Rouges de colère car les classes populaires ne doivent pas payer la crise du capitalisme.



Verts de rage contre le productivisme qui détruit l’Homme et la planète.



Noirs d’espoir pour une société de justice sociale et d’égalité


jeudi 12 septembre 2013

Retraites. Nous avons détesté le cru 2010, nous allons détester le cru 2013 !

Après l’avoir miré, humé et lampé, voici notre appréciation du cru 2013 : sans limpidité, sans brillance, arôme désagréable voire médiocre, saveur acide ! Comparé au cru 2010 «Sarkozy/Fillon», y’a que l’étiquette qui change «Hollande/Ayrault !».

Nous ne fumes pas dupes en 2012 quand Hollande dans «Mes engagements pour la France» affirmait  «Je veux négocier une nouvelle réforme des retraites. Je ferai en sorte que tous ceux qui ont 60 ans et qui auront cotisé la totalité de leurs annuités retrouvent le droit de partir à la retraite à taux plein à cet âge-là…». Il n’était nullement question de revenir à 37.5 annuités. C’était la poursuite des régressions engagées depuis 20 ans, et plus particulièrement celles de 1993, 2003, 2007 et 2010. Au prétexte d’une «mesure juste face à cette chance formidable qu’est l’allongement de l’espérance de vie», que va-t-il se passer si nous ne réussissons pas à nous mobiliser contre ce nouveau recul ? A la vielle de la journée d’action du 10 septembre, sans vouloir être pessimiste, personne n’est dupe sur la mobilisation qui ne sera sans doute  pas à la hauteur de 2010. A cette époque, le PS manifestait avec les salariés, les ouvriers, les fonctionnaires !     

«Défendons nos retraites» appelle le Collectif retraites 2013. Est-ce suffisant ?

On le sait pour les voir se réaliser au quotidien maintenant, les processus de privatisation des services publics et de régressions sociales se mettent en œuvre sur des périodes très longues, souvent à petits pas, pour éviter des rejets par le mouvement social. Défendre nos retraites ne suffira pas à renverser l’idéologie qui décide de ces politiques régressives, nous y reviendrons.

Le petit rappel qui suit (trop rapide) brosse à grands traits 20 ans de reculs en matière de retraites (sans pouvoir évoquer les retraites complémentaires, les régimes spéciaux…). Il s’attache à alerter tous ceux qui, nés dans les années 73 et après, vont subir la «réforme» qui s’annonce et celles qui suivront, si aucun mouvement idéologique anticapitaliste d’ampleur ne se construit. 

Si les ouvriers, salariés, travailleurs des années 1950 aux années 80, ne s’inquiétaient pas de leur retraite, c’est qu’ils étaient assurés que les réformes des régimes de retraite (depuis 1945, date de création du régime de la sécurité sociale) allaient dans le sens d’une progression des droits des salariés avec l’élargissement de la protection vieillesse à toutes les catégories de la population et avec  l’augmentation des prestations et l’abaissement de l’âge légal de départ. La période des Trente Glorieuses, dite «heureuse» du fait de ses gains de productivité, de l’augmentation de la population active sous l’effet du baby-boom et de l’immigration, ne laissait pas apparaître les impasses de ce système basé sur la croissance infinie. Mais, avec les crises économiques des années 70, l’augmentation du chômage, se sont annoncées, surtout à partir des années 1990, des contre-réformes régulières au prétexte de vouloir réduire les déficits des caisses de retraite ou de la Sécurité Sociale.

 A peine la décision prise par la gauche au pouvoir, en mars 1982, de fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans, que multiples rapports alarmants sur l’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale et des caisses de retraite se sont succédé. La loi Balladur du 22 juillet 1993 décide, pour le secteur privé, d’allonger la durée de cotisation de 37.5 ans à 40 ans, de calculer progressivement la retraite sur le salaire moyen des 25 meilleures années et non plus des10 meilleures, de revaloriser la retraite annuellement en fonction de l’indice des prix à la consommation et non plus selon l’évolution générale des salaires. Puis, en 1995, Juppé prévoit de réformer les régimes de retraite des fonctionnaires et les régimes spéciaux des salariés des entreprises publiques (SNCF, RATP, EDF-GDF…) en lui appliquant les règles de calcul du secteur privé ; mal lui en prit, le mouvement social d’ampleur le fit reculer et retirer son projet. Mais en 1999 et 2000, les rapports Charpin, Teulade, Taddei remettent sur le tapis «l’avenir des systèmes de retraite». C’est Fillon en 2003 qui présente le plan de réforme, déclenchant la protestation des syndicats et des mobilisations importantes. Après la lâche signature de l’accord par la CFDT et la CGC en mi-mai, la loi du 21 août 2003 aligne progressivement le régime des fonctionnaires sur le régime général pour la durée de cotisation, introduit un système de décote et de surcote, crée des dispositifs d’épargne retraite par capitalisation (le plan d’épargne retraite populaire PERP), ouvrant ainsi un marché juteux aux assurances privées et autres fonds de pension.  En 2007, le COR (Conseil d’orientation des retraites) annonce que la réforme de 2003 n’a pas apporté les fruits escomptés : en 2008, l’allongement des cotisations est entériné à 41 annuités à partir de 2012. Cela ne suffit encore pas à redresser les comptes, Sarkozy/Fillon/Woerth en novembre 2010 décident de nouveaux reculs en matière d’âge légal de départ, d’âge de liquidation à taux plein, etc. Et, le 21 décembre 2012, la loi de financement de la sécurité sociale prévoit l’accélération de la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017 au lieu de 2018.

Le cru Hollande/Ayrault 2013

S’appuyant sur le rapport Moreau, la contre-réforme à venir est  menée pour les mêmes raisons que les précédentes. Elle est censée «rétablir durablement l’équilibre» du régime des retraites par répartition après 2020, affirme Ayrault ! Comme toutes les autres ! Bien sûr, pas question pour les Socialos au pouvoir de remettre en cause la réforme Sarkozy/Fillon de 2010 ! L’allongement de la durée de cotisation annoncée sera «la mesure la plus juste» face à «cette chance formidable qu’est l’allongement de l’espérance de la vie».  

Ce qu’Ayrault/Hollande ne nous disent pas, c’est que Barroso, le président de la Commission européenne, fin mai, a présenté des  recommandations très détaillées au sujet de la réforme nécessaire et même si Hollande, en colère, riposta avec emphase : «La commission n’a pas à dicter»  à la France ce qu’elle doit faire, il a jusqu’au 1er octobre pour communiquer à Bruxelles le détail des réformes engagées en échange du délai de deux ans, obtenu avant l’été, pour ramener le déficit du budget en deçà du seuil de 3 % du PIB en 2015. Bruxelles a martelé deux objectifs à tenir : assurer la stabilité des finances publiques et réduire le coût du travail pour éviter une nouvelle détérioration de la compétitivité des entreprises françaises et de leur capacité à créer des emplois. Le commissaire européen Olli Rehn estime que les autorités françaises doivent cesser d’alourdir les prélèvements qui ont atteint, selon lui, un «seuil fatidique» (1). Or, le gouvernement français prévoit d’augmenter les cotisations patronales. Contre l’avis de la commission, les régimes spéciaux sont épargnés par la réforme, et le gouvernement n’a pas souhaité repousser l’âge légal du départ à la retraite, ni toucher à l’indexation des retraites sur l’inflation. Il n’envisage d’allonger la durée de cotisation qu’après 2020. A peine un tiers du déficit (soit 7 milliards sur 20 milliards) serait couvert par ce projet. Non mais ! Qui est-ce qui décide en France ? Gageons que cette manifestation de souveraineté va vite s’effriter ! D’ailleurs, Moscovici, invité à l’université d’été du Medef le 29 août, rassurait Gattaz, le patron, fustigeant la réforme des retraites qui «nous est insupportable. Le ministre de l’économie affirma que «la hausse des cotisations patronales conséquentes à la réforme des retraites sera intégralement compensée par une baisse des cotisations famille dès 2014 et pour l’intégralité du mandat»… «La réforme des retraites ne pèsera pas sur le coût du travail». Et comme si cela ne suffisait pas, il a précisé que «57% de dépenses publiques, ça ne va pas. Il faut réduire le poids des dépenses publiques, il faut le faire, vite, il faut le faire fort», ce qui lui valut les applaudissements … des patrons.   

Alors, quelles sont les mesures de la contre-réforme Ayrault ?

1 - Les mesures contre les salariés.

La loi de 2010 a reculé l’âge légal d’ouverture des droits à 62 ans et l’âge du taux plein à 67 ans. Ayrault augmente la durée de cotisation nécessaire pour l’obtention de la retraite à taux plein d’un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035. Elle passerait de 41 ans et trois trimestres pour les assurés nés en 1958 (qui atteindront 62 ans en 2020) à 43 ans pour ceux nés en 1973. Cette mesure s’appliquera aux salariés et aux fonctionnaires.

Sachant que la durée du travail est de l’ordre de 35 ans en moyenne, demander une durée de cotisations de 43 ans revient à décider que très peu de salariés pourront y accéder. Par ailleurs, les employeurs ne gardent pas les salariés les plus âgés dans les entreprises, cela se vérifie par l’explosion du nombre de ruptures conventionnelles qui concerne les salariés les plus âgés (2). Dans le même temps, la productivité du travail a littéralement explosé. On produit beaucoup plus avec moins de travailleurs et dans un temps moindre. Affirmer que «le vieillissement de la société impose d’en passer par l’augmentation de la durée de cotisation» est donc un faux argument. Allonger la durée de cotisation rapportera seulement 2.7 milliards par an en 2030 et 5.6 milliards en 2040. Considérer qu’il est naturel de reculer l’âge de départ  à la retraite parce que l’espérance de vie augmente est profondément inégalitaire : les ouvriers vivent non seulement moins longtemps que les cadres mais profitent aussi de moins d’années sans incapacité. Une étude parue dans «Retraite et société» en 2010 soulignait que «à 50 ans, l’espérance de vie des professions les plus qualifiées atteint 32 ans pour les hommes, soit près de 5 ans de plus que celle des ouvriers». Pour les femmes, l’écart est de 2 ans «avec une espérance de vie maximale pour les professions les plus qualifiées de 36 ans». Autrement dit, ceux qui bénéficieront des retraites les plus longues seront toujours les classes sociales les plus favorisées. En France ces inégalités sont «parmi les plus grandes en Europe»(3). Par ailleurs, une étude de l’INSEE de 2008 démontre que l’espérance de vie sans incapacité n’augmente pas. Dit autrement, et plus brutalement, en augmentant la durée des cotisations, on se rapproche de la «retraite des morts» (4). Le COR, dans un rapport publié en janvier 2013, constate que le temps effectivement passé à la retraite qui augmente rapidement pour les générations nées jusqu’en 1950, ne progresserait que très modestement pour celles nées après 1955 : environ un an de plus à la retraite gagné en 20 ans. Pour les autres, nées entre 1950 et 1955, le temps passé à la retraite baisserait carrément d’un an «car le relèvement des âges légaux de la retraite en 5 ans est plus rapide que la progression de l’espérance de vie à 60 ans»(5).

La cotisation d’assurance vieillesse due par les actifs et par les entreprises augmentera de 0.15 point en 2014, puis de 0.05 point chacune des trois années suivantes. En 2017, elle aura atteint 0.3 point et représentera un effort d’environ 4.50€ par mois (rien pour les patrons puisque ce sera compensé par des réductions sur les cotisations famille, elles-mêmes supportées, au bout du compte par les impôts des contribuables.

2 - Les mesures contre les retraités

Fiscalité des retraités
Sarkozy avait déjà pris des mesures fiscales pénalisantes : suppression progressive de la ½ part pour les veufs, veuves, ayant eu des enfants et blocage du barème de calcul de l’impôt sur le revenu. Avec Hollande, des retraités paieront plus d’impôt sur le revenu : ceux qui ont élevé 3 enfants ou plus touchent un supplément de pension de 10%... qui sera imposable dès l’année prochaine. Ces retraités paieront un total de 1.2 milliard en 2014 et 1.7 en 2040. Les retraités arrivant juste à la limite permettant de ne pas payer d’impôt sur le revenu vont subir des conséquences sur leurs impôts locaux, la suppression de l’exonération de la redevance télé, la perte de certains avantages sociaux.

Revalorisation des pensions. Depuis la désindexation des pensions sur les salaires, les retraités ont la garantie d’une revalorisation des pensions d’un montant égal à celui de l’inflation. Sarkozy a repoussé la revalorisation des pensions de 3 mois, en la passant du 1er janvier au 1er avril. Hollande fait «mieux» et la repousse de 6 mois, au 1er octobre. Cette mesure fera «gagner» 100 millions pendant chacun des 6 mois (soit 600 millions en 2014) !     

3 - Les mesures en trompe-l’œil

La reconnaissance de la pénibilité. Un compte personnel de pénibilité sera créé en 2015 pour tout salarié du secteur privé exposé à des conditions de travail réduisant son espérance de vie. Il permettra de cumuler des points : chaque trimestre d’exposition donnera droit à un point ou à deux points selon les cas, qui seront utilisés pour suivre des formations pour une orientation vers un autre métier, ou financer un maintien de rémunération à temps partiel ou pour bénéficier de trimestres de retraite (10 points donnant droit à un trimestre).  La CGT conteste les modalités de cette mesure qui oppose formation professionnelle et mesures de réparation puisque les salariés auraient à choisir entre formation, temps partiel ou départ anticipé. Reconnaître la pénibilité c’est d’abord apporter la réparation. Concrètement, dans l’hypothèse d’une carrière complète avec au moins une pénibilité, le départ anticipé interviendrait à … 60 ans ! Enfin, la situation des salariés âgés, pour qui le compte pénibilité ne pourra être opérationnel, n’est pas prise en compte.

Les annonces en faveur des femmes
A compter du 1er janvier 2014, autant de trimestres que de périodes de 90 jours de congé maternité (au lieu de 60 jours) pourraient être validés. Pour les assurés exerçant à temps très partiel (essentiellement les femmes) un trimestre serait validé pour l’équivalent de 150 heures rémunérées au SMIC (au lieu de 200 heures). Ces mesures pour les femmes ne compensent pas les écarts existant entre la moyenne des annuités réalisées par les hommes (39 en 2012) et par les femmes (36.25). Pour échapper à la décote, 33% des femmes partant en retraite avaient au moins 65 ans, en 2012, contre 20% des hommes.

Et celles en faveur des jeunes
Cette réforme est particulièrement néfaste pour les jeunes.  Pour les assurés nés après 1973, la durée requise restera de 43 ans (172 trimestres). Fillon avait mis en place un principe du partage des gains d’espérance de vie, 2/3 pour le travail et 1/3 pour la retraite. En passant à 43 ans de cotisations pour la génération 1973,  Hollande crée les conditions pour que le nombre de salariés accédant au taux plein se réduise comme peau de chagrin. Rappelons que la durée moyenne validée aujourd’hui est de 151 trimestres (145 pour les femmes et 156 pour les hommes).
Quelques autres mesures bien timides : les apprentis et jeunes en alternance pourraient valider tous leurs trimestres d’apprentissage. Un tarif préférentiel de rachat jusqu’à 12 trimestres d’assurance au titre des années d’études supérieures pour les jeunes entrant dans la vie active qui sont plutôt dissuasives, tant les conditions d’accès sont chères.

Pour les «carrières heurtées», comme les périodes de chômage indemnisé, les périodes de formation professionnelle seraient assimilées à des périodes d’assurance, un trimestre serait validé pour chaque période de 50 jours de stage.

Qui va payer ? (6)

Ce sont les salariés et les retraités qui supporteront la quasi-totalité du poids de la réforme. Les entreprises, elles, seront quasiment exonérées.
Concrètement, d’ici à 2040,  les salariés (les plus jeunes) vont payer 5.6 milliards € via l’allongement à 43 annuités (de 2020 à 2035). Rappelons qu’en 2003, à l’époque de la réforme Fillon, les militants socialistes avaient estimé que la justice sociale exigeait que la durée d’activité n’aille pas au-delà de 40 ans d’activité  et qu’en 2010, ils défilaient avec les salariés en manifestant leur désaccord contre la réforme Sarkozy-Fillon-Woerth pour les mêmes raisons !

Les salariés vont apporter 3.2 milliards sous la forme de la hausse de 0.3 point des cotisations retraite, échelonnées de 2014 à 2017 et les entreprises vont apporter 3.2 milliards (auxquels s’ajoute 0.8 pour la pénibilité), aussitôt annulés par une mesure de baisse des cotisations famille promise par Ayrault. Il s’agit de prolonger le «choc de compétitivité» engagé en 2012, avec 20 milliards d’euros de crédit d’impôt offerts aux entreprises, sans la moindre contrepartie.  Ces 3.2 milliards et plus seront donc compensés dans le cadre de la réforme du financement de la protection sociale à venir, soit via la CSG soit l’impôt.   

Les retraités paieront 3.7 milliards (revalorisation retardée des pensions, fiscalisation des bonus de pension…)

Cette contre-réforme fait, encore une fois, la part belle au capital et bien peu de cas au travail, une réforme antisociale qui va accentuer encore les inégalités, mais rien d’étonnant à cela de la part d’un gouvernement «socialiste» qui accumule les renoncements et volte-face : signature du pacte budgétaire, non réforme fiscale, non-réforme bancaire, sabotage encours de la timide taxe européenne sur les transactions financières, qui fait siens les préceptes néolibéraux. Cette contre-réforme, il doit la mener «à petits pas» par souci de ne pas s’aliéner complètement les fonctionnaires ou ceux qui voteraient encore ( !) PS dans les classes moyennes. Sans doute est-ce la raison de son recul sur l’augmentation de la CSG (pour le moment) pour financer les retraites. Il est par contre totalement pris au piège par les exigences de la Commission Européenne et à ses promesses d’assurer «la crédibilité internationale de la France» et nous aurons encore à subir des reculs sociaux dans les mois à venir si nous ne réussissons pas à nous opposer et à proposer une «réforme» des retraites et plus globalement  un vrai projet social.

Quelles conditions seraient nécessaires pour une réforme sociale des retraites ?

La question des retraites n’est pas un problème de financement en soi. Elle relève du choix d’affectation des richesses produites par le peuple. Des richesses, il y en a : la richesse nationale produite par le travail double tous les 40 ans mais la fraude fiscale coûte 60 à 80 milliards, la seule rémunération des actionnaires représente 100 milliards par an, les intérêts de la dette publique auprès des marchés financiers constituent le 3ème poste de dépenses du budget (plus de 46 milliards). Les exonérations de cotisations patronales représentent plusieurs dizaines de milliards… Le déficit actuel ne doit rien au vieillissement de la population, le COR lui-même affirmait dans son rapport que l’aggravation des déficits des caisses de retraite provenait de la récession et non pas de l’évolution démographique. C’est donc bien les choix politiques favorisant le capital au détriment du travail qui sont en cause. En 2002, le sommet de Barcelone, en présence de Chirac et Jospin, adoptait le plan européen du patronat contre les retraites : 45 années de cotisations, recul de 5 ans de l’âge légal de départ, pensions réduites, développement de la capitalisation. Le rapport Moreau, présenté à Hollande, va dans ce sens, comme tous les rapports précédents pour aboutir à l’objectif ultime : abandonner la retraite par répartition et privilégier seulement la capitalisation.  

La question des retraites, comme celle de l’emploi ou des salaires, n’est pas une question technique, elle est une question fondamentale de lutte entre la classe dominante et le monde du travail sur les choix économiques essentiels et sur le partage de plus en plus inégalitaire des richesses créées par le travail. Depuis 3 décennies, les gouvernements successifs entérinent la baisse de la part salariale dans la valeur ajoutée des entreprises et tous les acquis sociaux doivent être réduits au nom de la compétitivité et de la rentabilité. Il n’y aurait pas d’autre alternative. Si ! : «l’élargissement de l’assiette des cotisations à l’autre fraction de la valeur ajoutée permettrait d’y inclure les dividendes, de toute manière versés aux actionnaires qu’ils cotisent ou non. En modifiant ainsi la répartition primaire des revenus (voie différente d’une fiscalisation), d’une part les écarts de contributions entre les entreprises employant beaucoup de main-d’œuvre et les entreprises très capitalistiques seraient atténués, d’autre part, le lamento patronal sur le «coût du travail» serait sans objet puisqu’on réduirait le coût du capital imposé à la société»(7).

De nombreuses propositions alternatives ont déjà été formulées pour engager des réformes structurelles, économiques et politiques : étendre la part du secteur non marchand, de la gratuité, définir les besoins fondamentaux et les faire financer par la collectivité, créer une alternative au marché du travail par la généralisation du salaire à vie, créer une alternative à la propriété lucrative et au crédit par la généralisation de la cotisation pour financer l’investissement et de la copropriété d’usage de tous les outils de travail (8) . Il ne faut plus attendre car le capital est en train de trouver un autre marché lucratif diminuant encore les emplois et les services, via la robotisation et toutes ses déclinaisons pour accélérer la productivité. L’annulation de la dette publique est un autre ressort à activer qui permettrait de rééquilibrer les budgets publics pour rétablir les retraites, les emplois publics ou l’investissement écologique. Ont déjà été évoqués aussi : gel des hauts salaires, fermeture de la Bourse, nationalisation des banques, remise en cause du libre-échange, contrôle des capitaux…. « Définir quelques grandes priorités, reconstruire le combat autour d’elles, cesser de tout compliquer pour mieux prouver sa propre virtuosité, c’est jouer le rôle de l’horloger. Car « une révolution Wikipédia dans laquelle chacun ajoute du contenu » ne réparera pas la montre. Ces dernières années, des actions localisées, éclatées, fébriles, ont enfanté une contestation amoureuse d’elle-même, une galaxie d’impatiences et d’impuissance, une succession de découragements.  La définition de quelques priorités mettant directement en cause le pouvoir du capital permettrait d’armer les bons sentiments, de s’attaquer au système central, de repérer les forces politiques qui y sont elles aussi disposées »… «La partie n’est pas perdue, l’utopie libérale a brûlé sa part de rêve, d’absolu, d’idéal, sans laquelle les projets de société se fanent puis périssent. Elle ne produit plus que des privilèges, des existences froides et mortes. Un retournement interviendra donc. Chacun peut le faire advenir un peu plus tôt»(9). 

Odile Mangeot, le 9 septembre 2013

(1)  Le monde du 6.09.2013
(2)  CGT « Campagne retraite »
(3)  Médiapart.fr du 4.07.2013
(4)  Déclaration de Jean-Claude Mailly – FO – médiapart.fr
(5)  Médiapart 4.07.013
(6)  UNIRS – Union nationale interprofessionnelle des retraités SOLIDAIRES
(7)  Jean-Marie Harribey – membre d’ATTAC, de la fondation Copernic et des Economistes atterrés dans Politis du 5 septembre 2013
(8)  Bernard Friot «Le salariat, c’est la classe révolutionnaire en train de se construire» L’humanité du 14 août 2013
(9)  Serge Halimi  «Afin que l’audace change de camp. Stratégie pour une reconquête» le Monde Diplomatique – septembre 2013