Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 29 janvier 2021

 

2020 a été pour beaucoup

une sacrée salade

composée d’amertume,

d’aigreurs, de noirceurs

et accompagnée

d’un mauvais millésime

Alors , pour 2021

j’aimerais offrir

à toute ma famille, à tous mes amis

et à tout être vivant

une attention particulière avec

un joli bouquet de belles pensées

parfumées et colorées,

une farandole de

petites douceurs

moelleuses et chaleureuses,

et pour finir,

une grande thermos

remplie d’une infusion

d’idées et de créativités

à la saveur rebelle et joyeuse

 

Bises paysannes

Anne Charlotte

 

Leur monde craque

(éditorial de PES n° 69)


On a toutes les raisons d’être pessimistes vis-à-vis de la conjonction de crises qui s’annoncent en 2021. Au-delà de la gestion catastrophique du Covid 19, on en oublie la mise en cause de l’écosystème planétaire. Pourtant, l’on sait que la déforestation, le saccage des habitats sauvages, sont la source d’apparition de nouveaux virus mais la course folle à l’exploitation de la planète continue. Le dérèglement climatique entraîne la fonte des glaces, le réchauffement des mers et la multiplication de cyclones, d’inondations, notamment dans les deltas. Les climatologues ne sont pas entendus ; ils annoncent, pourtant, que le seuil d’irréversibilité se situerait entre 2025 et 2050. Nous sommes loin en effet, par les politiques mises en œuvre, de pouvoir maintenir le réchauffement à + 1.5 ° par rapport à l’ère du début de l’industrialisation. Ces catastrophes climatiques pourraient entraîner des guerres dites ethniques, du fait même de la croissance démographique dans les pays du Sud, le partage des terres entre nomades et sédentaires risque d’aviver les tensions et leur instrumentalisation. On assisterait, ainsi, à des ethnocides et à des écocides. Il suffit de penser aux dizaines de milliers d’exilés, en particulier les Rohingyas. Les pouvoirs chercheront à culpabiliser les populations pour éviter qu’on mette en cause ce que certains appellent le capitalocène : ce ne sont pas les humains qui sont responsables, c’est la logique du système capitaliste productiviste.

 

On en arrive, en effet, à des déclarations qui laissent pantois. Un économiste libéral étatsunien déclare cyniquement que le système capitaliste aurait seulement besoin de 20 % de la population. Les 80 % restants, ceux qui ne comptent pas, pourraient être gérés au minimum, par la production de gadgets au Nord, la misère au Sud et la répression pour tous. Telle est la logique de la perpétuation de la mondialisation financière.

 

Si l’on réfléchit un tant soit peu aux relations géopolitiques, l’on ne peut que constater l’accentuation de la concurrence entre les USA et la Chine. Cette guerre économique et commerciale implique, pour l’impérialisme américain, la construction médiatique d’un ennemi, le nouveau « péril jaune » et la montée des replis identitaires ; le nationalisme chauvin a de belles heures devant lui. Le basculement du monde qui est en train de s’opérer en faveur de l’Asie inaugure la course sans fin à la mainmise sur les matières premières, en particulier les terres rares et le pétrole dans les zones jusqu’ici épargnées (Alaska, Arctique).

 

L’élection de Jo Biden aux Etats-Unis ne changera pas grand-chose à cette réalité. Certes, l’impérialisme US reste la première puissance militaire mondiale ; elle a de gros bras mais une assise sociale fragile. La fracturation de cette société inégalitaire tend à prouver, en effet, que ce colosse aux pieds d’argile est désormais un tigre blessé qui pourrait être d’autant plus agressif.

 

Quant à la Chine, elle va continuer sa conquête de parts de marchés et inaugure ainsi un nouveau colonialisme soft. Nous savons par ailleurs les contradictions et les ambitions d’un certain nombre de pays, que ce soit la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord qui, pour protéger leurs intérêts, brandissent la bombe atomique, autrement dit, l’équilibre de la terreur. Il se pourrait que l’administration américaine s’attaque à un adversaire à sa portée, à savoir l’Union Européenne, pour accélérer son démembrement ; le jeu d’influences entre les USA, la Chine et l’Allemagne s’exacerbe déjà. La Chine investit dans certains pays de l’Est de l’Europe au grand dam de l’Allemagne. Celle-ci, pour tenter de contenir la pénétration de la Chine, vient de signer un accord unilatéral avec elle – sans l’UE. Les USA, pour leur part, veulent assujettir l’Allemagne afin de rééquilibrer leur balance commerciale et de restreindre, par conséquent, la vente, notamment, d’automobiles allemandes sur le territoire états-unien.

 

Leur monde chaotique est insoutenable. Paul Jorion, économiste, anthropologue, l’un des premiers à avoir annoncé la crise financière de 2007-2008, nous en suggère l’ampleur : 8 personnes dans le monde, possèdent autant que la moitié de la population la plus pauvre. Un PDG étatsunien perçoit aujourd’hui, en moyenne, 450 fois le salaire moyen US, alors que le salaire d’Henri Ford, dans les années 1950, « n’était que » 10 fois supérieur. Toujours dans ce pays en déclin, 46 % de l’activité est concentrée dans la finance spéculative où la richesse et les pouvoirs atteignent des summums. Plus globalement, une étude de 2011 révélait que 140 entreprises transnationales, dont 50 sont des banques, accaparaient 50 % des richesses du monde.

 

Il est plus que temps que les peuples réalisent que la liberté invoquée est celle d’exploiter, d’opprimer, de réprimer, de manipuler. Quant à l’égalité, elle n’est que formelle, c’est le cache-sexe des inégalités grandissantes. Pour les castes dirigeantes, la fraternité c’est l’entre soi pour défendre leurs intérêts. Le dilemme posé en son temps par Rosa Luxembourg doit être présent dans tous les esprits : socialisme ou barbarie ? Leur monde craque, il s’agit de faire advenir sa transformation où l’entraide et la coopération prévaudront, avec la fin de l’exploitation capitaliste de la planète.

 

GD, le 18.01.2021

 

 

offrez à l’être humain

l’oisiveté

il en résultera

sans doute

une invention

 

Pedro Vianna

Montreuil-sous-Bois

(Commission des recours des réfugiés)

27.VI.2005

in Des jours sans gloire

http://poesiepourtous.free.fr

 

 

Le verre est vide ou est-il plein ?

 

On nous a collé à la peau la pauvreté

seul sur toi tu peux compter pour y échapper

prends conscience de ta liberté

le monde a toujours changé

il a besoin de toi pour avancer

que tu le désires ou non, c’est obligé

seuls sur nous-mêmes on peut compter

il n’est plus temps de se mettre au vert

quand notre monde penche de travers

suite à des catastrophes passagères

que l’on oublie sur l’étagère

et aujourd’hui comme hier

les politiques sont éphémères

tout change de caractère

même la nature des affaires

la nature de notre terre

de nous fleuves et de nos rivières

ils ont toujours joué avec les aspirations populaires

nous mettant en joue par des idéologues milliardaires

profitant de l’exploitation de la chair

ou par certains hommes d’affaires

travaillant au service du désordre monétaire

l’argent appelle la guerre

et vient faire sauter nos nerfs

ils sont malades de la luxure de l’éphémère

pour cela ils seraient prêts à tuer père et mère

jusqu’à enterrer tout notre univers

dans la violence meurtrière

cela commence par l’austérité

pour finir dans les tranchées

ils nous offrent la vision de la brutalité

pour finir dans l’adversité de l’obscurité

le temps n’est plus aux vers

ni d’attendre de voir ce qu’ils vont faire

c’est l’heure d’une révolution planétaire

contre ces Etats tortionnaires

nous ne sommes pas leurs compères

ne restons pas complices de ces industries de galère

ce monde n’est pas fait pour se taire

il n’y a qu’une chose que l’on puisse faire

reprendre la politique révolutionnaire

je ne travaille pas pour l’argent

mais je lutte avec force pour le Bien des gens

ni je me contrains, ni je me perds

il faut du savoir pour plaire

 

Hassen

 

EDF. Combattre Hercule


EDF-GDF (Electricité de France et Gaz de France), c’est le nom de baptême de l’entreprise publique, créée en 1946, dans le cadre de la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz, sous l’impulsion du Conseil National de la Résistance. L’énergie est considérée comme un bien public et sa gestion ne peut demeurer dans les mains de sociétés privées. Sont alors nationalisés les biens de quelque 1 300 entreprises : de production (154 sociétés), de transport (86 entreprises) et de distribution d’énergie électrique (1 150 compagnies). La loi institue un monopole de concession sur la production et sur la distribution.

A la sortie de la 2ème guerre mondiale, l’enjeu du redressement et de la modernisation industrielle du pays passe par la construction de grands ouvrages hydroélectriques et de production thermique d’électricité  à partir du charbon. Dans les années 1970, au regard du choix massif du  nucléaire civil, EDF se voit confier la construction des centrales nucléaires pour atteindre le parc de 56 réacteurs aujourd’hui.

Depuis la fin des années 1980, le balancier est reparti à l’inverse et l’on assiste, progressivement, à la privatisation des principales entreprises publiques et, par conséquent, au démantèlement du service public : EDF a une histoire rocambolesque et le coup de grâce risque de lui être donné dans les mois qui viennent si le projet européen Hercule aboutit.

Avant de détailler ce projet, nous ferons un rapide tour historique sur la transformation progressive du statut d’EDF.

 

EDF est dépecée

 

Depuis la fin des années 1980, l’UE s’attache à casser les monopoles dans le secteur des énergies de réseau, gaz et électricité. Pour y parvenir, les activités sont scindées au sein de la même entreprise publique, pour séparer ce qui est rentable de ce qui ne l’est pas. Hier, EDF assurait production, transport, distribution et fourniture de l’électricité. Aujourd’hui, l’ouverture à la concurrence saucissonne, filialise, comme cela s’est produit à France Telecom, la Poste, etc. Les directives européennes organisent des marchés intérieurs unifiés et la loi française s’adapte par petits sauts.

 

En 1999, les fournisseurs privés ont été autorisés à concurrencer EDF en proposant des contrats d’approvisionnement aux entreprises, puis, en 2007, aux particuliers. Puis, en 2000, naît RTE Réseau de transport d’électricité - chargée de l’entretien du réseau haute tension, puis ENEDIS (ex-ERDF) pour gérer le réseau moyenne et basse tension. Filiales d’EDF, elles sont des sociétés anonymes à capitaux publics, à 50.1 % pour RTE et 100 % pour ENEDIS. Pour veiller au « bon fonctionnement du marché », et… surveiller EDF qui pourrait être tentée d’utiliser son rôle de transporteur (via ses réseaux) et fausser la concurrence, est mise en place la Commission de Régulation de l’énergie (CRE). En 2003, EDF et GDF séparent définitivement leurs activités.

 

En 2004, EDF franchit une autre étape et devient Société anonyme à capitaux publics, dans laquelle l’Etat détient plus de 83 % des actions. Aujourd’hui, ses activités de production et de vente sont ouvertes à la concurrence, le transport et la distribution relèvent de filiales, hors du champ de la concurrence. Depuis 2007, une quinzaine de fournisseurs, dont EDF, comme Total direct Energie, Butagaz, Eni, Engie, CDiscount, Leclerc Energie…) revendent l’électricité à leurs clients.

 

Introduite en Bourse en 2005, la voilà prête à affronter ses concurrents sur le marché de la distribution, précisant que ces fournisseurs potentiels ne sont pas tenus de produire l’électricité et peuvent l’acheter sur le marché de gros, aux producteurs européens (dont EDF, qui produit 85 % de l’électricité en France), ou en Bourse. La première Bourse française d’électricité – Powernext -  ouvre en 2001 à l’initiative de banques (Société Générale, BNP Paribas), d’énergéticiens (EDF, TotalFinaElf, Electrabel) et de la place boursière Euronext. Elle fusionne en 2008 avec son homologue allemand et crée la Bourse Européenne de l’électricité, Epex-Spot. Messieurs les investisseurs, faites vos jeux et gagnez de l’argent sur ce nouveau marché !  

 

Mais la privatisation n’est pas totale. Subsistent deux tarifs : une offre réglementée (le tarif bleu) et les tarifs « de marché » pour l’électricité vendue par les fournisseurs privés. Une branche d’EDF va être « contrainte » de prendre sa place dans le segment concurrentiel ! C’est la voie « légale » choisie pour démanteler le service public, au nom de la satanée « concurrence libre et non faussée ».

 

20 ans plus tard. Les « usagers » d’EDF lui sont restés fidèles et 80 % des « clients » choisissent son tarif réglementé plutôt que celui des sociétés concurrentes. Alors, pour permettre à la « concurrence » de s’exercer « librement », le législateur va forcer la main. Suite à plainte en 2007 pour distorsion de concurrence, la Commission européenne trouve la solution. Incroyable mais vrai ! EDF est contrainte de réserver à ses concurrents privés, 1/4 de sa production nucléaire, à prix fixe, pour qu’ils puissent exister et lui faire concurrence ! C’est le mécanisme ARENH – Accès régulé à l’énergie nucléaire historique – fixant le prix du mégawatt/heure (Mwh) à 42€ (et ce jusqu’à 2025). La loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité), votée en 2010, entérine cette décision. Les sociétés privées ont le droit, mais pas l’obligation, d’acheter l’électricité à EDF… et si la Bourse leur permet d’acheter à des prix plus bas, ils choisissent le mieux-offrant. Quand les cours plongent, en 2016, par exemple, à cause de la surproduction due aux énergies renouvelables et au gaz de schiste étatsunien, les concurrents se fournissent sur le marché de gros. Le client est roi ! Encore plus rocambolesque et ubuesque : pour « veiller au bon fonctionnement du marché » ( !), la loi prévoit que si les cours de Bourse de l’électricité augmentent, les tarifs régulés devront suivre ! En 2018, suite à l’envolée des prix de l’énergie primaire et des matières premières mais aussi du fait du quota carbone, le kilowattheure a grimpé à la Bourse européenne. Aussitôt une augmentation des tarifs a été confirmée par le ministre de Rugy.  

 

En fait, ce système de dérégulation conduit à faire payer au consommateur la garantie d’un tarif réglementé, c’est-à-dire la garantie de payer plus cher le tarif bleu !!! On n’y comprend plus rien sauf qu’il s’agit de pousser les 80 % de consommateurs du service public à acheter aux concurrents sur le marché privé pour enrichir les détenteurs d’actions.

 

Cette ouverture au « libre marché » va fragiliser le « fleuron » français, jusqu’alors plus que rentable pour l’Etat, la totalité de ses coûts de production étant couverte par les factures des usagers et le supplément se transformant en dividendes. Il faut dire aussi que les dirigeants d’EDF, dans l’euphorie de la libéralisation en marche, ont investi sur toute la planète, acheté des sociétés productrices, certaines affaires seront des fiascos financiers ; ils ont investi massivement dans la construction des EPR (mais cela mériterait un autre article).

 

C’est donc le « socialiste » Jospin, qui, en 1999, sous la houlette de Strauss Kahn, a rendu effectif le « marché de l’électricité », et, par conséquent, la destruction du service public de l’électricité, même s’il reste encore des étapes à franchir. C’est que toucher à EDF est sensible, pour les salariés, les syndicats, les usagers…  et les politiciens poltrons avancent prudemment. D’autant que, après l’enthousiasme, on a vite déchanté : le prix du mégawattheure explose : entre 2001 et 2005 : + 55 %. Les industriels s’affolent et implorent le soutien de l’Etat, qui, alors, les autorise à revenir vers EDF aux tarifs régulés, moyennant une pénalité de 20 à 30 %, qui sera prise en charge par… l’Etat !!! C’est pire que ce que l’on pouvait imaginer ! Pour faire exister la concurrence, l’Etat subventionne les distributeurs ! Quand ce n’est pas le consommateur qui paie, c’est le contribuable.

 

Dans ce système, Les concurrents privés n’ont pas de dépenses de production, d’entretien et de maintenance des réseaux. Par contre, EDF ne rentre plus dans ses frais avec un prix fixe à 42€/Mwh, mais l’Etat ne protège pas EDF si les prix sont trop bas, ce serait de la distorsion de concurrence ! Le secteur privé est gagnant à tous les coups, n’hésitant pas, par ailleurs, pour trouver des clients, à pratiquer un marketing trompeur, voire malhonnête.

 

Les prix régulés existent encore et c’est bien ce qui dérange les partisans de l’ouverture totale du marché. Le projet Hercule est-il l’ultime étape pour tourner la page du service public de l’électricité ?

 

Hercule. Dernier combat ?

 

Le projet Hercule – qui fait l’objet de tractations secrètes entre la Commission Européenne et le gouvernement français – va-t-il mettre un point définitif à l’histoire rocambolesque d’EDF dans le marché européen de l’énergie ? Va-t-il être une fin sans retour du service public de l’énergie électrique ? Il est présenté par le gouvernement comme « une nouvelle régulation économique du nucléaire ». S’agit-il de protéger les activités sensibles et déficitaires du secteur nucléaire dans un pôle public pour mieux privatiser les activités rentables comme les énergies renouvelables ? Cela est, sans nul doute, l’objectif.

 

Le projet Hercule coupe EDF en trois morceaux. D’un côté, la production nucléaire et le thermique à flammes (centrales au gaz, au charbon, turbines à combustion) regroupés dans une entité « Bleu », détenue à 100 % par l’Etat. Ensuite, une société « Vert » dans laquelle on trouve Enedis, EDF Renouvelables, Dalkia (filiale EDF), EDF en Outre-mer et en Corse, certaines activités internationales, et la direction commerciale ( 8 500 salariés gérant la facturation et les contrats). Cette deuxième entité des énergies renouvelables pourrait être ouverte à la privatisation jusqu’à 35 % du capital. Le troisième morceau « EDF Azur » serait une filiale prenant en charge les concessions des barrages hydroélectriques.

 

Selon un ex-responsable CGT du comité central d’entreprise, cette ouverture au capital pose problème car toutes les activités placées dans la holding « Vert », qui sera partiellement privatisée, ont toutes des revenus garantis. Enedis, par ex, chargé de la distribution et des concessions, négocie son tarif d’utilisation des réseaux publics tous les 4 ans. Dalkia qui gère les délégations de service public pour les réseaux de chaleur, chauffage urbain ou géothermie, a un revenu garanti en contractualisant avec les collectivités. EDF Renouvelable qui exploite les parcs photovoltaïques ou éoliens, est engagée par contrat avec l’Etat, les prix sont garantis pendant 15 ans pour l’éolien, 20 ans pour le photovoltaïque. Ils ont donc une grande visibilité de gestion sur les marchés financiers.  C’est tout l’inverse côté « Bleu », le nucléaire ne bénéficie pas de revenu garanti, il est soumis aux fluctuations du marché de gros et de l’évolution de la Bourse. Alors même qu’il nécessite de gros investissements initiaux, il ne connaît pas les prix de vente de l’année suivante.

 

Pour EDF, il y a urgence à mettre fin au mécanisme ARENH car il grève ses recettes et l’empêche de financer son projet industriel et la maintenance du parc de production. La Commission européenne veut accentuer la concurrence dans la commercialisation de l’électricité. Le gouvernement français veut satisfaire EDF (en augmentant l’ARENH) et en même temps satisfaire les concurrents d’EDF. Face à ces intérêts contradictoires, Hercule propose d’augmenter l’ARENH à 45/50€…  à condition qu’EDF mette à disposition de la concurrence, non plus 25% de sa production nucléaire historique, mais 100 %. Ainsi, EDF ne pourra plus réserver une part à ses propres clients ou au marché de gros. EDF Vert va devoir acheter l’électricité produite par EDF Bleu et saucissonner à nouveau des activités, comme la direction commerciale (8 500 salariés inquiets pour leur emploi). Cette option pérenniserait  l’avantage exorbitant consenti aux concurrents privés d’EDF (avantage conçu, à l’origine, comme provisoire, pour laisser le temps aux concurrents de créer leurs sites de production). Par cette nouvelle contorsion, les concurrents d’EDF seraient garantis de l’accès aux fruits de celle-ci, sans condition et de manière définitive, alors qu’ils n’ont pas investi un centime dans la construction des centrales et des réseaux.

 

Hercule s’intéresse aussi aux barrages hydroélectriques. Depuis une dizaine d’années, Bruxelles guette la fin des concessions pour les « ouvrir à la concurrence ». Belle aubaine ! Elles sont amorties et ne peuvent que rapporter de l’argent à qui emportera l’appel d’offres. 85 % des centrales hydroélectriques sont exploitées par EDF, les 15 % restants par Engie et la Compagnie  nationale du Rhône. Le « droit de préférence » accordant priorité au concessionnaire sortant dans le renouvellement d’une concession a été aboli par Hollande, par la loi de transition énergétique de 2015, optant pour la mise en concurrence sous la forme de sociétés d’économie mixte. Depuis, les gouvernements ont traîné les pieds pour la mise en œuvre mais la Commission Européenne a mis la France en demeure à plusieurs reprises. Macron a annoncé en 2018 sa volonté d’ouvrir à la concurrence, cela concerne 150 installations d’EDF. Celle-ci devrait, en conséquence, créer une filiale, couper la branche rentable, pour la confier à une société, sous contrôle de l’Etat.

 

Restent les centrales nucléaires. Il serait question de créer un SIEG (service d’intérêt économique général), au sein duquel EDF pourrait séparer les activités, sans séparation patrimoniale…. Personne ne voudrait se lancer dans l’exploitation d’un patrimoine de centrales qui vieillit, qu’il faut entretenir,  fermer, remplacer par des EPR dont celui de Flamanville nous prouve, depuis plusieurs années, qu’il est hors de contrôle technique et financier. La puissance publique, via EDF, peut bien continuer à s’en occuper !

 

Tels sont les gros enjeux du projet Hercule contre lesquels les syndicats, certains élus et les défenseurs du service public se sont dressés. En effet, contraindre EDF - dont les financements publics par l’impôt ont permis la construction des centrales de production et des réseaux - à racheter l’électricité qu’elle produit pour la revendre, au même titre que ses concurrents, est scandaleux. De même que permettre aux sociétés privées, d’exploiter les centrales hydrauliques, construites grâce à l’impôt… C’est ce que l’on doit nommer de la spoliation de biens publics.

 

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En fait, Bleu, Vert, Azur, n’est qu’un montage dans l’intérêt des investisseurs et des banques d’affaires. En effet, ouvrir le capital de Vert à 35 % de ses activités ne relève d’aucune contrainte européenne. C’est permettre au loup d’entrer dans la bergerie. Il est bien temps, pour les députés PS, de se scandaliser et de menacer de bloquer Hercule, en appelant à un référendum d’initiative partagée (RIP) ! Néanmoins, la température monte : grèves à EDF, manifestations, alors que Macron voulait liquider ce dossier bien avant les échéances présidentielles. Le 14 janvier, assemblées générales, rassemblements, filtrages, occupations de sites, interpellations d’élus et de directions ont eu lieu dans le pays, à l’initiative de la CGT. Début des discussions à l’Assemblée en février. Prochaine grève : 19 janvier (1). Pour revenir à un service public servant l’intérêt commun, il faut déjà terrasser Hercule.

 

Odile Mangeot, le 16.01.2021

 

(1)   un petit clic sur https://www.youtube.com/watch?v=aY_NY45BMxo ça peut pas faire de mal !

 

sources : Politis, le Monde Diplomatique, bastamag, CGT Energie

Pour aller plus loin : lire « Qui veut la mort d’EDF ? » le Monde Diplomatique février 2021

 

Ferme-usine des 1000 vaches. Enfin la victoire !

 

Dix années de lutte de l’association Novissen (Nos villages se soucient de leur environnement), de la Confédération paysanne et de tous ceux qui n’ont cessé, depuis 2011, de dénoncer l’illégalité de ce projet dans la Somme, autorisé à 500 vaches au lieu des plus de 800 exploitées. La Cour d’appel administrative de Douai avait imposé, en 2019, le retour à 500 vaches. 2 ans plus tard, la ferme-usine décide de ne plus produire de lait à partir de ce 1er janvier, faute de rentabilité avec un cheptel en dessous de 1 000 vaches. La Confédération paysanne salue une « victoire majeure » contre « un symbole de l’industrialisation de l’agriculture ». Novissen espère que cette victoire va « donner courage à toutes les luttes en cours pour une véritable transition agricole, pour un élevage respectueux des animaux, de l’environnement, des éleveurs et des consommateurs. bastamag.net 

 

Covid. Déroute macronienne

 

Contre le Covid 19, Macron s’est déclaré chef de guerre. On s’aperçut très vite que les troupes partaient en campagne sans armes, les masques, les tests manquaient et lui, de déclarer que ces protections ne servaient à rien. Puis, il se ravisa. Le pot aux roses de la pénurie étant apparue en pleine lumière, il demanda aux petites mains de tricoter des masques, en serrant bien les mailles pour que le méchant covid ne passe pas. Cela ne suffit point : tous aux abris, confinement, sur ordre de l’état- major, réuni en Conseil de défense. Rien ne devait bruiter car on devait se méfier de la 5ème colonne, cette population qui ne croyait plus en Macron. Lorsque le vaccin parvint, on apprit qu’on manquait d’aiguilles et de seringues, bref… on avait l’obus mais pas le canon. Après le 1er confinement, on eut droit au couvre-feu et à la distanciation d’un mètre, il fallait éviter l’ennemi. Comme il se rapprochait dangereusement, on fut reconfiné. Toutes ces aberrations calamiteuses montraient l’incompétence du petit caporal de l’Union Européenne malgré tous les efforts pour rassurer la troupe des Français. On fit dès lors appel à deux cabinets-conseils dont MacKinsley. A croire que les crânes d’œufs sortis de l’ENA ne sont que des coquilles vides. Cette opération marketing s’avéra d’un coût exorbitant que l’on cacha soigneusement à la troupe.

 

Enfin vint le vaccin de la société Pfizer. On apprit quelque temps plus tard que c’était l’UE qui avait décidé de retenir cette société et de signer avec elle un contrat pour l’ensemble des pays européens. Là aussi, le coût était exorbitant. Nous n’en eûmes pas connaissance, secret-défense, y compris pour les députés européens qui, semble-t-il, ne pipèrent mot. Toutefois, une fuite nous parvint par l’intermédiaire de l’Agence du Médicament, toute heureuse de déclarer qu’avec chaque dose livrée, on pouvait procéder à 6 injections au lieu de 5 dans chaque flacon. Le Big pharma Pfizer ne l’entendit point de cette oreille et décida de délivrer moins de flacons que prévus ; pour sa part, la France fut privée de 20 % des vaccins annoncés. Nous savions déjà que les entreprises capitalistes n’ont rien de caritatif mais le scandale ne s’arrêta pas là, puisque, par inadvertance, il s’avéra que pour siphonner la 6ème dose, il fallait des aiguilles spéciales dont on ne disposait pas. Enfin, cerise sur le gâteau, le contrat signé avec Pfizer autorisait le PDG et les hauts cadres de cette entreprise à vendre leurs actions lorsqu’elles auraient prospéré suite à la livraison des vaccins. Le PDG ne s’en priva pas et empocha 5 millions d’euros pour ce qui le concerne. Enfin la déroute fut complète lorsque, de surcroît, filtra l’information de pénurie de vaccins ! Vite, il fallait rassurer les Français car la cacophonie était à son comble. Olivier Véran y alla de sa petite musique rassurante : avant l’été, 10 millions seront vaccinés et  à la fin de l’été, 70 millions ! Il a dû compter les bébés à naître ! 

 

Le petit marquis de l’UE fut bien dépourvu quand le variant anglais fut venu. On proclama d’abord, comme pour nous tranquilliser, qu’il était certes plus contagieux mais moins dangereux et puis, contre toute attente, il devint plus dangereux. Quant à l’UE, elle annonçait, dès lors, l’établissement de zones rouges, la restriction de la circulation au sein des pays européens… sauf en voitures ! Et déjà on proclame la venue d’une troisième vague, un troisième confinement et l’interdiction de parler dans les lieux et transports publics… même pour protester ? Malgré tous les conseils dont il s’est entouré, Macron le nez dans le guidon des sondages, s’affole. Il n’avait à faire, hier, qu’à des « Gaulois réfractaires » ; aujourd’hui, il pense se heurter au mur de 66 millions de « procureurs »       

 

Les critiques s’amplifient, ça fâche les Français de tous bords plus qu’ils ne le sont déjà. Macron doit durer au moins jusqu’à l’été avant que le cirque électoral de la course aux présidentielles commence, pour faire diversion. Déjà des vieux chevaux de retour sont sur la ligne de départ et piaffent d’impatience. Hidalgo la bobo, Bertrand, Pécresse, Montebourg et bien sûr l’épouvantail Le Pen, tous unis pour mettre en œuvre demain les mesures d’austérité pour rembourser l’énormité de la dette.  Le vent de la colère se lèvera-t-il en septembre, après l’effet de sidération ?

 

GD, le 25.01.2021.

 

 

 

 

 

 

Nous avons lu…

Larry et moi

Comment Black Rock nous aime, nous surveille et nous détruit

 

BlackRock gère 7 500 milliards d’actifs dans le monde. Larry Fink est l’inventeur et le gestionnaire de cette « folie incontrôlable » mariant technologie totalitaire des data et toute-puissance de la finance. Sa société de gestion et de conseil BlackRock n’est pas une banque mais n’est que spéculation et conquiert le monde par l’investissement pour ses clients et le conseil. Conseiller sur l’environnement de la Commission européenne, Larry a aussi son rond de serviette à l’Elysée et a rencontré à plusieurs reprises  Macron sur les retraites par capitalisation. L’attaque contre le système des retraites est sa grande œuvre. Larry détruit l’Etat social partout et maîtrise parfaitement l’art de rendre les pauvres encore plus pauvres. L’ETF (fonds négociés en Bourse) est sa trouvaille : on n’achète plus une action individuelle mais un panier d’actions diverses regroupées sous un indice boursier. Aladdin est sa lampe merveilleuse, son intelligence artificielle qui remplace l’intelligence  humaine, sélectionnant ce qu’il faut acheter et vendre. Larry sait où va le capital sur notre globe et d’où il vient : des milliers d’analystes et 6000 ordinateurs exécutent des centaines de millions de calculs par semaine, lui permettant d’avoir en temps réel une vision des risques. « Et Larry, si personne ne vient lui casser les bonbons, sera le roi des investisseurs ». Mais Larry est un homme discret ; pour lui, l’argent n’est rien. Son moteur ? Croître et dévorer l’autre. Il est l’homme le plus informé du monde. Il est partout. BlackRock vote aux assemblées générales de 17 000 sociétés dans le monde. Hors de contrôle… Ils sont peu nombreux ceux qui sonnent l’alerte. En cas de crise systémique, si tout le monde voulait vendre ses ETF, qui paiera les pots cassés ? Pas Larry, il est gestionnaire mais ses clients. Larry est rassurant : un titre peut s’effondrer mais pas un indice reflétant un panel de valeurs phares. Pour l’heure, il est le « dieu vivant du capitalisme », le génie de la capitalisation boursière ! Lisez ce livre, lucide et d’un humour glaçant. OM.

Denis Robert, éd. Massot – octobre 2020 – 19€

 

 

Liberté pour Julian Assange

Chronique intempestive

 

Son nom s’écrie « Liberté ! », c’est un cri pour lui et pour notre liberté de savoir. Il a œuvré, au temps des illusions de l’internet libre, avant que cet instrument ne soit phagocyté par les GAFA. Emprisonné illégalement depuis des lustres, son cas est traité par les médias dominants, dans un silence assourdissant. Comme aux temps reculés de la féodalité, les Etats-Unis veulent le jeter dans un cul de basse fosse, aux oubliettes, pour ne plus entendre les révélations dont il nous a nourris pour résister aux guerres illégales. Comme lors de l’avènement de la Commune de Paris, il est à l’image de Blanqui, « l’enfermé », traité pire qu’un criminel. Encore faut-il rappeler que les nazis ont eu droit à un procès à Nuremberg, procès public avec droit à la défense, comme Eichmann. Si Julian Assange est enfermé à vie, c’est une nouvelle affaire Dreyfus, propre à notre époque liberticide qui s’annonce.

 

Mais, qui est donc Julian Assange ?

 

C’est d’abord un génie informatique, un pacifiste qui entend dénoncer les mensonges d’Etat, comme les armes de destruction massive qu’aurait possédées Saddam Hussein, ou l’opération Fer à Cheval permettant la guerre menée par l’OTAN en Yougoslavie. Mais ses révélations vont bien au-delà, elles concernent la corruption, dans laquelle nagent les gouvernements, les marchands d’armes, ainsi que les pratiques d’assassinats ciblés, y compris de journalistes.

 

Cet Australien crée le système Wikileaks, fonde une société en Islande, sur le conseil d’Eva Joly. Wikileaks est un système informatique crypté garantissant l’anonymat aux lanceurs d’alerte. Les documents produits sont vérifiés par un réseau d’une centaine de journalistes qui en examinent le contenu et expurgent tout ce qui concerne la vie intime. Julian Assange crée, par ailleurs, un partenariat avec la presse, les documents fournis sont gratuits. Dix ans plus tard, lorsqu’il sera emprisonné, les milliardaires possédant ces journaux imposent la censure à leurs rédacteurs. Julian Assange n’est plus une « bonne affaire » qui fait vendre.

 

Les motivations de Julian Assange sont claires : contre la désinformation, la manipulation, la surveillance globale, il met en lumière le fonctionnement réel des gouvernements : face au « secret-défense », pour lui, « la vérité est sacrée ». Elle est susceptible, pour lui, d’empêcher les guerres.

 

Les révélations de Julian Assange et les ripostes du gouvernement US

 

Parmi les nombreux documents fournis, les guerres illégales en Afghanistan et en Irak, sans autorisation de l’ONU, sont révélées, tout comme la collusion de Tony Blair avec le grand-frère américain. Bilan : 1,5 million de victimes afghanes et autant en Irak. A quoi il faut ajouter les assassinats ciblés de civils et de journalistes, qu’Obama et les agents israéliens ont perpétrés. Ces crimes de guerre, voire ces crimes contre l’Humanité, pointent du doigt les humiliations, les  tortures, les prisons secrètes, en dehors de Guantanamo. Ce qui va provoquer l’ire du gouvernement américain, ce sont les documents prouvant les manigances menées par Hilary Clinton pour évincer Bernie Sanders, avec l’appui de l’appareil démocrate, lors de la présidentielle l’opposant à Trump. Les accusations portées contre Julian Assange, affirmant qu’il agissait comme un agent russe, ne pourront étouffer les déclarations publiées d’Hilary Clinton, voulant porter la guerre contre l’Iran, tout en reconnaissant que l’Arabie Saoudite et le Qatar financent les terroristes en Syrie. 

 

Face à ces millions de documents publiés, on oppose souvent le cas de Bradley/Chelsea Manning qui n’aurait pas été protégé par le système Wikileaks. C’est faux. En fait, ce soldat US, avant de confier ses documents à Wikileaks, les a transmis au New York Times et au Washington Post, qui ont refusé de les publier, puis s’est confié à un hacker qui n’était autre qu’un agent de la CIA. Résultat : il a été condamné et emprisonné.

 

La riposte américaine s’est faite en deux temps : d’abord, par la nomination de 12 agents US, spécialistes en informatique, chargés de détruire le système Wikileaks. Ce fut un échec technique : inviolable ou trop long à décoder. Le second scénario s’est révélé à la fois plus cynique et plus rocambolesque. Il s’agissait, non plus de s’en prendre au système mais à son créateur, afin de casser sa notoriété et, par voie de conséquence, de décourager et intimider les lanceurs d’alerte, permettant ainsi de tarir les sources. Il s’agissait d’obtenir son extradition afin de pouvoir l’incarcérer ad vitam aeternam aux USA. L’opportunité saisie consistait en une fausse affaire de viol : un procureur suédois s’est servi des confidences de deux femmes qui s’inquiétaient de la possibilité d’avoir contracté le Sida, suite à des rapports consentis avec Julian Assange, Précisons que la législation suédoise considère que les rapports consentis non protégés sont un « viol mineur ». En fait, les deux femmes n’ont jamais porté plainte et ont refusé de signer un PV préparé. Malgré cela, un mandat d’arrêt fut délivré par le procureur. Julian Assange, sentant le piège d’une extradition, alors même qu’il était en Grande-Bretagne, refusa de se déplacer en Suède. Le procureur avait tout loisir de se déplacer à Londres pour entendre le témoignage de Julian Assange. La collusion avec la justice anglaise fut ensuite manifeste : il fut placé en liberté surveillée, assigné à résidence, toute liberté de mouvement lui fut interdite. Dans le même temps, une campagne de presse occidentale fut orchestrée, ce journaliste renommé, ce « génie » informatique fut réduit à l’état de « sale type », de « pédophile », le Guardian le traitera même « d’étron ».      

 

De l’asile politique accordé puis bafoué

 

L’étau se resserrait. Julian Assange se réfugia donc à l’ambassade d’Equateur, l’asile politique lui fut accordé par le président Correa. Invoquant sa maladie et donc, la possibilité de recourir à un couloir humanitaire, comme en avait bénéficié Pinochet, en son temps ( !),il essuya un refus catégorique. En avril 2017, eut lieu en Equateur un changement de gouvernement pro-américain. Le nouveau personnel au sein de l’ambassade eut pour consigne de lui pourrir la vie ; Un système de caméras-vidéos enregistrant ses faits et gestes 24H/24, y compris lors des visites de ses avocats, fut installé par une société fantôme, derrière laquelle se cachait la CIA ; des journalistes révélèrent que son siège à Quito était vide.

Quelque temps plus tard, il fut extirpé manu militari de l’ambassade pour être enfermé dans une prison de Haute Sécurité britannique, appelée le « petit Guantanamo », réservée aux assassins en série. Ses affaires furent confisquées et pendant 8 mois, il n’eut aucun contact avec ses avocats.

L’accusation était ténue : en se réfugiant à l’ambassade équatorienne, il s’était soustrait à la justice britannique.         

 

 Arsenal juridique US et soutiens à Julian Assange

 

C’est Obama qui mobilisa de nombreux juristes pour dissocier la liberté de la presse, dont avait usé nombre de journaux, dont le New York Times, d’avec la mise en cause de Julian Assange. Il n’était qu’un pirate, un hacker, un espion, un violeur. La campagne de presse contre ce « personnage » fut orchestrée par les médias, aux mains de la finance.  Ces éléments de langage diffusés pendant 10 ans jetaient la suspicion, oblitérant le droit de savoir invoqué par Julian Assange. Les juristes patentés expurgèrent une vieille loi jamais utilisée, l’Espionnage Act de 1917 qui visait les objecteurs de conscience refusant l’incorporation dans les armées. Cette loi liberticide restreint les droits de la défense et pour éviter toute démoralisation de l’armée, elle interdit aux prévenus de présenter leurs motivations.

Mais l’arme ultime reste la loi d’extraterritorialité de la justice américaine, acceptée par de nombreux gouvernements, notamment occidentaux. Selon cette loi « totalitaire », Julian Assange risque 175 ans de prison en Quartier de Haute Sécurité, assortis de mesures spéciales : pas d’accès aux médias et un seul coup de fil par mois de 15 minutes adressé à une liste restreinte de personnes, dont la famille. Il serait jugé par une cour spéciale composée uniquement de militaires et d’agents de la CIA, sans possibilité d’appel.

 

A ce stade, on peut noter les incroyables pressions exercées sur les gouvernements européens, leur subordination fut éloquente face à une équipe de 120 agents parcourant les pays européens. Mike Pompeo, le faucon belliciste de Trump, se déplaça d’ailleurs personnellement en Suisse, menaçant : « Ne vous avisez pas de donner l’asile politique à Julian Assange ». Auparavant, les mêmes pressions avaient été exercées sur la Suède, pour renouveler les enquêtes préliminaires sur les supposés viols, alors que le dossier était vide, avant, qu’enfin, l’affaire ne soit classée sans suite.

 

Julian Assange n’est pas seul. Il a le soutien des fédérations de syndicats de journalistes, y compris anglais, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Reporters sans frontières. De nombreuses pétitions appelant à sa libération ont été signées par des milliers d’avocats, de juristes, de journalistes, d’artistes, tels que Ken Loach, Oliver Stone, John Pilger… Ils dénoncent tous la torture psychologique infligée à Julian Assange et qualifient cette opération de crime contre l’Humanité. Mais ils furent tous marginalisés, voire censurés : ces voix, on ne voulait pas les entendre.   

 

Le procès

 

Pour la justice britannique, il s’agissait d’extrader « l’incriminé » et d’éviter le plus possible les manifestations de soutien. Ainsi, le procès fut déporté hors de Londres, dans un no man’s land difficile d’accès, truffé de check points. 50 ONG, dont Reporters sans Frontières et Amnesty International, furent interdites d’accès ; toutefois, une salle annexe fut installée, munie d’une vidéo qui s’avéra défectueuse (interruptions du son, puis de l’image…). C’est le 7 septembre 2020 que se tint ce procès politique bâillon, kafkaïen. Julian Assange fut présenté dans une cage de verre avec l’impossibilité de se concerter avec ses avocats.

Les accusations américaines transmises au procureur et aux avocats s’avérèrent changeantes jusqu’au dernier moment, pour déstabiliser la défense. Furent invoqués successivement le grand banditisme international puis l’espionnage, la trahison du secret-défense (alors même qu’aucun document n’avait été livré à une puissance étrangère mais au public…), mise en danger de vies humaines…   

Au cours de l’audience, 4 heures furent réservées à l’accusation, une seule heure pour la défense. Les avocats, scandalisés, eurent néanmoins une bonne surprise : le témoignage de Daniel Ellsberg, 80 ans, (ex-fonctionnaire US - 1er lanceur d’alerte, transmit au New York Times puis au Washington Post, en 1971, pour publication, les Pentagone Papers relatifs au processus de décision au cours de la guerre du Vietnam) déclara : « Ce que j’ai fait, c’est ce que Julian Assange a fait, moi avec du papier, lui avec la technologie ».

Malgré les précautions prises par le gouvernement britannique, l’affaire s’ébruita dans les médias. Magnanime !! Le tribunal refusa l’extradition pour des motifs humanitaires et remit l’intéressé dans sa prison de Haute Sécurité, où 70 % des détenus ont le Covid. Dernière nouvelle : la justice étatsunienne a décidé de faire appel.  Quant à la demande des avocats de sa mise en liberté, elle fut à nouveau refusée au motif que Julian Assange ne peut être libéré puisqu’il n’est pas condamné !   

 

Eléments de conclusion

 

Le seul « crime » de Julian Assange est d’avoir osé transgresser un tabou : révéler ce que les puissants trament dans l’ombre contre les peuples, les manigances des spéculateurs bénéficiant des paradis fiscaux, ce qui lui vaut plus de 10 ans sans voir le soleil. Il est à l’image du courageux Edward Snowden, réfugié en Russie, après avoir dénoncé la surveillance globale pratiquée par la NSA. On se souvient que, même le téléphone portable de Merkel était espionné, ce qui fit dire à Eva Joly « l’œil et l’oreille de la CIA sont partout ».

Une autre leçon peut être tirée de cette affaire : la complicité incroyable entre gouvernements, procureurs, presse. Tout doit être justifié jusqu’à l’injustifiable par des journalistes embarqués (guerre en Irak) ou par des journalistes prompteurs qui, pour se dédouaner, invoqueront leur neutralité, cette déontologie de bazar qui les rend complices.

A l’heure du déclin relatif de l’impérialisme US, les nouvelles technologies et l’extraterritorialité de la justice américaine, s’appuyant sur la suprématie du dollar, tentent d’asphyxier les gouvernements récalcitrants à l’aide de sanctions pharaoniques et d’embargos unilatéraux (Cuba, Venezuela, Iran…).

Comme le déclare Viktor Dedaj (avocat) : « la justice états-unienne est un instrument de pouvoir pas de justice, tout est affaire de négoce » et de chantages.

La restriction des libertés et du droit de savoir a bien des adeptes en France avec la loi « Sécurité globale ». Quant à la presse dominante, bien docile, elle se contente d’être un commentateur du prêt-à-penser.

 

Gérard Deneux, le 22 janvier 2021

 

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter les sources sur youtube : Le grand soir interview de Viktor Dedaj et le canard réfractaire

  

 

 

 

 

 

 

Grèce. Urgent

 

Yannis Youlountas nous alerte, à nouveau, sur la situation politique et sociale de la Grèce, qui ne peut nous laisser indifférents et nous interpelle sur les crises qui s’annoncent en France et ailleurs.

 

Extraits.

L’extrême-droite est loin d’avoir disparu en Grèce. Après l’emprisonnement des principaux dirigeants d’Aube Dorée, le 1er ministre Mitsotakis renforce sa présence dans son gouvernement ce qui conduit à un Etat encore plus brutal, autoritaire et raciste, notamment par

- la répression féroce contre les anarchistes et autres révolutionnaires, premières cibles

- l’évacuation violente du quartier libertaire d’Exarcheia et d’autres squats

- la suppression de l’asile universitaire et autres mesures symboliques prises à l’issue de la chute de la dictature des Colonels en 1974

- le harcèlement des initiatives solidaires autogérées

- la situation catastrophique dans les prisons

- l’interdiction aux ONG présentes dans les camps de réfugiés, à Lesbos notamment, de révéler ce qu’elles voient, la détresse des exilés, et le soutien renforcé par le 1er ministre aux gardiens des camps et aux garde-côtes en mer Egée.

- les agressions racistes contre les réfugiés

 

Ce n’est pas parce que les principaux dirigeants d’un parti fasciste ont fini par être mis en prison que le fascisme a pour autant disparu en Grèce. La Grèce passe au bleu marine.

- Makis Voridis - l’une des figures historiques du fascisme - devient ministre de l’intérieur. Militant pour le rétablissement de la dictature, surnommé « La hache » avec laquelle il agressait les étudiants gauchistes, il adhère en 2005 au LAOS, parti nationaliste grec, puis, en 2012, rejoint par opportunisme, l’aile droite de Nouvelle Démocratie. Il est le premier flic de Grèce.

- Sofia Voultepsi, députée notoirement anti-migrants, promue ministre adjointe à l’intégration des réfugiés. Pour elle, les migrants sont des « envahisseurs non armés » 

- Adonis Georgiadis - autre figure d’extrême-droite – ministre de la croissance et de l’investissement a co-écrit, en 2006, un pamphlet antisémite, faisant l’apologie d’Hitler. Il affirme que la gauche a « remis la Grèce entre les mains des musulmans et autres déchets comme ça ».

 

Le capitalisme ne nous protège pas du fascisme, il en est la forme ultime. Combattre la dérive autoritaire en Grèce sans remettre en question la société qui légitime les rapports de domination et tout le système qu’il engendre, c’est jeter des pierres dans l’eau. Le fascisme prend toujours de l’avance en temps de crise. Il est le joker du capitalisme.

 

La Grèce commence à vivre une nouvelle crise sociale et humanitaire peut-être encore plus grave que la précédente. La dette va atteindre 200 % du PIB. L’Etat double son budget militaire, achète des armes : 18 Rafales à Dassault, mais aussi frégates, hélicoptères, drones… A cause d’Erdogan ? En apparence oui, mais en réalité, ces armes vont également servir en politique intérieure, d’autant que les risques de troubles dans cette période de plus en plus sombre où la base sociale s’enfonce dans la misère, font craindre leur radicalisation, même si on semble aujourd’hui très loin d’un nouveau soulèvement en Grèce.

 

L’Etat prétend que l’économie est en bonne santé et qu’il est en train de rembourser sa dette au FMI (3.6 milliards) mais il n’a pas l’argent et il emprunte sur les marchés financiers. Par ailleurs, il fait des cadeaux aux patrons et actionnaires, en baissant les impôts qu’il compensera par une probable hausse de la TVA. Le très libéral ministre du travail, Hadjidakis veut en finir avec les ruines du droit du travail. Les étudiants les plus pauvres voient disparaître 20 000 places dans les universités en 2021 au bénéfice des écoles privées. Le budget à la santé va baisser de 17 % en 2021… La crise sanitaire est l’arbre qui cache la forêt de la crise sociale. En Grèce, 1/3 de la population vit sous le seuil de pauvreté (3.5 millions d’habitants) et la moitié des sans-abris d’Athènes survivent avec moins de 20€/mois.

 

Face à cette situation, « nous avons décidé de vous alerter, pour que celles et ceux qui peuvent contribuer, soutiennent le mouvement social qui a choisi l’autogestion et l’indépendance la plus totale dans ses actions de solidarité. Sans convoi humanitaire possible, sans film actuellement (à venir en septembre « Nous n’avons pas peur des ruines »), sans concerts de soutien il ne nous reste plus que cet appel crucial pour parvenir à réaliser les actions les plus nécessaires et urgentes en Grèce ».  Maud et Yannis.

 

Rappel des trois façons de participer (de préférence par virement ou Paypal, car ça va plus vite que par chèque) :

1 – pour effecteur un virement à ANEPOS

IBAN : FR462004 1010 1610 8545 7L03 730

BIC : PSSTFRPPTOU

Objet : « Action Solidarité Grèce » 

 

2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :

https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&source=url

 

3 – pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS

Objet : « Action Solidarité Grèce »

à  ANEPOS – Action Solidarité Grèce -  6 allée Hernando 13500 Martigues

contact : solidarite@anepos.net   tél 06.24.06.67.98     

 

 

 

Rwanda.

Pays du miracle quoiqu’il en coûte… ?

 

Un petit pays de moins de 12 millions d’habitants, situé dans l‘Est de l’Afrique, dans la région des Grands Lacs, est considéré aujourd’hui comme la Suisse, ou le Singapour de ce continent. Sa capitale est un lieu très prisé des « décideurs », à la pointe de l’innovation, le nouveau « hub » des grands congrès internationaux. Ce pays, qui connaît une croissance moyenne depuis l’année 2000 de près de 8%, accueille (accueillait) nombreux touristes qui venaient contempler les paysages, et observer les animaux sauvages, ou se recueillir au Mémorial du Génocide.

Ce pays c’est le RWANDA, sa capitale KIGALI. C’est ce même pays qui a vécu, en 1994, une tragédie meurtrière. Entre avril et juillet, près d’un million de personnes y furent systématiquement, méthodiquement, massacrées en raison de leurs classes sociales (les Tutsis), en raison de leurs actes (les Hutus modérés qui ont tenté de leur venir en aide). Près d’un million de morts sur une population d’environ 8 millions !

Le Rwanda, pays aux mille collines, d’une superficie proche de celle de la Bretagne, est essentiellement agricole. Son sol volcanique, fertile et son climat chaud et humide ont toujours favorisé cette activité. On est dans une région verdoyante loin des déserts sahéliens. Son éloignement des côtes lui a permis d’échapper à l’esclavage et d’être colonisé assez tardivement.

 

Ce sont les Allemands qui arrivent en 1894. Ils y trouvent une population homogène, vivant plutôt bien des produits de l’agriculture. Tous parlent la même langue, tous ont les mêmes croyances. Ils font partie du même groupe ethnique. Des différenciations sociales existent cependant. Les Tutsis, éleveurs (minoritaires), sont plus riches, et dirigent le pays à travers une monarchie. Les Hutus, agriculteurs, ne participent pas au pouvoir. Il n’y a pas de réelle domination des Tutsis envers les Hutus.

 

Rapidement c’est la Belgique sous mandat de la SDN (Société des Nations) qui va coloniser le pays. Pour cela les Belges vont s’appuyer sur les Tutsis et renforcer leurs pouvoirs. Ils vont surtout créer artificiellement une différence ethnique là où il n’y avait qu’une différence sociale et ils vont faire figurer sur les papiers d’identité des rwandais les termes de Tutsi ou de Hutu. Cette différence qui n’était que sociale va se transformer au fil du temps en une haine entre les deux communautés, les colonisateurs réservant par exemple l’accès aux études ou aux postes administratifs aux Tutsis. Tutsi devient alors synonyme de noble,   Hutu de roturier.

 

Dans les années 50, les Tutsis étant devenus peut-être « un peu trop » instruits, « un peu trop » émancipés commencent à parler d’indépendance. Les Belges vont alors renverser leur alliance et soutenir les Hutus, plus faciles à contrôler. En 1959 une guerre civile éclate et entraîne le départ en exil de 300 000 Tutsis. En novembre de cette même année, la majorité Hutu prend le pouvoir avec le soutien de la Belgique et de l’église catholique.

 

Le 1er juillet 1962 le pays est indépendant avec, à sa tête, un gouvernement hutu. Le 1er août les troupes belges quittent le pays. Dès lors, les Tutsis vont être systématiquement discriminés avec des pics de violences sporadiques. Par exemple en décembre 1962, des affrontements entraînent la mort de 10 000 à 20 000 Tutsis.

En 1972, les élèves et les professeurs tutsis sont expulsés des écoles ce qui entraîne une vague d’exode notamment en Ouganda où les exilés tutsis vivent avec l’espoir d’un retour et d’une revanche.

 

En 1973, Juvenal Habyarimana (hutu) prend le pouvoir. La France signe avec lui un accord militaire. En 1978, il instaure un régime de parti unique qui comptera plusieurs millions d’adhérents puisque tous les Rwandais en étaient membres d’office... ! La situation des Tutsis est bien résumée par le journaliste Gérard Prunier : « Les Tutsis n’avaient pas la vie facile car ils étaient victimes de discriminations institutionnelles. Dans la vie quotidienne la situation restait tolérable, il y avait un accord tacite : ne vous mêlez pas de politique c’est la prérogative des Hutus. Tant qu’ils respectaient ce principe on les laissait en paix. »

 

Dans les années 80 les Tutsis vont se mêler de politique. Intérieurement, en réclamant un meilleur partage du pouvoir, extérieurement, en créant le Front Patriotique Rwandais (FPR), en Ouganda sous la houlette Paul Kagamé. En 1990, le FPR multiplie les incursions militaires aux frontières du pays. Celles-ci sont bloquées par l’armée française dans le cadre de l’opération Noroît. Tout est en place pour arriver à une guerre civile ou des massacres de populations : le pouvoir Hutu, toujours soutenu par la France, de plus en plus répressif et autoritaire d’une part et d’autre part une armée extérieure Tutsi de plus en plus organisée, active et « revancharde ».

 

Il suffit d’une étincelle. Ce sera le 6 avril 1994 quand l’avion du Président J. Habyarimana est abattu par un tir de roquettes entrainant sa mort. On ne sait toujours pas qui a tiré. Mais les Hutus extrémistes ont tout naturellement désigné les Tutsis comme responsables. Ils vont se venger en massacrant les Tutsis et également les Hutus modérés qui tentaient de les protéger. L’armée française et les casques bleus présents ne s’interposeront pas. L’ONU retire ses troupes. La France évacue ses ressortissants puis observe, alors que le pays est le théâtre de massacres généralisés. Presqu’1 million de personnes vont être tuées sous les yeux des soldats français. Ces massacres étaient orchestrés, encouragés, organisés par le gouvernement rwandais avec le soutien de l’Eglise catholique. Le 23 juin, la France mandatée par l’ONU lance l’opération Turquoise. Celle-ci consiste à créer une zone humanitaire dans le sud-ouest du pays, censée protéger les rescapés Tutsis mais va également, et surtout, permettre aux génocidaires Hutus de fuir le pays face à l’avancée du FPR. Celui-ci prend le pouvoir à Kigali le 4 juillet. 2 millions de réfugiés fuient au Zaïre, l’actuelle République Démocratique du Congo. Le Rwanda est dévasté, presque 1 million de morts, 2 millions d’exilés sur une population de moins de 8 millions d’habitants. La reconnaissance par l’ONU du crime de génocide donnera lieu en novembre 1994 à la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda qui siègera en Tanzanie. Pierre Hazan, spécialiste de la justice internationale et de l’action humanitaire, résume l’action du TPIR en ces termes : « c’est le plus grand fiasco de la justice internationale ». Les accusés sont beaucoup mieux traités que les victimes, il y aura très peu de condamnations, et la France semble bien être devenue un havre de paix pour nombre de génocidaires. Au Rwanda, dans chaque famille, dans chaque village vont devoir cohabiter des assassins et des parents de victimes.

 

Tout laissait à penser que ces derniers allaient se venger et enclencher un nouveau cycle de violences. Pourtant cela ne s’est pas produit. Les femmes rwandaises ont pris une grande part dans cette réconciliation nationale et dans la reconstruction du pays, les morts du génocide étant majoritairement des hommes. Et puis, après avoir atteint un tel niveau d’horreurs, le besoin de revivre pacifiquement a certainement pris le pas sur le désir de vengeance. Paul Kagamé, l’homme fort du nouveau régime a pris sa part dans cette pacification puisqu’il supprimera les termes de Tutsi et Hutu sur les cartes d’identité. Il tournera le dos à la France, accusant celle-ci d’avoir été complice du génocide et rendra l’anglais, langue officielle du pays.

 

Le Rwanda connait à partir de cette époque une modernisation spectaculaire. Quelques chiffres : depuis 2000 quasiment 8% de croissance annuelle, 96 % de la population ont accès à la 4G, la capitale est entièrement reliée à la fibre optique… Le 27 février 2019, le Rwanda lance un satellite depuis la base de Kourou en Guyane française pour connecter les écoles rurales à internet, 92% de la population disposent d’une « couverture maladie publique ». A Kigali, on paie les transports en commun avec son téléphone portable, le pays dispose d’un réel réseau routier en bon état. Concernant la santé, les infrastructures, l’organisation dans les zones urbaines est proche des standards européens. C’est le seul pays au monde où les femmes sont majoritaires au Parlement : 64 %. Certes celui-ci n’a pas un rôle principal dans le fonctionnement du pays, c’est Paul Kagamé qui le dirige, mais on n’a guère de leçons à donner en matière de démocratie parlementaire !

Pour une fois que des bonnes nouvelles viennent d’Afrique, on ne va pas bouder notre plaisir… !

 

Pourtant le tableau n’est pas aussi parfait qu’il n’y paraît. La modernisation et l’amélioration des conditions de vie des habitants ne touchent pas toutes les couches de la population, la communauté paysanne Hutu par exemple est en dehors des effets du progrès. Kigali est un exemple frappant. C’est une ville moderne, propre, sûre, où les bidonvilles ont été rasés, mais les gens pauvres qui y vivaient, ont été « priés » de disparaître du paysage. Ils ont été remplacés par une classe sociale plus élevée. Un samedi par mois, les habitants de Kigali doivent nettoyer la ville. C’est un travail bénévole et obligatoire.

 

Mais surtout, cette évolution ne repose pas sur une base démocratique. Le pouvoir est entre les mains d’un homme et d’un clan et pour arriver à leurs objectifs : pas de discussion, pas de concertation, pas d’explication, Paul Kagamé décide et les Rwandais sont priés d’exécuter ! Ce dernier par un référendum de 2015 s’est autorisé à exercer le pouvoir jusqu’à 2034. Amnesty International note que « les médias sont fortement réprimés, les journalistes emprisonnés, harcelés, parfois assassinés, ou contraints à l’exil ». En 201O, les deux journaux indépendants du pays ont été suspendus de parution pour critique du régime. Le rédacteur en chef de l’un des deux a été retrouvé… tué par balles. Amnesty décrie également « un manque évident d’opposition politique, des dérives répressives du pouvoir, par exemple l’assassinat de l’opposant Jean Damascene Habarugira le 11 mai 2017. Depuis que le FPR est au pouvoir, il est difficile aux Rwandais de participer à la vie publique et de critiquer les politiques gouvernementales, certains le paient de leur vie... »

 

A écouter les autorités rwandaises ce pays est devenu un paradis sur terre. Certes, par rapport à la situation de 1994, il n’y a aucune comparaison. Beaucoup de Maliens, de Guinéens ou de Soudanais aimeraient y vivre. Mais reposant seulement sur un homme et son clan, sur une répression féroce de toutes oppositions, et pas sur une organisation démocratique du pays, c’est une situation extrêmement précaire et instable.

Ces « bonnes » nouvelles dissimulent une réalité bien plus sombre. Seule une véritable participation de l’ensemble du peuple rwandais dans un cadre réellement démocratique pourra assurer à ce pays et à sa population un avenir meilleur.

Et au Rwanda aujourd’hui, on en est encore très très loin… !

 

Jean-Louis Lamboley

le 24.01.2021

 

Encart

La France complice du génocide

« Dans ces pays-là, un génocide ce n’est pas très important ». Cette phrase du président Mitterrand, en 1994, résume le mépris et le cynisme de la politique française en Afrique. En cessant de soutenir son allié rwandais, la France risquait de perdre pied dans ce pays aux portes du Zaïre (devenu RDC) et de ses richesses minières. Elle  apporta donc son soutien au pouvoir rwandais. Les intérêts géopolitiques de la France et sa fidélité à ses alliés, fussent-ils des régimes autoritaires et criminels, furent les priorités de l’engagement français. Elles le sont toujours dans d’autres pays africains que la France considère comme son pré-carré, la Françafrique, dénoncée par l’association Survie depuis plus de 30 ans.

Agone éditions et Survie viennent de publier : « l’Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda », de Raphaël Doridant et François Graner. Ils affirment : « La complicité d’un petit groupe de décideurs français (Mitterrand et quelques militaires proches), qui ont soutenu des génocidaires en connaissance de cause, nous paraît avérée ».

Survie, la FIDH, la LDH sont partie civile dans 4 actions concernant le génocide, ont déposé des plaintes mais le secret-défense est bien gardé… Macron, qui avait promis (tout comme Hollande qui ne l’a pas fait) l’ouverture des archives, vient, en partie, de faire marche arrière. http://survie.org