L’égalité, c’est bon pour la santé
Pourquoi l’égalité est meilleure pour
tous
(Edition les petits matins), cet ouvrage d’épidémiologistes anglais de renom
(dans leur pays) est à plus d’un titre instructif. Que disent après moult
recherches, notamment statistiques, Richard Wilkinson et Kate Pickett ? On
ne peut ici évoquer que leurs conclusions ; elles sont éclairantes.
La
réduction des inégalités peut générer des
améliorations sanitaires rapides. En effet, la question de la santé n’est
pas liée, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, aux dépenses
de santé. Ainsi, les Etats-Uniens dépensent 3 fois plus que les Finlandais pour
vivre… moins longtemps. L’augmentation de la richesse (PIB) ne se traduit (dans
les pays considérés comme riches) par aucun gain supplémentaire en matière
d’espérance de vie. En fait, plus les pays sont inégalitaires, plus les
difficultés apparaissent.
A l’aide de telles statistiques, les
auteurs démontrent que, dans « les sociétés
les plus inégalitaires, les gens ont 5 fois plus de risques d’être emprisonnés,
6 fois plus de risques d’être obèses et le ratio des homicides est encore plus
élevé, tout comme celui des maladies mentales ».
Avec le développement des inégalités
engendrées par le capitalisme financiarisé, on assiste à la montée de l’anxiété
sociale, des taux de dépression et donc, celle de la consommation d’anxiolytiques.
De même, l’augmentation du stress chronique suscite des troubles de la mémoire,
des perturbations du sommeil, de l’hypertension artérielle, voire au niveau
« du thymus une détérioration de la
réponse immunitaire ».
Plus généralement, la croissance des
inégalités suscite des phénomènes psycho-sociaux : la montée du
narcissisme, une estime de soi fallacieuse d’auto-valorisation défensive que traduit
un mal-être, celui de la peur du déclassement, du jugement des autres.
Autrement dit, dans les pays inégalitaires, la confiance dans les autres
s’amenuise, la défiance l’emporte. En fabriquant des dissemblables, le système
diminue la capacité d’empathie.
Contre l’idéologie dominante qui
prétend que l’inégalité, la concurrence favorisent le goût du risque et, par
conséquent, la créativité, les chercheurs à l’aide de statistiques sur les
brevets contredisent cette affirmation. La Norvège, la Suède, la Finlande, pays
les plus égalitaires, produisent plus de brevets par million d’habitants que
les Etats-Unis ou Singapour qui apparaissent en queue de liste. « La créativité, l’innovation ne sont pas
motivées par l’argent. C’est une vue fausse, un contre-sens produit par
l’époque. Les données le prouvent ».
A contrario, la modestie est victime
de l’inégalité : parmi ceux qui sont situés à l’échelon le plus élevé de la
structure sociale, le doute de soi est faible, l’arrogance et le mépris des
« sans dents » prévalent ; la véritable estime de soi, la
confiance qu’elle inspire, résident toujours, d’après les auteurs, dans la
capacité à se faire des amis sur une base égalitaire et la capacité à accepter
la critique, ce qui n’est manifestement pas le cas de ceux qui restent
persuadés de leur propre supériorité, reflet le plus souvent de leur place dans
la hiérarchie sociale.
Et Richard Wilkinson, dans une
interview, de déclarer : « Notre
regard sur les riches doit changer. Il faut en finir avec l’admiration ou la
déférence… (il faut) les considérer comme des égoïstes, des antisociaux, les
mépriser et qu’ils le sachent », et de poursuivre : « Il n’y a pas lieu de dissocier les problèmes
sanitaires des problèmes sociaux », « L’émancipation humaine, c’est d’apporter la démocratie sur les lieux de
travail ».
Ces notes de lecture peuvent-être mises
en regard de nombre de faits sociaux inacceptables, du local au global : des
conditions de travail et de sous-effectifs au CHRU de Besançon, notamment en
chirurgie cardiaque, à la rémunération annuelle (2015) de Bernard Arnault de
LVMH (17 milliards d’euros) sans compter son énorme patrimoine, ou aux
révélations des paradis fiscaux (Panama papers », etc…
Tout ça pour insister sur le rapport
de forces à créer par la convergence des luttes sociales afin
« d’éclairer » les conditions et les perspectives d’instauration d’un
régime véritablement démocratique, d’égalité des conditions réelles,
impliquant, entre autres, la mise en œuvre « d’un service public sanitaire
de proximité ».
Gérard Deneux, le 16.04.2016