Basculement du monde
Même
s’il ne s’agit pas de prophétiser le catastrophisme, force est de constater que
nous sommes désormais entrés en période régressive. L’après-68 a fermé la
séquence d’un capitalisme keynésien-fordiste et l’effondrement des pays du bloc
de l’Est n’a fait qu’accélérer la mondialisation financière avec son cortège de
sous-traitances et de délocalisations. Le néolibéralisme triomphant aura, tous
comptes faits, été de courte durée. L’explosion des crises financières, d’abord
au Sud, puis au sein même des pays centraux, en 2008, a été suivie de
politiques d’ajustements dits structurels. La domination de l’Occident en a été
durablement affectée. Dans la même période, les échecs guerriers en
Afghanistan, en Irak, en Syrie… de ladite superpuissance US ont illustré la
réalité de son relatif déclin.
Au
multilatéralisme dominateur, prôné par l’OMC, le FMI et la Banque Mondiale,
succède un unilatéralisme de plus en plus agressif. La globalisation de la
finance et des transnationales se heurte désormais aux capitalismes nationaux. Les maîtres du monde du G7 ont dû en
rabattre, face à l’émergence des pays du Sud qui ont su développer leur
économie et disposent désormais d’universités, de pôles de recherche
scientifique… La « richesse » des pays occidentaux, facteur de
domination, a régressé. Elle représentait en 1995 45% du PIB mondial, 31% en
2018 et se stabiliserait à 20% en 2050. Quant à celle des pays dits du Sud, elle
atteindrait 50 % du PIB en 2050. Ce qui
est en marche c’est donc la désoccidentalisation
du monde et son basculement.
La
séquence trouble qui s’ouvre semble marquée par la concurrence entre
capitalismes nationaux centrés sur leurs intérêts. L’ère Trump illustre ces
replis agressifs et régressifs. Le retour des droits douaniers protectionnistes,
les mesures de sanction et de rétorsion qu’ils entraînent sont en train
d’inaugurer une phase de guerre commerciale sur fond d’exploitation exacerbée
des peuples. Ces nationalismes font surgir des mégalomanes recourant, sans
complexe, à la xénophobie. Les nouveaux autocrates de Trump à Poutine,
d’Erdogan à Orban, de Duterte à Xi Jinping et tous les Assad, Netanyahou… démontrent,
s’il en est besoin, l’effondrement de la
démocratie. Tous les dérapages sont désormais probables, y compris des guerres
meurtrières (comme en Syrie, au Yémen…).
Ceux
qui fuient la guerre et la misère se heurtent aux gouvernements européens de
plus en plus inhumains. Leurs rêves de liberté se transforment le plus souvent
en cauchemar d’errance voire d’enfermement, avant l’expulsion qui leur est promise.
Partout, malgré l’indifférence du plus grand nombre, la solidarité se fraie un
difficile chemin. La radicalisation progressiste peine à s’affirmer, pendant
qu’il est encore temps, malgré les inégalités croissantes et les injustices,
euphémisées par les puissants et les médias serviles. Croyant encore qu’ils
seront préservés, trop d’individus, plus ou moins conscients, hésitent encore à
s’engager, à s’organiser.
Monte
néanmoins l’urgence humanitaire, sociale et écologique. L’accumulation des
drames, le productivisme concurrentiel et nationaliste, mettent en cause la vie
même, l’écosystème de la planète terre. Avant le possible effondrement qui se profile, l’insurrection des peuples devient une
nécessité vitale.
GD
le 25.06.2018