Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


dimanche 29 mai 2016

Les Amis de l’Emancipation Sociale
Et l’Assaut Bidon présentent
Prise de confiance
une conférence chantée par
 MEROME
suivie d’un débat citoyen
L’éducation populaire c’est l’idée que chacun peut apprendre de ses semblables, en dehors des schémas traditionnels de l’enseignement académique. L’éducation populaire par les chansons populaires, c’est Merome qui interprète Renaud, Tryo, les Cowboys Fringants, Mickey3D, Saez, Goldman, Aldebert, Cabrel, Benabar, et aborde des thèmes aussi divers et variés que la décroissance, le suffrage universel, le dérèglement climatique, la crise financière, etc.

Laissez-vous embarquer
A la maison pour tous à DANJOUTIN, le  2 juin à 19h30
 au Moulin Begeot à MELISEY  le 4 juin 2016 à 20h
 (entrée gratuite)

Renseignements http://prisedeconfiance.fr                                                            contact aesfc@orange.fr




Intervention des AES, à la manifestation Solidarité/Régularisation/Migrants du 25 mai 2016 

Au nom des Amis de l’Emancipation Sociale,
Avec toutes les associations et organisations de soutien aux migrants qui ont appelé à cette manifestation,

Nous allons rappeler à la Préfète Lecaillon qu’il n’est pas concevable qu’elle se réfugie derrière la loi pour dire NON.

Nous allons lui rappeler
- qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour dire OUI à la régularisation des déboutés du droit d’asile,
- qu’elle peut délivrer un titre de séjour à ceux qui, bien qu’étrangers, parlent français, sont insérés dans la vie sociale, dont les enfants sont scolarisés et qui disposent de promesse d’embauche.

Nous allons lui dire, à Mme la Préfète,
- qu’elle fasse preuve désormais de l’humanisme dont elle se revendique, elle qui affirme, contre toute attente laïque, sa catholicité
- qu’il lui faut laver son déshonneur.
Il n’est pas humain, en effet, de se réclamer de la papauté accueillante pour les migrants, et d’expulser par la force, Kozma, de le séparer de sa famille et de le livrer à la maffia albanaise qui le menace de mort.

Nous allons lui rappeler
- que les lois et règlements derrière lesquels elle se réfugie, peuvent être liberticides,
- qu’il est inconcevable d’expulser toutes ces familles : Naqellari, Anamali, Gjyriqi, Bullari et tous les autres
Toutes ces familles sont insérées dans la vie locale et nous sommes fiers de ce multiculturalisme.

Nous allons lui dire qu’elle ne peut se réfugier derrière son subordonné, le secrétaire général Chouchkaieff, et qu’il est encore temps de racheter son honneur, pour autant qu’elle ne fasse pas preuve de ce zèle liberticide dans l’application des directives de Valls/Hollande en fin de règne.

Les réfugiés, les déportés, les déplacés, tous ces immigrés ont droit, ici, à l’hospitalité, car leur vie et leur liberté sont menacées. Et il ne peut être question de faire le tri entre ceux qui seraient des migrants économiques et ceux qui seraient des migrants politiques.
Cela est plus problématique que jamais d’autant, faut-il le rappeler que la misère et la guerre sont engendrées, pour l’essentiel, par le capitalisme prédateur.
En effet, dans les Balkans hier, en Grèce aujourd’hui, au Moyen-Orient et en Afrique, les politiques austéritaires et guerrières font fuir les populations qui tentent de se construire un avenir meilleur.



                                                                                                                                         …/…
Faut-il rappeler que les castes politiciennes qui gouvernent servent les intérêts d’une oligarchie contre les peuples ? Ils érigent des barbelés, dressent des murs pour refouler, trier les migrants, les abandonner dans des camps et bidonvilles comme à Calais, ou les livrer au despote turc Erdogan, à celui qui emprisonne les journalistes, suscite la guerre civile contre les peuples turcs et kurdes, à celui qui, encore aujourd’hui, soutient les islamistes terroristes en Syrie ?

A Madame Lecaillon, nous allons dire qu’elle ne peut que se distancier de toute cette honte et qu’ici, elle doit lever les assignations à résidence, ces pointages journaliers à la gendarmerie qui suscitent peur, angoisse, stress. Cette maltraitance psychologique et physique doit cesser ; les persécutions qui assimilent les familles déboutées à des criminels dangereux doivent cesser.

Un vent mauvais hante l’Europe, celui des égoïsmes nationalistes, celui de la xénophobie et du racisme qui dressent les peuples les uns contre les autres.

Nous devons nous lever, et debout, pour l’affronter, pour dire NON à la barbarie.

Nous réaffirmons ainsi que l’unité populaire à construire accueille en son sein tous les humiliés, les exploités, dans la fraternité d’un combat qui est à mener ici et maintenant.

Tel est notre devoir internationaliste pour l’émancipation sociale à venir.

Nous réaffirmons ainsi la libre circulation des hommes, le droit d’aller et venir. Ce sont des droits fondamentaux, tout comme le droit au travail ou le droit de résidence.

Et, pour ce faire,

Régularisation de toutes les familles

Retour en France de Kozma



Le 25 mai 2016

Gérard Deneux
Solidarité ! Régularisation

« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat
Toute personne a le droit de quitter tout pays,
y compris le sien, et de revenir dans son pays ».

Au nom de l'article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, nous dénonçons les méthodes utilisées par les autorités préfectorales à l'encontre des migrants

Halte à la maltraitance,
Halte aux violences morales et psychologiques sur les familles,
Halte aux atteintes aux droits de l'Homme
et aux droits de l'Enfant !
Halte à l'expulsion des familles, déboutées du droit d'asile
Halte à la séparation des familles à la mode de Vichy !

Les familles Gjyriqi, Anamali viennent de subir ces méthodes.
La famille Naqellari est en train de les vivre (Kozma est expulsé, Shkendi et leurs deux enfants sont restés à Lure)

Nous n'avons pas le droit de fermer les yeux
Exigeons la régularisation de toutes
les familles déboutées du droit d'asile !

Manifestons notre réprobation face à ces expulsions et aux méthodes utilisées. Si quelqu’un doit être expulsé du département, c’est la préfète Lecaillon

Rendez-vous à
VESOUL, mercredi 25 mai 2016
à 16h30, place Edwige Feuillère (place des jets d’eau)

Autocensure de la presse locale : l'Est Républicain, la presse de Vesoul, la presse de Gray et les Affiches de Haute-Saône n'ont pas diffusé, même partiellement, la lettre ouverte (au verso). Voilà qui en dit long sur la crédibilité de la presse qui a pour mission d’informer !

Le groupe 70 Solidarité/Régularisation, le 12 mai 2016, …/…


Lettre ouverte, communiquée à la presse le 13 avril 2016

Madame Marie-Françoise Lecaillon le 12 avril 2016,
Préfète
1 rue de la Préfecture
70000 Vesoul

Madame la Préfète,

Le devoir nous impose d'attirer votre attention, par la présente, sur la différence de traitement dont sont l'objet les migrants de différentes statuts en Haute-Saône.
En effet, les migrants issus de camps tels que celui de Calais, sont hébergés, entre autres, à Echenoz-la-Méline. Ils sont appelés à être régularisés et ils semblent être traités humainement.
En revanche, les familles déboutées du droit d'asile, ayant épuisé tous leurs recours et menacées d'une OQTF (Obligation à Quitter le Territoire Français), sont soumises à des pressions constantes, à la limite de l'inhumain. Il s'agit de familles résidant en France depuis de nombreuses années, intégrées socialement et acceptées là où elles habitent. Leurs enfants sont scolarisés. Les parents s'inscrivent dans la vie sociale de la cité et, par un apprentissage assidu du français, ont acquis la maîtrise orale de notre langue, voire la maîtrise écrite. Ils ont tissé des liens associatifs et amicaux et, pour certains, disposent de promesses d'embauche.
Ces familles bénéficient de tous les critères, pouvant conduire à leur régularisation. Par conséquent, nous vous demandons d'user de votre pouvoir discrétionnaire de régularisation, et de mettre un terme à des pratiques portant atteinte aux droits de l'Homme, aux droits de l'enfant et à la dignité humaine.
En effet, nous constatons :
- une assignation à résidence avec obligation de pointer dans les services de gendarmerie ou de police, les assimilant à des délinquants, voire à des terroristes,
- des risques permanents d'interpellation pouvant mener à l'expulsion,
- de fortes pressions vécues comme des violences morales et psychologiques émanant des services de l’État,
- des tentatives d'intimidation, des surveillances policières, des menaces d'interdiction de préfecture, émanant des autorités préfectorales, à l'encontre des citoyennes et citoyens qui aident, soutiennent, accompagnent ces familles ainsi que des accusations portées à l'encontre des enseignants qui « favoriseraient », dans leurs classes, les enfants des déboutés pour faciliter leur régularisation,
- le refus par vos services, et ce sans justificatif réglementaire, que ces familles puissent être accompagnées d'une personne de leur choix, soit lorsqu'elles sont convoquées, soit lorsqu'elles se présentent spontanément à la Préfecture. Nous vous demandons de mettre fin à cette manière de faire discriminatoire, spécialement appliquée en préfecture à Vesoul.
Toutes ces pratiques sont autant de traumatismes dus au stress permanent, infligés plus douloureusement aux enfants et à leurs mères. Nous sommes là en présence d'atteintes à la dignité humaine, aux droits fondamentaux inscrits dans le préambule de notre Constitution et au mépris des conventions internationales et européennes que la France a ratifiées. Nous vous demandons de les faire cesser.
Nous vous adressons, Madame la Préfète, l'assurance de nos salutations distinguées.

Signataires : Les Amis de l'Emancipation Sociale, l'association de soutien aux demandeurs d'asile de Saint-Loup, l'association Welcome, la CGT 70, le collectif d'aide et de défense des migrants 70, le comité d'entraide des réfugiés de Lure, le Comité Départemental des Associations Familiales Laïques, la Ligue des Droits de l'Homme 70, la Ligue de l'Enseignement 70


lundi 2 mai 2016

Les Amis de l’Emancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique Nord Franche-Comté, le collectif STOP TAFTA 70, la Ligue des Droits de l’Homme 70 et la LDH 90
vous invitent à une conférence-débat sur le thème

Libre-échange et Droits de l’Homme
en présence de
Frédéric VIALE
Membre du conseil scientifique d’ATTAC

 mardi 17 mai 2016 à 20h30 à la maison du peuple à Belfort
 mercredi 18 mai 2016 à 20h au Point habita jeunes(FJT) à Frotey-les-Vesoul
entrée libre


A l’heure du projet de Grand marché Transatlantique (dit TAFTA) entre l’Union européenne et les Etats-Unis, et d’autres accords bilatéraux entre les « empires », nous devons être alertés sur l’emprise généralisée du dogme du libre-échange sur nos vies. On le sait, cette politique de libéralisation, de concurrence « libre et non faussée », développée depuis la création de l’OMC, n’a pas prouvé son efficacité en matière du mieux-vivre des Hommes. Au contraire ! La pauvreté, la précarité, la détérioration de la nature ne cessent d’augmenter et atteignent aujourd’hui les pays occidentaux « en crise ». 68 ans après la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les droits économiques et sociaux sont en recul : « droit au travail », « droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille », etc. Ce que les « évangélistes du marché » prévoient dans le GMT serait un nouveau recul des Droits de l’Homme. Venez en débattre.    

Les Amis de l’émancipation Sociale, les Amis du Monde Diplomatique et la Ligue des Droits de l’Homme 90 vous invitent à une soirée exceptionnelle,
 sous la forme d’une conférence-théâtre

Le droit se meurt
Créé et interprété par Alain Bressy
Ex-magistrat
Vendredi 20 mai 2016
 à 20h suivi d’un débat et de dégustation de tapas-maison
au Bar Atteint, 25 rue de la Savoureuse à BELFORT

Cet ex-magistrat Bressy se met en scène pour décrypter la justice, monde complexe, mal aimé, et qui va mal. Je ne comprends le Droit que lorsqu’il m’abandonne…  Nous méconnaissons le Droit et la Justice au point de ne pas nous rendre compte que certains de nos droits du quotidien sont confisqués, silencieusement, jour après jour. Il est urgent d’expliquer, raconter, la grande histoire de notre Droit et de sa Justice, pour réagir au délitement actuel. C’est ce que propose Alain Bressy, avec humeur et simplicité, il illustre et anime une conférence-spectacle en forme de fabliau-théâtre à débattre, où critique et sarcastique, Citoyen Blaireau, plus futé qu’on ne le dit et démocrate à rayures, se rebiffe carrément…

Pour réserver : 09.83.91.84.99                                                                                            contact : aesfc@orange.fr  03.84.30.35.73






Pour l'Emancipation Sociale
PES
n° 23 est sorti

Au sommaire :

- l'édito (ci-dessous) Obama au chevet de l'Europe malade
- Les terroristes de Tel Aviv
- Trump l'oeil
- Vers une ZADification du mouvement social ? (ci-dessous)
- Migrants : "Non bienvenue" ! (ci-dessous
- Notre-Dame-des-Landes : un caillou dans la chaussure de Valls/hollande (ci-dessous)
- Tchernobyl 1986, Fukushima 2011
- A l'encontre du capitalisme : les SCOP
- Longwy en deuil
- rubrique : ils, elles luttent
- rubrique Nous avons lu
pour terminer, un poème de Pedro Vianna 

Pour vous abonner
- par courriel : 5€
- par envoi postal : 18€
à envoyer à Gérard Deneux, 76 rue Carnot 70200 LURE
à l'ordre de PES 



Obama au chevet de l’Europe malade

Dans la tournée des adieux qu’accomplit Obama en Europe, il y a du pathétique, celui d’une sortie ratée de la scène historique. C’est comme un dernier effort pour ranimer ce grand corps malade qu’est devenue l’Europe, malade d’excès de libéralisme financiarisé à qui le docteur Dafoirus prétend injecter une nouvelle dose. Le Traité Transatlantique, il y tient, pour tenter de sauver les Etats-Unis du déclin qui les affecte, mais il ne trouve en Europe que des pays de plus en plus déchirés. Que ce soit la « vieille » Europe dénigrée par Bush, son prédécesseur, ou la « nouvelle » à l’Est qu’il encensait, tous ces pays ont la fièvre. Certes, elle prend différentes formes : règles du libre-échange dévastateur, montée des inégalités et de la précarisation, soubresauts d’indépendantisme, de rupture, comme en Ecosse ou en Catalogne, mais, aussi, plus inquiétant, foisonnement des égoïsmes nationaux, refus de la domination allemande, de celle de l’eurocratie, identitaire, xénophobe, face à « l’afflux » des migrants.

Et celui qui fut encensé, voire adulé (l’Obamania), celui qui, en 2008, communiait avec la foule de 200 000 personnes réunies au Tiergarten, en est réduit, désormais, à se produire à la foire de Hanovre. Là, devant un parterre bien plus réduit mais composé du gratin de l’industrie mondiale, il a congratulé son « amie Angela », farouche partisane du Traité entre l’Europe et les Etats-Unis, tout en lui faisant la leçon. Il faut investir vos excédents budgétaires et notamment dans l’armement pour surmonter la crise et faire face à l’ours poutinien en Ukraine ! C’était, certes, dit dans des termes plus diplomatiques mais…  

Las, ses vigoureux propos, comme ceux précédemment tenus au Royaume-(dé)Uni, pour rassurer la City de Londres et calmer les inquiétudes de l’ami Cameron, n’ont eu guère d’effets. Là-bas, ils ont plutôt attisé les réactions nauséabondes, tout particulièrement de l’UKIP de la droite extrême contre ce président à moitié kényan, voire chez les conservateurs néocoloniaux nostalgiques de l’Empire britannique rétifs à la domination états-unienne. Impact tout aussi dérisoire sur l’Autriche plaçant le parti fascisant à la tête des présidentielles au 1er tour et reléguant aux oubliettes les partis dominants de droite et de « gauche » qui, depuis 1945, se sont succédé au pouvoir. Quant à la vieille Europe, elle est gangrenée, soit par la peste brune, soit par un cléricalisme conservateur et xénophobe. De la Hongrie à la Pologne, en passant par la Serbie, se dressent des murs de la honte, des barbelés et des camps de rétention aux frontières. Et l’accord de marchandisation d’êtres humains, ce fameux accord d’externalisation, de sous-traitance, de tri des migrants, conclu entre Merkel et le despote turc Erdogan, ne fait que renforcer, dans les têtes malades, la validité du refoulement à caractère raciste.

Ce n’est pas seulement sur la scène européenne que le rhéteur Obama risque le plus. Dans son propre pays, les mêmes effets du néo-libéralisme et de la domination des 1% de nantis provoquent les mêmes rejets : xénophobes chez Trump qui cajole les cols bleus paupérisés, socialisants avec Bernie Sanders qui fait vivre l’espoir né d’Occupy Wall Street. Bref, l’histoire bégaie face à la voie à prendre.

Le 30.04.2016



Migrants : non bienvenue !

Plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe en 2015. Des dizaines de bateaux ont accosté sur les plages de Grèce, de Malte. 2015 sera l’année record du nombre de morts en Méditerranée. La route des Balkans se ferme. Des murs se construisent au cœur de l’UE. L’espace de Schengen est bien « mal en point ». Et comme si cela ne suffisait pas à faire comprendre aux migrants qu’ils ne sont pas les bienvenus en Europe, un deal signé entre l’UE et la Turquie permet aux Etats de se « débarrasser de la question » en confiant à Erdogan (qui ne se fait pas remarquer par son ouverture aux Droits de l’Homme), le tri des migrants.

Face à la catastrophe humaine dans les camps qui se constituent, non seulement dans les pays limitrophes des pays en guerre, faisant fuir hommes, femmes et enfants, à la recherche d’une terre d’accueil, mais aussi en France à Calais notamment, que faire ? Car si la solidarité avec les migrants est une réalité, la banalisation du refoulement de ceux qui « n’ont qu’à rentrer chez eux », voire le rejet et le racisme sont bien là aussi, prêts à être utilisés sans scrupules par ceux qui veulent atteindre le perchoir en 2017. Ce qui est certain, c’est que la France de Valls/Hollande ne mérite plus le label qu’elle cocoricotte dès qu’elle peut, de » pays des Droits de l’Homme ». 

Schengen et liberté de circulation ?
Politique européenne d’immigration = 0

La libre circulation des personnes entre les Etats signataires de l’accord de Schengen, signé en 1985 entre la France, la République Fédérale Allemande, la Belgique, les Pays Bas et le Luxembourg, prévoyait l’abolition graduelle des frontières. Ce fut la 1ère étape de la création de l’espace Schengen, imaginé non pas pour permettre la libre circulation des hommes mais la fluidification des routes commerciales du « marché commun ». En effet, en 1984, les douaniers français et italiens, mécontents de l’intensification de leur travail, entreprirent une grève du zèle, contrôlant avec circonspection les frontières, et provoquèrent une crise que les Etats ne voulaient plus subir. Furent privilégiées, dans cette Europe du commerce, les marchandises et non les Hommes. Les modalités d’application ont été écrites dans la convention signée en 1995 et l’espace Schengen fut institutionnalisé dans le Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997. A ce jour, 26 Etats sont membres de l’espace Schengen (cf encart). 

Et voilà que, paradoxalement, depuis août 2015, Allemagne, Autriche, Hongrie, République tchèque, Slovaquie (dans l’espace Schengen) ont rétabli des contrôles aux frontières. Cela ne fut pas pour déplaire à Sarko « Schengen est mort » et à le Pen « l’absence de frontières nationales représente une folie criminelle » et même Valls, qui juste après le 13 novembre 2015, entonna : « Si l’UE n’assume pas ses responsabilités c’est tout le système Schengen qui est remis en cause ». Le contrôle aux frontières nous garantirait donc contre le terrorisme ? En tout cas, les actes de terrorisme sont une « occasion » pour que les politiciens « sécuritaristes », nationalistes et xénophobes de tous poils prennent des dispositions pour se « protéger » ou « s’enfermer »  derrière leurs frontières respectives. Et pourtant, sans revenir sur les causes des assassinats terroristes de 2015 (1), c’est un leurre que de prétendre que seul le contrôle aux frontières les arrêtera. D’ailleurs, l’UE depuis 25 ans, n’a cessé de se doter de dispositifs de contrôle pour barrer la route à l’immigration clandestine : partage d’une base de données communes entre les polices européennes, dit système d’information Schengen, fichier d’empreintes digitales, renforcement des moyens de l’agence Frontex chargée de surveiller les frontières extérieures, avec hélicoptères, drones, navires militaires, matériels sophistiqués pour détecter les battements de cœur, pour voir la nuit…. 

La question principale est celle de l’absence de politique européenne en matière d’immigration. Elle n’est que l’addition des décisions de chaque Etat en fonction de sa situation économique, de sa couleur politique ou de sa situation démographique.

Ce ne sont pas les fermetures dans l’espace de Schengen, ni les contrôles ré-institués aux frontières sur la route des Balkans qui empêcheront ceux qui dans un désespoir total veulent aller vivre ailleurs où cela est encore possible. Les routes de l’exil s’adaptent aux politiques d’ouverture ou de fermeture des Etats et les passeurs font fructifier leurs affaires. A peine la route des Balkans devient impraticable, déjà la route centrale par Albanie/Italie se rouvre, même si elle est beaucoup plus dangereuse.

Alors, changer les règles de Dublin qui obligent le demandeur d’asile à déposer son dossier dans le pays d’entrée en Europe (Italie et Grèce principalement). La Haute Représentante pour les affaires étrangères de l’UE, Mme Mogherini, le prône ; la commission a proposé, avec le soutien de l’Allemagne, que l’UE se dote d’un système permanent de répartition des candidats à l’asile entre les 28 membres, mais la solidarité européenne a ses limites : Pologne, Hongrie et France y sont opposées !

Faut-il bloquer l’immigration, si tenté que cela soit réalisable ? Car, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’accueil des étrangers extra-communautaires en UE est faible. En 2013 : 1.5 million, ce qui représente, par rapport aux 508 millions d’habitants, 0.003%. Sur les 60 millions de réfugiés dans le monde, 11.5 millions sont Syriens et plus de la moitié sont déplacés à l’intérieur de la Syrie. Le Liban accueille l’équivalent de 25% de la population de son pays et l’UE seulement 0.2%(2) !

Quand on parle de migrants, doit-on faire une distinction entre ceux qui fuient les persécutions, les discriminations dans leurs pays dues à la guerre, à des régimes dictatoriaux ou violents vis-à-vis « minorités », et ceux qui fuient la misère accentuée par les politiques du capitalisme financiarisé, décidées par les instances internationales non élues (FMI, BCE, Commission Européenne) et exigeant leur mise en œuvre par les Etats « en crise ». Telles sont les questions qui fonderaient une réelle base de réflexion sur la politique à mettre en œuvre, au-delà de l’application des conventions internationales rappelant que la protection est un droit fondamental de l’Homme.

Accueil des demandeurs d’asile = hypocrisie de la France

En France également, on est loin de « l’invasion » des demandeurs d’asile agitée par la droite et la droite extrême, voire le gouvernement Valls/Hollande. Les demandeurs d’asile sont environ 60 000 par an (80 000 en 2015). Le statut de réfugié est en constante baisse depuis des années : entre 15 et 20% l’obtiennent. Cette réalité est le nœud du problème : les déboutés du droit d’asile, très nombreux, ne peuvent repartir dans leurs pays. Ils n’ont plus de droits d’hébergement par l’Etat dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et sont dans les hébergements d’urgence ou s’installent dans des camps improvisés. Les pressions des services préfectoraux sont constantes pour les inviter puis les contraindre à repartir. Si ça ne marche pas, c’est l’OQTF (obligation à quitter le territoire français), puis l’assignation à résidence, le camp de rétention jusqu’à tenter de faire monter dans les avions. Mais ça ne marche pas ! On assiste donc à la répétition d’un cycle sans issue : OQTF/assignation à résidence/expulsion/avion (le père seul, la mère seule, sans les enfants ou avec)/retour dans la ville d’origine/porte fermée au CADA/rue/disparition du champ visuel de l’Etat. Telle est la politique de refoulement pratiquée en France par les Préfets aux ordres des Ministres. On rêve que des « Jean Moulin » se lèvent et refusent ces refoulements… Ce qui est assuré, c’est la multiplication des sans-statut/sans-papiers, à la rue, sans ressources, sans autorisation de travailler, sans aides sociales (RSA, allocations familiales, APL), la seule protection étant l’aide médicale de l’Etat (service minimum de santé). Cette politique honteuse est dénoncée par les associations solidaires, les voisins des camps, les personnes sensibles à la détresse mais, sur ce terrain, prospère également le racisme.

L’Etat décharge sa responsabilité sur la solidarité des bénévoles et associations qui trouvent des solutions de bric et de broc pour les familles, expulsées des CADA. Leurs places sont réattribuées à d’autres DA qui n’auront pas le statut, et se retrouveront à nouveau en sursis. C’est sans fin. Ce n’est pas une politique d’accueil, c’est une politique d’expulsion qui ne veut pas dire son nom !

« Nous ne vous voulons pas », telle est la politique appliquée. Qu’est-ce qui empêche un pays de 66 millions d’habitants d’accueillir des immigrés (définitivement ou temporairement), de leur donner une place dans la société ? Pourquoi fermer les yeux sur le travail au noir des sans-papiers, les logements indignes, comme celui, emblématique, de Calais ?
 
L’image d’Epinal de la France terre d’asile est encore fortement imprimée dans les esprits. Cette page est bel et bien tournée car le gouvernement Valls/Hollande, certes, ne prévoit pas de construire un mur à la frontière, comme en Hongrie ou en Macédoine. Il institue des barrières moins visibles. Il promet et ne fait pas. Hollande déclarait en septembre 2015 vouloir accueillir 24 000 Syriens et Irakiens « relocalisés » en 2 ans (!). A ce jour, 300 relocalisations sont effectives. Il crée des frontières de procédures, en refoulant ceux qu’il étiquette de « faux » demandeurs d’asile. Il ferme les yeux sur la création de « camps invivables » : la jungle de Calais en est l’emblème, le symptôme de la politique de refoulement et d’exclusion menée par Hollande/Valls.  

Calais. Le 21 octobre 2015, l’Appel de Calais recueillait en 24 heures 800 signatures pour dénoncer ce bidonville. S’y sont installés des lieux de rencontres, une « cabane juridique », des commerces… Malgré les demandes de ne pas détruire ce que ces gens avaient construit pour reconstituer un lieu de vie, Cazeneuve n’a rien entendu et a décidé de fermer la zone sud de Calais pour le 25 février 2016. Où sont allés les 3 450 réfugiés, les 438 mineurs isolés ? Les associations militantes sur place, Médecins du Monde notamment, dénoncent l’échec du démantèlement. Le 14 avril 2016 : 328 sont relogés sous les tentes de la sécurité civile, 254 en Centre d’Accueil et d’orientation, 315 en Centre d’Accueil provisoire (à 12 personnes dans les containeurs de 14 m2), ¼ sont partis vers Paris ou des campements voisins : la moitié ont été déplacés d’une centaine de mètres. Au 13 avril, l’Auberge des migrants décomptait 3 376 migrants (et non 1 639 chiffre de la préfecture) dans la jungle + ceux qui sont dans les conteneurs + les foyers de femmes et tentes sécurité civile, soit au total 5 000 migrants(2).

La France viole la convention de Genève et celle des droits de l’enfant en refusant un accueil digne aux migrants, en empêchant une centaine de mineurs isolés de rejoindre leurs familles au Royaume Uni, en expulsant des personnes dans des pays faussement sûrs, en entravant le droit à la santé et le droit à l’asile. Et en promouvant la signature de l’accord Turquie/UE du 18 mars, Hollande  se lave les mains de cette question embarrassante, en préconisant sa sous-traitance à la Turquie.

Le pacte de la honte : Union Européenne/Turquie

Signé le 18 mars, l’accord a « de quoi donner la nausée aux défenseurs des droits humains et la migraine aux juristes ». Il prévoit le renvoi en Turquie de toute personne arrivée irrégulièrement après le 20 mars, y compris les demandeurs d’asile syriens. En contrepartie, pour chaque Syrien renvoyé hors UE, donc en Turquie, un autre doit être réinstallé dans un pays de l’UE, dans un pays de l’UE dans la limite de… 72 000 places ! La Turquie compte déjà 2.7 millions réfugiés syriens. Elle a donc « bien » négocié cette sous-traitance : 6 milliards d’euros et la délivrance facilitée de visas pour les Turcs vers l’UE.

L’opération est lancée. Le 4 avril 2016, 202 migrants ont embarqué de Grèce vers la Turquie, sous garde policière. Le 8 avril, 124 autres ont été expulsés des îles grecques.

La Grèce, quant à elle, s’est engagée à examiner en procédure accélérée les DA avant tout renvoi. Encore faut-il que les migrants concernés aient eu le temps d’ne déposer une avant d’être enfermés dans les centres d’enregistrement, devenus de fait des centres de rétention. Si les pays de l’UE ont été prompts à fournir des renforts policiers à la Grèce, celle-ci attend les 400 juristes et interprètes pour l’aider à examiner les dossiers ! La France a promis d’envoyer 300 agents pour mettre en œuvre l’accord (il en faudrait 4000). Par contre, il y a déjà 170 CRS français dans les îles de Chios et Lesbos. Cazeneuve a aussi fait appel aux douaniers qui seraient « préposés à l’escorte d’étrangers en situation irrégulière au départ de la mer Egée vers la Turquie », en précisant le profit du poste : pour poser candidature, il faut ne pas rechigner à « exécuter des gestes professionnels coercitifs » comme « l’immobilisation » et le « menotage ». La CGT-douanes, en désaccord avec cette mission plus policière que douanière, a obtenu que « le bâton télescopique de protection » (en langage clair : la matraque) et « la bombe incapacitante » soient retirées de la liste de l’équipement du « parfait » douanier en partance pour la Grèce !

Comment se fait « le tri » ? Qui contrôle la Turquie dans la mise en œuvre de cet accord ?

Le 1er avril, Amnesty International a déjà dénoncé l’expulsion par la police turque de plusieurs milliers de Syriens vers leur pays en guerre ! Erdogan profite de l’occasion, il prend un décret le 8 avril pour renvoyer les Pakistanais, étrangers majoritaires en Turquie.

Les migrants, malgré tout, migreront.

C’est bien la crainte de l’UE qui s’est empressée de proposer la prolongation de l’opération Sophia, lancée en 2015 : premier déploiement européen de moyens militaires coordonnés pour résoudre un problème de sécurité intérieure. 24 des 28 membres de l’UE sont impliqués, fournissant 5 frégates (Italie et Allemagne), 1 avion (France) et des moyens matériels et techniques nécessaires pour patrouiller dans les eaux internationales, au sud de Lampedusa, pour lutter contre les trafiquants. Elle souhaite étendre les patrouilles des vaisseaux vers l’est de la Méditerranée, afin de prévenir les arrivées depuis la Libye et approcher ses eaux territoriales ; mais dans ce pays en plein chaos, difficile de signer un accord. L’époque de « l’ami » Kadhafi est révolue, lui qui avait accepté de contenir les migrants sur le continent africain, n’est plus, liquidé par les mêmes qui, aujourd’hui, dans le marasme qu’ils ont contribué à former là-bas, sont bien embarrassés de la coexistence de deux gouvernements.

A peine les frontières se fermaient dans l’espace Schengen et en UE, que les passeurs réorganisaient leurs routes ; délaissant la route des Balkans, ils se préparaient à rouvrir « leurs bureaux » en Albanie et dans les Pouilles en Italie. Le marché est juteux. Depuis 2000, le chiffre d’affaires des réseaux des passeurs est évalué à 16 milliards d’euros. Parallèlement, c’est 11 milliards d’euros que les Etats membres de l’UE ont déboursé pour expulser les sans-papiers et 2 milliards pour renforcer les 14 000 kms de frontières (3). 

Bloquer les frontières, c’est engorger les voies d’immigration, patrouiller dans les eaux territoriales et internationales, c’est rendre les routes de l’immigration encore plus dangereuses pour ceux qui, de toute façon, quittent leurs pays en guerre. Plus on est répressif plus on aggrave la situation, il faut, au contraire, ouvrir des voies sécurisées. Plus on ferme les frontières, plus les gens prennent des risques. 3 700 morts en Méditerranée en 2015 ! Ce n’est pas suffisant ? Des voix s’élèvent mais minoritaires. Pour la première fois, à Hambourg, a eu lieu la 1ère conférence internationale citoyenne des réfugiés et migrants, les 26/28 février 2016, 1 600 participants. Cet évènement inédit, lancé par le groupe Lampedusa de Hambourg en collaboration avec les migrants de Berlin, de Hanovre et de la CISPM (coalition internationale des sans-papiers et migrants) pour organiser un réseau de réfugiés et de migrants. 

Ne cédons pas à la banalisation des renvois musclés, des situations insoutenables pour les familles. A la veille des présidentielles en France, les candidats vont rivaliser d’inventivité pour « gagner des voix », les pires sentiments de racisme vont être exacerbés. Rappelons par tous les moyens
-        que nous ne sommes pas « envahis » par les migrants
-        que les migrations font partie de notre histoire
-        que les migrants sont un apport économique réel et démographique
-        que nous devons respecter le droit international et humanitaire. 

Odile Mangeot, le 26 avril 2016

(1)   Thème traité dans nos numéros 10 (01/2015), 18(oct. 2015) et 19(déc. 2015)
(2)   Politis 14.04.2016
(3)   Le Monde Diplomatique, janvier 2016 « Haro sur Schengen »


Espace Schengen

26 Etats 420 millions d’habitants), dont :
-        22 Etats de l’UE : France, Espagne, Portugal, Belgique, Pays Bas, Luxembourg, Allemagne, Suède, Danemark, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Grèce, Italie, Slovénie, Autriche, Malte
-        4 Etats hors UE : Islande, Norvège, Liechtenstein, Suisse

Chypre, Roumanie, Bulgarie, Croatie : membres de l’UE sont candidats à l’espace Schengen

Royaume Uni et Irlande : membres de l’UE, pas dans l’espace Schengen

  





il est par terre
comme un fruit mûr que personne ne convoita
il est crasseux
comme une masure abandonnée que nul ne fréquente
il pue
comme un fauve pris au piège de sa prison

et pourtant
il rêve
il rêve il rêve à il rêve de
quoi
qu’importe
il rêve
à terre il rêve
peut-être
simplement
il se rappelle
il nous rappelle
qu’il est un homme
parce qu’il rêve

                                       que nous le voulions ou non

Pedro Vianna
Paris, 25.IV.2011
In Observations
http://poesiepourtous.free.fr/



Vers une ZADification du mouvement social ?


A propos du mouvement social né de la contestation du projet de loi El Khomri, on voudrait ci-après, s’interroger sur sa capacité à se dépasser, à l’emporter sur les manœuvres auxquelles il fait face, aux dangers de retour à la normalité qui risque de s’imposer. Par ailleurs, sans négliger ses effets sur la caste gouvernante et celle qui aspire à la remplacer, il n’est pas inutile de tenter de dresser des perspectives, d’autant que les appels à bloquer l’économie, à la convergence des luttes grévistes, pourraient bien bouleverser la donne… et modifier le paysage politique, encastré dans la bande des Trois, un parti dit socialiste profondément divisé, la droite revancharde grosse d’ambitions concurrentes, une extrême droite comme un épouvantail à l’affut.
D’entrée de jeu, un rappel des origines et des caractéristiques de ce mouvement de protestation sociale s’impose.

Loi El Khomri, le projet austéritaire de trop

Les syndicats, comme à l’accoutumée, s’apprêtaient à négocier avec le gouvernement pour lui dire, dans la cacophonie habituelle, soit que cette fois, il allait trop loin, soit que certaines mesures étaient inacceptables. Tous étaient prêts, selon des modalités différentes, à protester pour faire pression afin qu’on les entende. Et puis, il y eut cette pétition qui, en quelques semaines, recueillit 1 300 000 signatures, ces débats dans la jeunesse étudiante, cette fronde au PS et les manœuvres gouvernementales. Et la rue se mit à parler, à prendre toute la dimension de ce projet réactionnaire que l’on peut résumer, à grands traits, comme suit.

Dans le cadre de la conquête de nouveaux marchés concurrentiels, les entreprises se devaient, selon le MEDEF, d’acquérir les moyens de s’adapter et de gagner en compétitivité. Les moyens : la casse du droit du travail et la possibilité de mettre hors-jeu les conventions collectives. Au besoin, les journées de travail portant la semaine à 46 heures, voire 60 heures, par accord d’entreprise, la réduction à 10% de la rémunération majorée des heures supplémentaires, par accord d’entreprise. A cet effet, il fallait devoir user de la peur de la perte d’emploi et utiliser les syndicats minoritaires de complaisance patronale pour faire avaliser lesdits accords. La jeunesse corvéable n’était pas oubliée puisqu’il était prévu que les apprentis de moins de 18 ans, sous-payés, puissent marner jusqu’à 10 heures par jour, faut bien une limite ! et 40 heures par semaine. Tout cela, évidemment, pour préserver l’emploi, éviter les délocalisations. Il y avait d’autres joyeusetés du même tonneau, comme celle consistant à retirer aux juges prud’homaux leur pouvoir d’appréciation des préjudices subis par les salariés lors de licenciements abusifs, « sans cause réelle et sérieuse ». Les tarifs forfaitaires proposés étaient censés donner de la visibilité aux patrons violant la loi, ils sauraient d’avance ce qu’allait leur coûter leurs actes délinquants. Qui plus est, les tarifs proposés étaient tout à leur avantage.

Révélée, malgré l’habillage communicationnel du gouvernement Valls/Macron, cette maltraitance sociale était insupportable et bientôt un sondage indiquait que 70% des personnes interrogées trouvaient ce texte rétrograde et s’y opposaient.

Dès lors, tentait de s’imposer le retrait de la loi El Khomri. Et ce fut la revue des directions syndicales à Matignon, puis celle d’organisations d’étudiants, les unes en prise avec le mouvement social s’opposant au projet, les autres, tout en connivence, réécrivant à la marge ce texte réprouvé. Ainsi disparut (pour le moment ?) l’exploitation éhontée des apprentis. Quant à la contre-réforme des Prud’hommes, Berger proposa une dérobade bien acceptée par Valls : les tarifs ne seraient plus qu’indicatifs. Par ailleurs, pour calmer les jeunes, promesse fut faite d’instaurer progressivement un RSA pour les 18-25 ans. Pour le financement, on verrait peut-être après 2017. Face aux récriminations qui montaient néanmoins en puissance chez les fonctionnaires, une augmentation immédiate de 0,6 % fut décidée. Et pour ces frondeurs de gauche de plus en plus indisciplinés, l’assurance fut donnée que cette fois, l’abus de CDD toujours plus courts allait être taxé. Fureur du MEDEF et de la CGPME. Pensez-donc, la manne des 87% à d’embauches en CDD (chiffres 2015) allait se tarir ! Bref, c’était la quadrature du cercle. Impossible de satisfaire le patronat et le mouvement social. On était passé du Valls « j’irai jusqu’au bout » à celui d’entremetteur syndical et de calmant pour godillots grognons, à un « nouveau départ » qui n’était qu’un retour à la case départ. Impossible de lâcher plus car sinon c’était le cœur de la loi El Khomri de casse du droit du travail qu’il faudrait détricoter. Le gouvernement n’avait obtenu, a contrario de ce qu’il espérait, qu’un durcissement des directions syndicales CGT, FO, FSU et Solidaires. Et maintenant, il y avait cet OVNI de Nuit Debout qu’il fallait manier avec prudence. Pensez-donc ! Il ne revendique rien, il remet tout en cause !

La caste gouvernementale en voie de délégitimation... Et pourtant ?

L’impopularité du gouvernement atteint des sommets et ce, malgré toutes les tentatives d’étouffer le mouvement social. Depuis l’admonestation de Martine Aubry, les défections du camp « hollandais » se multiplient. Et les piètres tentatives pour y remédier s’avèrent contre-productives, à l’image de la diversion de Valls. Le matamore s’en est pris au danger salafiste dans les banlieues, pour mieux montrer son visage xénophobe qui se voudrait protecteur des Français. Quant à Cambadélis, le secrétaire d’un parti en déliquescence, il annonce avec un quarteron d’écolos ralliés, « la Belle Alliance Populaire » de rassemblement d’une « gauche à la ramasse ». Macron joue le centre-droit. On ne sait pas encore s’il est le rabatteur pour un hollandisme finissant ou un nouvel électron libre pour présidentielle à venir. Toujours est-il que l’homme à la multiplication des autobus sur les routes et celui du travail le dimanche pour tous est « En marche ». Les médias l’adorent même quand il engrange des soutiens financiers auprès des banquiers de la City de Londres. S’il « rougit de plaisir » lorsque là-bas, outre-Manche, le Financial Times le compare à Tony Blair, ce qui lui vaut la « bêtise », selon ses dires, des photos de son épouse sur papier glacé de la presse racoleuse de Paris Match. Toutes ces palinodies grotesques font partie du registre éculé de la communication-normalisation. Faut croire que ça ne suffit pas ! Le Foll en rajoute Eh oh la Gauche !, malade, pour rassembler le camp de son compère à l’université de médecine : là où 500 personnes s’entassent pour une thérapie de groupe car tous ont compris, même les absents, que le sol est en train de se dérober sous leurs pieds. En effet, leur président s’est bien essayé à la méthode Coué à la télé pour nous dire que « la France va mieux », eux sont au plus mal. Et Valls de tempêter : « il s’est planté, ce n’est pas glorieux » et ce Macron « est un gamin un peu fou, c’est la création d’Hollande ». Quant à la Droite, fébrile, elle foisonne de candidats prêts à prendre les places qui se libèrent. Quoique le mouvement contre l’ultralibéralisme austère qu’elle propose l’inquiète. La France n’est pas prête à la dose de cheval que suggère Fillon. Lemaire le fait savoir, lui qui monte dans les sondages et inquiète Sarko. Et pour ne rien arranger, un consortium de journalistes révèle les Panama  papers. L’oligarchie régnante, celle qui échappe à l’impôt, se réfugie dans les paradis fiscaux, fait désordre lorsque l’on demande au petit peuple de faire des efforts et d’accepter, comme une fatalité, un chômage record à 6 millions.

Trop c’est trop ! Nuit debout !

Si le Macron monte dans les sondages comme une pièce de rechange d’un système qui prend l’eau, l’accumulation des figures imposées pour redresser et protéger la France donne le tournis à en gerber. Le bonimenteur Hollande a tout essayé : l’assistant du patronat à coups de milliards, le VRP des marchands de canons en terres islamiques, le chef de guerre protecteur contre les salafistes, le videur de poche de l’extrême-droite avec la déchéance de nationalité, l’expulseur des étrangers/demandeurs d’asile et leur maltraitance, le bon élève de Merkel l’austéritaire… A contre-emploi de son électorat, et ce, malgré les encouragements de la commission européenne qui, le 2 février dernier, lui recommandait de mettre fin gaillardement aux 35 heures, de réduire le « coût » du travail et de « réformer » sans tarder l’assurance-chômage trop généreuse au goût des eurocrates.

Trop c’est trop ! Ce pavé de précarité dans la mare austéritaire ne provoque plus seulement le désaveu résigné mais aussi le rassemblement des Nuits debout. Finie la parole confisquée, rejetée la démocratie oligarchique, place à la parole publique et ce, en dehors du cadre des partis et des organisations, chacun s’exprimant en son nom propre pour former une nouvelle voix collective. Ce dialogue qui s’institue, en dehors de tout carcan, subvertit la protestation négative du défilé revendicatif en passion joyeuse, créative qui tente de préfigurer un autre monde. Ces ZAD, Zones à Débattre, s’apparentent au mouvement des Indignés mais, très vite, la question du dépassement de la sphère revendiquant le retrait de la loi El Khomri d’une part, et de la convergence des luttes d’autres part, sont posées. La fragilisation, les discordances du pouvoir en place semblent susciter le désir d’en découdre, de passer de la défensive à l’offensive, de réaliser l’unité des étudiants et des salariés. Est-ce possible ? Et pour quels objectifs à atteindre ? Quels moyens mettre en œuvre compte tenu du rapport de forces actuel ? Bloquer l’économie pour débloquer la situation ? Les salariés du privé et du public sont-ils prêts à entrer en action ? A l’heure où ces lignes sont écrites, il est encore trop tôt pour répondre à ces questions. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la multiplication d’actions, comme celles des intermittents occupant des scènes de théâtre pour s’opposer aux régressions programmées de l’assurance-chômage, montrent la voie et peuvent susciter un engouement salvateur.

En définitive, il s’agit ni plus ni moins de transformer le rejet bien réel des politiques néo-libérales en crise politique profonde qui ouvrirait de nouvelles brèches faisant apparaître d’autres manières de concevoir l’avenir. Et de reprendre à nouveau frais les débats qui hantent toujours le mouvement d’émancipation des classes dominées.

La ZADification ou le retour du normatif ?

Les ZAD font vivre la démocratie réelle et s’opposent à l’oligarchie élective instituée. Elles sapent le légitimisme de l’appareil d’Etat, tout en récusant les leaders auto-proclamés de la classe régnante. Le MEDEF vitupère et Sarko éructe contre ces Nuits debout en insultant les « petites cervelles qui veulent nous donner des leçons de démocratie ». Les directions syndicales semblent également avoir du mal à sortir du cadre de leurs routines revendicatives parcellisées, FO refusant la proposition de terminer la manifestation du 28 avril, place de la République. Ce refus de débattre avec ceux qui ne sont pas encadrés, encartés, en dit long. Le spectre de mai 68 hante les cerveaux de ceux qui n‘entendent pas bouleverser l’ordre existant.

Pas d’illusion pour autant, car, a contrario, des îlots de démocratie directe subissant la force de frappe de la médiacratie, tout comme les îlots d’autogestion noyés dans le marché de concurrence capitaliste, bien qu’ils soient des lieux de résistances, sont compatibles avec la domination de l’idéologie dominante avec la suprématie du CAC40 et des bancocrates.

La question du débouché politique du mouvement est donc à poser d’ores et déjà. Deux dangers le guettent : le démocratisme sans organisation, sans capacité de décision d’actions d’une part, et, d’autre part, des actions aventuristes qui ne tiendraient pas compte du rapport de forces. Faire mûrir la mobilisation, se fixer des objectifs atteignables, mettant à genoux le pouvoir, prouverait que nous sommes debout pour une longue durée. En définitive, le problème à résoudre est celui du pouvoir et de sa nature. Destituer pour instituer de nouvelles règles, celles de la compatibilité entre l’horizontalité et la verticalité, de la base et de ses délégations contrôlées, pour préparer l’étape d’après. Dans cette optique, les perspectives se devraient d’être éclairées. De quoi avons-nous besoin pour vivre autrement ?  On ne peut investir ou faire travailler l’appareil d’Etat et la caste politicienne au bénéfice de la satisfaction des besoins des classes populaires. Les hauteurs de l’Etat, de la police, de la justice, des administrations, sont accaparées par les tenants du système, de même pour la finance et pour les grandes entreprises. Reste la perspective d’une véritable rupture, celle qui modifie, brise l’appareil d’Etat existant, socialise les banques et les secteurs industriels et commerciaux stratégiques. Cette lucidité suppose de se préparer à une lutte prolongée qui, dans la conjoncture présente, devrait faire naître des organisations, des coordinations, des convergences démocratiques oeuvrant à l’unité populaire la plus large, afin de miner l’ordre existant. Souffler sur les braises du mécontentement et de l’insoumission n’a de sens que si le feu est entretenu avec les flammes qui éclairent la nécessité de changer les rapports sociaux de production. Nous n’avons nul besoin de la « démocratie » actionnariale, c’est aux travailleurs et non aux rentiers du capital de dire ce qu’il faut produire, comment produire (conditions de travail) et pour qui produire ? Autrement dit, c’est d’une République sociale et démocratie dont nous avons besoin.

Dans l’attente de la construction d’un mouvement d’ampleur, pour y parvenir, il va falloir composer, quoiqu’il arrive, avec une période critique de stabilisation du pouvoir en place, quels qu’en soient les tenants. Le grand cirque électoral va tenter de colmater les brèches ouvertes et ré-instituer la normalité d’un régime fragilisé. Le tigre blessé risque d’être hargneux. Quant aux médias, ils feront tout pour enterrer cette séquence. Ils s’y emploient déjà avec l’euro-foot, les jeux olympiques au Brésil, et les candidats de la bande des Trois (PS-LR-FN) satureront les ondes et les écrans.

Il n’empêche, la crise du capitalisme financiarisé, la précarisation rampante de la société, la maltraitance des migrants et la xénophobie sont toujours là. Faire vivre l’unité populaire dans ces conditions revient à produire un agenda distinct de celui des classes dominantes. Et il y a matière : contre le TAFTA, contre les expulsions, pour les 32 H sans perte de salaire, pour l’institution d’un salaire maximum, etc. Cette normalité imposée, il faut continuer à la fissurer. Reste une inconnue : jusqu’où le mouvement actuel peut-il aller ? Retrait de la loi El  Khomri, abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, démissions de Valls et Macron, boycott des élections présidentielles ? Ce qui ramène à la crise politique qu’il peut produire…

Gérard Deneux, le 26 avril 2016