faut maintenir le cap tout en serrant les fesses : des milliards d’économies contre les chômeurs et pour faire passer la pilule amère, un bonus-malus pour l’abus de CDD et… la restriction des droits d’indemnisation du chômage des cadres. A ce tarif, c’est se mettre à dos le Medef et toute une partie de l’électorat macronien qui crie déjà à l’extorsion. Supprimer 120 000 postes de fonctionnaires en incitant ces derniers à se jeter dans le privé avec un mince filet d’émoluments et tout en multipliant les recours aux CDD-contractuels. Brouillon, vous dis-je. Puis, il y a toujours en ligne de mire, cible différée pour cause de Gilets Jaunes, la énième réforme régressive des retraites. 

Quant aux syndicats, ils semblent désorientés, même les plus prévenants de servilité comme le Berger de la CFDT. Las, ils rechignent à jouer le jeu du paritarisme, le patronat ne voulant rien lâcher sur l’UNEDIC, et se trouvent dans l’incapacité et l’absence de volonté de mobiliser les salariés, et encore moins à se solidariser avec les Gilets Jaunes. Mais la base, déjà en porte-à-faux avec les directions syndicales… Qu’en dit-elle ? Quand elle ne rejoint pas par petits pas les Gilets sur les ronds-points ?

Les partis dits d’opposition, mise à part, dans une certaine mesure, la France Insoumise, sont déjà tous préoccupés par les élections européennes et le grignotage de places escomptées à l’occasion des déboires élyséens : la lutte des places prime sur la lutte des classes.

La recrudescence d’actes antisémites, œuvre de nazillons et de provocateurs, telles les croix gammées sur les portraits de Simone Weil, la destruction des arbres en souvenir d’Ilan Halimi, la profanation d’un cimetière juif, fut saisi au bond par un PS moribond pour prouver l’existence de son inexistence : ces faits racistes étaient antérieurs à la manifestation des Gilets Jaunes à Paris ; puis, dans sa marge, furent lancées des insultes injurieuses contre le sieur Finkielkraut, connu pour ses diatribes islamophobes, son soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël, sa négation des droits du peuple palestinien. Ce fut l’occasion trouvée, consacrée, des retrouvailles de la caste politicienne sur la place de la République. La réprobation d’actes antisémites se transforma en lynchage médiatique des Gilets Jaunes, sommés qu’ils étaient, d’épurer leurs rangs. De leur stigmatisation les partis institués, y compris le Rassemblement National, escomptaient la marginalisation des gueux pour qu’enfin la politique politicienne n’en soit plus polluée.

La ficelle était un peu trop grosse comme l’équation Gilets = violents = racistes. Contre toute attente, la dernière manifestation (23 février) fut plus ample que la précédente, même si elle est toujours au creux de la vague.

Le pouvoir peut-il céder et sur quoi ?

Difficile de répondre à cette question qui en appelle d’autres. Le mouvement qui dure depuis 3 mois, malgré les coups reçus, peut-il toujours durer ? Va-t-il se transformer en s’organisant démocratiquement ? La voie de l’Assemblée des assemblées (3) ouvrira-t-elle un nouveau chemin, celui de l’organisation d’un mouvement politico-social radical ? Parviendra-t-il à grossir ses rangs, à maintenir le soutien de « l’opinion publique » que le pouvoir tente de formater à son encontre ? Surgira-t-il de ce mouvement des leaders démocratiquement reconnus qui tiendront la dragée haute aux énarques et autres éditocrates ? Partis de rien, des profondeurs dépolitisantes, ceux que l’on considère en haut lieu comme les moins que rien peuvent-ils tout chambouler en ralliant d’autres forces sociales ?

Et dans le camp adverse qu’adviendra-t-il de ce grand déballage médiatisé… sinon des désillusions encore plus prononcées ? Quant aux européennes prochaines, elles risquent d’aiguiser les contradictions entre ceux qui veulent instaurer la souveraineté populaire, les autres vantant la souveraineté nationaliste et xénophobe et les tenants d’une Europe néolibérale en déliquescence. Enfin, ce référendum promis comme la panacée de la réconciliation avec les élites, s’il porte comme envisagé sur un peu de proportionnelle, le vote blanc reconnu et même un petit coup de pouce pour les faibles retraites, peut-il changer la donne ? Certes, non ! Les tensions vont perdurer, les Gilets Jaunes chercher leur chemin dans un contexte européen et international de plus en plus tendu. Entre la montée de l’unilatéralisme, le retour de la confrontation entre puissances (USA-Chine-Russie), la montée des nationalismes d’extrême droite, doit surgir la révolte des peuples. En Algérie déjà et demain…

Mais le peuple lui-même n’est-il pas autre chose qu’une construction historique qui naît dans la confrontation ?

Gérard Deneux, le 25.02.2019

(1)   Voir encadré sur les indemnités des maires des villes de moins de 3 500 habitants
(2)   Le Canard Enchaîné du 13.02.2019
(3)   La 1ère a eu lieu à Commercy en janvier, la 2ème aura lieu à St Nazaire en avril

Encart 1
Acheter les petits maires pour les amadouer
L’ambition (finalement déçue) de Macron était de faire participer les Maires des petites communes à l’orchestration du « grand débat ». Quoi de mieux que de les appâter en les différenciant du commun des contribuables. Petit retour en arrière des détricotages et traficotages de l’imposition… des indemnités des Maires des communes de moins de 3 500 habitants (tiré du Canard Enchaîné du 19.02.2019) :
-        2017. Leur indemnité maximale est fixée à 1 600€ (ou moins pour les communes de moins de 1 000 habitants). Ils bénéficient d’un abattement de 658€/mois sur lesquels ils ne paient aucun impôt et d’une première tranche d’impôt à taux zéro de 808€… Donc sur 1 466€, ils ne paient rien et ils touchent le maximum d’indemnité ; ils ne sont imposés que sur 134€ !
-        2018. L’indemnité est intégrée dans le traitement de la retraite ou du salaire. Malgré les abattements maintenus, les indemnités n’échappent plus totalement à l’impôt
-        2019. Les parlementaires votent un rétablissement d’abattement unique et forfaitaire de 1 493€/mois sur lesquels les maires ne paient aucun impôt… On revient, sous une autre forme, à la case départ de 2017.
L’Association des maires jubile, tout comme les sénateurs, les macroniens se disent qu’ils n’occuperont pas les ronds-points puisqu’une majorité d’entre eux ne se trouve plus du tout imposée. GD.

Encart 2 
Trop brève histoire d’un infiltré
Les chaînes d’info avaient trouvé un Gilet Jaune qui se prêtait à toutes les invitations. Le sieur Benjamin Cauchy s’auto-désignait porte-parole. Jusqu’au jour où l’on découvrit son interview sur le site d’extrême droite Boulevard Voltaire, puis son militantisme à Debout la France de Dupont-Aignan et la place qu’il doit occuper sur cette liste aux européennes. Et cet infiltré de répandre son amertume : « Les Gilets Jaunes ne veulent pas de listes aux européennes ». Bref, le vrai gilet brun a surtout envie d’aller manger des frites à Bruxelles ! GD


Encart 3
Si Macron possède quelques réminiscences historiques, il devrait se méfier de l’homologie des postures. Louis XVI lavait les pieds, périodiquement, de quelques indigents sélectionnés. Macron semble se prosterner médiatiquement devant un SDF… pour lui susurrer qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un toit ? Le christ-roi a mal fini et Jupiter peut craindre un sort, certes pas tout à fait semblable.

 




Amazon : virés pour soutien aux Gilets Jaunes

Les chasubles jaunes fluo et leurs sympathisants semblent être dans le viseur du géant du commerce en ligne. Depuis novembre 2018, la CGT Amazon Logistique a recensé 4 cas de licenciement d’employés pour faute grave.  La direction pointe des commentaires ou posts Facebook sur les groupes des Gilets Jaunes comme des « manquements à l’obligation de loyauté ». A Lauwin-Planque (Nord), un des deux salariés débarqués est sanctionné pour un appel au blocage sur le site d’Amazon Transport de Lesquin, alors qu’il est employé par Amazon Logistique. A Montélimar, la personne licenciée est accusée de s’être réjouie, sur le réseau social, d’un blocage. Dans le Loiret, un employé a été mis à pied à titre conservatoire, donc sans salaire, avant d’être remercié à la suite d’un message sur la page Nous Gilets jaunes : « Pour frapper un grand coup et nuire à l’économie : blocage des entrepôts Amazon ! »
Dans l’entreprise, le terreau est là pour alimenter la colère : les bas salaires. Ces sanctions sont une attaque à la liberté d’expression mais, selon la CGT, ces décisions radicales dépassent le cadre des Gilets Jaunes. Ces licenciements sans préavis et sans indemnités interviennent juste après le pic d’activités des fêtes de fin d’année et ses recrutements massifs. La CGT y voit un moyen de dégraisser à bas coût. Contactée par l’Humanité, la direction d’Amazon France souligne que « ces sanctions sont à rapporter aux appels à bloquer les entreprises et à nuire à leurs activités. Il est faux de prétendre que des collaborateurs ont été licenciés pour une raison autre que la violation de leurs obligations contractuelles ».
Les pressions n’ont pas empêché leurs soutiens à manifester, à l’initiative de la CGT, Solidaires et des Gilets Jaunes.  (publié dans l’Humanité, le 8.02.2019).


Nous avons lu

Un monde de camps
La multiplication des camps qui se banalisent, œuvre des gouvernements et des ONG, n’est pas seulement affligeante, elle révèle la volonté politique inavouée de regrouper, parquer, faire transiter,  retenir cette part indésirable de l’Humanité en souffrance. 12 millions de personnes vivent dans des campements de fortune ou sont piégés dans des centres de rétention. Ce sont les nouveaux parias, les bannis, les errants. Vous trouverez, dans ce livre, ce qui se cache sous les oripeaux brandis de l’universalisme humanitaire. Malgré tout, la mort qui guette et le dépérissement qui gangrène les espoirs, la vie l’emporte.
Ces enquêtes de terrain sont une sorte de tour du monde des camps de Chatila au Liban, de Dadaab au Kenya (450 000 habitants parqués) en passant par Haïti, Calais, au Pakistan, en Zambie, en Thaïlande, au Bénin, au Soudan… et même en France à Sainte-Livrade où les rapatriés vietnamiens sont parqués… toujours, « ils sont la chair impure de l’Empire et les enfants métis oubliés »… GD.
Sous la direction de Michel Agier, 25 contributions-enquêtes, la Découverte, 2014, 25€


Nous avons lu

Les prédateurs.
Les milliardaires contre les Etats
Denis Robert, le journaliste à l’origine de la révélation du scandale Clearstream, récidive, cette fois en compagnie de Catherine Le Gall, spécialisée dans les dérives de la finance. Leur enquête sur les milliardaires Albert Frère (belge) et Paul Desmarais (canadien) porte sur des escrocs de haut vol. Partis tous deux d’entreprises familiales héritées, ils ont su bénéficier avec brio ( !) de la dérèglementation financière. S’entourant des « meilleurs » juristes de l’évasion et de l’optimisation fiscales, jouant de passe-droits et de complicités de haut niveau, associés à de grandes banques d’affaires, ils ont bâtis leur immense fortune en pillant les Etats, en profitant des privatisations. Leurs tentacules s’étendent en Europe, en Afrique, en Amérique latine.  Ce livre est un thriller bien réel où l’on rencontre des sociétés-écrans, des patrons en vue, comme François Pinault, Bernard Arnault, des sociétés comme Areva, Total ou le hamburger Quick - véhicule d’une arnaque à la Caisse des Dépôts et Consignations. L’on croise également des personnages « illustres », amis de « nos » deux compères, comme Sarko, Macron, Wauquiez, etc., Georges Bush, Margaret Thatcher. Grâce à des montages financiers opaques, la normalité de ce monde de larrons est criante d’injustice : ainsi l’on apprend, entre autres, que la femme de ménage d’Albert Frère payait plus d’impôts (4 140€) que les deux holdings de son patron (152€)… La Belgique est un enfer fiscal pour les travailleurs qui paient 30 à 50 % d’impôts et un paradis fiscal pour les multinationales qui ne paient en moyenne que 6 % d’impôts (p. 25). GD
Catherine Le Gall et Denis Robert, Cherche Midi, 2018, 21€


Nous
qui sommes
exécrés

Nous
qui sommes
bannis

Nous
qui sommes
interdits

Nous
qui croyons
aux Hommes

Nous
qui chantons
pour la paix

Nous
qui
persistons

On parlera
(un jour…)
de nous
les poètes
de ce siècle agonisant

Pedro Vianna
In Revoyant les vieux cahiers 
Paris, 25.IX.1976  

Pedro Vianna, né au Brésil, a participé à l’opposition politique clandestine contre la dictature militaire au Brésil. Arrêté par les militaires fin 1970, il parvient à s’échapper et demande l’asile au Chili. Là encore, très engagé politiquement, il est arrêté le soir même du 11 septembre 1973, jour du coup d’Etat militaire dirigé par le général Pinochet. Sorti du stade National grâce à la solidarité internationale et à l’action du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés,  il arrive en France en novembre 1973. Dès la mi-1975, il écrit de la poésie. Ces poèmes de la première période ont trait aux souffrances sous la dictature.
Poète, auteur théâtral, metteur en scène, diseur et comédien, Pedro Vianna a écrit 21 pièces de théâtre en plusieurs langues, a conçu, avec Eric Meyleuc pour certains, une trentaine de spectacles poétiques. Il est l’auteur de cinquante-deux recueils de poèmes, à retrouver sur http://posiepourtous.free.fr/  Nous en publions régulièrement dans PES. Merci Pedro


Tchad : frappes aériennes françaises. Ingérence ?

Attention ! Un média-mensonge peut en cacher un autre !  A occuper les écrans et les radios de contre-informations sur les Gilets Jaunes, les affublant de qualificatifs de violents, casseurs, extrémistes, ultras… et  antisémites, les faiseurs d’opinion en oublient ( !) de nous dire que Macron et son gouvernement sont en train de fignoler leurs réformes antisociales, contre la fonction publique, contre les chômeurs… Ils en ont même omis ( !) de nous dire que l’’aviation française a bombardé le nord est du Tchad début février ! On ne peut tout de même pas classer dans les faits divers les Mirage 2000 larguant quelques bombes et repartant aussitôt ! Pour quoi faire ? Défendre les Tchadiens contre les « terroristes » ou le dictateur Idriss Déby contre son opposition ? En tout cas, la France, fidèle à ses garants de la Françafrique, a volé au secours du dictateur Déby sans trop s’interroger sur la légalité de la procédure. Ce n’est, hélas, pas la première fois.

Idriss Déby, verrou stratégique de la France en Afrique

Du 3 au 6 février, des Mirage 2000 des forces armées françaises ont bombardé une colonne de rebelles tchadiens venant de Libye et entrant dans le nord est du Tchad. En coordination avec l’armée tchadienne, une vingtaine de frappes ont détruit une vingtaine de véhicules - pouvant convoyer chacun jusqu’à 10 combattants. Y a-t-il eu des morts, des blessés ? Zéro journaliste dans la zone des bombardements. Silence total. Un fait divers, de la Françafrique en quelque sorte !

Rien de bien exceptionnel au Tchad, qui après son indépendance en 1960 (sous protectorat français en 1900 puis colonie de l’Afrique Equatoriale Française à partir de 1920), a connu le plus grand nombre d’interventions militaires. Au cours des années 1960/1970, la France a mené une véritable guerre contre-insurrectionnelle contre les troupes du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat). A partir des années 1980, le Tchad avec l’aide de Kadhafi met en place Goukouni Oueddei ; il sera renversé par Hissène Habré en 1982, aidé par la France qui interviendra, dès 1986, sous forme de l’opération Epervier pour maintenir en place cet allié indispensable dans la politique contre la Libye de Kadhafi. En 1990, Hissène Habré sera renversé à son tour par Idriss Déby, à la tête d’une rébellion armée partie du Darfour soudanais, toujours avec le soutien de la France. Si les causes d’intervention et les modes opératoires ont varié, le constant soutien aux régimes mis en place a subsisté au nom de la nécessaire « stabilité » du pays permettant, surtout, le maintien de la présence française dans cet espace stratégique d’Afrique centrale. C’est ainsi que l’opération Epervier de 1986 prend fin… en août 2014 pour laisser la place à l’opération Barkhane « contre le terrorisme », le plus important déploiement français en opération extérieure.

Idriss Déby, depuis 1990, fait face à diverses rébellions. Il a toujours bénéficié du soutien des gouvernements français, plus ou moins discrètement, sous forme de renseignements pour l’armée tchadienne, de coups de semonce, de contrôle de l’aéroport, aujourd’hui, sous forme d’une attaque aérienne contre les rebelles tchadiens ! C’est dire que la présence  française et l’opération Barkhane dans cette région de l’Afrique n’est pas prête de se clore ; le gouvernement Macron se permettant, sous son couvert, une intervention directe, alors même qu’il s’agit d’une rébellion menée par une colonne d’opposants armés, se revendiquant de l’UFR (Union des Forces de la Résistance) ayant l’objectif de prendre le pouvoir à N’Djamena.

Légalité des frappes aériennes de février 2019 ?

Si l’on se réfère au droit international, il s’agit d’une intervention à l’intérieur du pays mais, précise la ministre des armées, « à la demande de l’Etat » en question. Il n’y a donc pas besoin de cadre légal international (de type traité, résolution de l’ONU, etc.) pour l’autoriser (ce que confirme l’association Survie dans une analyse reprise dans ce texte (1). Il est en revanche nécessaire de questionner la légitimité politique d’une telle assistance directe dans un conflit armé interne.

Sur le plan légal franco-tchadien, la France n’a plus « d’accord de partenariat de défense » avec le Tchad (depuis 1975) (contrairement au Cameroun, à la Centrafrique, aux Comores, à la Côte d’Ivoire, Djibouti, au Gabon, Sénégal et Togo). Elle a, par contre, signé avec le Tchad un « accord de coopération militaire technique » en 1976 consistant à mettre à disposition des militaires français pour l’organisation et l’instruction des forces armées tchadiennes. Cependant, ces personnels militaires « ne peuvent en aucun cas participer directement à l’exécution d’opérations de guerre, ni de maintien ou de rétablissement de l’ordre ou de la légalité ».

En l’occurrence, l’accord de 1976 ne couvre pas le stationnement de forces armées françaises au Tchad et l’opération Epervier est close depuis 2014. Pour couvrir l’opération du 3 février, le premier ministre s’est empressé d’appliquer l’alinéa 1 de l’article 35 de la Constitution : « le gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote ». Il a donc adressé un sibyllin courrier aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ce 6 février « J’ai l’honneur de vous informer… que le gouvernement a décidé de faire intervenir ses forces armées au Tchad contre des groupes armés venus de Libye, en réponse à la demande d’assistance des autorités tchadiennes…). Il a omis de préciser dans quel cadre cette intervention était programmée ; ce ne peut être au nom de l’accord de coopération militaire technique de 1976 puisqu’il interdit l’intervention directe à des opérations de guerre. Alors, au nom de l’opération Barkhane, sans le dire, car celle-ci est menée en violation de la Constitution française. En effet, le 2ème alinéa de l’art. 35 précise : « lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du parlement. Il peut demander à l’assemblée nationale de décider en dernier ressort ». Or, la prolongation au-delà de 4 mois de l’opération Barkhane, déclenchée le 1er août 2014, avec des forces militaires françaises importantes à N’Djamena au Tchad et à Gao au Mali, n’a jamais été soumise au Parlement. Interpelé par l’association Survie en 2015, Le Drian a prétendu que cette opération s’inscrivait dans le prolongement des opérations Serval et Epervier (autorisées par le parlement), sauf que Barkhane couvre 5 pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) alors que « Serval » couvrait le seul Mali et Epervier le seul Tchad et que leurs objectifs affichés ne sont pas les mêmes. En conséquence, l’intervention des Mirage 2000 dans un conflit tchado-tchadien n’aurait pas lieu d’être légalement. Il ne faut pas compter sur le Parlement pour relever cette « anomalie », devenue « système de la Françafrique ». Le 19 janvier 2015, l’association Survie a dénoncé, par un courrier aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’illégalité de Barkhane mais ceux-ci ne se sont jamais saisi de cette opportunité de rouvrir le débat sur le rôle de l’armée française au Sahel, tout comme aujourd’hui au Tchad (1). 

C’est dire combien le néocolonialisme imprègne les esprits des parlementaires, ceux-ci considérant que toute intervention en Afrique, sur l’ancien pré carré de la France, est légitime, donc, peut être menée illégalement. Au fond, ils sont d’accord avec le régime présidentialiste français qui donne pouvoirs au Président, seul, pour faire la guerre !  
   
Survie s’interroge sur l’existence ou non d’un accord spécifique entre la France et le Tchad - semblable au « traité de coopération en matière de défense » qu’elle a signé avec le Mali le 16 juillet 2014 - sans que cela soit officialisé… Ce qui est certain, c’est que la présence permanente de l’armée française au Tchad, au titre de l’opération Barkhane, n’est encadrée ni par un accord ni par un traité public. 


Une opération contre le terrorisme ou contre les rébellions ?

La « guerre contre le terrorisme » est le prétexte au renouvellement du soutien de la France à Déby, ce dictateur, « ami de la France », engagé militairement dans le dispositif français au Mali notamment, pour être considéré comme le maillon central en Afrique centrale.

Les rebelles de l’Union des Forces de la Résistance (UFR) menacent le pouvoir de Déby, tout comme existent d’autres factions armées tchadiennes, au sud de la Libye, prêtes à franchir la frontière. Un certain nombre de Tchadiens sont partis pour combattre en Libye, contre rémunération, aux côtés du pouvoir de Tripoli ou aux côtés d’Haftar (ancien officier de l’armée de Kadhafi passé à l’opposition et devenu l’homme fort de l’est du pays). Une partie de ces combattants, en conflit avec Haftar, risquent de rentrer au Tchad, ce que redoute Déby. Quant à Firman Erdimi, chef de l’UFR – cousin du président proche du pouvoir en 2004, vivant maintenant au Qatar – il promet démocratie et liberté tout comme Déby l’avait fait en 1990…

Que vient donc faire Barkhane dans une affaire tchado-tchadienne ? La puissante armée tchadienne ne serait-elle pas capable de régler ce conflit ? A moins que l’armée tchadienne n’ait pas voulu se battre ? C’est une  armée tribale où soldats et rebelles appartiennent à la même tribu des Zaghawas (celle à laquelle appartient aussi le président). Mais, surtout, l’armée subit les restrictions et injustices flagrantes qui affectent aussi l’ensemble de la population. Les soldes des militaires sont totalement disparates, à la tête du client. Certains des 1 400 soldats engagés au Mali dans les forces des Nations Unies n’ont jamais reçu le salaire de 1 500 dollars par homme qui est versé au gouvernement tchadien par l’ONU. La situation pour Déby est explosive. L’intervention aérienne de février est donc le résultat de la conjonction des intérêts de Déby qui a besoin du soutien spectaculaire de la France et de ceux de la France, qui veut pérenniser sa présence en Afrique centrale et pérenniser son opération antiterroriste.

La situation sociale au Tchad est aussi explosive. Depuis sa réélection en 2016, au prétexte de juguler la crise financière (et notamment après la chute du prix du pétrole) Déby a abaissé de façon unilatérale le salaire des fonctionnaires qui gagnent environ 400 euros /mois. La répression s’est abattue sur les opposants et les organisations de la société civile, notamment les jeunes de la plateforme Iyina (« Nous sommes fatigués !»). La police politique, aux ordres de Déby, la très redoutable agence nationale de sécurité (ANS) traque, arrête, emprisonne et torture impunément. Disparitions, enlèvements. Aucune voix discordante n’est tolérée. La répression vise toutes les couches sociales. Depuis plusieurs mois, les écoles sont en grève, les fonctionnaires non payés, le système de santé s’effondre, le revenu des officiers a été divisé par 4. Si l’extraction du pétrole correspond à environ 65% des revenus de l’Etat, cela ne bénéficie nullement à la population : près d’un Tchadien sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté.

Cette conjonction de situations de mécontentement a laissé penser aux rebelles que le moment était venu pour renverser le régime.

La France comme tous ceux qui soutiennent ce dictateur, ferment les yeux sur l’étouffement et la répression féroce qu’il fait subir aux opposants et sur la misère de la population. Elle a trop intérêt à faire durer le G5 Sahel,  cette instance dite de coordination en matière de politique de développement et de sécurité. Cette structure se réduit, de fait, à sa seule force armée conjointe, avec l’objectif de regrouper 5 000 hommes, même si le fonds fiduciaire devant gérer les contributions financières reste une coquille vide. Sur les 414 millions d’euros promis par la communauté internationale pour 2018, 200 millions ont été engagés. Et l’on ne voit pas bien comment ces pays pourraient devenir responsables de leur propre sécurité alors même qu’ils restent dépendants des financements extérieurs aléatoires. La France, quant à elle, souhaite déléguer une partie du coût financier des opérations, mais surtout récolter les fruits de cette structure, comme un renouveau du système concessionnaire colonial sur le mode sécuritaire.  L’UE vient de décaisser 50 millions pour l’achat de gilets pare-balles français, l’Arabie saoudite promet 100 millions pour l’achat d’équipements militaires français… Une visite récente de l’ANS tchadienne à la DGSE permet de discuter de la coopération franco-tchadienne : dons de matériels de guerre, d’équipements de maintien de l’ordre… à la garde nationale nomade tchadienne… sachant que celle-ci participe à la garde des frontières.

Au titre de la lutte contre le terrorisme, le contrôle aux frontières permet à Déby de classer « terroristes » tous les rebelles tchadiens même s’ils ne figurent pas sur la liste des mouvements terroristes de l’ONU, ou des orpailleurs que la clique de Deby souhaite chasser pour s’accaparer les mines de Miski, ou encore des migrants qui transitent entre les territoires libyen et soudanais. Les bombardements de l’armée tchadienne dans les localités aurifères du Tibesti illustrent la confusion pratique dans l’emploi du terme terroriste pour  contrôler les mines d’or.

Pour conclure

En plus de 28 ans de pouvoir sans partage, le clan Déby a su asseoir un pouvoir prédateur, corrompu, répressif, clientéliste, despotique et… porté à bout de bras par les gouvernements successifs français, depuis François Mitterrand. « A l’heure où j’écris ces lignes, ce dictateur, ami de la France, refuse de payer les salaires des fonctionnaires ; il continue de faire enlever des activistes, des opposants mais le soutien de la France demeure intact, sur la plan politique et militaire. Nous ne demandons pas à la France d’agir en notre place ni de chasser Déby de son palais : nous exigeons de la France qu’elle ne soutienne plus des dictatures abjectes et prédatrices comme celle de Déby ». Al Khatib Noor (2). « Les jeunes tchadiens sont désabusés et ne voient qu’une seule alternative : partir coûte que coûte ! La France et l’UE voudraient que cette dictature qui nous pousse à fuir, serve à retenir les candidats à la migration ? Qu’elle devienne la gardienne des frontières extérieures de l’Europe ? ».

Cette opération de février 2019 est un acte de soutien symbolique, par lequel la France affirme que son armée interviendra quand Déby lui demandera. Les partenaires européens sont aphones alors que cette partie du territoire tchadien compte des enjeux en termes de migrations à venir. Quant à tous les questionnements que pose cette acte d’ingérence dans les affaires interne du Tchad, ils laissent indifférents les parlementaires français qui n’éprouvent pas le besoin de lancer un débat politique de fond sur le soutien de la France au dictateur Déby.

Odile Mangeot, le 26.02.2019

(1)   https://survie.org
(2)   un lecteur tchadien de Billets d’Afrique (dans le n° déc 2018/janvier 2019)

Sources : Billets d’Afrique, site de l’association Survie, Médiapart 




Contre le colonialisme français au Tchad
Les Tchadiens et Tchadiennes immigré-e-s en France, affirment que le bombardement par l’aviation française du 4 au 6 février a fait plus de 160 morts et a arrêté puis remis à l’armée tchadienne plus de 250 personnes. Ils appellent à manifester le 7 mars, devant l’Assemblée Nationale : « Nous n’avons pas besoin de la France pour régler nos problèmes. Nous exigeons le départ immédiat de l’armée française du sol tchadien. La colonisation est terminée ! »


Aux femmes qui se battent dans le monde entier
par les femmes Zapatistes du Chiapas, Mexique

Sœur, camarade,

Nous vous envoyons le salut des femmes zapatistes qui se battent. Nous n’allons pas pouvoir organiser la 2ème rencontre internationale des Femmes qui Combattent, ici dans nos terres zapatistes en mars 2019 (la 1ère rencontre internationale des femmes de 40 pays a été organisée au Chiapas en mars 2018).

Il s’avère que les nouveaux mauvais gouvernements ont déjà clairement indiqué qu’ils allaient mettre en œuvre leurs mégaprojets de grands capitalistes. De leur Train Maya (à Palenque, Chiapas), de leur plan pour l’isthme de Tehuantepec (dans l’Etat de Oaxaca, développement du port, des voies ferrées, des routes…), de la plantation d’arbres pour la marchandisation du bois et des fruits. AMLO (Andrés Manuel Lopez Obrador, le nouveau président)(1) a dit que les sociétés minières et les grandes sociétés d’agro-business viendraient nous visiter. Il dispose d’un plan agraire qui pousse à l’extrême l’idée de nous détruire en tant que peuples indigènes (natifs, autochtones) de manière à convertir nos terres en marchandises. Ils veulent compléter ce que Carlos Salinas de Gortari (président  1988/1994) a dû laisser en attente parce que nous l’avons arrêté avec notre insurrection.

Ces projets sont destructeurs. Peu importe combien de fois ils « multiplient » leurs 30 millions de supporters (mouvement Morena). La vérité est que ces nouveaux pouvoirs font tout contre les peuples natifs, leurs communautés, leurs terres, leurs montagnes, leurs rivières, leurs animaux, leurs plantes et même leurs pierres. Non seulement, ils s’opposent à nous, zapatistes, mais ils sont contre toutes les femmes qu’ils disent indigènes (et aussi les hommes). Ils veulent que nos terres soient pour les touristes qui auront leurs grands hôtels et leurs grands restaurants. Ils veulent que nos terres deviennent des fermes produisant des bois précieux, des fruits et de l’eau ; des mines pour extraire l’or, l’argent, l’uranium et tous les minéraux que les capitalistes convoitent. Ils veulent que nous devenions leurs petits pois, leurs serviteurs, que nous vendions notre dignité pour quelques pièces par mois. Parce que ces capitalistes, et ceux qui leur obéissent dans les nouveaux mauvais gouvernements, pensent que ce que  nous voulons, c’est de l’argent. Ils ne comprennent pas que nous voulons la liberté, que le peu que nous avons fait, c’est de nous battre sans que personne nous demande des comptes. Ils ne comprennent pas que ce qu’ils appellent « progrès » est un mensonge, qu’ils ne peuvent même pas s’occuper de la sécurité des femmes, qui continuent à être battues, violées et assassinées dans leur monde progressiste ou réactionnaire.

En territoire zapatiste, pas une seule femme n’a été assassinée depuis de nombreuses années. Ils disent que nous sommes les arriéré-e-s, les ignorant-e-s… Peut-être ne savons-nous pas ce qu’est le meilleur féminisme, peut-être ne savons-nous pas comment dire « corps » ou ce qu’est l’équité entre les sexes ou ces choses qui comportent tant de lettres qu’elles ne peuvent même pas être dites… Ce que nous savons, c’est que nous luttons pour notre liberté et que nous devons maintenant nous battre pour la défendre afin que nos filles et nos petites-filles ne souffrent pas de l’histoire douloureuse de nos grand-mères.

C’est à nous de lutter pour que l’histoire ne se répète pas, celle qui implique que nous retournions dans le monde de la stricte préparation de la nourriture et de la mise au monde des bébés, pour les voir grandir dans l’humiliation, le mépris et la mort.

Nous ne prenons pas les armes pour revenir à ce passé. Nous n’avons pas mené durant 25 ans une résistance pour servir les touristes, les patrons et leurs contremaîtres.
Nous n’allons pas cesser d’être des promotrices de l’éducation, de la santé, de la culture, de nos coutumes, de notre système de pouvoir propre, de l’élection de nos mandants, pour devenir maintenant des employées d’hôtels et de restaurants servant des étrangers pour quelques pesos. Peu importe que cela nous rapporte beaucoup ou peu de pesos, ce qui compte, c’est que notre dignité n’a pas de prix.  

Nous allons nous battre avec toutes nos forces contres ces mégaprojets. S’ils conquièrent ces terres ce sera sur le sang des zapatistes. Ce que nous voulons c’est la liberté que personne ne nous a donnée mais que nous avons conquise en combattant.

Camarade, sœur,

N’arrêtez pas de vous battre. Même si ces maudits capitalistes et leurs nouveaux mauvais gouvernements s’en sortent et nous anéantissent, vous devez continuer à lutter dans votre monde. Nous allons nous battre pour qu’aucune femme au monde n’ait peur d’être une femme.

Extraits de Femmes zapatistes des montagnes du sud-est mexicain, février 2019, traduction A l’Encontre. OM.

(1)  AMLO – Mouvement de régénération nationale Morena – dit « de gauche » a emporté les élections présidentielles en juillet 2018 et a pris ses fonctions le 1er décembre. Il promet de réaliser la  4ème transformation du Mexique (redistribution des richesses, lutte contre le crime organisé…). Il doit tenir compte de la vulnérabilité de l’Etat, de la puissance et des liens du narcotrafic… Il a reconnu la légitimité de Maduro tout en affirmant ne pas vouloir se fâcher avec les USA. A suivre…      

samedi 2 mars 2019


Les Amis de l’Emancipation Sociale et les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté
vous invitent au ciné-débat

Mardi 5 mars 2019 (18h/21h)
au Bar Atteint 25 rue de la Savoureuse à Belfort

Projection de l’entretien, sur Là-bas si j’y suis,
entre Daniel Mermet et Juan BRANCO
suivi d’un débat sur le thème :
 France : oligarchie ou démocratie ?

Juan Branco est issu du sérail, formaté pour faire partie de l’élite technocratique au pouvoir. Rompant avec ce système, il révèle les liens qui unissent la haute fonction publique et la bourgeoisie des affaires. La mise sur orbite de Macron n’a été possible qu’avec la connivence intéressée des médias, aux mains des capitalistes et des éditocrates à leur service. Venez en débattre.

Contact : aesfc@orange.fr  03.84.30.35.73. Un apéro/plateau est proposé par le Bar Atteint (8 ou 10€), à l’issue de la soirée. Merci de réserver au 09.83.91.82.95.