Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


vendredi 26 février 2021

 

Insupportables inégalités

 

L’Etat-Providence, développé après la 2ème guerre mondiale, sur pression des luttes sociales, a consisté à instituer un système de solidarité en matière de santé, d’éducation, de culture, etc. par la reconnaissance de droits imprescriptibles tout au long de la vie : indemnités chômage, retraite, aide sociale lorsque l’on est privé d’emploi ou de ressources, en cas de maladie, maternité, chômage, âge… Solidarité pour atteindre l’égalité, via, notamment, les services publics. Les capitalistes, partisans de la réussite individuelle, de l’égalité des chances, du self made man, n’ont cessé d’attaquer ce système car il leur coûte « cher » et il créerait des « profiteurs » des minima sociaux et autres prestations. On connait les réelles régressions à l’œuvre depuis le « tournant de la rigueur » de Thatcher/Reagan/Mitterrand, en matière de services publics, notamment, que les crises donnent prétexte à réduire, grignotant régulièrement les droits sociaux, ouvrant la porte à la paupérisation et à la précarisation qui ne cessent de prospérer. Après 1 an de crise Covid, qu’en est-il de la pauvreté ? Les mesures de relance et d’urgence de Macron profitent à qui ? Y aurait-il des corona-prédateurs ? Qui paiera la dette qui s’alourdit ?

 

1 – Pauvreté et précarité progressent

 

Qui sont les pauvres ? Ceux qui n’ont pas de travail, avec ou sans indemnités, ceux qui ont un travail peu rémunéré, les travailleurs pauvres, ceux qui survivent avec le RSA et ceux qui tentent de vivre avec le Smic et tous ceux qui subissent ou vont subir « les plans dits sociaux » qui s’annoncent.

 

Fin 2018 (derniers chiffres connus Insee), 5.3 millions de personnes sont considérées pauvres, car en-dessous du seuil de pauvreté de 885€/mois. Sans les minima sociaux existants, il y en aurait 6 millions de plus. Une dizaine de prestations « amortissent » la pauvreté, dont le RSA 1.8 million de ménages (environ 3.4 millions de personnes), l’AAH 1.2 million de personnes handicapées, le minimum vieillesse 570 000, l’allocation spécifique de solidarité (chômeurs en fin de droits) 380 000 et enfin, 200 000  prestations pour invalides, demandeurs d’asile, chômeurs âgés…

Les pauvres représentent 8.3 % de la population totale et si l’on fixe le seuil de pauvreté à 1063€/mois (60 % du revenu médian), c’est 14% de la population (9.3 millions de personnes). A ce chiffre, il faut ajouter ceux qui n’apparaissent pas dans les statistiques, à savoir les sans domicile fixe (300 000 personnes), les 100 000 vivant en camping ou dans des cabanes, les 208 000 gens du voyage en campements précaires et 1.34 million d’immigrés, de personnes âgées et dépendantes en établissements et les 950 000 pauvres d’Outre-Mer.

 

Les effets de la crise Covid sont estimés par la CAF à 10 % de RSA supplémentaires en 2020. Le taux de chômage de 8.1 % soit 2.4 millions de demandeurs d’emploi en 2019 est passé à 9 % au 3ème trimestre 2020 - chiffre officiel de Pôle Emploi concernant la catégorie A et non tous les demandeurs d’emploi. La hausse, fin 2020, est évaluée 1 million.

 

On assiste depuis plusieurs années à une augmentation régulière de la pauvreté, due en partie aux petits boulots, contrats précaires, etc… et ce sont les plus pauvres qui subissent la tourmente. En 2020, suite aux confinements, les non-salariés ou salariés précaires se sont trouvés du jour au lendemain sans ressources ou presque. En très peu de temps, la pauvreté a gagné du terrain et les conséquences vont être graves sur le long terme. Cela concerne environ 20 % de la population et va s’accentuer. En effet, les faillites prévisibles ont des conséquences en chaîne, sur les fournisseurs par exemple, obligés de ralentir leur activité. Les mesurettes de Macron, pour les pauvres, ne vont pas les sortir du marasme.

 

5 400 structures bénévoles ont déjà accueilli de nouveaux publics et ont distribué l’aide alimentaire à 8 millions de personnes en septembre 2020 au lieu de 5.5 millions en 2019. Plus de 300 000 personnes sont sans logement. 1 million de personnes en plus sont sous le seuil de pauvreté.

 

Les jeunes occupant les emplois les plus précaires sont en première ligne. L’inquiétude est d’autant plus grande que leur situation s’était déjà dégradée, faisant passer de 8 à 13 % le taux de pauvreté des 18-29 ans entre 2002 et 2018. Quelles mesures pour eux ? Le maintien de la garantie-jeunes, une misère (!) 497€/mois pendant 12 à 18 mois, selon des conditions spécifiques dans le cadre d’un accompagnement vers l’emploi. Macron veut en inscrire 200 000 au lieu de 100 000. Rien pour les étudiants dont 1/3 touchent les bourses (entre 60 et 500€/mois). Pour les 963 000 jeunes (16-25 ans) ni étudiants, ni salariés ? Rien. Pas même le RSA mais le service civique (indemnisé à 473€ net/mois pendant 6 mois à 1 an) !      

 

Plus globalement, les plus vulnérables sont les moins qualifiés ; issus des milieux populaires, constate le Secours Catholique. En 2017, le taux de pauvreté des ouvriers et employés était quatre à 5 fois supérieur à celui des cadres supérieurs. La pauvreté ne frappe pas au hasard et la crise sanitaire va enfoncer un peu plus les classes populaires, notamment celles vivant dans des zones géographiques « délaissées », comme les quartiers populaires. Ces classes sociales ont vu leur taux de pauvreté remonter en 2018 suite à la baisse des allocations logement. Dans les quartiers classés « prioritaires », le chômage des jeunes est à 23.4 %, 3 fois plus important que le taux national. Ce ne sont pas les 100€ de hausse de l’allocation de rentrée scolaire ou les aides ponctuelles versées aux allocataires du RSA ou encore l’aide (de 100 à 900€) aux précaires ayant travaillé moins de 138 jours en CDD ou en intérim en 2019, qui vont modifier la donne. La lutte des classes a lieu tous les jours

 

2 – Et les riches ?

 

Ceux qui ont le pouvoir et l’argent n’ont de cesse de pointer les « fraudeurs » au RSA et aux allocs. Ils omettent de rappeler que l’Etat providence « profite » aussi aux familles aisées : retraite, remboursement SS, allocations chômage, alloc familiales… Voire même profitent plus aux plus riches.  Quand on a de l’argent, on emploie une femme de ménage, on investit dans des travaux à domicile, dans les DOM et dans immobilier locatif… et on profite largement des niches fiscales. En 2021, ce sont 86 milliards de recettes qui ont échappé à l’Etat. Le mécanisme de « quotient familial » de l’impôt sur le revenu procure un avantage qui augmente avec le niveau de vie et le nombre d’enfants = 30 milliards dont 15 milliards concentrés sur le ¼ des ménages les plus aisés. Une grande partie des services publics financés par la collectivité, bénéficient plus aux plus riches : culture, éducation… Un jeune qui quitte l’école à 16 ans aura coûté environ 100 000€ à la collectivité, l’élève en grande école 200 000€ et plus. Et quand le gouvernement supprime la taxe d’habitation, ceux qui vivent dans de luxueux appartements gagnent des milliers d’euros contre quelques dizaines pour ceux qui occupent de petits studios = manque à gagner pour la collectivité : 20 milliards/an.

 

Alors que le Smic a augmenté de 0.99 % au 1 janvier 2021 (10,25€ brut/h), soit + 15€ brut/mois ( !), alors que selon la Cour des comptes, la fraude aux allocations représenterait 3 % des dépenses (dont des erreurs, des omissions…), les hauts responsables d’entreprises continuent d’engranger des indemnités pharaoniques. Tom Enders, ancien patron d’Airbus, débarqué, a perçu 37 millions d’indemnités de départ, soit plus de 20 siècles de smic. François Pinault, président de Kering (luxe) a perçu, en 2019, 22 millions de bonus soit 1 200 ans de smic. Si des profiteurs existent dans toutes les couches de la population, les profits, eux, ne sont pas de même niveau.

 

Qui sont les riches ? Selon l’Observatoire des inégalités, on est riche au-delà de 3 470 €/mois/personne = 5.1 millions de personnes. Avec 15 000€ on est un peu plus riche et moins nombreux (63 000). Quand on perçoit 38 500€/mois, on passe dans le 0.01 % (6 300 personnes) des ultra-riches. En France, il y a 1.2 million de millionnaires et le 1 % le plus fortuné (1 914 600€) compte 290 000 personnes. En France, les riches sont très riches (même après avoir payé leurs impôts), ils le sont plus qu’ailleurs en Europe : hormis la Suisse, la France est le pays où le 1 % le plus aisé a le niveau de vie le plus élevé ! Cocorico !!!

 

Pendant que les riches s’enrichissent, plus de 750 plans dits «sociaux » sont en cours et ce n’est qu’un début ! Les chiffres font frémir de colère d’autant plus quand les entreprises du CAC 40 suppriment des emplois et distribuent des dividendes aux actionnaires.

 

 

3 - Qui sont les corona-profiteurs ?

 

Michelin va supprimer 2 300 emplois (plus de 10 % des 20 000 du groupe en France) alors que les usines tournent à plein régime et que le groupe fait 1.7 milliard de bénéfice. Il a maintenu un juteux dividende de 357 millions € pour ses actionnaires, soit 155 000€ par emploi qui doit être supprimé ! Après Danone, Total ou Sanofi, c’est un nouvel exemple d’entreprise du CAC 40 qui supprime des emplois pour soutenir sa valorisation boursière et rassurer ses actionnaires. Depuis 2013, Michelin a obtenu 65 millions € du CICE et plus de 12 millions pour le chômage partiel en 2020. Michelin aurait pu se passer d’argent public pour rémunérer ses salariés pendant le confinement en réduisant de seulement de 3% les dividendes. Mais, pourquoi s’en priverait-il puisqu’aucune contrainte ne lui est imposée, tout juste la recommandation du ministre Le Maire  « Soyez exemplaires : si vous utilisez le chômage partiel, ne versez pas de dividendes ». Michelin (2ème fabricant au monde de pneumatiques) pratique des écarts de rémunération de 1 à 100. Il a installé une filiale sur 4 dans des paradis fiscaux. Certes, il a été épinglé par l’Observatoire des multinationales comme un corona-profiteur qui suce l’argent public et supprime des emplois… mais n’en n’a que faire puisqu’aucune sanction n’est prévue.

Danone, fin 2020, annonçait 2 000 suppressions d’emploi (dont plus de 400 en France) après avoir versé 1.4 milliard€ de dividendes à ses actionnaires.

Carrefour, le 17 novembre 2020, mettait 90 000 de ses 110 000 salariés au chômage partiel payés sur fonds publics, alors qu’il a versé 183 millions € de dividendes.

Sanofi annonce début 2021 la suppression de 400 emplois dévolus à la recherche. Le groupe a touché plus d’1 milliard € d’aides publiques depuis 10 ans, via le Crédit Impôt Recherche alors qu’il a versé 4 milliards de dividendes en pleine crise. Chez Sanofi la santé c’est déjà celle des actionnaires !    

 

Bruno Le Maire : « Il va de soi que si une entreprise a son siège fiscal ou des filiales dans un paradis fiscal, je veux le dire avec beaucoup de force elle ne pourra pas bénéficier des aides de trésorerie de l’Etat ». Mensonge et supercherie ! Les groupes du CAC40 ont plus de 17 000 filiales dans le monde dont 15 %  domiciliées dans les paradis fiscaux et, pour la plupart d’entre elles ont perçu des aides. De quels paradis fiscaux parle-t-on ? En fait, il y a trois listes et celle établie par le gouvernement français ne comprend que 13 pays et juridictions où l’on ne trouve ni Luxembourg, ni Belgique ni Pays-Bas.

Alors que la fraude ou les erreurs à l’assurance chômage ne concernerait que 0.5 % de l’ensemble des allocations versées (178 millions), elle demeure 7 fois inférieure à la fraude aux prélèvements sociaux (1.35 milliard) du fait d’un employeur ou d’une entreprise. Quant à l’évasion fiscale, elle est estimée à 117.9 milliards, soit 660 fois plus ! Il n’empêche ! Macron a prévu un contrôle renforcé pour les « profiteurs », à savoir les pauvres.

 

Les aides aux entreprises, avant le Covid, représentaient déjà 150 milliards/an. Celles qui ont été décidées sont d’une ampleur inédite.

300 milliards en prêts garantis par l’Etat pour soutenir la trésorerie des entreprises, sans remboursement la 1ère année. Un plan d’urgence pour le sauvetage et la relance de certains secteurs = 110 milliards dont 7 milliards pour Air France et 5 milliards pour Renault. 100 milliards pour le plan de relance France Relance : 70 mesures pour accélérer les investissements dans les secteurs innovants et la transition écologique. 31 milliards pour payer les salariés du privé, en chômage partiel. 76 milliards pour reports ou annulation de « charges » sociales et fiscales.

 

France Relance c’est 30 milliards pour la transition écologique, 36 milliards pour la cohésion sociale et territoriale (on y trouve l’extension du service civique, la garantie jeunes, les primes à l’embauche etc…) et 34 milliards pour la compétitivité des entreprises (baisse des impôts dits de production, suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour un manque à gagner de 10 milliards/an. Réduction de moitié de la taxe foncière sur les propriétés bâties des établissements industriels et abaissement du taux de plafonnement de la contribution écologique territoriale. La plupart de ces mesures figurent déjà au budget 2021.

 

Au-delà de ces aides directes, il y a les aides indirectes pour « renforcer la trésorerie des entreprises », comme l’achat, par la BCE, des obligations émises par les multinationales. Ca leur permet de renforcer leur trésorerie par un emprunt à long terme sur les marchés financiers. La BCE a acheté via la Banque de France, des obligations de plusieurs dizaines de groupes français (dont 4 émises par Total). D’autres, comme Sanofi, Schneider Electric ou Air Liquide pratiquent de la même manière.

 

Au moins 24 entreprises du CAC 40 ont profité du chômage partiel que l’Etat a couvert, représentant, en octobre 2020, les salaires de 12.9 millions de salariés d’entreprises privées. 14 d’entre elles ont versé de généreux dividendes à leurs actionnaires. Plastic Omnium et son président (président également de l’Association française des entreprises privées – lobby qui représente les plus grandes entreprises françaises) a mis 90 % de ses salariés au chômage tout en se versant, à lui et à son entourage, 73 millions. Et d’autres entreprises dont l’Etat est actionnaire (Total, Sanofi, Schneider Electric, Michelin, Danone…) ne s’en sont pas privées !

 

En toute opacité, les multinationales du CAC 40 se permettent tout et gagnent sur tous les tableaux : chômage partiel, dividendes à leurs actionnaires et paradis fiscaux pour échapper à l’impôt. Ce n’est pas Macron, le président des ultra-riches, qui va pénaliser ces profiteurs-là, il les cajole. Qui sont les « assistés » ?

 

En conclusion, une question : qui va payer ?

 

Ces aides pour « sauver les entreprises » vont augmenter la dette publique actuellement de 2 400 milliards. Qui va financer ? Les contribuables, par l’impôt, sur le modèle de la contribution pour le remboursement de la dette sociale ? Les usagers des services publics par un nouveau tour de vis des dépenses de l’Etat ? Pas les riches puisqu’il n’est même pas question de ré-instituer l’ISF. Pas les banques puisqu’en cas de défaillance d’une entreprise, l’Etat garantit.

 

Macron, le président des ultra-riches roule pour son camp. Les plus modestes voient leur niveau de vie régresser, les pseudo-emplois accentuent la pauvreté et les classes aisées voient leurs ressources progresser. Tout ceci est gros de colères et de révoltes à venir et l’arsenal liberticide et sécuritaire, qu’il met en place ne peut que nous inquiéter. Pour l’heure, les raffineurs de Grandpuits, face au projet de casse sociale de Total, après 1 mois de grève, poursuivent le bras de fer contre le plan de 700 suppressions d’emplois directs et indirects. Les vacataires ultra-précaires de l’université qui assurent les cours comme les enseignants-chercheurs titulaires, toujours payés au Smic ou en-dessous, sont mobilisés depuis deux mois. Les participants à la convention citoyenne pour le climat, ce « machin » de Macron (dont il a ignore les conclusions), sont en colère… De nombreux mouvements en rébellion se constituent contre les violences policières, contre les lois liberticides et « séparatistes » islamophobes, et, pour certaines, font des ponts entre quartiers populaires, classe ouvrière, étudiants… Ah ! Si toutes les luttes et toutes les colères se rencontraient… pour s’unir et agir !

 

Odile Mangeot, le 18.02.2021

 

sources :

Observatoire des inégalités social, écologique et politique (organisation indépendante) www.inegalites.fr

Observatoire des multinationales, social, écologique et politique : organisation indépendante d’information et de ressources. multinatiionales.org/